Le bureau national de l'ABC sera fermé du 23 décembre 2025 au 1er janvier 2026 (inclusivement), et reprendra ses activités le 2 janvier 2026.

Skip to main content

Une nouvelle attitude : les Libéraux semblent ouverts à une modification des règles sur les TET

19 mai 2016 | Doug Beazley

**Avertissement** : Veuillez noter que vous consultez un contenu ayant été archivé. Cette page se trouve parmi nos anciennes archives et ne fait plus l’objet d’une actualisation. Les renseignements qu’elle contient ne sont peut-être pas représentatifs des données courantes ou des plus récents développements. Nous vous remercions de votre compréhension.

Tous les juristes qui exercent dans le domaine de l’immigration semblent avoir une anecdote à raconter au sujet du programme des Travailleurs étrangers temporaires et de l’étude de l’impact sur le marché du travail. Très peu d’entre elles semblent bien se terminer.

« Je représentais une clinique », déclare Barbara Jo Caruso, cofondatrice de Corporate Immigration, un cabinet juridique basé à Toronto. La clinique employait un spécialiste, un immigrant, en vertu d’un permis de travail. L’exploitant de la clinique souhaitait le garder. Il a donc fait une demande d’étude de l’impact sur le marché du travail, l’outil utilisé par le gouvernement fédéral pour garantir que les Canadiennes et Canadiens qualifiés sont les premiers à pouvoir postuler pour un emploi, quel qu’il soit.

Selon Me Caruso, l’exploitant s’est plié à toutes les exigences du processus de demande, mais avait erronément omis d’indiquer quelques détails mineurs sur l’offre d’emploi affichée sur son site Web; une minuscule erreur qui s’est traduite par le rejet de sa demande.

« Le permis de travail de ce professionnel a expiré, ses patients ont dû trouver une autre clinique et son employeur a dû recommencer dès le début la procédure d’affichage de ses annonces », déclare-t-elle. « L’employeur a fait l’objet d’une vérification. Il a perdu sept mois. Il a perdu des patients qui, eux, ont perdu les services d’un professionnel auquel ils avaient accordé leur confiance. »

« Je dis aux clients d’être prêts à attendre au moins six mois avant de pouvoir engager quelqu’un », affirme Marina Sedai, une avocate spécialisée en immigration qui exerce à Vancouver. « Je connais une chaîne de restaurants qui a dû fermer l’un de ses restaurants, car ils n’ont pas pu engager (de TET) à temps. »

Des plans d’activité échoués, des profits perdus, de précieux employés partis à cause de l’intransigeance des bureaucrates… le même son de cloche semble émaner de toutes les personnes qui viennent grossir les rangs de ceux qui critiquent le programme.

Ils pointent tous le doigt vers la refonte du programme effectuée par le gouvernement conservateur en 2014. Fort d’une série de scandales impliquant des sociétés accusées d’embaucher des TET tout en licenciant des personnes canadiennes (et d’un rapport de l’Institut C.D. Howe accusant le programme des TET d’accroître le chômage dans l’Ouest canadien), le gouvernement fédéral a augmenté les amendes et les frais, a renforcé les exigences de publicité, a multiplié les inspections sur les lieux de travail, a interdit l’accès au système aux entreprises dans la plupart des collectivités à fort taux de chômage et a prévenu de nombreux employeurs qu’ils devraient diminuer graduellement le nombre de TET à leur emploi pour atteindre au plus 10 % de leur effectif d’ici le 1er juillet de cette année.

Selon maints juristes spécialisés en droit de l’immigration, s’en est suivi le chaos : la durée de traitement des demandes s’est allongée, des demandes ont été rejetées en raison d’erreurs mineures, la sanction des violations au moyen d’amendes allant jusqu’à 1 million de dollars, des inspections des lieux de travail ne s’appuyant sur aucun mandat et des entreprises dans l’incapacité de trouver des employés. Nombreux sont ceux qui assument que les réformes de 2014 avaient pour objet de faire en sorte qu’il soit plus difficile d’accéder au programme des TET. Le ministre de l’Emploi d’alors, Jason Kenney, l’a sous-entendu lorsqu’il a déclaré que le programme avait été « trop utilisé » par certaines entreprises.

