Le bureau national de l'ABC sera fermé du 23 décembre 2025 au 1er janvier 2026 (inclusivement), et reprendra ses activités le 2 janvier 2026.

Skip to main content

Recueillir et authentifier des éléments de preuve en ligne

21 août 2014 | James Careless

**Avertissement** : Veuillez noter que vous consultez un contenu ayant été archivé. Cette page se trouve parmi nos anciennes archives et ne fait plus l’objet d’une actualisation. Les renseignements qu’elle contient ne sont peut-être pas représentatifs des données courantes ou des plus récents développements. Nous vous remercions de votre compréhension.

Les émeutes de la Coupe Stanley à Vancouver sont l’événement de 2011 qui a sans doute apporté la preuve la plus éclatante du pouvoir des médias en ligne d’identifier des délinquants. Pourtant, il n’y avait réellement rien de neuf en la matière puisque des internautes affichent chaque jour leurs activités coupables dans Facebook, Myspace ou Twitter.

Malgré les implications légales, « des gens révèlent publiquement les preuves les plus gênantes et incriminantes de leurs actes », dit Ken Clark, associé chez Aird & Berlis à Toronto. S’émerveillant des aveux qu’offrent en toute simplicité dans Facebook des vandales, des fraudeurs à l’assurance et des demandeurs de divorce, il ajoute : « Pour les plaideurs, c’est une mine d’or. »

Cela étant dit, une photo ou vidéo de Facebook ne vous assure pas en soi de gagner votre cause. « Si vous ne pouvez pas prouver le contexte, cette preuve est légalement du ouï-dire, affirme Peter E.J. Wells, associé au sein du cabinet McMillan s.r.l., de Toronto. Vous devez démontrer ce qui est arrivé avant ou après que la preuve a été créée de façon à établir qu’elle revêt bien le sens que vous lui prêtez. »

Le problème du contexte est seulement un de ceux qui sont associés à la preuve en ligne, et il n’est même pas le plus important d’entre eux. Les deux difficultés qui compliquent véritablement la présentation de preuves en ligne sont d’abord le fait de les obtenir, puis de les authentifier en cour. « Comme la preuve en ligne est de nature numérique, elle est exposée à la manipulation – que ce soit en modifiant un blogue ou un courriel, ou en retouchant une photo ou une vidéo, dit Ken Clark. C’est pourquoi vous devez pouvoir établir la provenance de la preuve à la satisfaction générale. »

Repérer et obtenir des preuves en ligne

La preuve en ligne englobe un ensemble extrêmement vaste d’éléments. « Ce n’est pas seulement Facebook, selon Ken Clark. En réalité, une preuve en ligne est toute information accessible dans Internet ainsi que toute communication électronique en dehors du Web, comme du courriel. »

Les clients des avocats sont souvent la source de preuves en ligne. Ils peuvent intenter un recours légal précisément en réponse à des propos diffamatoires diffusés dans un site Web, des photos affichées dans Facebook d’un bénéficiaire d’assurance-invalidité pratiquant le parachutisme ou de vidéos dans YouTube où un parent gardien fait la fête et consomme des drogues. Dans d’autres cas, des entreprises ou leurs avocats peuvent chercher activement de telles preuves en ligne et agir une fois qu’ils les ont trouvées.

Copier les preuves en ligne pour démontrer leur provenance

Une fois qu’une preuve en ligne a été trouvée, il s’agit de la copier convenablement. Le simple fait d’imprimer une copie d’écran ne suffit pas en cour : les plaideurs astucieux savent que la question de la provenance ou de la « chaîne de possession » se pose à partir de la copie.

À moins que votre cabinet dispose de personnel possédant la formation voulue sur la copie de preuves en ligne, il peut être utile d’engager un spécialiste indépendant qui s’en chargera. L’entreprise Digital Evidence International Inc. (www.dei.ca) offre un tel service. Elle a été fondée par son P.D.G. Steve Rogers, qui a passé 24 ans à la GRC et y a terminé sa carrière comme dirigeant du Groupe intégré de la criminalité technologique de la Division O de la GRC.

« Nous archivons pour nos clients de grands volumes de communications en ligne, comme des forums, des bavardages IRC et des groupes de nouvelles ainsi que des pages Web, que nous versons dans notre Integrated Case Management Database (ICM), explique Steve Rogers. Tout le contenu conservé est soumis à une valeur de hachage MD5 standardisée qui peut servir à valider son intégrité. Nous avons ainsi une source inattaquable de preuves en ligne dont la provenance peut être établie en cour. »

Toute preuve issue de l’ICM qui est fournie à des clients est soit transmise par un portail Web, soit copiée par des employés autorisés de DEI, qui créent une documentation sur leur démarche. L’information copiée n’est jamais renvoyée dans l’ICM, de sorte que l’authenticité de la preuve originale ne peut pas être mise en cause.

