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Chasse aux pourriels : Les nouvelles règles jettent un filet trop grand selon certains

01 février 2013 | Janice and George Mucalov

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Un évènement banal : une avocate écrit à des clients potentiels pour les inviter à consulter une publication, leur donner quelques conseils, les convier à une réception organisée par le cabinet ou simplement leur souhaiter de joyeuses fêtes par le biais d’une carte de vœux virtuelle.

En vertu de la nouvelle Loi canadienne antipourriel, qui devrait entrer en vigueur cette année ou en 2014, ces communications apparemment inoffensives pourraient tomber sous la définition fédérale du pourriel si l’avocate n’obtient pas le consentement exprès de ses destinataires.

« Ce qui m’ennuie, c’est qu’un message envoyé à une seule personne puisse être considéré comme du pourriel », confie David Canton, avocat spécialisé en droit des affaires chez Harrison Pensa, à London (Ontario).

« Selon moi, la loi est fondamentalement défaillante. Le pourriel y est défini en des termes si larges qu’il englobe beaucoup plus que ce que la plupart des gens considèrent comme du pourriel », affirme Me Canton. « Ils ont, à mon avis, une conception beaucoup plus large du pourriel que la vaste majorité des Canadiens. »

La Loi vise à décourager le pourriel en réglementant les messages électroniques commerciaux non sollicités, ce qui comprend les courriels, les textos envoyés à des téléphones mobiles et les messages envoyés directement à des comptes de réseaux sociaux comme Twitter ou Facebook.

Les avocats qui ont suivi l’évolution de la Loi, laquelle a reçu la sanction royale en décembre 2010, disent que les entreprises, et notamment les cabinets d’avocats, doivent commencer à se préparer à son entrée en vigueur si elles veulent éviter d’être trouvées coupables d’infraction.

« Je recommanderais d’agir le plus tôt possible », prévient Alexandre Nicol, de chez Borden Ladner Gervais, à Montréal. « Les gens doivent comprendre que la loi ne vise pas seulement ce que nous considérons habituellement comme du pourriel, mais qu’elle vise les messages électroniques, j’oserais même dire la plupart des messages électroniques à être envoyés. »

Les cabinets d’avocats et les avocats exerçant à titre indépendant font partie des entreprises susceptibles de violer la Loi, parce qu’ils envoient souvent des messages électroniques considérés comme de la promotion commerciale.

Par exemple, les avocats envoient fréquemment des messages à des contacts avec lesquels ils n’ont pas encore fait des affaires — ce peut être un bulletin d’information, un article, une nouvelle dans un domaine juridique particulier ou tout document susceptible de les intéresser —, dans l’espoir qu’un jour ces contacts auront besoin de leurs services, explique Bernice Karn, associée chez Cassels Brock & Blackwell, à Toronto.

Me Canton cite par exemple les invitations que les avocats envoient à leurs contacts pour un évènement organisé par leur cabinet, un autre type de communication qui pourrait entrer dans la définition de « message électronique commercial », parce qu’il est considéré comme une forme de promotion de l’entreprise.

Envoyer ce genre de message sans le consentement préalable du destinataire pourrait être considéré comme du pourriel, sauf si l’expéditeur et le destinataire entretiennent déjà une relation commerciale ou personnelle ou si, dans certaines circonstances, ils ont été mis en contact par un tiers. Autre exception qui pourrait exempter les messages du statut de pourriel : la réponse à une demande de renseignement faite par courriel par le destinataire.

« Je crois que chaque entreprise, y compris les cabinets d’avocats, a beaucoup de travail devant elle. Elle devra examiner la manière dont les gens utilisent le courriel, le type de messages envoyés, ceux qui nécessitent un consentement, ceux qui n’en nécessitent pas, tout ce qui peut nécessiter un consentement, et ils vont devoir s’arranger pour obtenir tous les consentements nécessaires », prévient Me Karn.