« Je ne sais pas si j’irais jusqu’à dire qu’il s’agit d’une réaction excessive (du gouvernement) », déclare Stéphane Duval, de chez McCarthy Tétrault à Montréal, président de la Section du droit de l’immigration de l’Association du Barreau canadien. « Mais ils ont certainement échoué dans leurs efforts pour trouver le problème. Ils auraient dû viser certaines catégories précises d’employés, pas tous. »

Le pire, du point de vue des entreprises encore obligées d’utiliser le programme des TET, c’est à quel point il est devenu arbitraire. Personne, hors du ministère de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail, ne semble savoir sur quel genre de directives s’appuie la mise en œuvre. Dans une décision de 2015, un juge de la Cour fédérale a conclu qu’une agente d’Emploi et Développement social Canada « a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire » en sabordant une demande d’EIMT au motif du manquement mineur d’une adresse professionnelle; un cas apparent de directives ministérielles préemptant l’application de la loi.

« J’ai dû déposer des demandes d’accès à l’information pour obtenir des renseignements sur les directives données aux agents pour interpréter la loi », affirme Vance Langford, de chez Field Law à Calgary. « Il y avait un manuel, mais il a été éliminé. Ils vous diront qu’il n’existe plus. »

« EDSC a toujours voulu pouvoir sanctionner (comme l’Agence du revenu du Canada), et ses agents se sont subitement retrouvés avec d’immenses pouvoirs. C’est un pendule. Avant 2008, tout le monde était en faveur du programme des TET parce que nous avions besoin de professionnels. En 2013, le gouvernement a été accusé de tremper dans un grand nombre de scandales touchant l’emploi. Le pendule a commencé à balancer vers l’autre côté. »

Maintenant, il semble revenir. Dans une lettre d'avril, l’ABC a présenté les problèmes (disponible uniquement en anglais) connexes aux systèmes des TET et des EIMT et recommandé entre autres les corrections suivantes : éliminer le plafonnement du nombre de TET travaillant dans un lieu de travail, former les agents pour qu’ils s’en tiennent à la législation (tout en utilisant leur pouvoir discrétionnaire dans les cas où les violations sont mineures), accélérer le traitement des demandes, réduire les amendes, publier les directives ministérielles et réaffecter les ressources de l’exécution vers le traitement des demandes.

Jusqu’à maintenant, le nouveau gouvernement libéral semble écouter. Le relâchement des règles concernant les TET alors que l’économie demeure fragile pourrait s’avérer être un poison politique, mais le gouvernement Trudeau semble enclin à admettre que le système actuel ne fonctionne pas comme prévu. En février, la ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail, MaryAnn Mihychuk, a confié l’examen de la question à un comité parlementaire qui espère pouvoir fournir ses recommandations à la ministre vers le début ou la mi-juin. En avril, la ministre a suggéré que le ministère pourrait reporter la date limite du 1er juillet fixée par le gouvernement précédent pour que les employeurs limitent le nombre de TET à au plus 10 % de leurs effectifs généraux (ayant déjà exonéré les entreprises de traitement des fruits de mer du plafonnement à 10 %, elle ne pouvait pas vraiment faire autrement).

« Tout bien considéré, les intentions du gouvernement étaient… bonnes », déclare le député libéral Brian May, qui préside le comité d’examen du programme des TET. « Il y avait des abus inacceptables dans le programme qui ont obligé le gouvernement à le modifier. Cependant, ce qu’ils ont tenté de faire, c’est de créer un programme à taille unique qui, en fin de compte, ne va à personne. »

Brian May pense que l’une des options pourrait être de scinder le programme en services réduits et plus ciblés. « Nombreux sont ceux qui utilisent le programme des TET sans pour autant corresponde au profil des TET, comme des concepteurs de jeux vidéo qui recherchent des personnes ayant des compétences élevées. On pourrait peut-être collaborer avec Immigration et examiner le problème sous deux angles différents. »

Quant à eux, les juristes spécialisés en droit de l’immigration sont simplement heureux de pouvoir en parler.

« Le gouvernement semble nous écouter, et j’en suis ravie », déclare Marina Sedai. « Il semble que l’humeur et les attitudes changent beaucoup. Nous n’avons pas de calendrier, bien sûr, mais j’espère que nous verrons des changements avant la fin de l’année. »

Doug Beazley est journaliste à Ottawa.