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Droit, technologie et responsabilisation : Repenser l’immigration canadienne pour le 21e siècle

Avant-propos

L’Association du Barreau canadien est une association nationale qui regroupe 40 000 juristes, dont des avocats, des avocates, des notaires, des professeurs et professeures de droit et des étudiants et étudiantes en droit dans l’ensemble du Canada. Les principaux objectifs de l’Association comprennent l’amélioration du droit et de l’administration de la justice.

Le présent mémoire a été préparé par la Section du droit de l’immigration de l’ABC, le avec l’aide de la Direction de la représentation du bureau de l’ABC. Il a été examiné par le Comité des politiques et a été approuvé à titre de déclaration publique de la section du droit de l’immigration.

Résumé

La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR ou la Loi) est la pierre angulaire du cadre juridique canadien en matière d’immigration depuis plus de deux décennies. Depuis sa promulgation en 2001, la Loi a permis au Canada de mettre en place l’un des systèmes d’immigration les plus admirés au monde – un système qui concilie la croissance économique et les engagements humanitaires. Pourtant, la LIPR montre maintenant des signes de désuétude. Alors que les pressions mondiales s’intensifient, qu’il s’agisse de l’augmentation des déplacements de population, des inégalités, des bouleversements technologiques ou de l’érosion de la démocratie, le Canada a besoin d’un fondement juridique moderne pour soutenir un système d’immigration équitable, transparent et résilient.

Le présent mémoire reflète l’engagement de la section du droit de l’immigration de l’Association du Barreau canadien à l’égard de cet objectif. Nous appuyant sur les idées des professionnels du droit qui travaillent quotidiennement avec la LIPR, nous présentons plus de 100 recommandations visant à renforcer la Loi et le Règlement et à faire en sorte qu’elle soit à la hauteur de sa vision initiale. Ces propositions ne sont pas seulement des améliorations juridiques; elles sont fondées sur la conviction que le système d’immigration du Canada doit être axé sur les personnes, solide sur le plan opérationnel et conforme à nos obligations constitutionnelles et internationales, tout en préservant l’intégrité et la sécurité.

La nécessité de rétablir l’équilibre est un thème central de notre mémoire. La LIPR a été conçue comme un cadre facilitant la réalisation de divers objectifs politiques : le regroupement familial, la contribution économique, la protection des réfugiés et la construction de la nation. Bien que l’application de la loi, la sécurité et l’intégrité du système d’immigration du Canada demeurent des priorités fondamentales, le cadre de mise en œuvre a progressivement évolué vers un modèle qui privilégie l’aversion au risque et le contrôle administratif. Cette évolution a conduit à un écart notable par rapport aux objectifs fondamentaux de la Loi, à savoir l’équité, la transparence et la prise en compte de considérations humanitaires. Le système qui en résulte est moins prévisible, plus opaque et souvent en décalage avec les principes qu’il est censé défendre. S’il est indéniable que l’identification et la lutte contre les mauvais acteurs sont essentielles pour protéger la sécurité et l’intégrité du système d’immigration, le faire au détriment de l’équité procédurale et de la confiance du publique peut en fin de compte compromettre les objectifs mêmes que l’application de la loi cherche à défendre.

La modernisation doit commencer par la gouvernance. Nous recommandons de mettre un terme au recours excessif aux instructions ministérielles et à l’élaboration de politiques en dehors du cadre législatif, qui ont contribué à rendre le système imprévisible et fragmenté. La responsabilité, la transparence et la cohérence doivent être rétablies dans le processus d’élaboration et de mise en œuvre des lois.

L’expérience des utilisateurs est tout aussi importante. Les décisions en matière d’immigration affectent profondément la vie et les droits des individus. Pourtant, le système reste difficile à naviguer, mal communiqué et inégal dans sa manière de garantir l’équité procédurale. Nous recommandons que la LIPR intègre explicitement l’expérience de l’utilisateur en tant que valeur juridique. Un langage clair, des informations en temps réel, des formats accessibles et des normes de service applicables doivent être au cœur de la conception du système.

La technologie est déjà en train de remodeler les opérations d’immigration, et son influence ne fera que croître. L’intelligence artificielle et la prise de décision automatisée sont des outils puissants qui peuvent favoriser l’efficacité, mais seulement s’ils sont soumis à des règles juridiques claires. Nous demandons que les outils numériques soient régis par un cadre fondé sur les droits, qui intègre la transparence, l’explicabilité et le contrôle. L’équité ne peut pas être optionnelle dans la conception des systèmes automatisés.

Nos recommandations s’attaquent également à des lacunes systémiques de longue date. Nous proposons des réformes des règles de regroupement familial qui reflètent mieux la diversité des familles canadiennes. Nous demandons la mise en place d’un système de protection des réfugiés cohérent et compatissant, qui traite les demandeurs d’asile au Canada et à l’étranger avec la même dignité. Nous demandons que ces mêmes principes d’équité et de transparence soient adoptés dans le cadre des mesures mises en place pour répondre aux crises humanitaires. Nous demandons que des modifications soient apportées instamment aux dispositions d’inadmissibilité trop larges qui conduisent actuellement à des résultats disproportionnés et injustes. Nous insistons aussi sur le fait que la modernisation législative doit s’accompagner d’une réforme opérationnelle afin de réduire les arriérés, les retards et les incohérences qui minent le système dans son ensemble.

Enfin, nous reconnaissons que l’immigration est un projet de société commun. La LIPR doit mieux refléter les rôles de collaboration des acteurs fédéraux, provinciaux, territoriaux, municipaux et de la société civile dans l’élaboration et la mise en œuvre des résultats en matière d’immigration. Une approche pangouvernementale et sociétale est essentielle pour renforcer la confiance du public et la solidité des institutions.

Ce mémoire est proposé comme une feuille de route, non seulement pour des modifications techniques, mais aussi pour un renouveau fondé sur des principes. L’immigration est depuis longtemps l’une des plus grandes forces du Canada. Nous pensons qu’elle peut le rester, si nous veillons à ce que la loi qui la régit reflète les valeurs, les besoins et les aspirations du pays qu’elle sert.

I. Introduction

Une vision commune pour l’immigration au 21e siècle

La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR ou la Loi) est la pierre angulaire du cadre juridique canadien en matière d’immigration depuis plus de deux décennies. Depuis sa promulgation en 2001, la Loi a permis au Canada de mettre en place l’un des systèmes d’immigration les plus admirés au monde – un système qui concilie la croissance économique et les engagements humanitaires et qui tient compte des valeurs de diversité, d’inclusion et de respect de la primauté du droit. Pourtant, la LIPR montre maintenant des signes de désuétude. Alors que le Canada évolue dans un contexte mondial plus complexe et incertain, il est de plus en plus urgent de moderniser la Loi de façon exhaustive et prête pour l’avenir.

Le paysage de l’immigration a radicalement changé au cours des deux dernières décennies. À l’échelle mondiale, nous assistons à des niveaux records de déplacements forcés, à une inégalité croissante des revenus et à l’érosion des normes démocratiques. Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, plus de 117 millions de personnes ont été déplacées de force avant la fin de 2023, soit près du triple du nombre de personnes déplacées de force il y a à peine dix années auparavant1. Parallèlement, la montée du populisme et le sentiment anti-immigration ont exercé de nouvelles pressions sur les gouvernements pour qu’ils resserrent les contrôles et limitent l’accès, parfois au détriment de l’équité et de la transparence.

Le paysage a changé. Des mises à jour cohérentes et uniformes sur le plan interne sont nécessaires pour répondre aux pressions et aux demandes actuelles. Il est difficile d’établir le plan directeur d’une réforme de l’immigration transparente, responsable et axée sur la personne qui repose sur des valeurs, est guidée par une vision ayant pour but de moderniser la loi et la politique en matière d’immigration du Canada dans le contexte mondial actuel. Il est urgent de passer de la dérive décisionnelle à la clarté juridique pour réformer le cadre d’immigration du Canada avec un nouvel objectif et un nouveau principe. La restauration du système en s’appuyant sur les nombreuses innovations mises en œuvre par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) doit reposer sur une plateforme d’immigration transparente, éthique sur le plan technologique et fondée sur les droits qui possède les caractéristiques des contraintes législatives et de la collaboration des intervenants.

Au premier plan, la transformation technologique redéfinit davantage le fonctionnement des systèmes d’immigration. L’IA, la PDA, la collecte de données biométriques et l’analyse prédictive sont de plus en plus souvent déployées dans les processus d’immigration du Canada, souvent en l’absence de transparence, de responsabilisation ou d’intégrité des programmes suffisantes2. Bien que ces outils assurent une plus grande efficacité, ils comportent également des risques de biais systémique, d’opacité et d’érosion de l’équité procédurale, surtout pour les demandeurs racialisés et ceux qui ne sont pas représentés par un avocat3. En l’absence de balises législatives claires, le Canada court le risque d’intégrer ces vulnérabilités à la structure même du processus décisionnel en matière d’immigration.4

À l’échelle nationale, le système d’immigration du Canada doit relever d’importants défis opérationnels : longs arriérés, traitement irrégulier, manque de ressources et diminution des recours. Bien que l’intégrité du programme et la prévention de la fraude demeurent des préoccupations légitimes, on estime de plus en plus que la LIPR est devenue un outil axé sur l’application de la loi qui privilégie l’exclusion et la dissuasion. La LIPR et le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (RIPR)représentent l’expression de nos objectifs et de notre vision de la loi, de la politique et de la prestation de services en matière d’immigration en tant que nation. La loi, la technologie et le talent qui sous-tendent cette expression juridique devraient mettre l’accent sur l’amélioration de l’accès, l’individualisation et le traitement axé sur le demandeur pour surmonter les problèmes systémiques. À mesure que le recours aux instructions ministérielles, aux exclusions au titre d’une politique d’intérêt public temporaire et aux décisions discrétionnaires a augmenté, la confusion et les préoccupations du public au sujet de l’équité et de la prévisibilité ont aussi augmenté5.

L’étendue et la sévérité des dispositions de la LIPR relatives à l’admissibilité ont contribué à ce déséquilibre. Les dispositions relatives aux fausses déclarations, à la criminalité organisée , à la sécurité et à la perte de l’asile sont appliquées sans suffisamment de souplesse et de clarté, ce qui entraîne parfois des résultats démesurés et sévères. Bon nombre de ces règles ne tiennent pas compte des réalités vécues par les demandeurs ou du contexte changeant dans lequel les décisions en matière d’immigration sont prises. Parallèlement, les préoccupations relatives à l’accès à la justice sont de plus en plus vives, qu’il s’agisse d’un sous-financement systémique de l’aide juridique, des tribunaux et des garanties procédurales limitées pour les groupes vulnérables, ou de lacunes dans la façon dont les demandeurs sont informés de leurs droits et obligations6.

Enfin, les efforts globaux visant à réduire la population immigrante du Canada et à lutter contre la fraude ont mené à des idiosyncrasies et à des effacements qui compromettent l’équité du régime dans son ensemble. Il ne fait aucun doute que l’intégrité du programme est un objectif important et que des mesures claires et décisives doivent être prises pour empêcher les mauvais acteurs d’exploiter le système afin d’obtenir des avantages auxquels ils n’ont pas droit. Toutefois, ces obstacles ne devraient pas empêcher les réfugiés authentiques d’avoir accès à une protection ni les familles authentiques d’être réunies en temps opportun. Plus fondamentalement encore, le changement doit être entrepris d’une manière qui respecte les principes de la réforme du droit démocratique et le respect de la primauté du droit.

C’est dans ce contexte que la Section du droit de l’immigration de l’Association du Barreau canadien (section de l’ABC) met de l’avant cette présentation essentielle qui, selon nous, évoluera au fil du temps. Nous reconnaissons et appuyons les efforts déployés par le gouvernement pour gérer un système complexe dans l’intérêt public, mais nous croyons également qu’une nouvelle vision législative est requise. Une mesure qui permet de mieux harmoniser la LIPR avec les obligations du Canada en matière de droits de la personne, d’adopter les changements technologiques de façon transparente et d’intégrer l’expérience utilisateur et l’accès à la justice de façon à ce qu’ils deviennent des piliers centraux d’une bonne gouvernance.

L’ABC s’exprime d’une seule voix représentant plus de 40 000 professionnels du droit, y compris des juristes spécialisés en droit de l’immigration, des membres de tribunaux, des juges et des praticiens de tous les domaines du droit. Nous sommes déterminés à faire respecter la primauté du droit, à promouvoir l’accès à la justice et à appuyer le fonctionnement équitable et efficace du système d’immigration du Canada. Nos membres apportent des points de vue pratiques et approfondis provenant de tous les secteurs. Ils cernent les lacunes, signalent les conséquences imprévues et aident à tester le fonctionnement des réformes dans des situations réelles. Ce mémoire témoigne non seulement de notre expertise, mais aussi de notre volonté de collaborer avec le gouvernement pour mettre au point des politiques, des projets pilotes et des lois pratiques, fondées sur des principes et adaptées aux personnes qu’ils servent.

Ce mémoire permet de faire avancer un programme législatif qui repose sur six principes fondamentaux :

  1. les droits de la personne;
  2. l’innovation;
  3. la transparence;
  4. la justice naturelle;
  5. la collaboration;
  6. l’expérience utilisateur.