À Washington, D.C., Global Colleague (www.globalcolleague.com) est une autre entreprise indépendante qui obtient et préserve des preuves en ligne de façon à garantir son authenticité. « Une fois que nous avons téléchargé une preuve, nous la conservons dans une “enveloppe numérique”, dit Paul Easton, un des directeurs de Global Colleague. Nous scellons le contenu en utilisant le service AbsoluteProof de l’entreprise Surety, une méthode brevetée d’horodatage cryptographique qui “scelle” numériquement les dossiers et fichiers électroniques. Les clients peuvent ainsi protéger l’intégrité de leurs dossiers électroniques originaux tout au long de la chaîne de possession – et en apporter une preuve indépendante et irréfutable. »

Trouver les auteurs

Dans le cas des émeutes de Vancouver, les délinquants eux-mêmes ont fièrement affiché la preuve de leurs méfaits dans Facebook. Leur identification en a été d’autant facilitée.

Qu’en est-il pour l’identification des auteurs de menaces ou déclarations diffamatoires anonymes en ligne? Il est possible de présenter au site Web ou au fournisseur de services Internet (FSI) qui a initialement affiché la preuve en ligne une requête visant à divulguer les noms des auteurs. « Il suffit parfois de repérer l’adresse de courriel ou l’adresse IP associée à l’affichage de la preuve, explique Ken Clark. Mais le temps est toujours un facteur important pour les preuves en ligne; donc, il peut être judicieux de lancer votre enquête immédiatement pour trouver le coupable, plutôt que d’attendre l’issue d’une demande d’interrogatoire préalable. »

Bonne nouvelle : la tâche des plaideurs est facilitée du fait que la plupart des gens considèrent qu’Internet est anonyme. En réalité il ne l’est pas du tout, grâce aux diverses traces de leur identité et adresses IP que les internautes laissent derrière eux en naviguant dans le Web. « Même quand une personne a tenté de dissimuler son identité en recourant à des comptes anonymes ou autres trucs, vous pouvez être en mesure de les retracer en utilisant des renseignements publics comme les enregistrements de noms de domaine », indique Steve Rogers.

Par contre, mauvaise nouvelle, selon Simon Borys : « Trouver l’identité apparente d’une personne qui a affiché du contenu malicieux ne suffit pas nécessairement à obtenir une condamnation. » Simon Borys est un ancien policier qui a mené des enquêtes en ligne et qui est en voie d’acquérir une formation d’avocat criminaliste à l’Université Queen’s de Kingston (Ontario). « La personne qui a rédigé le contenu peut avoir usurpé l’identité d’une autre personne, ou peut en avoir fabriqué une qui est difficile à retracer. Vous pourriez avoir à approfondir vos recherches avant de pouvoir prouver quoi que ce soit en cour. »

Entre-temps, l’effort requis pour retracer un internaute qui sait véritablement comment dissimuler son identité peut être prohibitif. « Il faut trouver le juste équilibre entre la difficulté et le coût à obtenir l’information voulue et l’enjeu de la cause, estime Peter Wells. L’effort doit être proportionnel au dédommagement que vous recherchez. »

Qu’en est-il si la preuve en ligne a été supprimée?

Dans le cas de preuves en ligne qui ont été supprimées, le site Web ou le FSI qui les affichait peut les avoir saisies dans le cadre de son archivage régulier des données. À défaut, les données peuvent éventuellement être retrouvées grâce à la « Wayback Machine » du Web.

Située à www.archive.org, la Wayback Machine est une application automatisée qui visite et enregistre des pages Web depuis 1996. Elle compte aujourd’hui plus de 150 milliards de pages. Il suffit d’inscrire le site Web voulu dans son moteur de recherche, et elle vous présente des données du site au fil du temps. (Par exemple, la Wayback Machine a visité et enregistré des pages de www.cba.org 209 fois depuis le 30 mai 1997.)

Évidemment, ce genre d’archivage conserve des propos diffamatoires aussi bien que des propos véridiques. « Une fois nous avons passé un an et demi, pour le compte d’un client, à tenter d’empêcher que du contenu diffamatoire soit accessible grâce aux moteurs de recherche, relate Peter Wells. Mais la Wayback Machine est située en Californie et lorsque nous les avons menacés d’une action en justice, ils nous ont répondu : “Allez vous promener, nous sommes aux États-Unis.” Nous avons alors informé notre client de ce qu’il en coûterait pour poursuivre la Wayback Machine – environ 1 à 2 millions de dollars – et notre client s’est étouffé. »

Conclusion : les règles normales de preuve sont d’application.

Malgré la nouveauté des preuves en ligne et les défis qu’elles présentent, les plaideurs doivent garder à l’esprit les règles normales sur la provenance et l’authentification de la preuve. Si vous la traitez rigoureusement, la preuve en ligne que vous recueillez sera aussi déterminante que vous le souhaitez. Mais si vous êtes négligent, votre preuve en ligne peut être rejetée à titre de ouï-dire contaminé et vous risquez d’aboutir à un jugement dont ni vous ni votre client ne serez heureux.