Les avocats ne peuvent obtenir le consentement de leurs destinataires au moyen d’une option de refus (opt-out) qui les obligerait à décocher une case s’ils désirent ne pas recevoir davantage de communications. Les messages doivent en outre contenir les coordonnées de l’expéditeur et offrir un moyen simple et clair de refuser toute communication future.

Le plus récent développement — l’annonce en janvier d’un règlement d’application par Industrie Canada — donne un peu de répit aux entreprises en élargissant les exceptions prévues à la Loi.

« Ils ont ajouté un certain nombre d’exceptions », dit Me Karn. « Ils ont prévu quelques situations additionnelles pour lesquelles nous serons plus tranquilles, où la Loi ne s’appliquera pas. »

Le nouveau règlement, le deuxième à être proposé par Industrie Canada depuis le tollé provoqué dans l’industrie, clarifie certains termes et concepts clés de la Loi. Voici les dispositions qui ont allégé la pression sur les entreprises :

  • Les communications interentreprises : de nouvelles exemptions pour les messages électroniques commerciaux envoyés à l’intérieur de l’entreprise ou entre entreprises entretenant déjà une relation d’affaires, lorsque les messages sont envoyés par un employé, un représentant, un consultant ou un franchisé et que la communication est pertinente pour les activités de l’entreprise. « Je croyais que c’était implicite, mais c’est bon de savoir que c’est prévu dans la Loi », rapporte Me Canton.
  • Références d’un tiers : une nouvelle exemption qui permet aux entreprises d’envoyer des messages non sollicités sans le consentement du destinataire lorsque l’expéditeur a été recommandé par un tiers entretenant une relation d’affaires ou personnelle avec le destinataire. « C’était une préoccupation majeure pour beaucoup de personnes, parce que plusieurs entreprises, en particulier les agents immobiliers et les avocats, comptent sur les références pour développer leur clientèle », explique Me Karn. L’exemption ne s’applique toutefois qu’à la première communication.
  • Relations personnelles : une définition élargie supprime l’exigence antérieure en vertu de laquelle les deux parties devaient avoir communiqué au cours des deux années précédentes et s’être déjà rencontrées en personne. Le nouveau règlement est plus subjectif et fonde la signification de « relation personnelle » sur une liste non exhaustive de critères qui prévoit notamment que la relation peut être virtuelle plutôt qu’en personne. « Ça correspond mieux au monde réel », selon Me Nicol.

Me Canton affirme que le nouveau règlement offre surtout « des miettes » et pas vraiment de changements importants. Pour lui, il s’agit de modifications mineures à une loi qui, dans sa quête pour stopper le courriel indésirable à large diffusion, impose des conditions exagérément contraignantes aux entreprises.

Le règlement fait suite à des bulletins d’information publiés en octobre par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) et qui avaient pour objectif de clarifier la Loi, en expliquant surtout la manière d’obtenir le consentement des destinataires et de leur permettre de refuser les communications futures.

Le CRTC est l’organisme d’application de la Loi, qui prévoit des amendes allant jusqu’à 1 million $ pour les individus et 10 millions $ pour les sociétés.

Il y aura une période de transition de trois ans pour permettre aux entreprises et aux individus de se conformer aux exigences de la Loi.

Malgré la large portée de la Loi, l’avocate Molly Reynolds prédit que le CRTC, qui prévoit notamment la mise en place d’un centre de notification des pourriels, n’aura pas les ressources nécessaires pour poursuivre les avocats et les autres professionnels du milieu des affaires.

« Je serais surprise […] si les cabinets d’avocats qui envoient des messages électroniques commerciaux à leurs clients apparaissaient sur le radar du CRTC », affirme Me Reynolds, avocate chez Torys, à Toronto. « Les cabinets d’avocats ne seront probablement pas embêtés, mais ce serait tout de même embarrassant pour eux de se retrouver hors la loi. »

Janice Tibbetts est journaliste indépendante à Ottawa.