Nos recommandations appuyées par l’expertise de professionnels du droit de partout au Canada. Nous croyons que des réformes audacieuses et équilibrées permettront de renouveler la LIPR pour le 21siècle, protégeant à la fois l’intégrité de notre système d’immigration et la dignité des personnes qu’elle sert.

II. Gouvernance et surveillance : Intégration de la responsabilisation dans le système et harmonisation du cadre d’immigration du Canada avec les objectifs de la LIPR

Ce changement n’est pas uniquement d’ordre procédural, c’est également un changement de philosophie. L’utilisation fréquente et opaque des instructions ministérielles pour établir les priorités de traitement ou limiter l’admission, la prolifération de politiques d’intérêt public temporaires qui omettent l’examen législatif normal et l’élargissement des dispositions relatives à l’interdiction de territoire sans mesures de protection correspondantes ont contribué à l’établissement d’un modèle plus réactif au lieu d’un modèle fondé sur des principes. L’architecture législative de la LIPR sert à créer des systèmes parallèles de gestion de l’immigration – des systèmes plus difficiles à comprendre, moins prévisibles et souvent contraires aux objectifs énoncés de la Loi.

Cette évolution a eu de réelles conséquences. Elle a miné la confiance du public, en particulier chez les demandeurs et les représentants qui ont connu un système incohérent et opaque. Elle a accentué les inégalités, surtout pour les personnes qui ne sont pas en mesure d’explorer les processus discrétionnaires ou d’obtenir des conseils juridiques. Et elle a mis à rude épreuve les mécanismes de transparence et de responsabilisation qui sous-tendent l’approche fondée sur la primauté du droit à l’égard de l’immigration.

La section de l’ABC estime qu’il est temps de se rétablir l’objectif de la LIPR. La Loi doit être repositionnée comme un cadre législatif centré sur les personnes – un cadre qui favorise l’intégration et l’équité. La prévention de la fraude et la gestion des risques demeurent essentielles, mais elles doivent poursuivre des objectifs plus vastes et non les éclipser afin de trouver l’équilibre. Une LIPR moderne doit tenir compte des valeurs démocratiques et des engagements juridiques du Canada, promouvoir la confiance par la clarté et la cohérence et mettre l’accent sur les réalités vécues par les personnes qui comptent sur le système d’immigration.

Une bonne gouvernance ne se limite pas à l’efficacité : elle exige de la transparence, de la cohérence et des mécanismes pour la responsabilité à l’égard du public. Au cours des dernières années, l’architecture de la prise de décisions en matière d’immigration a effectué un virage marqué vers le pouvoir discrétionnaire de la haute direction, souvent exercé par l’entremise d’instructions ministérielles, de politiques d’intérêt public temporaires et de lignes directrices internes qui omettent l’examen public.7 Bien que ces outils offrent une certaine souplesse, leur utilisation fréquente et opaque a réduit la prévisibilité, limité l’accès aux recours et miné la confiance dans l’intégrité du système d’immigration du Canada.

La section de l’ABC appuie le rééquilibrage de la LIPR afin de renforcer la surveillance et de veiller à ce que les instruments discrétionnaires soient utilisés d’une manière transparente, fondée sur des principes et démocratiquement responsable. Un système d’immigration moderne ne doit pas seulement bien fonctionner, il doit être vu comme fonctionnant de manière juste et conforme à la loi.

2.1 Réaffirmer la primauté du droit en immigration : Renforcer le droit et la politique en matière d’immigration grâce à l’application transparente et démocratique de la LIPR

La LIPR énonce un large éventail d’objectifs, y compris la recherche d’avantages économiques et sociaux, l’enrichissement du tissu social et culturel du Canada, la réunification des familles et le respect des obligations internationales relatives aux réfugiés, tout en maintenant l’intégrité et la sécurité du système d’immigration. Au fil du temps, cet équilibre a toutefois changé. Ce qui était censé être un cadre de facilitation est devenu de plus en plus un régime d’application de la loi, un régime qui accorde la priorité au risque, à la dissuasion et au contrôle administratif plutôt qu’à la transparence, à l’inclusion et à la réactivité. Bien qu’il soit essentiel de continuer à accorder la priorité à la sécurité et à la gestion des risques, les réformes réfléchies que nous proposons permettront d’atteindre plus efficacement ces objectifs. Ces réformes renforceront l’intégrité tout en rétablissant une approche équilibrée et centrée sur la personne, conforme à la vision initiale de la LIPR.

Les communautés de représentants autorisés et de demandeurs d’immigration croient de plus en plus que les pratiques et la prestation de services en matière d’immigration s’éloignent des objectifs fondamentaux de la LIPR et que l’utilisation prioritaire des instructions ministérielles, des politiques d’intérêt public et de la prise de décisions axées sur la technologie définit clairement un modèle d’immigration descendant plutôt qu’un modèle collaboratif. Toutefois, l’établissement d’un programme plus mesuré et nuancé est à notre portée. Le système doit changer, mais nous devons nous assurer que le rythme, la cohérence et le mode des changements sont fermement ancrés dans les valeurs juridiques et démocratiques fondamentales du Canada.

Par exemple, la LIPR est de plus en plus considérée comme un outil de gestion et d’application de la réglementation, plutôt que comme un cadre juridique pour la prise de décisions transparentes et fondées sur des principes. Désormais, les instructions ministérielles servent non seulement à établir les priorités, mais aussi à limiter l’accès et à remplacer les volets de demande existants, souvent sans consultation publique ni explication. En 2008, l’une de ces instructions a eu pour effet d’annuler des milliers de demandes présentées dans le cadre du programme des travailleurs qualifiés fédéral (TQF), alors que certaines de ces demandes étaient en attente depuis jusqu’à huit ans, et ce, sans réelle possibilité de recours. Cela a marqué un virage vers un contrôle discrétionnaire au détriment de la procédure régulière.

Le recours croissant à des instruments non réglementaires mine la confiance du public dans l’intégrité du système. Les cadres réglementaires, comme ceux publiés dans la Gazette du Canada, doivent faire l’objet d’un examen minutieux, nécessitent une justification et exigent la contribution du public. Ce qui n’est pas le cas des instructions ministérielles. L’utilisation de politiques d’intérêt public temporaires pour remplacer une réglementation officielle s’écarte des saines pratiques législatives. Ces outils doivent être limités, clairement définis et assujettis à la responsabilité à l’égard du public.

L’efficacité et la souplesse sont souvent mentionnées comme raisons pour utiliser les outils non réglementaires en vue d’une réforme des politiques. Cependant, on accorde trop peu d’attention à ce que l’on perd avec l’érosion des garanties et des valeurs démocratiques. Nous mettons en garde contre tout système qui accorde trop de pouvoir à trop peu de personnes, et qui permet un changement décisif sans faire l’objet d’une réflexion suffisante. Il existe de nombreuses preuves dans le paysage actuel de l’immigration selon lesquelles cette approche ne donne pas de bons résultats8.

2.2 Harmonisation des pouvoirs ministériels et de l’élaboration des politiques avec les objectifs de la LIPR

Les instructions ministérielles ont été introduites dans la LIPR en 2008 par l’entremise de l’article 87.3 comme mécanisme pour traiter l’augmentation du nombre de demandes. Depuis, leur utilisation a considérablement augmenté, ce qui a eu une incidence sur le nombre de demandes reçues, les critères de sélection, les priorités de traitement et les fermetures de programmes. Ces instruments ne font pas l’objet d’un débat parlementaire ou d’un processus réglementaire. Ils peuvent être (et le sont fréquemment) délivrés sans préavis, consultation ou justification, et peuvent remplacer les droits de demande existants ou perturber les plans à long terme établis en s’appuyant sur des cadres antérieurs.

Le recours à des politiques d’intérêt public temporaires a augmenté de manière similaire. Ces outils régissent maintenant des volets entiers de l’immigration, y compris les voies d’accès pour motifs humanitaires, les projets pilotes d’immigration économique et les initiatives de régularisation. Contrairement aux règlements, les politiques d’intérêt public ne sont pas publiées en version provisoire, ne font pas l’objet de consultations officielles et peuvent être appliquées de façon inégale entre les demandeurs. Bien qu’elles offrent une commodité administrative, elles risquent de créer des systèmes parallèles de gestion de l’immigration qui manquent de transparence et de responsabilisation.

La section de l’ABC recommande que toutes les instructions ministérielles et les politiques d’intérêt public fassent l’objet de consultations publiques et d’une évaluation des répercussions avant leur mise en œuvre. Il faut à tout le moins fournir la justification juridique, les objectifs opérationnels et les effets prévus. Un système d’immigration prévisible exige que les changements stratégiques soient réfléchis et non arbitraires.

2.3 Renforcer la surveillance indépendante : Un ombudsman de l’immigration

Afin d’améliorer la responsabilisation institutionnelle et d’offrir des recours aux demandeurs et aux intervenants, la section de l’ABC appuie la création d’un poste d’ombudsman de l’immigration.9 Ce bureau devrait être indépendant d’IRCC et avoir le pouvoir de recevoir les plaintes, d’entreprendre des enquêtes, de vérifier les problèmes systémiques et de faire rapport publiquement au Parlement.

L’ombudsman ne servirait pas d’organisme d’appel pour les cas individuels, mais plutôt de mécanisme de surveillance complémentaire dont le mandat serait principalement axé sur les questions systémiques, à l’instar du rôle joué par un auditeur général. Ce modèle est utilisé dans d’autres administrations pour promouvoir la transparence et donner une voix aux personnes qui naviguent dans des systèmes bureaucratiques complexes sans soutien important. Pour être efficace, un tel bureau doit être mis en place de pair avec des réformes plus larges qui réduisent le nombre de plaintes en améliorant la prise de décision, en renforçant la transparence et la responsabilisation à des stades plus en amont du système. Si l’ombudsman devient une soupape de sécurité pour les personnes en dehors des tribunaux, il risque d’être débordé et finalement inefficace.

L’ombudsman doit avoir accès aux données décisionnelles anonymisées, être en mesure de vérifier la prestation du programme et avoir le mandat de publier des rapports publics annuels sur les principaux enjeux touchant les demandeurs et l’intégrité du processus décisionnel. Cela aiderait à combler l’écart actuel entre l’administration de première ligne, le réexamen par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) et la Cour fédérale, et la surveillance législative.

2.4 Assurer une contribution démocratique à la politique d’immigration

La politique d’immigration façonne le tissu social et économique du Canada. Les décisions concernant les personnes qui peuvent entrer, rester ou retrouver leurs proches ont de profondes conséquences personnelles et sociétales. Pourtant, une grande partie de cette élaboration des politiques se déroule maintenant en dehors des processus démocratiques traditionnels – par l’entremise de bulletins opérationnels, d’instructions de programme internes et de critères non publiés qui orientent le pouvoir discrétionnaire des agents. Elle se trouve principalement sur le site Web d’IRCC, ce qui rend les dispositions difficiles à réunir, à répertorier et à consulter, surtout lorsqu’elles changent ou disparaissent au fil du temps. Le fait de retirer l’élaboration des lois sur l’immigration du cadre législatif et réglementaire ne limite pas seulement la transparence et la cohérence, mais affaiblit notre démocratie. Dans un contexte mondial où les institutions démocratiques sont mises à rude épreuve, préserver le rôle du Parlement dans l’élaboration de la politique d’immigration est plus qu’une question de bonne gouvernance; c’est essentiel pour sauvegarder la légitimité de notre système démocratique.10

La section de l’ABC appuie l’exigence selon laquelle les modifications importantes apportées aux politiques, en particulier celles qui ont une incidence sur l’admissibilité, les droits procéduraux ou les nouveaux volets de programme, soient soumis aux commentaires pertinents du public. Lorsque des règlements sont utilisés, le processus de la Gazette du Canada doit être entièrement respecté. Lorsque des politiques sont adoptées sur le plan administratif, l’avis public et la mobilisation des intervenants doivent être intégrés au processus de conception. Comme l’ont souligné la vérificatrice générale et les juristes, l’élaboration de politiques cohérentes et consultatives renforce à la fois les résultats des programmes et la légitimité publique11.

La section de l’ABC appuie les propositions visant à élaborer un cadre fondé sur les droits pour les demandeurs qui codifie les protections procédurales essentielles dans la LIPR. Cela pourrait comprendre le droit à des décisions opportunes et raisonnées, l’accès à l’information au dossier, des recours valables et un traitement équitable.

La section de l’ABC appuie également la mise sur pied d’un comité consultatif citoyen-intervenant sur l’immigration afin de bonifier la participation démocratique à l’élaboration des politiques. La mise en place d’une tribune structurée où les citoyens, les immigrants, les experts et les intervenants de première ligne peuvent offrir des commentaires sur les réformes de l’immigration, la prestation des services et les nouveaux enjeux augmenterait la participation démocratique et la confiance du public dans les politiques d’immigration12. La tribune pourrait fournir une rétroaction sur les modifications réglementaires ou législatives proposées et pourrait prodiguer des conseils sur les questions d’équité et de justice et examiner l’incidence des changements de politique sur les groupes vulnérables. Le comité pourrait organiser des tables rondes communautaires, des forums et des sondages pour faire entendre les voix de la population dans le dialogue national et établir des partenariats avec la société civile pour la sensibilisation et l’inclusion. Nous recommandons en outre que leurs recommandations annuelles publiques au ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté soient déposées au Parlement ou publiées sur le site d’IRCC.

