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La manœuvre est audacieuse et risquée, mais plus facile qu’il n’y paraît si les avocats et les prêteurs ne font pas attention aux « drapeaux rouges » signalant une fraude hypothécaire commerciale, préviennent les experts juridiques et financiers.
« Un nouveau phénomène que nous avons remarqué récemment et qui donne un peu la chair de poule est celui des fraudes impliquant des biens commerciaux à prix élevé », lance Dan Pinnington, vice-président à la Prévention des réclamations et aux Relations avec les parties prenantes chez LawPRO, une compagnie ontarienne d’assurance responsabilité civile pour avocats. Il se rappelle qu’en 2007, les fraudes hypothécaires impliquaient généralement des biens dont la valeur se situait entre 150 000 $ et 300 000 $. Aujourd’hui, les fraudeurs semblent avoir des vues sur des éléments plus onéreux de l’immobilier commercial.
« Maintenant, on parle de biens valant entre 1 et 2 millions $, pour lesquels les fraudeurs changent ou utilisent les renseignements sur l’identité d’une société. Dans certains cas, ils ont changé l’enregistrement d’une société en modifiant la composition de son administration, de sa direction, etc., puis ils se sont présentés au bureau d’un avocat comme les propriétaires d’un bien immobilier. »
Il relate la tentative récente et « très sophistiquée » de deux fraudeurs — l’un se faisant passer pour le vendeur et l’autre pour l’acheteur d’un immeuble commercial — qui ont approché deux avocats différents dans le but de duper un prêteur.
« Les prétendus vendeurs utilisent une fausse identité qui les fait passer pour des membres enregistrés de la direction ou de l’administration d’une société possédant un bien immobilier donné; ou alors ils remplissent une nouvelle Formule 1 (“Rapport initial / Avis de modification par une personne morale en Ontario”, exigée par la Loi sur les renseignements exigés des personnes morales de l’Ontario) qui les identifie comme les dirigeants de cette société; puis ils retiennent les services d’un avocat pour agir en leur nom. Il y a ensuite un acheteur qui retient les services d’un autre avocat pour agir en son nom dans cette transaction. »
Les fraudeurs ont alors approché un véritable prêteur dans le but d’obtenir un prêt hypothécaire de 750 000 $ à 1 million $ garanti par un immeuble de 1,5 million $.
« Nous avons vu au moins deux cas de ce type de fraude au cours des derniers mois, qui se sont tous les deux déroulés sans encombre avant qu’on finisse par soupçonner une fraude — que les avocats se soient suffisamment renseignés pour reconnaître aisément certains drapeaux rouges et déceler la fraude. »
Les drapeaux rouges à surveiller peuvent être une tendance de la part de l’une des parties à pousser pour « des raccourcis ou à négliger des points de détails comme le zonage ou certaines questions de réglementation », explique Lisa Weinstein, directrice des Politiques nationales de souscription chez LawPRO. « Ou encore le dépôt n’est pas très important, ou il a été versé directement au vendeur et non pas détenu en fiducie par l’agent ou l’avocat de l’acheteur. La promesse bilatérale de vente peut avoir été modifiée après signature, par exemple pour réduire le prix. »
Les honoraires déraisonnablement élevés offerts à l’avocat peuvent aussi indiquer que quelque chose cloche avec cette transaction, tout comme des changements apportés aux montants avancés, des récits contradictoires ou des coordonnées limités pour un client qui préfère ne traiter que par téléphone cellulaire.
« Tous ces drapeaux rouges pris isolément peuvent être ou ne pas être le signe d’un problème, mais règle générale, plus vous en voyez et plus je vous dirais qu’il y a effectivement un problème », dit-elle.
Pour Farhaneh Haque, directrice des Conseils sur les prêts hypothécaires au Groupe Banque TD, le plus gros des drapeaux rouges pourrait être tout simplement « la transaction sous pression ».
« C’est quelqu’un de très pressé, du genre “Oh! mon Dieu, il me faut un prêt hypothécaire d’ici trois jours, je travaillais avec un autre prêteur mais ils ont tout gâché et la transaction est tombée à l’eau et maintenant je n’ai plus d’autre choix, j’ai le couteau sur la gorge, s’il vous plaît, je vous en prie, faisons cette transaction”. »
Dans ce genre de situation, dit-elle, c’est là que vous devez, en tant que prêteur, marquer une pause et vous demander pourquoi il est si important de conclure la transaction dans un délai très court.
« Il faut former le personnel pour être en mesure de reconnaître ce type de situation, lorsqu’on commence à sentir une pression exercée par l’une des parties, que ce soit le client, le courtier ou l’avocat. Il faut ralentir la cadence. Retournez voir le client et réglez ses attentes sur le temps que prendra la procédure. »
Mme Haque ajoute que les escrocs perfectionnent constamment leurs méthodes et que cela signifie que les prêteurs doivent garder le contrôle du rythme.
« Les prêteurs ne font aucun secret de leur politique de prêt et plusieurs d’entre nous les publient ouvertement sur leur site Web dans le but d’éduquer les acheteurs. Mais grâce à l’accès à l’information, les escrocs connaissent parfaitement bien ces politiques et vont de prêteur en prêteur. Mieux ils connaissent le fonctionnement du système et mieux ils savent travailler à l’intérieur de ce système. »
Pour Mme Haque, connaître ses clients est « très, très important », mais elle admet que cela est de plus en plus difficile.
« Avec les opérations bancaires virtuelles et mobiles de plus en plus populaires, nous n’avons pas nécessairement accès au visage, au ton de voix et au langage corporel de la personne qui s’adresse à nous. Nous fonctionnons dans une dynamique étrange, car nous ne voyons pas toujours le client ouvertement pendant que nous leur posons des questions et que les clients ne voient pas toujours le même banquier d’une fois à l’autre. »
Selon elle, toute procédure d’approbation d’une hypothèque, que le client ait fait sa demande en ligne ou par téléphone, devrait comprendre une étape où le prêteur exige un entretien en personne avec un employé formé à poser les bonnes questions et vérifier l’information.
« Demandez tous les documents à l’avance », recommande-t-elle. « Assurez-vous d’avoir les originaux plutôt que des photocopies. N’acceptez rien par télécopie. Dans cent pour cent des cas, il faut rencontrer le client final et lui poser des questions afin d’établir une bonne relation, et ainsi vous saurez que vous avez affaire à un véritable client et non pas quelqu’un qui participe à un procédé malhonnête. »
Dan Pinnington est d’accord pour dire que la clé est de s’attacher aux détails.
« Les avocats sont très occupés et délèguent parfois une partie de leurs tâches au personnel, qui peut être excellent et très méthodique ou nécessiter un peu plus de supervision. Le personnel peut remarquer des drapeaux rouges ou des renseignements manquants qu’il ne soumet pas à l’attention de l’avocat, et ces fraudeurs sont très persévérants. Ils seront très insistants, ils seront à la dernière minute et ils inventeront les circonstances pour justifier le fait qu’ils veulent faire vite. Souvent, ils offrent aussi de payer des honoraires beaucoup plus élevés que ce que les avocats obtiennent normalement. »
Pour de plus amples renseignements sur la façon de reconnaître et de prévenir la fraude hypothécaire, consultez le site Web de LawPRO.
Becky Rynor est journaliste indépendante à Ottawa.