
**Avertissement** : Veuillez noter que vous consultez un contenu ayant été archivé. Cette page se trouve parmi nos anciennes archives et ne fait plus l’objet d’une actualisation. Les renseignements qu’elle contient ne sont peut-être pas représentatifs des données courantes ou des plus récents développements. Nous vous remercions de votre compréhension.
Les juristes qui exercent dans ce domaine accueillent favorablement le plan du gouvernement fédéral pour améliorer le Régime d’intégrité vis-à-vis des sociétés, y compris la possible introduction d’accords de poursuite suspendue.
Les règles existantes étaient conçues pour aider le gouvernement à traiter avec des sociétés intègres et à inciter les fournisseurs à se doter de normes déontologiques solides et de cadres de conformité efficaces. Une condamnation peut avoir des conséquences désastreuses pour une société qui souhaite traiter avec le gouvernement.
Selon John Bodrug, un avocat spécialisé en droit de la concurrence qui exerce dans le cabinet Davies Ward Phillips & Vineberg LLP à Toronto, les changements proposés semblent « constituer une réponse aux préoccupations exprimées par les entreprises et le secteur au sujet des conséquences gravissimes pour les sociétés dont les contrats sont principalement avec le gouvernement, qui risquent la radiation en vertu du Régime d’intégrité ».
Me Bodrug est l’un des juristes qui, au nom de l’Association du Barreau canadien, ont fourni des commentaires au gouvernement au sujet des modifications proposées. L’exclusion du processus d’attribution en vertu d’un système strict et dénué de toute souplesse constitue une grave menace pour une société, affirme Me Bodrug. Il ajoute que le principal message véhiculé par le commentaire de l’ABC est « qu’un programme plus souple s’impose et que les accords de poursuite suspendue sont un autre moyen d’assouplir le régime ».
Le mémoire de l’ABC répond à plusieurs questions, dont les principaux avantages et inconvénients des accords de poursuite suspendue en tant que moyen de traiter la responsabilité pénale des sociétés au Canada, les délits auxquels ces accords pourraient être appliqués, le rôle des tribunaux et les facteurs à prendre en compte avant de proposer un accord de poursuite suspendue.
Selon Me Bodrug, le document de consultation reconnaît que les tiers innocents, dont « d’autres employés, actionnaires et franchement, même les contribuables » qui n’ont en rien contribué aux actes répréhensibles, peuvent souffrir de l’exclusion du processus d’attribution imposée à la société « dans la mesure où il y a eu une réduction de la concurrence pour obtenir les contrats avec le gouvernement ». Bien qu’il existe un désir très compréhensible de sanctionner les actes répréhensibles perpétrés par les sociétés, « je pense que cela vaut la peine de remettre en cause le bien-fondé du Régime d’intégrité en tant que mécanisme approprié pour y parvenir, particulièrement lorsqu’une société a pris les mesures disciplinaires appropriées à l’encontre des employés en cause, en rajustant son programme de conformité et en offrant un dédommagement le cas échéant ». Fréquemment, le temps que la société soit déclarée coupable de ces infractions, les personnes qui y ont participé n’y sont plus employées. Dans certains cas, les actes répréhensibles sont le fait d’une succursale ou d’une filiale dont les hauts dirigeants n’avaient même pas connaissance. « Dans ces circonstances, il semble disproportionné d’imposer à une société une pénalité draconienne telle que l’exclusion du processus d’attribution. »
La proposition d’extension de l’exclusion du processus d’attribution à un plus vaste éventail d’infractions commises par les sociétés, qui comporte actuellement des délits connexes à la corruption tels que le versement de pots-de-vin et les infractions prévues par la Loi sur la concurrence, dont le truquage d’offres et la fixation des prix, est l’une des questions soulevées par le document de consultation. Selon une suggestion, cela « devrait être étendu à d’autres genres d’infractions comme celles commises dans les domaines de l’environnement et du travail », affirme Me Bodrug, ce qui pourrait élargir le nombre des sociétés qui pourraient être frappées d’exclusion du processus d’attribution.
Me Bodrug est convaincu qu’il importe de veiller à ce que le Régime d’intégrité corresponde à d’autres politiques gouvernementales. Ainsi, si une société profite d’une immunité car elle a divulgué une infraction, il devrait être clair qu’en vertu du Régime d’intégrité sa demande ne sera pas irrecevable et qu’elle ne sera pas exclue du processus.
De la législation similaire est en vigueur aux États-Unis et au Royaume-Uni depuis maintenant un certain temps, affirme Grace Hession David, présidente de la Section du droit pénal de l’Association du Barreau de l’Ontario, qui a participé à la rédaction du mémoire. « Elle a eu un succès relatif aux États-Unis et nous savons que le Royaume-Uni ne l’a utilisée qu’à trois reprises, mais avec succès », dit-elle. « Si elle est mise en œuvre correctement, je pense que cette législation sera extrêmement utile. »
Le mémoire de l’ABC « recommande fortement que nous adoptions le modèle britannique, soit que cela ne puisse pas être invoqué en cas de blessure grave ou de décès », affirme Me Hession David. Elle souligne qu’un accord de poursuite suspendue ne sera pas approprié dans une situation telle que la catastrophe qui a eu lieu dans la mine Westray en 1992 au cours de laquelle 26 mineurs ont trouvé la mort. Il a été conclu que la société n’avait pas suivi les consignes de sécurité et de santé appropriées recommandées. « Si un accord de poursuite suspendue pouvait constituer une solution de rechange possible en cas de perte de vie, ce que nous tentons d’éviter aurait ainsi lieu, soit que les gens diraient que la société s’est payé une porte de sortie. C’est contraire à l’objectif poursuivi. »
Le mémoire souligne d’autres cas dans lesquels il serait inapproprié de conclure un accord de poursuite suspendue, y compris lorsque les actes visés soulèvent des questions de sécurité nationale ou connexes aux rapports avec d’autres États, ou que cela ne répondrait pas à l’intérêt du public de façon générale, lorsque la société n’existe qu’en tant que composante d’une entreprise criminelle, ou lorsqu’elle a été prévenue, sanctionnée ou que des accusations pénales ont été portées en l’absence de tout changement qui empêcherait une récidive.
Le modèle américain accorde au ministère public un pouvoir discrétionnaire absolu alors que dans le modèle britannique, s’il jouit d’un vaste pouvoir discrétionnaire, en fin de compte, l’accord en cause est porté devant les tribunaux en vue d’une approbation. Me Hession David préfère le modèle britannique. « Je pense qu’il est bon d’y regarder à deux reprises et d’avoir une autre personne ayant de plus vastes pouvoirs qui tranchera en dernier ressort. »
L’un des avantages de l’accord de poursuite suspendue c’est qu’il peut « encourager la divulgation volontaire et favoriser une culture de conformité tout en offrant un mécanisme plus souple au ministère public », affirme Me Hession David. Il pourrait en outre « réduire les conséquences négatives pour les sociétés et pour les actionnaires ».
Alors que Me Hession David espère que les changements suggérés ne seront pas considérés comme une esquive offerte à la société, ils permettraient de passer outre « un retentissant et très déplaisant procès pour passer directement au volet de l’imposition de la peine ». Ils donneraient la chance à une société de présenter des informations dont elle a pris connaissance, de communiquer avec le ministère public, « de jouer cartes sur table en toute confidentialité et d’exposer ce qu’elle a découvert, les mesures qu’elle a prises et ce qu’elle se propose de faire à l’avenir. »
Ann Macaulay rédige fréquemment des articles pour EnPratique.