2.5 Recommandations et conclusion

La section de l’ABC recommande les réformes législatives et stratégiques suivantes :

# Section Modifications recommandées
1. Limiter et élargir l’utilisation des exigences relatives aux avis publics pour les instructions ministérielles Articles 14.1 et 87.3 de la LIPR Conformément à la résolution de l’ABC de 201313, nous recommandons que la LIPR soit modifiée de façon à limiter la portée des instructions ministérielles afin que les dispositions ne puissent pas être utilisées pour mettre fin ou modifier considérablement les programmes d’immigration de base sans processus législatifs ou réglementaires.
Exiger un préavis public, une consultation des intervenants et un résumé de l’étude d’impact (comme dans les processus réglementaires) avant l’adoption des instructions ministérielles. Cela renforcerait le fait que les instruments juridiques ayant force exécutoire (comme les règles d’admissibilité aux programmes et les droits des demandeurs) doivent découler de lois ou de règlements, et non de lignes directrices ou de politiques internes.
Exiger que tout changement important apporté aux programmes d’immigration – en particulier ceux qui touchent les droits antérieurs – fasse l’objet d’un examen parlementaire ou réglementaire.
2. Préciser et limiter le recours aux politiques d’intérêt public Article 25.2 de la LIPR Préciser et limiter le recours à l’article 25.2 sur les politiques d’intérêt public. Plus précisément, définir la « politique d’intérêt public » et les « conditions ministérielles » dans la LIPR pour empêcher la création de règlements par substitution par l’entremise de politiques ponctuelles. Instaurer un processus officiel de création de politiques d’intérêt public, notamment :
  • Période de préavis minimale
  • Consultation publique
  • Publication des règles d’admissibilité dans la Gazette du Canada
  • Examen juridique fondé sur des principes d’équité et de transparence.
3. Créer un bureau d’ombudsman de l’immigration indépendant Création d’un bureau d’ombudsman de l’immigration indépendant qui relève du Parlement et qui a comme mandat premier de procéder à des examens systémiques, de surveiller l’équité et de promouvoir la transparence et l’harmonisation avec les objectifs de la LIPR. Bien que ce bureau puisse recevoir des plaintes, il devrait se concentrer sur l’identification des préoccupations et des tendances systémiques, et non sur le règlement de cas individuels. Pour être efficace, l’ombudsman doit travailler en parallèle avec des mesures améliorées en matière de prise de décision et de transparence qui réduisent le recours à la surveillance a posteriori. Le bureau appuierait également une mobilisation fédérale, provinciale et municipale coordonnée pour tenir compte des divers besoins régionaux.

4.

Intégrer à la LIPR un cadre fondé sur les droits, comprenant un comité consultatif composé d’intervenants de la société civile Intégrer à la LIPR un cadre fondé sur les droits qui exige la production de rapports publics, l’évaluation des répercussions la création d’un comité consultatif composé d’intervenants de la société civile afin de renforcer la participation démocratique et la responsabilisation dans l’élaboration des politiques d’immigration.

Une solide gouvernance en matière d’immigration exige de la transparence, de la responsabilisation un engagement en faveur de l’équité procédurale, ainsi que de la sécurité et de l’intégrité. Le cadre actuel de la LIPR manque de contrôle public en ce qui concerne la prise de décision discrétionnaire. La section de l’ABC exhorte le Parlement à améliorer l’apport démocratique et à renforcer le contrôle indépendant. Un système équitable doit non seulement être efficace, mais aussi juste. Pour rétablir l’objectif de la LIPR, il faut plus que des rajustements techniques – il faut un engagement renouvelé à l’égard des valeurs qui justifient l’existence même de la Loi. En rééquilibrant la loi en faveur de l’équité, de la clarté et de l’inclusion, et en traitant la prévention de la fraude comme une priorité de traitement plutôt que comme un facteur d’élaboration des politiques de fond, le Canada peut rétablir la confiance dans le système d’immigration et s’assurer que la LIPR sert une fois de plus les personnes qu’elle était censée protéger.

Il est aussi nécessaire de maintenir et de renforcer des mécanismes d’application rigoureux afin d’identifier, de dissuader et de sanctionner ceux qui cherchent à exploiter ou à abuser du système. Une version modernisée de la LIPR doit établir un équilibre délicat : elle doit cibler avec vigueur les acteurs de mauvaise foi au moyen de processus transparents et respectueux des droits, tout en préservant la dignité et le traitement équitable des demandeurs authentiques.

Une LIPR renouvelée doit également préserver le traitement équitable des personnes vulnérables – y compris les enfants et les jeunes – conformément aux obligations du Canada en vertu de la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies. Les lois et les politiques en matière d’immigration doivent accorder un poids important à l’intérêt supérieur de l’enfant et reconnaître les vulnérabilités uniques des jeunes et des autres personnes qui font face à des obstacles systémiques. Ces considérations ne sont pas accessoires, mais centrales à un système d’immigration humain et fondé sur les droits.

III. Intégration de l’expérience utilisateur à la justice naturelle

L’accès à la justice n’est pas seulement une question de décisions rendues. Il doit englober la façon dont les gens interagissent avec le système : s’ils le comprennent, s’ils peuvent s’y retrouver et si les renseignements et les outils qu’ils obtiennent permettent une participation concrète. En droit de l’immigration, où les décisions influent sur le statut, la sécurité, l’unité familiale et les moyens de subsistance, ces aspects de l’expérience utilisateur sont fondamentaux. Lorsque le système trompe les demandeurs, les induits en erreur ou les prive de pouvoir, cela compromet l’équité, même si le résultat est légalement justifiable.

La LIPR ne reconnaît pas expressément l’expérience utilisateur comme une valeur juridique. Toutefois, dans une société avancée sur le plan technologique, le terme « convivial » est synonyme de « équitable sur le plan procédural ». La clarté et l’accessibilité du système d’immigration sont essentielles au respect de la primauté du droit, et l’absence de ces principes de conception aura une incidence importante sur les résultats. De cette façon, la forme et le fond sont fondamentalement entrecroisés. Un cadre législatif moderne doit mettre l’accent sur les personnes qu’il gouverne. Il s’agit notamment d’utiliser un langage clair dans les formulaires et la correspondance, de supprimer les redondances, d’assurer l’accès en temps réel à l’information, de tirer parti de la technologie pour améliorer la communication et de tenir les décideurs responsables du respect de normes de service transparentes et exécutoires. Par exemple, IRCC devrait s’éloigner des modèles qui favorisent une « ruée vers le numérique », comme celui utilisé plus récemment pour le programme pour les aides familiaux14, qui empêchent l’accès aux personnes qui se trouvent dans le mauvais fuseau horaire ou avec un accès limité ou qui composent avec des limites d’accessibilité.15

3.1 Obstacles systémiques à l’équité

La complexité des processus d’immigration peut entraîner une injustice procédurale, surtout pour les demandeurs non représentés ou ceux qui ne connaissent pas les notions juridiques canadiennes. Les petites erreurs – comme cocher la mauvaise case ou mal comprendre un champ de formulaire – peuvent avoir des conséquences démesurées, y compris l’interdiction de territoire ou le refus de la demande. Par exemple, les fausses déclarations au titre de l’article 40 sont parfois déclenchées par des omissions ou des erreurs qui ne découlent pas d’une supercherie, mais de formulaires ambigus ou d’instructions déroutantes16. Dans ces cas, les demandeurs peuvent être pénalisés en raison de lacunes dans la conception systémique plutôt qu’en raison d’une inconduite individuelle.

Les communications d’IRCC sont souvent incohérentes ou opaques. Les demandeurs peuvent recevoir des avis concernant des modèles et peu d’explications sur ce qu’il faut faire pour régler un problème. Les avis peuvent être publiés dans des formats inaccessibles ou contenir un langage trop technique, et la présentation de demandes d’accès à l’information ou de contrôle judiciaire est souvent nécessaire pour connaître tous les motifs d’une décision, ce qui a des répercussions en aval sur d’autres institutions et organismes partenaires. Le manque de clarté implique également une forte dépendance à l’égard des conseils et de l’expertise juridique, ce qui a des conséquences néfastes pour les clients démunis, qui sont souvent les plus vulnérables. En l’absence d’une communication claire et adaptée, les demandeurs doivent deviner ce que l’on attend d’eux, et ils risquent ainsi de perdre leur statut ou les possibilités d’un procès équitable auxquels ils ont légalement droit.

Les outils technologiques peuvent aider, mais seulement s’ils sont mis en œuvre en tenant compte de l’utilisateur. Les plateformes actuelles manquent souvent de transparence, d’interactivité ou de mises à jour en temps réel. Les demandeurs peuvent ne pas savoir à quelle étape se trouve leur dossier, quels documents sont en attente, quels documents ont été soumis par leur représentant ou la raison pour laquelle un retard s’est produit. Ces lacunes entraînent de la frustration, une augmentation des demandes de renseignements, de l’exploitation et un sentiment de caractère arbitraire.

3.2 Adopter un langage clair et des pratiques normalisées en matière d’accès

La section de l’ABC recommande un changement législatif et opérationnel qui intègre l’expérience utilisateur comme élément de justice naturelle. Premièrement, tous les formulaires de demande et la correspondance doivent être examinés et révisés en fonction des principes du langage clair, en tenant compte de l’accessibilité interculturelle et multilingue. La clarté juridique n’est pas la même chose que la précision juridique. Un langage trop technique ou passif augmente le risque de malentendu et empêche de participer concrètement à son propre cas17.

Deuxièmement, les systèmes destinés aux utilisateurs doivent intégrer des fonctions interactives qui permettent la communication et le soutien en temps réel. Des outils comme des applications en ligne guidées, des assistants virtuels et des portails de messagerie sécurisée peuvent aider à préciser les attentes et à réduire le risque d’erreur procédurale. Les services en personne doivent également demeurer disponibles pour les personnes exclues par voie numérique ou qui ont besoin de mesures d’adaptation.

Troisièmement, les demandeurs doivent avoir accès aux données concernant leur dossier, notamment : données mises à jour en temps réel et présentées dans un format intelligible. Cela réduirait le recours aux demandes d’AIPRP et aux contrôles judiciaires, ce qui réduirait au minimum les suppositions et permettrait d’intervenir plus rapidement lorsque des problèmes surviennent. Lorsque l’IA ou la PDA est utilisée, les personnes doivent être informées du moment où ces outils sont utilisés dans leur cas et de la façon dont ils sont utilisés, conformément aux pratiques exemplaires internationales.18

Enfin, nous recommandons la création d’un répertoire centralisé, accessible au public, des politiques actuelles des programmes, des critères d’éligibilité et des orientations procédurales. À l’heure actuelle, les principales exigences sont dispersées sur des pages Web, dans des communications par courrier électronique et sur des canaux informels, ce qui crée souvent de la confusion ou des informations contradictoires. De nombreux éléments de la politique opérationnelle relève également du « droit secret », dans la mesure où les attentes du programme ne sont pas clairement publiées. Tous ces facteurs nuisent à la cohérence et à la transparence. Il est essentiel de rendre les exigences des programmes faciles à trouver pour assurer l’équité et permettre aux candidats de comprendre et de répondre aux arguments avancés.

3.3 Renforcement des garanties de service

L’équité administrative exige également que le système réponde à des attentes raisonnables en matière de rapidité et de réactivité. La section de l’ABC appuie l’application de la Loi sur les frais de service aux programmes d’immigration et recommande que la modernisation de la LIPR comprenne des normes de service exécutoires19. Les mesures de rendement doivent être publiées régulièrement, pour tous les types de demandes, et accompagnées d’explications lorsque les objectifs ne sont pas atteints. Le public a le droit de savoir si les services d’immigration fonctionnent efficacement et de tenir les institutions responsables lorsqu’elles ne le sont pas.

3.4 Renforcement de l’équité procédurale et de la réactivité du système d’immigration canadien

L’équité procédurale est un principe fondamental du droit administratif canadien et une pierre angulaire de la primauté du droit en vertu de la Charte des droits et libertés (Charte). Or, dans le cadre actuel de l’immigration, les demandeurs dont les dossiers sont incomplets ou comportent des omissions mineures se voient souvent opposer un refus immédiat sans avoir la possibilité de corriger leurs erreurs. Cette pratique risque de compromettre l’accès à la justice, en particulier pour les demandeurs vulnérables qui peuvent être confrontés à des barrières linguistiques, à des ressources limitées ou à des exigences procédurales complexes. Des déficiences techniques mineures ne devraient pas constituer un obstacle disproportionné à l’obtention d’une décision en matière d’immigration, en particulier lorsque les mérites substantiels d’une demande sont solides et bien établis.

Un cadre formalisé d’équité procédurale et de réexamen alignerait le processus décisionnel en matière d’immigration sur les objectifs fondamentaux de la LIPR, en veillant à ce que les demandeurs soient traités avec dignité, qu’ils soient dûment informés des lacunes et qu’ils aient la possibilité d’être entendus avant que les décisions défavorables ne soient finalisées. L’équité ne doit pas être sacrifiée à la rapidité; au contraire, un système d’immigration moderne doit comporter des garanties procédurales qui respectent à la fois les droits des individus et l’intégrité des institutions canadiennes. Cette approche favoriserait également l’efficacité administrative en réduisant les demandes redondantes et les litiges inutiles, tout en renforçant la confiance du public dans la transparence, le caractère raisonnable et l’équité des procédures d’immigration.

En outre, le système d’immigration actuel ne dispose pas d’un cadre cohérent et transparent pour traiter les demandes de traitement urgent ou les retraits de demandes dans les différents volets. Par conséquent, les demandeurs dont les besoins humanitaires, de regroupement familial, d’emploi ou juridiques sont urgents ne disposent pas d’un canal clair pour formuler leurs demandes et se heurtent souvent à la confusion, à des décisions incohérentes et à des retards de procédure qui nuisent à l’intégrité et à la réactivité du système. De même, les personnes qui doivent retirer leur demande en raison d’un changement important de circonstances ou qui doivent fournir de nouveaux documents pour informer le ministère d’un changement dans leur situation doivent pouvoir suivre des procédures claires et transparentes. En l’absence d’un processus normalisé et accessible, les situations d’urgence peuvent s’aggraver inutilement, entraînant des préjudices évitables pour les demandeurs et des inefficacités pour les décideurs. La mise en place d’un mécanisme clair pour le traitement des demandes urgentes, des demandes de retrait et le dépôt de documents additionnels favoriserait l’équité de la procédure, garantirait que l’urgence réelle est évaluée de manière cohérente et transparente, et permettrait aux agents d’immigration de hiérarchiser les ressources de manière plus efficace. Cela renforcerait également la confiance du public dans la capacité du système à répondre aux défis du monde réel avec agilité et humanité.

3.5 Recommandations et conclusion

La section de l’ABC recommande les réformes législatives et stratégiques suivantes :

# Section Modifications recommandées
5. Reconnaître l’expérience utilisateur comme une valeur juridique fondamentale. Intégrer formellement l’expérience utilisateur et l’accessibilité aux objectifs législatifs de la LIPR, en tenant compte de leur rôle central dans l’équité et la primauté du droit. Traiter la clarté, la convivialité et la participation concrète comme des éléments essentiels de la justice naturelle.
6. Moderniser les formulaires et les communications en utilisant un langage simple. Exiger un examen approfondi de tous les formulaires et avis et de toute la correspondance en matière d’immigration en utilisant des principes de rédaction en langage clair. Concevoir des communications multilingues, appropriées sur le plan interculturel et faciles à comprendre, surtout pour les demandeurs non représentés ou les demandeurs vulnérables. Éviter les questions trop techniques, juridiques ou comportant plusieurs volets et le langage passif qui crée des obstacles à la compréhension.
Cela aura pour effet d’atténuer les risques systémiques liés à l’équité procédurale en obligeant l’examen des processus qui peuvent entraîner des conséquences disproportionnées en cas d’erreurs mineures ou involontaires, en particulier en vertu des dispositions de l’article 40 sur les fausses déclarations. Il est essentiel de fournir aux demandeurs des directives claires et des occasions de corriger les omissions ou les erreurs sans pénalité automatique afin de préserver les ressources, d’assurer une exécution inutile et d’assurer une application équitable de la LIPR.
7. Améliorer la communication en temps réel et la transparence des dossiers Mettre au point et élargir les plateformes numériques interactives et centrées sur l’utilisateur qui fournissent ce qui suit :
  • Motifs complets des décisions
  • Mises à jour en temps réel sur l’état d’avancement des demandes
  • Avis concernant documents manquants ou des étapes non suivies
  • Messagerie bidirectionnelle sécurisée avec IRCC
Accorder aux demandeurs un accès en temps réel aux données de leur dossier dans un format intelligible afin de réduire le nombre de demandes d’AIPRP et le recours à la Cour fédérale ou à la CISR et d’accroître la réactivité du système.
8. Mettre en œuvre une technologie axée sur le demandeur Parallèlement à nos recommandations ci-dessous sur le déploiement de l’IA et de la PDA, mettre en œuvre des outils d’application guidés, des assistants virtuels et des options de clavardage en direct afin de préciser les exigences des demandes. Veiller au maintien des options de soutien en personne pour les gens qui ne disposent pas d’un accès numérique ou qui ont besoin de mesures d’adaptation. Indiquer de façon claire quand l’IA ou l’automatisation est utilisée dans la prise de décisions et fournir des explications et des mécanismes de recours, conformément aux pratiques exemplaires internationales.
9. Éliminer les modèles d’admission favorisant une « ruée vers le numérique » pour assurer un accès équitable Remplacer les modèles numériques d’admission selon le principe du premier arrivé, premier servi par des processus équitables et assurer l’accès équitable peu importe le fuseau horaire, la connectivité à Internet ou des limites d’accessibilité. Les systèmes d’admission doivent être conçus de manière à promouvoir l’équité, l’inclusion et les véritables possibilités de présenter une demande.
10. Établir des normes de service exécutoires – Loi sur les frais de service Élargir la Loi sur les frais de service aux programmes d’immigration afin d’officialiser les attentes en matière de service. Instaurer des normes de service législatives et exécutoires dans la LIPR pour assurer un traitement rapide, prévisible et équitable. Exiger qu’IRCC publie régulièrement les mesures de rendement, en fournissant des explications lorsque les cibles ne sont pas atteintes, ce qui améliore la transparence et la responsabilité à l’égard du public.
11. Établir un cadre formalisé d’équité procédurale et de réexamen des demandes incomplètes ou déficientes Modifier la LIPR et son règlement afin d’obliger les agents d’immigration à émettre un avis formel d’insuffisance pour une demande incomplète ou qui contient des omissions mineures, donnant ainsi aux demandeurs une possibilité raisonnable de corriger l’erreur avant qu’un refus définitif ne soit émis. Normaliser la procédure de réexamen avec des délais clairs, des critères transparents pour l’acceptation d’informations supplémentaires et une explication écrite si une correction est jugée insuffisante. Ce cadre favoriserait l’équité, la cohérence et l’efficacité administrative tout en réduisant les nouvelles demandes inutiles et les retards de traitement.
12 Créer un mécanisme normalisé de traitement d’urgence, de retrait, de mise à jour et de révocation pour tous les volets d’immigration Modifier la LIPR et son règlement afin d’élaborer des instructions officielles obligeant les agents d’immigration à mettre en œuvre une procédure claire et accessible pour demander un examen urgent des dossiers d’immigration, y compris des critères transparents, des procédures de demande normalisées et des normes de service pour la prise de décision. De même, les demandeurs doivent disposer d’une procédure simple et rapide pour retirer leur demande lorsque les circonstances ont changé de manière significative ou pour soumettre des documents supplémentaires à l’appui d’une demande en cours lorsque les circonstances ont changé. Bien que le formulaire en ligne de l’IRCC soit actuellement proposé comme l’outil approprié à cette fin, les utilisateurs sont souvent confrontés à de longs délais, et les demandes sont souvent traitées sans que les nouveaux éléments soient pris en considération
Aussi, il conviendrait d’étudier des règlements visant à normaliser l’annulation des visas et des permis, y compris des critères transparents, des procédures de demande normalisées et des normes de service pour la prise de décision.

L’équité en matière d’immigration ne se limite pas à la décision finale. Elle est présente dans toutes les interactions en cours de route. En intégrant l’expérience utilisateur à la conception des processus d’immigration – et en traitant la clarté, l’accès à la navigabilité et la communication comme des enjeux juridiques – le Canada peut faire respecter les valeurs de la LIPR et rétablir la confiance dans son administration. Un système d’immigration moderne doit non seulement prendre les bonnes décisions, mais aussi faire en sorte qu’elles sont lisibles, accessibles et humaines. Parallèlement, un système bien conçu doit intégrer des mesures d’exécution solides, équitables et transparentes afin de dissuader et de traiter efficacement les comportements répréhensibles. Il est essentiel de veiller à ce que le système soit accessible et juste pour les demandeurs légitimes, tout en maintenant des conséquences rigoureuses pour ceux qui agissent de mauvaise foi, afin de préserver à la fois la confiance du public et l’intégrité du cadre de l’immigration au Canada.

IV. Un nouveau cadre pour la technologie et l’IA et la PDA dans la prise de décisions en matière d’immigration

La technologie redéfinit toutes les facettes du système d’immigration du Canada. Que ce soit du triage en vue de l’admissibilité au signalement des risques et aux communications automatisées, l’IA et la PDA sont déjà intégrées aux activités d’immigration. Ces outils offrent la rapidité, l’uniformité et l’occasion d’améliorer la prestation des services à grande échelle. Mais ils soulèvent également des questions urgentes au sujet de l’équité, de l’explicabilité et de la responsabilisation, particulièrement dans un système juridique à enjeux élevés où les décisions peuvent mener à l’exclusion, à la détention ou au renvoi.

La section de l’ABC reconnaît l’engagement de l’innovation numérique en matière d’immigration et appuie l’utilisation responsable de la technologie pour améliorer l’accès et l’efficacité. Toutefois, cet engagement doit être assorti d’un cadre juridique clair et exécutoire qui garantit que les systèmes d’IA sont transparents, vérifiables et soumis à une surveillance appropriée. En l’absence de telles mesures de protection, la technologie risque d’accentuer les inégalités existantes et d’intégrer la prise de décision opaque au cœur de la LIPR.20

IRCC a réalisé des progrès remarquables dans l’utilisation de l’IA et de la PDA et a contribué à l’élaboration de directives clés, d’évaluations de l’incidence algorithmique (EIA), d’évaluations des facteurs relatifs à la vie privée (EFVP) et d’autres documents de référence pour mieux favoriser la compréhension de la technologie en place et de son incidence sur la prise de décisions. Toutefois, IRCC considère souvent l’IA et l’automatisation comme des outils opérationnels, pas nécessairement comme des instruments juridiques, les traitant souvent comme une infrastructure de TI. Depuis des années, on reproche à IRCC d’être opaque sur le fonctionnement de ces outils et d’utiliser des outils comme Chinook avant même que le public ou la communauté juridique n’apprennent leur existence. C’est seulement après les demandes d’AIPRP, les contestations judiciaires et les pressions du public qu’IRCC a commencé à communiquer des détails. Le déploiement a indiqué de façon claire que la transparence n’était pas priorisée. 21

IRCC défend parfois le manque de consultation parce que ces systèmes sont des outils internes qui aident les agents. Ils ne rendent pas les décisions finales, il n’est donc pas nécessaire qu’ils fassent l’objet d’un examen juridique. Il a également été maintenu que la préservation de l’intégrité du programme exige une communication minimale des renseignements opérationnels. Mais en pratique, la distinction entre « opérationnel » et « décisionnel » est brouillée par l’automatisation des cotes de risque, le suivi des modèles, le tri aux fins de l’admissibilité et les modèles de refus22.

Lorsque de nouvelles technologies sont adoptées, il est impératif qu’elles n’entravent pas le pouvoir discrétionnaire des délégués du ministre ni ne nuisent à la transparence, à l’équité et à la responsabilisation, qui sont des principes fondamentaux du droit administratif. La question de savoir si les outils d’IA adoptés par le Ministère ont réussi à atteindre cet équilibre doit faire l’objet d’un examen public et judiciaire. Toutefois, l’absence de paramètres clairement définis pour l’utilisation des données et l’absence de mécanismes de surveillance et de contrôle clairs et indépendants ont nui à la confiance du public et entraîné une avalanche de demandes d’accès à l’information et de litiges visant à mieux comprendre le processus décisionnel. Cela marque un changement radical, passant d’une approche d’ouverture et de transparence à une approche plus restrictive et moins communicative, ce qui soulève des préoccupations au sujet de la responsabilisation et des principes démocratiques.

4.1 Un rôle croissant sans cadre juridique clair

IRCC a déjà déployé des systèmes automatisés dans divers contextes, y compris le traitement des visas de visiteur, des permis d’études et de certains volets de résidence permanente. Ces outils permettent de trier les demandes, d’évaluer les risques et de déterminer l’admissibilité en fonction d’une logique préprogrammée, des règles à suivre par les agents et d’algorithmes prédictifs. Bien que ces outils aient contribué à gérer des volumes élevés, elles ont également créé des écarts dans les résultats de traitement, alors que certains demandeurs voyaient leur demande approuvée en quelques jours, tandis que d’autres faisaient face à des retards inexpliqués pendant des mois23.

Malgré ces utilisations généralisées, la LIPR ne prévoit aucun cadre législatif dédié à la conception, au déploiement ou à l’examen des systèmes d’IA. La loi ne prévoit pas non plus d’obligation légale d’informer les personnes lorsqu’un outil automatisé est utilisé dans leur dossier. Les demandeurs n’ont pas le droit de recevoir des explications utiles sur les résultats de l’algorithme ou de demander un examen par une personne des décisions automatisées. Cela mine l’équité procédurale et limite la capacité des demandeurs de connaître, de comprendre ou de contester des décisions qui ont une incidence sur leur statut.

La Directive sur la prise de décisions automatisée du Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT)24 fournit une orientation de haut niveau à l’échelle des ministères fédéraux, y compris sur l’utilisation des EIA. Toutefois, la Directive :

  • est non exécutoire en vertu de la LIPR et n’a pas force de loi dans les audiences de l’immigration;
  • ne crée pas de droits pour les demandeurs ou n’impose pas de garanties procédurales, comme une transparence compréhensible, un examen par une personne ou un raisonnement;
  • a été conçue pour les opérations gouvernementales générales et ne tient pas entièrement compte de la complexité, des enjeux juridiques et des dimensions humanitaires uniques du processus décisionnel en matière d’immigration.

Cela indique une lacune importante en matière de gouvernance, ce qui rend le système d’IRCC en décalage par rapport aux pratiques exemplaires internationales. Nous disposons d’une structure de surveillance générale par l’entremise du SCT et du Commissariat à la protection de la vie privée (CPVP), ces organismes n’ont pas l’expertise en la matière, le mandat ou la proximité opérationnelle nécessaires pour réglementer efficacement l’IA propre à l’immigration. IRCC est très bien placé pour assumer ce rôle, à condition que de solides mécanismes de surveillance soient mis en place pour assurer la responsabilisation dans le domaine du droit de l’immigration, de la citoyenneté et des réfugiés et de la prestation de services.

Comme IRCC possède une expertise dans les diverses voies d’accès à l’immigration, les normes juridiques appropriées et les exigences en matière d’équité procédurale, il est le mieux placé pour concevoir et mettre en œuvre une gouvernance de l’IA adaptée à l’objectif qui intègre des mesures de protection directement à la conception du système fondées sur les modifications apportées à la LIPR. Ces outils doivent réagir rapidement aux risques et adapter les cadres à mesure que les programmes évoluent. La surveillance doit être adaptée au contexte de l’immigration, car les normes génériques des organismes centraux ne peuvent pas tenir pleinement compte des résultats qui changent la vie inhérents aux décisions en matière d’immigration (p. ex., séparation familiale, expulsion, protection des réfugiés).

L’autre avantage à la surveillance réglementaire au sein d’IRCC est d’assurer la cohésion des objectifs en matière d’immigration avec les priorités opérationnelles. Cela dit, IRCC doit mobiliser activement d’autres intervenants clés, y compris les Cours fédérales, la CISR, EDSC, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et des organisations comme l’ABC pour cerner et traiter les préoccupations et les risques continus cernés par les intervenants. Cela assurera une responsabilisation externe, préservera la confiance du public et fera respecter les droits juridiques. Cela permettra également de s’assurer qu’un humain informé demeure au cœur de la prise de décision.

4.2 Risques de biais, d’exclusion et de non-révision

Les outils automatisés ne sont pas neutres. Ils reposent sur les données saisies et une logique programmée qui tiennent compte des hypothèses institutionnelles et des choix stratégiques existants. Si ces hypothèses sont erronées ou biaisées, la technologie reproduira ou amplifiera ces biais à grande échelle. L’utilisation de l’IA risque également d’isoler de vastes pans du pouvoir discrétionnaire de la surveillance publique et de l’examen judiciaire, ce qui empêche même de procéder à un examen efficace de la Charte, car les biais perpétués par l’apprentissage automatique seront incompréhensibles pour ceux qui n’ont pas accès à l’algorithme et à l’ensemble complet de données. Cela est particulièrement dangereux dans un système comme celui de l’immigration qui est utilisé par des demandeurs racialisés, des personnes provenant de régions touchées par un conflit et d’autres personnes qui peuvent subir des conséquences graves et quasi pénales qui invoquent les protections prévues par la Charte.

Les personnes qui utilisent notre système d’immigration ont le droit de s’attendre raisonnablement à la protection de la vie privée, surtout en ce qui concerne l’utilisation de leurs données personnelles dans le développement et l’utilisation de systèmes d’IA. À l’heure actuelle, il n’existe pas de modalités ou de limites claires quant à la portée de la collecte ou de l’utilisation, ni de précisions sur les garanties de protection des renseignements personnels pour les personnes dont les données sont recueillies aux fins de migration au Canada. Cette situation est particulièrement préoccupante lorsque les données peuvent être utilisées dans d’autres technologies soutenues par l’IA. D’autres éléments de préoccupation surviennent lorsque les renseignements peuvent être impartis à des tiers à des fins d’innovation technologique.

Deux domaines importants où la conformité à la Charte est préoccupante découlent des articles 15 et 7 de la Charte. Des caractéristiques personnelles comme l’âge, le pays de citoyenneté et l’état matrimonial – qui font l’objet de mesures de protection de l’égalité en vertu de l’article 15 de la Charte – sont utilisées depuis des décennies dans la sélection des immigrants. Toutefois, l’utilisation appropriée de ces facteurs de différenciation fait l’objet d’un examen minutieux en vertu de la Charte, qui deviendra difficile à mesure que les décisions générées par l’IA se multiplient et qu’elles reposent de plus en plus sur l’analyse avancée des données et des modèles prédictifs qui ne font pas partie du dossier du tribunal. Comment, dans ces cas, les tribunaux peuvent-ils garantir la conformité à l’article 15?

Les questions relatives à la conformité à l’article 7 dans l’utilisation des outils d’IA ont été soulevées dans le contexte du droit criminel et doivent également être prises en compte dans le contexte de l’immigration, où des conséquences pénales et quasi pénales surviennent souvent – par exemple dans l’application des dispositions d’application de la LIPR et même dans l’application des règles d’admissibilité25. Dans le contexte criminel, des préoccupations ont été soulevées concernant l’introduction de l’IA en salle d’audience. Par exemple, Michael Purcell (J.D., procureur adjoint de la Couronne) et Matthew Zaia (candidat au diplôme J.D.) a examiné dans les mots suivants les répercussions de l’utilisation d’éléments de preuve produits par des données générées par l’apprentissage automatique dans un procès où le défendeur n’est alors pas en mesure de confronter le témoin qui fournit ces renseignements26 :

[Traduction]
Au Canada, ces préoccupations portent sur les droits fondamentaux en matière de procès en vertu de l’article 7 et de l’alinéa 11(d) de la Charte canadienne des droits et des libertés, comme le droit de confronter un témoin. Roth associe l’impénétrabilité du processus machine à la « dignité de l’accusé et à la légitimité perçue du processus juridique » et propose en fin de compte un cadre juridique pour conceptualiser et réglementer la preuve machine.27

Dans un autre exemple de biais potentiel, la vérificatrice générale a soulevé des préoccupations au sujet du traitement des incohérences dans les voies d’accès à la résidence permanente, soulignant qu’IRCC n’a pas été en mesure de démontrer que son utilisation de l’automatisation était équitable ou exempte de biais28. Ces préoccupations sont exacerbées par l’opacité des systèmes d’IA, dont bon nombre sont considérés comme exclusifs ou trop complexes pour être expliqués en langage simple. Ce manque d’explicabilité est incompatible avec les principes fondamentaux de la justice administrative, où les décisions doivent être intelligibles, transparentes et susceptibles d’être réexaminées.

D’autres questions surgissent quant à la question de savoir si la Charte s’appliquera à certains types de demandes qui dépassent la portée du présent document et quant au moment où elle s’appliquera à ces types de demandes29. Aux fins de la présente, nous tenons à souligner que la conformité à la Charte est une préoccupation continue qui doit être soigneusement prise en compte dans la mise en œuvre de l’IA.

Les risques que nous avons décrits ci-dessus ne sont pas simplement théoriques. Dans le contexte de l’immigration, les décisions prises par les systèmes automatisés ou façonnées par ceux-ci peuvent entraîner des rejets, des conclusions d’interdiction de territoire ou une séparation prolongée des familles. En l’absence de mesures de protection, les demandeurs sont vulnérables aux erreurs qu’ils ne peuvent pas repérer ni corriger. Comme il est mentionné ailleurs dans cette présentation, l’utilisation d’une logique stricte axée sur les données dans les évaluations de l’interdiction de territoire – surtout dans les dispositions sur la criminalité – démontre comment une injustice systémique peut survenir lorsque le pouvoir discrétionnaire est automatisé sans contrainte adéquate.

4.3 Principes d’un cadre de l’IA responsable

La section de l’ABC recommande l’instauration d’un cadre législatif dans la LIPR pour régir l’utilisation de l’IA et des outils automatisés dans la prise de décisions en matière d’immigration. À tout le moins, ce cadre devrait comprendre ce qui suit :

  • Exigences en matière de transparence et de préavis, en veillant à ce que les demandeurs soient informés lorsque leur dossier passe par l’automatisation et qu’ils reçoivent une explication claire de la façon dont les décisions ont été prises. Des renseignements plus détaillés sur les systèmes d’IA adoptés, y compris les évaluations des facteurs relatifs à la vie privée, les tableaux de bord de surveillance publique, etc., devraient être fournis au public.
  • Examen avec intervention humaine, y compris le droit de demander un réexamen humain lorsque l’automatisation a une incidence importante sur un résultat.
  • Vérifications et surveillance, qui exigent une évaluation régulière des systèmes d’IA pour en vérifier l’exactitude, la présence de biais et l’équité des résultats, dont les résultats sont accessibles au public.
  • Formation et normes éthiques, exigeant que le personnel d’IRCC suive une formation sur l’utilisation, les limites et la surveillance des outils automatisés, y compris des conseils sur la prévention de la discrimination systémique.
  • Mobilisation des intervenants, créant des mécanismes permettant aux professionnels du droit du secteur privé et du ministère de la Justice, aux membres de la magistrature, aux groupes communautaires et aux experts en la matière de participer à la conception, à la mise en œuvre et à l’examen des systèmes d’IA30.

Ces principes s’harmonisent avec les nouvelles normes internationales, y compris la Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur l’intelligence artificielle et les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit, que le Canada a contribué à façonner. L’intégration de ces définitions et de ces normes à la LIPR permettrait de s’assurer que le système d’immigration du Canada tienne compte de son engagement plus large à l’égard d’une gouvernance numérique fondée sur les droits.31

Nous avons élaboré une liste plus complète de recommandations que nous serions heureux de partager à votre demande.

4.4 Droits de recours et de révision

Les demandeurs qui sont lésés par les processus automatisés doivent avoir accès à des recours rapides et efficaces. Cela comprend le droit de comprendre le fondement de la décision, de corriger des erreurs de fait et d’interjeter appel ou de demander un contrôle judiciaire de résultats erronés. Un système équitable ne peut pas permettre à l’automatisation de devenir un bouclier contre la responsabilisation.

La réforme législative doit également traiter des enjeux relatifs à la preuve des litiges liés à l’IA, y compris l’accès au code, aux sources de données et à la logique algorithmique. Sans une telle transparence, les demandeurs et les avocats ne peuvent pas bien présenter des arguments éclairés, et les tribunaux sont limités dans leur capacité à évaluer la légalité et l’équité.

4.5 Recommandations et conclusion

La section de l’ABC recommande les réformes législatives et stratégiques suivantes :

# Section Modifications recommandées
13. Modifier l’utilisation de l’IA et de la PDA propres à la LIPR et au RIPR Instaurer des dispositions spécifiques dans la LIPR pour réglementer l’utilisation de l’IA et de la PDA dans les processus d’immigration, qui reposent sur des principes contraignants de transparence, d’avis, de responsabilisation, d’examen et de surveillance avec intervention humaine, de surveillance régulières, de solides normes éthiques et de formation et de véritable engagement des intervenants. Ces dispositions devraient établir des mécanismes permettant aux professionnels du droit, aux groupes communautaires et aux experts en la matière de participer à la conception, à la mise en œuvre et à l’examen des systèmes d’IA. Modifier le RIPR pour mettre en oeuvre ces principes, y compris les communications obligatoires, les évaluations de l’incidence algorithmique, les évaluations des facteurs relatifs à la vie privée et les mécanismes de recours exécutoires.
14. Mettre sur pied une unité indépendante de surveillance de l’IA Mettre sur pied une unité indépendante de surveillance de l’IA au sein d’IRCC qui sera responsable de la conformité, des vérifications et de l’établissement de rapports destinés au public, avec examen externe par le Commissariat à la protection de la vie privée (CPVP), la vérificatrice générale et la société civile, y compris des représentants des intervenants comme l’ABC, et de la présentation de rapports au Parlement.
15. Exiger une coordination avec le SCT Exiger qu’IRCC assure la coordination avec le SCT (pour les normes de conception des systèmes) et le CPVP (pour la surveillance de la protection des renseignements personnels), tout en conservant la responsabilité principale de la réglementation propre au secteur compte tenu de la nature unique du processus décisionnel en matière d’immigration.
16. Rendre obligatoire l’établissement de rapports annuels destinés au public, des vérifications par des tiers et d’un mécanisme de griefs Exiger l’établissement de rapports annuels destinés au public, des vérifications par des tiers et un mécanisme officiel de règlement des griefs accessible aux demandeurs et aux défenseurs. Envisager la mise sur pied d’un comité d’examen parlementaire pour évaluer périodiquement le fonctionnement et l’équité du cadre.
17. Codifier un droit pour les demandeurs Codifier un droit prévu par la loi permettant aux demandeurs de demander un examen par une personne, d’obtenir des motifs intelligibles concernant les décisions automatisées et d’accéder à la logique ou aux critères sous-jacents des résultats obtenus par l’entremise du système.

La technologie peut favoriser l’équité, mais seulement si elle est intégrée à sa conception. Un système d’immigration fondé sur les droits doit assujettir l’IA aux mêmes normes de responsabilisation et d’examen que celles qui s’appliquent aux décideurs humains. La section de l’ABC appuie l’intégration responsable et transparente des outils numériques dans les processus d’immigration et encourage le Parlement à intégrer des mesures de protection claires dans la LIPR. En agissant ainsi, le Canada peut être un chef de file dans la mise en place d’un système d’immigration qui est non seulement moderne, mais aussi juste.

V. Réunification des familles : Remettre en état des régimes fragmentés et discriminatoires

La réunification des familles est depuis longtemps une pierre angulaire de la politique d’immigration du Canada et est reconnue à l’alinéa 3(1)d) de la LIPR comme un objectif fondamental de la loi. Pourtant, la structure actuelle de la LIPR est de plus en plus fragmentée, inéquitable et en décalage avec les diverses réalités des familles canadiennes. Des définitions étroites, des exclusions strictes et un traitement incohérent de relations similaires donnent lieu à des résultats qui minent l’équité, érodent la confiance dans le système et sont contraires aux engagements déclarés du Canada en matière d’égalité et d’inclusion.

La section de l’ABC recommande une réforme et un examen complets du cadre législatif et réglementaire qui régit la réunification des familles. Un système modernisé doit tenir compte de la diversité des types de familles, favoriser la cohérence du processus décisionnel et éliminer les obstacles qui touchent de façon disproportionnée les personnes les plus vulnérables. En particulier, nous souscrivons à une approche qui combine des éléments des catégories du regroupement familial et de l’immigration économique, comme cela a été fait dans d’autres pays.

5.1 Élimination des distinctions arbitraires entre le parrainage des conjoints au pays et à l’étranger

La structure actuelle de la LIPR et du RIPR définit différents types de partenariats domestiques de différentes façons : époux, conjoints de fait et partenaires conjugaux. Dans sa forme actuelle, le droit d’accès à un permis de travail, à la résidence permanente ou à un droit d’appel d’une personne peut dépendre de la forme particulière de son partenariat domestique avec un citoyen canadien ou un résident permanent et de son pays de résidence. Ces distinctions mènent à un traitement irrégulier des demandeurs se trouvant dans une situation similaire, en particulier ceux dont les relations sont façonnées par des obstacles culturels, juridiques ou pratiques qu’ils n’ont pas le pouvoir de changer.

En ce qui concerne les programmes destinés aux personnes qui parrainent leurs partenaires domestiques, la section de l’ABC recommande de regrouper les catégories conjugales dans le RIPR32 afin de réduire la complexité inutile et de promouvoir l’égalité d’accès aux protections procédurales. Il n’y a aucune raison valable d’accorder un droit d’appel à un groupe de répondants, mais pas à un autre, et l’harmonisation de ces deux programmes réduirait probablement le nombre de nouvelles demandes présentées par des répondants au Canada dont la demande a été refusée, surtout compte tenu du niveau élevé de règlement anticipé des demandes de parrainage d’un époux refusées devant la Section d’appel de l’immigration (SAI).

Au fil du temps, le programme de parrainage d’un membre de la famille a été modernisé afin d’atténuer les désavantages auxquels font face les personnes qui entretiennent une relation avec une personne du même sexe ou qui ont des contraintes culturelles et qui sont incapables de se marier ou de cohabiter pour des raisons indépendantes de leur volonté. Toutefois, d’autres sections du régime législatif n’ont pas encore été harmonisées. Par exemple, le système actuel permet à un Canadien ou à un résident permanent de parrainer certains partenaires conjugaux qui habitent à l’extérieur du Canada lorsque les deux partenaires ne peuvent pas se marier en raison d’un obstacle juridique ou pratique. Or, un demandeur de résidence permanente ne peut pas demander le traitement simultané de la demande d’un tel partenaire lorsqu’il présente lui-même une demande de résidence permanente, créant ainsi de longs obstacles à la réunification pour de tels couples. Même lorsque des partenaires conjugaux sont parrainés, ils peuvent être exclus parce qu’ils sont interdits de territoire au Canada pour motifs sanitaires en raison du « fardeau excessif » qu’ils pourraient imposer aux services sociaux et de santé canadiens, alors que les conjoints de fait ou les époux ne peuvent pas l’être. Ces différences doivent être éliminées pour atteindre l’objectif de réelle inclusivité.33

5.2 Exclusion punitive des membres de la famille non mentionnés

Aux termes de l’alinéa 117(9)d) du RIPR, un étranger est inadmissible au parrainage au titre de la catégorie du regroupement familial si la personne en question n’a pas été déclarée et n’a pas fait l’objet d’un contrôle au moment de la demande d’immigration initiale du répondant. L’alinéa 125(1)d) étend une exclusion similaire à l’égard de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada. L’objectif déclaré de cette disposition est d’empêcher la non-divulgation des personnes à charge et de protéger l’intégrité de l’administration de la loi.

Notre préoccupation concernant ces dispositions est que l’omission de mentionner des membres de la famille peut se produire en raison d’un malentendu, par exemple dans le cas où demandeur principal ne sait pas qu’un enfant ou un petit-enfant existe. Elle peut être causée par une erreur de bonne foi, un manque de littératie culturelle au sujet d’une notion juridique étrangère (p. ex. union de fait) ou en raison d’un événement tragique qui justifie la compassion (par exemple, un viol ou l’enlèvement d’un enfant). Une exclusion a lieu même s’il n’y a eu aucun acte répréhensible, par exemple lorsque le membre de la famille est mentionné, mais qu’il ne peut pas faire l’objet d’un contrôle parce qu’il est présumé mort ou disparu dans une zone de conflit, lorsqu’un enfant est temporairement séparé ou qu’un droit de visite est refusé dans le cadre d’un différend sur la garde ou lorsque les documents d’identité de l’enfant ne peuvent être obtenus en raison de restrictions imposées par le ressors étranger (souvent en raison d’une politique nationale patriarchale). Dans ces situations, les dispositions fonctionnent d’une manière incompatible avec l’objectif législatif de la réunification des familles et ont des répercussions disproportionnées sur les femmes, les enfants et les demandeurs racialisés.

Les dispositions permettent à l’agent d’utiliser son pouvoir discrétionnaire pour annuler l’omission de mentionner des membres de la famille dans des circonstances exceptionnelles. Toutefois, ces règles doivent être précisées et renouvelées. Dans la pratique, des dispenses sont rarement accordées. Généralement, on demande plutôt aux demandeurs de résidence permanente d’accepter l’interdiction de parrainage lorsque le contrôle est impossible, sinon leur propre demande pourrait être refusée, puis de présenter une demande pour motifs d’ordre humanitaire dont le délai de traitement est long et l’issue incertaine si le contrôle est possible plus tard. Lorsque ces demandes discrétionnaires sont par la suite refusées, ce sont souvent les enfants n’ayant aucun autre parent pour leur fournir les soins dont ils ont besoin qui subissent les répercussions.

La section de l’ABC recommande l’élimination des alinéas 117(9)d) et 125(1)d), qui sont incompatibles avec l’objectif législatif de la réunification des familles et ont donné lieu à des résultats qui ont une incidence disproportionnée sur les femmes, les enfants et les demandeurs racialisés. Nous souscrivons à une approche qui permet un véritable pouvoir discrétionnaire et une équité procédurale dans ces situations.

5.3 Définitions d’exclusion de la famille et adoption

Selon les définitions actuelles d’« enfant adoptif » au paragraphe 3(2) du RIPR, pour que l’adoption soit reconnue pour les causes de l’immigration, le lien juridique avec le ou les parents biologiques doit être entièrement rompu. Cette définition exclut de nombreuses adoptions légitimes dans le cadre de pratiques culturelles ou religieuses comme la kafalah, qui est répandue dans certaines régions du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, ainsi que des cadres d’adoption dans certaines régions d’Asie et d’Amérique latine. L’obligation de rompre les liens juridiques peut également contredire l’intérêt supérieur de l’enfant, surtout lorsque le lien continu avec la famille élargie demeure important pour des raisons émotionnelles ou culturelles.

La section de l’ABC recommande de modifier la définition de l’adoption pour permettre la reconnaissance juridique des ententes de prestation de soins qui ne mettent pas officiellement fin au lien parent-enfant biologique, à condition qu’elles répondent à des critères clairs de stabilité, de durée et d’intérêt supérieur de l’enfant. Cela permettrait de parrainer les enfants pour lesquels des ententes semblables à la kafalah existent au titre de la catégorie du regroupement familial et empêcherait l’exclusion fondée sur des formalités juridiques qui ne tiennent pas compte de la réalité de la relation des soins, laissant les enfants dans des situations où ils peuvent uniquement être réunis avec des parents de facto au Canada. De plus, l’obligation de fournir la preuve que l’enfant n’a pas été adopté à des fins d’immigration doit être évaluée d’une façon sensible à la culture. La section de l’ABC appuie l’adoption de directives plus claires pour les agents afin d’éviter les décisions discrétionnaires fondées sur des hypothèses concernant les pratiques familiales non occidentales.

5.4 Limites d’admissibilité au permis d’études

Une autre particularité de la loi actuelle est que le paragraphe 30(2) de la LIPR permet uniquement aux enfants « mineurs » d’étudier au niveau préscolaire, primaire ou secondaire lorsqu’ils accompagnent un parent (sauf lorsque le parent est un résident temporaire qui n’est pas autorisé à travailler ou à étudier). Une telle utilisation du mot « mineur » plutôt que « personne à charge » dans cette disposition peut faire en sorte qu’un enfant ne puisse poursuivre ses études au milieu de sa dernière année d’études ou qu’il puisse ne pas avoir le droit de poursuivre des études s’il déménage dans une province où l’âge de la majorité est inférieur. Cela peut également avoir un impact négatif sur un enfant dont la dépendance est prolongée en raison d’un handicap intellectuel ou médical. Nous recommandons que le libellé du paragraphe 30(2) soit modifié pour rendre tous les « enfants à charge » admissibles lorsque les autres conditions de cette section sont remplies.

5.5 Incidence disproportionnée de l’obligation de résidence du répondant

En vertu du paragraphe 130(2) du RIPR, une personne doit résider au Canada pour parrainer un membre de sa famille, à moins d’être un citoyen canadien ayant l’intention de revenir. Cette exigence touche de façon disproportionnée les résidents permanents qui peuvent résider temporairement à l’extérieur du Canada pour accompagner leur époux à l’étranger, surtout dans les situations où la demande d’immigration de l’époux a été retardée ou refusée.

La section de l’ABC recommande de modifier le paragraphe 130(2) du RIPR pour permettre aux résidents permanents de parrainer un époux ou un enfant même s’ils se trouvent temporairement à l’extérieur du Canada, lorsqu’ils peuvent démontrer qu’ils ont l’intention de revenir et que la relation familiale est authentique. La règle actuelle force les demandeurs à faire un choix précaire entre le maintien du statut d’immigration et la préservation de l’unité familiale. Ce résultat est punitif et incompatible avec l’objectif de réunification des familles prévu à l’alinéa 3(1)d) de la LIPR.

5.6 Revoir le critère de la « mauvaise foi » dans le parrainage d’un membre de la famille

L’article 4 du RIPR permet aux agents de refuser les demandes de parrainage d’un membre de la famille lorsqu’ils estiment que la relation visait principalement des fins d’immigration et qu’elle n’est pas authentique. Le critère actuel est disjonctif – les agents peuvent refuser une demande lorsque l’une ou l’autre des conditions est remplie, plutôt que les deux. Cette structure mène à des refus excessifs et mine les relations légitimes dont l’immigration peut être l’une des nombreuses motivations.

La section de l’ABC recommande que l’article 4 soit rétabli dans sa forme précédente, qui permet un refus uniquement lorsque les deux éléments du critère conjonctif sont réunis (c’est-à dire là où la relation n’est pas authentique et elle visait principalement des fins d’immigration). Ce changement permettrait de mieux tenir compte de la réalité selon laquelle l’immigration peut être l’une des nombreuses raisons légitimes pour lesquelles un couple se marie et peut effectivement avoir été l’élément déclencheur lorsque des problèmes d’immigration surviennent de manière inattendueLe cadre actuel met l’accent sur les priorités décisionnelles du demandeur, sans demander d’informations concrètes sur l’authenticité de la relation elle-même.

5.7 Protection des survivants de mauvais traitements dans le contexte du parrainage

IRCC a créé de nombreux mécanismes pour aider les victimes et les survivants de violence familiale, ce qui démontre son engagement à prévenir les préjudices et à atténuer les risques. Il s’agit notamment de la création d’une demande accélérée de permis de séjour temporaire (PST) pour les victimes de violence familiale et du protocole pour accélérer le traitement des demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire pour les victimes de violence familiale. Nous demandons que ces deux excellents programmes soient établis de façon plus officielle e les enchâssant dans le RIPR, afin de permettre une assurance de leur stabilité future, ainsi que des directives stratégiques claires et une formation continue des agents (avec mobilisation des intervenants) pour s’assurer que ces programmes sont mis en œuvre de manière à tenir compte des traumatismes.

D’autres réformes sont nécessaires pour tenir compte des situations où une personne peut devoir retirer un membre de sa famille d’une demande existante en raison de violence familiale ou de coercition. Dans sa forme actuelle, le RIPR ne prévoit aucun mécanisme clair ou accessible pour le faire. La section de l’ABC recommande d’établir un processus clair qui permet aux demandeurs d’exclure un époux ou un partenaire de leur demande dans les cas de mauvais traitements, sans exiger de preuve rigoureuse ou de séparation légale officielle.

Nous recommandons également l’abrogation de la disposition du RIPR qui empêche l’approbation d’une demande de parrainage d’un époux lorsque le répondant a retiré son soutien. Même si la politique sur la violence familiale est en vigueur, cette disposition dans sa forme actuelle peut être utilisée contre les victimes de violence, à moins qu’elle ne soit atténuée par une interdiction de refus lorsque le demandeur peut démontrer la présence de violence conjugale. Les demandeurs ne devraient pas être pénalisés ou être interdits de territoire sans préavis et sans garanties procédurales, surtout compte tenu des considérations de sécurité essentielles en jeu.

5.8 Vers une réunification familiale inclusive : Réintroduction des membres de la fratrie et élargissement des définitions de parents dans la catégorie du regroupement familial

Fratrie

À l’heure actuelle, la LIPR interdit aux résidents permanents et aux citoyens canadiens de parrainer directement les membres de leur fratrie au titre de la catégorie du regroupement familial. Toutefois, les membres de la fratrie n’ont pas toujours été exclus du parrainage direct. Avant le début des années 1990, les membres de la fratrie pouvaient être parrainés directement au titre de la catégorie du regroupement familial. La Loi sur l’immigration de 1985 et le Règlement de 1978 ont permis une définition beaucoup plus large des membres de la famille admissibles au titre de la catégorie du regroupement familial, qui comprenait la fratrie et la plupart des autres parents34.

Cela a changé même si l’objectif de réunification des familles au titre de la LIPR n’a pas changé. Le paragraphe 117(1) du RIPR définit les membres qui appartiennent à la catégorie du regroupement familial, mais il exclut le parrainage direct des membres de la fratrie au titre de la catégorie du regroupement familial, à moins qu’ils ne soient orphelins, âgés de moins de 18 ans et célibataires35. Cette portée restreinte ne tient pas compte des diverses structures familiales modernes et fait en sorte que de nombreux Canadiens sont incapables de se réunir avec leurs frères et sœurs, même lorsqu’ils sont par ailleurs admissibles et autonomes. De nombreux répondants ont des frères et sœurs seuls ou survivants, surtout après un conflit ou dans le contexte des familles déplacées. Le fait de les exclure du parrainage mine l’engagement du Canada à l’égard de la politique d’immigration pour des motifs d’ordre humanitaire. La valeur du soutien familial dans les efforts de réinstallation a été explicitement reconnue par IRCC dans des offres récentes créées en réponse aux crises humanitaires mondiales. En particulier, la réponse politique à la crise à Gaza36, au Soudan37 et l’augmentation des voies de migration pour les personnes originaires d’Haïti, de Colombie et du Venezuela38 ont accordé des privilèges et des possibilités spéciales aux personnes ayant des parents (y compris des frères et sœurs) qui sont résidents permanents ou citoyens canadiens.

De nombreux pays – dont l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni (dans des conditions particulières) – disposent de voies d’accès pour la réunification des familles plus larges ou plus souples qui englobent les membres de la fratrie adultes, ce qui fait du Canada, en comparaison, un pays restrictif39.

La réunification des membres de la fratrie peut améliorer la réussite de l’établissement tant pour le répondant que pour le nouvel arrivant. Souvent, lorsque les membres de la fratrie arrivent au pays, ils comptent déjà sur un soutien familial et un soutien au logement, ce qui réduit leur dépendance aux services publics. Ils sont plus susceptibles de s’intégrer rapidement au marché du travail, surtout lorsqu’ils ont des compétences linguistiques, ont fait des études ou possèdent une expérience de travail. Pour de nombreuses familles, les membres de la fratrie fournissent du soutien essentiel pour la garde d’enfants, les soins aux aînés ou les partenariats d’affaires, ce qui permet aux répondants canadiens de travailler ou de contribuer plus pleinement à l’économie. Nous sommes conscients qu’il est maintenant possible d’obtenir 15 points dans le cadre du Système de classement global (SCG) lorsque les candidats d’Entrée express ont un membre de leur famille au Canada. Toutefois, cette faible attribution de points a peu d’incidence significative sur l’admissibilité et ne tient pas bien compte de l’incidence positive de la présence d’un membre de la fratrie sur le processus d’établissement et d’intégration.

L’exclusion des membres de la fratrie touche de façon disproportionnée les familles immigrantes des cultures collectivistes où les relations entre membres de la fratrie sont souvent plus importantes que les autres liens familiaux reconnus par la loi actuelle. L’élargissement du parrainage des membres de la fratrie favoriserait l’équité entre les groupes culturels et démographiques.

Le fait de permettre aux membres de la fratrie d’être parrainés pourrait soutenir la croissance démographique et les objectifs d’établissement régional, surtout si les incitatifs ou les volets sont liés aux communautés à faible croissance. Plusieurs membres de la fratrie de citoyens canadiens et de résidents permanents sont très instruits, parlent plusieurs langues et comptent de l’expérience à l’échelle internationale – une cohorte d’immigration inexploitée qui peut contribuer au renouveau économique, surtout dans les petites villes ou les régions rurales. S’il est adopté, un programme de parrainage de membres de la fratrie pourrait comprendre des mesures d’admissibilité ou d’intégrité, comme les suivantes :

  • Exiger des membres de la fratrie qu’ils soient économiquement indépendants;
  • Limite d’âge ou traitement prioritaire pour les membres de la fratrie d’un âge donné;
  • Plafonds ou quotas annuels pour gérer la demande;
  • Attention particulière accordée aux réfugiés, aux survivants de conflits ou aux Canadiens qui n’ont pas d’autres liens familiaux.
  • Facteurs économiques qui font partie du processus de sélection.

Permettre le parrainage de membres de la fratrie au titre de la catégorie du regroupement familial témoignerait d’une politique d’immigration plus inclusive, humaine et tournée vers l’avenir, conformément aux objectifs énoncés par la LIPR. Cela favoriserait la réunification des familles, renforcerait les communautés, améliorerait les contributions économiques et confirmerait le leadership du Canada en matière d’immigration fondée sur les valeurs.

La réunification des familles a toujours été l’un des objectifs du Canada en matière d’immigration, d’autant qu’elle soutient l’intégration des nouveaux arrivants et de l’établissement à long terme. Notre programme d’immigration ne doit pas perdre de vue les contributions potentielles à long terme de certains demandeurs comme la fratrie demanderesse en se concentrant uniquement sur la contribution (« économique ») immédiate.

Parents et grands-parents

En ce qui concerne les volets d’immigration des parents et des grands-parents, il pourrait y avoir des sous-catégories pour les demandeurs de la résidence permanente et de la résidence temporaire, ainsi que des catégories pour répondre aux besoins urgents en matière de voyage ou d’ordre humanitaire, ou des options pour les parents contributifs. Lorsqu’une sous-catégorie est priorisée temporairement, par exemple en réponse à la crise humanitaire, d’autres volets pourraient être interrompus. Cela représente une approche axée sur le demandeur ayant le potentiel de mener à un véritable changement. La Loi sur la réunification des familles s’est engagée sur cette voie en prolongeant la période de sursis à cinq ans et en réexaminant le cadre du revenu vital minimum (RVM).

En ce qui concerne les voies d’accès, certaines pourraient inclure une couverture médicale, tandis que d’autres pourraient exiger une couverture médicale privée, comme ce qui est prévu dans le projet de loi C-242 qui a modifié l’article 15.1 de la LIPR. En Australie, bien que les plafonds globaux soient inférieurs à ceux du Canada, il existe plusieurs options de parent contributif pour les parents ayant suffisamment d’argent pour contribuer à leurs frais de santé futurs. Ces sous-catégories de visas visent à surmonter la longue période d’attente à laquelle font actuellement face les parents qui souhaitent migrer en Australie par l’entremise des volets non contributifs, sous réserve de disponibilité. En voici quelques exemples :

Visa de parent : Une personne en dehors de l’Australie qui n’est pas assez âgée pour recevoir une pension de retraite fondée sur l’âge de l’Australie, et qui satisfait au critère de l’« équilibre de la famille » (en d’autres termes, au moins la moitié de ses enfants vivent en Australie).

Visa de parent âgé : Pour le parent admissible à la pension de retraite qui satisfait au critère de l’équilibre de la famille ainsi qu’aux exigences en matière de santé et de moralité. Cette catégorie comporte des plafonds plus restrictifs – le parent doit avoir un enfant admissible qui est un citoyen australien établi, un résident permanent australien ou un citoyen néo-zélandais admissible40.

Il pourrait aussi y avoir une combinaison des catégories de regroupement familial et d’immigration économique. À titre d’exemple, en Nouvelle-Zélande41, la catégorie des parents est un système à deux volets dans lequel les gens peuvent présenter une déclaration d’intérêt dans l’un ou l’autre des volets. Le premier volet de déclarations d’intérêt a préséance et comporte des exigences financières et de revenu plus élevées que le deuxième volet. Les déclarations d’intérêt et les demandes présentées dans le cadre du deuxième volet sont traitées uniquement après celles du premier volet. Si un parent est à l’aise financièrement de sorte qu’il peut conserver un revenu annuel de 60 000 $ NZ plus 1 million $ NZ à investir pendant quatre ans et un autre montant de 500 000 $ NZ pour vivre, le visa de parent à la retraite de résident peut lui permettre de présenter une demande de résidence permanente après quatre ans. Ces catégories élargies doivent être équilibrées pour assurer un accès équitable, l’inclusivité et la diversité.

5.9 Précisions sur le calcul de la taille de la famille pour satisfaire aux exigences relatives au RVM : Assurer l’équité et la cohérence des parrainages pour la réunification des familles

Le manque de clarté des dispositions réglementaires sur la façon de calculer la taille de la famille aux fins du RVM crée des obstacles involontaires à la réunification des familles et contribue à l’obtention de résultats irréguliers pour des demandes similaires. La mise à jour du RIPR et des bulletins opérationnels correspondants pour tenir compte des évaluations quotidiennes ou au prorata du revenu permettrait de s’assurer que les déterminations du RVM sont plus transparentes, équitables et conformes aux circonstances de la vie réelle. En ce qui concerne le calcul du RVM, les agents se fondent sur la division 133(1)j)(i)(B) du RIPR pour déterminer si les répondants satisfont aux exigences en matière de revenu. Pourtant, la division 133(1)j)(i)(B) du RIPR ne fournit aucune orientation quant à la façon dont la taille de la famille doit être calculée aux fins de l’évaluation du RVM au cours d’une année donnée. La disposition établie uniquement le mode de calcul des totaux annuels du RVM. Cela exige également que le répondant satisfasse aux exigences le jour du dépôt de la demande et jusqu’à ce qu’une décision finale soit prise par l’intimé, ce qui laisse entendre que cette exigence peut faire l’objet d’une réévaluation en tout temps.

Le Bulletin opérationnel 561 – Nouvelles dispositions réglementaires visant les répondants de parents et de grands-parents (BO 561)42 traite des exigences relatives au RVM. À l’instar de la loi, le BO 561 ne contient aucune directive sur la façon de calculer la taille de la famille au cours d’une année donnée. Sans de telle directive sur le calcul de la taille de la famille, des injustices peuvent survenir. Par exemple, une personne à charge qui naît en cours d’année ou à la fin de l’année est toujours calculée dans la taille de la famille pour toute l’année. La même logique s’appliquerait au décès d’un membre de la famille au début ou en cours d’année plutôt qu’à la fin de l’année. Ce calcul devrait être modifié. Il faudrait également diminuer le RVM en calculant le RVM sur une base quotidienne pour saisir avec exactitude la date à laquelle la taille d’une famille peut changer.

5.10 Recommandations et conclusion

La section de l’ABC recommande les réformes législatives et stratégiques suivantes :

# Section Modifications recommandées
18. Renouveler le cadre législatif pour la réunification des familles au Canada Entreprendre une réforme et un examen complets du cadre législatif et réglementaire qui régit la réunification familiale. Un système modernisé doit tenir compte de la diversité des familles canadiennes, promouvoir une prise de décisions cohérente et équitable et éliminer les obstacles qui ont une incidence disproportionnée sur les demandeurs vulnérables, y compris les femmes, les enfants, les personnes 2ELGBTQIA+ et les communautés racialisées.
19. Moderniser le système de parrainage d’un époux pour tenir compte des réalités des relations du Canada Regrouper les catégories des époux dans le cadre du RIPR afin de réduire la complexité inutile et de promouvoir l’égalité d’accès au parrainage pour toutes les formes de partenariats authentiques. Il est essentiel de préciser les règles relatives aux relations des partenaires conjugaux pour s’assurer qu’elles ne désavantagent pas les demandeurs qui ne peuvent pas se marier ou cohabiter pour des raisons culturelles, juridiques ou pratiques, y compris ceux qui entretiennent des relations homosexuelles. Le système devrait aussi offrir des solutions de rechange adaptées à la culture pour le mariage ou la cohabitation, sans créer une catégorie officielle pour les personnes fiancées, afin de reconnaître les diverses formes de relation.
20. Mettre fin aux interdictions de parrainage à vie : Harmonisation de la politique d’immigration avec les réalités humainesAbrogation des alinéas 117(9)d) et 125(1)d) du RIPR Abroger les alinéas 117(9)d) et 125(1)d) du RIPR, qui imposent une interdiction à vie de parrainer les membres de la famille qui n’ont pas été déclarés dans la demande d’immigration initiale du répondant et qui n’ont pas fait l’objet d’un contrôle. Ces dispositions sont incompatibles avec l’objectif de réunification des familles et entraînent des résultats beaucoup trop sévères.
21. Rétablir le pouvoir discrétionnaire des agents pour faire face à des cas exceptionnels de non-divulgations Rétablir l’important pouvoir discrétionnaire des agents d’annuler l’omission de mentionner des membres de la famille dans des situations exceptionnelles, par exemple, lorsque des membres de la famille étaient présumés morts, disparus ou inaccessibles en raison d’un traumatisme ou d’un conflit. Des orientations opérationnelles claires sont requises pour soutenir le recours à ce pouvoir discrétionnaire, actuellement disponible mais pratiquement jamais exercé.
22. Permettre la reconnaissance juridique au-delà de l’adoption officielle : Politique d’immigration inclusive pour les enfants pour lesquels une kafalah ou des ententes similaires à la kafalah existent. RIPR, paragraphe 3(2) Modifier la définition de l’adoption au paragraphe 3(2) du RIPR pour permettre la reconnaissance juridique d’ententes stables de soins qui ne rompent pas les liens avec les parents biologiques, comme celles établies dans le cadre de la kafalah et de pratiques similaires. Celles-ci doivent être évaluées en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant, de la durée et de la stabilité, plutôt qu’en fonction de formalités juridiques strictes. L’évaluation visant à déterminer si une adoption a eu lieu à des fins d’immigration doit être abordée avec une sensibilisation aux réalités culturelles et fondée sur des directives claires pour éviter les biais.
23. Permettre aux résidents permanents de parrainer une personne, peu importe l’endroit où ils se trouvent RIPR, paragraphe 130(2) Modifier le paragraphe 130(2) du RIPR pour permettre aux résidents permanents de parrainer un époux ou un enfant pendant qu’ils résident temporairement à l’étranger, à condition qu’ils puissent démontrer à la fois l’existence d’une relation authentique et leur intention de revenir au Canada. Cette modification empêcherait les résidents permanents d’être forcés de choisir entre le maintien de leur statut d’immigrant et la préservation de l’unité familiale.
24. Rétablir le critère conjonctif concernant RIPR, article 4 Modification de l’article 4 du RIPR dans le but de rétablir un critère conjonctif pour les refus fondés sur la mauvaise foi, exigeant que la relation soit à la fois non authentique et qu’elle vise principalement des fins d’immigration. Ce changement permettrait de s’assurer que des relations légitimes ne sont pas rejetées uniquement parce que l’immigration était un facteur et réduirait la prise de décisions reposant sur des hypothèses par les agents.
25. Modifier le RIPR pour permettre le renvoi d’un époux violent RIPR, article 119 Modifier le RIPR afin d’établir un processus clair et accessible permettant aux demandeurs de retirer un époux ou un partenaire violent de leur demande sans exiger une séparation légale officielle ou un fardeau injustifié de présentation de la preuve. Cela pourrait nécessiter la révision de l’article 119 pour accorder aux agents le pouvoir discrétionnaire d’approuver les demandes dans les cas de violence entre partenaires intimes ou de coercition, même lorsqu’un répondant a retiré son soutien. Le processus accéléré de délivrance d’un permis de séjour temporaire (PST) pour violence familiale et d’un permis de séjour temporaire pour considérations humanitaires pourrait être officiellement institutionnalisé en l’intégrant dans le RIPR. Ces changements sont nécessaires pour protéger la sécurité et la sécurité en matière d’immigration des survivants.
26. Élargir la catégorie du regroupement familial de façon à inclure les membres de la fratrie Modifier la LIPR et le RIPR pour élargir la définition de la catégorie du regroupement familial afin d’inclure les membres de la fratrie adultes de citoyens canadiens et de résidents permanents, en reconnaissant leur rôle dans l’unité familiale et l’intégration. Créer un volet de parrainage des membres de la fratrie souple comportant des critères d’admissibilité et des voies d’accès distinctes, y compris pour les priorités économiques, humanitaires et régionales.
27. Moderniser le parrainage des parents et des grands-parents Moderniser le programme des parents et des grands-parents en instaurant plusieurs volets – comme des options fondées sur le revenu, fondées sur les fonds et fondées sur la compassion – et permettre des définitions plus inclusives des « parents » et des « grands-parents » qui tiennent compte de diverses structures familiales. Envisager des modèles d’entrée à plusieurs volets et des quotas ciblés pour équilibrer la contribution économique avec l’accès équitable et la représentation régionale et empêcher les injustices engendrées par la « rue vers le numérique ».
28. Introduire une définition réglementaire de la « taille de la famille » et mettre au point un outil permettant de calculer le RVM RIPR, article 2 Introduire une définition réglementaire de la « taille de la famille » dans le contexte de la division 133(1)j)(i)(B) du RIPR qui a) précise quand une personne à charge doit être comptabilisée aux fins du revenu (p. ex., en fonction de la présence effective au cours de l’année); b) précise comment les naissances, les décès ou les départs au cours de la période pertinente influent sur la taille totale de la famille. Introduire une définition réglementaire de la « taille de la famille » dans le contexte de la division 133(1)j)(i)(B) du RIPR qui : Précise quand une personne à charge doit être comptabilisée aux fins du revenu (p. ex., en fonction de la présence effective au cours de l’année); précise comment les naissances, les décès ou les départs au cours de la période pertinente influent sur la taille totale de la famille. Modifier le RIPR ou les instructions sur l’exécution de programmes pour permettre le calcul au prorata du RVM en fonction du nombre de jours qu’une personne à charge fait partie de l’unité familiale du répondant au cours de l’année d’imposition pertinente. Cette approche éviterait de pénaliser les répondants pour les naissances en fin d’année ou les décès en début d’année; permettrait une évaluation plus précise et bienveillante de la suffisance du revenu.
29. Élaborer un outil de calcul du RVM Élaborer un outil modèle ou un outil de calcul pour aider les répondants à estimer les obligations liées au RVM en fonction des changements dynamiques de la taille de la famille au cours de l’année. Permettre la présentation de demandes de réexamen ou de précisions lorsqu’un refus fondé sur le RVM s’appuie sur des hypothèses imprévues ou appliquées de manière incohérente relativement à la taille de la famille.

La réunification des familles n’est pas seulement un objectif stratégique, elle est le reflet des valeurs du Canada. Pourtant, le cadre juridique actuel crée des exclusions et des incohérences qui minent son engagement. Une LIPR modernisée doit éliminer les obstacles qui pénalisent les demandeurs vulnérables, s’adapter à divers types de famille et traiter toutes les familles avec la même dignité et la même équité. La section de l’’ABC encourage les initiatives audacieuses décrites ci-dessus, y compris la mise en place de programmes pilotes visant à évaluer le parrainage régional des membres de la fratrie dans les régions rurales ou à faible croissance. La création de grilles de sélection transparentes pour les catégories des membres de la fratrie et des parents qui concilient les objectifs économiques, humanitaires et démographiques et la fusion de certains éléments des catégories de la réunification des familles et de l’immigration économique, le cas échéant, afin de favoriser la souplesse et l’innovation dans la conception des volets. La section de l’ABC exhorte le Parlement à rétablir la cohérence et la compassion tout en modernisant la loi régissant le parrainage d’un membre de la famille.

VI. Protection des réfugiés : Consolidation, cohérence et compassion

Le Canada est depuis longtemps reconnu comme un chef de file dans la protection des réfugiés, guidé par ses obligations en vertu de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et son engagement à l’égard des principes humanitaires. Pourtant, le système d’octroi de l’asile actuel prévu dans le cadre de la LIPR est fragmenté et opaque et il est de plus en plus difficile de s’y retrouver. Les demandeurs font face à des incohérences dans les procédures, les normes et les résultats selon qu’ils présentent une demande au Canada ou depuis l’étranger, qu’ils soient reconnus au sens de la Convention ou par des motifs plus généraux en matière de droits de la personne, ainsi que selon le décideur qui rend la décision ou la voie qui s’applique à leur cas. Ces incohérences structurelles minent l’équité, augmentent les inefficacités et minent la confiance du public dans le système d’octroi de l’asile.

La section de l’ABC réclame une approche cohérente et unifiée en matière de protection des réfugiés – une approche qui renforce la prise de décisions, applique systématiquement les principes de protection et traite les demandeurs au pays et à l’étranger avec la même dignité procédurale.

6.1 Un système de protection fragmenté

La détermination du statut de réfugié au Canada fait intervenir plusieurs acteurs : la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la CISR, les agents qui effectuent des examens des risques avant renvoi (ERAR), les évaluateurs des motifs d’ordre humanitaire, les agents des visas à l’étranger et la Cour fédérale. Chacun intervient selon ses propres mandats, échéanciers et normes. Cette structure à canaux multiples entraîne le dédoublement, l’inefficacité et l’application incohérente des motifs de protection.

Par exemple, bien que les personnes qui ont présenté une demande d’asile dans un bureau au pays aient accès à une audience complète devant un tribunal indépendant, les personnes qui présentent une demande de réinstallation depuis l’étranger font souvent l’objet d’évaluations sur dossier sans audience, avec garanties procédurales minimales et sans possibilité d’appel. De plus, ceux qui présentent une demande depuis l’étranger peuvent se voir refuser la protection au motif qu’ils ont accès à une « solution durable » ailleurs, même lorsque la solution est hypothétique ou inadéquate pour assurer leur dignité et leur sécurité. En revanche, les personnes qui présentent une demande d’asile dans un bureau au pays ne se voient pas refuser la protection en raison de l’existence d’une solution dans un pays tiers. Ce double standard ne respecte pas les principes d’équité et de cohérence du droit des réfugiés.

La section de l’ABC appuie un remaniement structurel qui centraliserait toutes les déterminations du statut de réfugié – que ce soit au pays ou à l’étranger – sous un seul pouvoir décisionnel au sein de la CISR. L’adoption d’un modèle unifié permettrait de s’assurer que tous les demandeurs bénéficient de normes de preuve uniformes, ont accès à des audiences au besoin et ont la possibilité de répondre aux préoccupations avant qu’une décision ne soit prise. Cela renforcerait également le leadership mondial du Canada en matière de protection des droits des réfugiés en alignant ses procédures nationales sur les pratiques exemplaires fondées sur les droits de la personne et la justice procédurale.

6.2 Application uniforme des motifs de protection élargis

Outre les réfugiés au sens de la Convention, la LIPR reconnaît les besoins de protéger les personnes nécessitant une protection dont le renvoi les exposerait à une menace à la vie, au risque de traitements ou peines cruels et inusités ou au risque de torture. Bien que ces motifs étendus soient conformes aux obligations internationales en matière de droits de la personne, ils sont appliqués de façon inégale à différentes étapes du processus d’immigration. Les ERAR sont effectués par des agents d’immigration dont l’indépendance est limitée, souvent dans des délais serrés et souvent sans la tenue d’une audience. Des risques similaires peuvent être pris en compte dans le cadre d’un examen des motifs d’ordre humanitaire, mais celui-ci est souvent mené sans garanties procédurales équivalentes ni rigueur juridique.

La section de l’ABC recommande que toutes les évaluations fondées sur le risque concernant les motifs de protection élargis soient effectuées au sein de la CISR, au moyen d’un cadre transparent et solide sur le plan des procédures. Un modèle de détermination unique permettrait de réduire la confusion et le chevauchement, d’éliminer la jurisprudence incohérente et de renforcer les obligations en droit international du Canada. Cela garantirait aussi que les personnes exposées à un préjudice grave soient évaluées dans le cadre d’un processus respectant les normes fondamentales d’équité, d’indépendance et de responsabilisation.

6.3 Amélioration de la contribution du public et de la cohérence des politiques

Le droit des réfugiés au Canada a de plus en plus été façonné par des bulletins opérationnels, des politiques internes et des instructions ministérielles qui ne font pas l’objet de consultations publiques ou de justifications transparentes. Ces instruments peuvent changer sans préavis et n’ont pas la légitimité d’une réforme législative ou réglementaire. Les demandeurs et les avocats sont souvent laissés à eux-mêmes pour interpréter des directives opérationnelles opaques sans avoir accès au raisonnement ou à la preuve qui les sous-tend.

La section de l’ABC recommande que les instruments de politique liés aux réfugiés – en particulier ceux qui ont une incidence sur l’admissibilité, les exemptions ou les droits procéduraux – fassent l’objet de consultations publiques et d’une communication proactive. Un système qui permet l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire qui change la vie doit être régi par des principes de transparence et de responsabilisation. Pour assurer leur caractère de légitimité, ces instruments doivent être élaborés dans le cadre de processus ouverts et refléter les contributions significatives de la communauté juridique, des fournisseurs de services et des communautés touchées au moyen de processus de canaux de dialogue réguliers.

6.4 Améliorer les processus après l’audience

Même après une décision favorable à la SPR, les demandeurs d’asile acceptés ont de la difficulté à naviguer dans les processus après l’audience. Beaucoup d’entre eux ne savent pas qu’ils doivent présenter une demande de résidence permanente ou ne comprennent pas les conséquences de la présentation d’une demande de passeport de remplacement ou d’un voyage dans leur pays de citoyenneté à l’avenir.

Dans certains cas, le manque évitable de clarté sur ces questions a entraîné le lancement d’une procédure de constat de perte de l’asile au titre de l’article 40.1, ce qui a eu des effets dévastateurs.

La section de l’ABC recommande que les demandeurs d’asile acceptés reçoivent des renseignements clairs, opportuns et en plusieurs langues à la fin de leur audience, et que les titres de voyage pour réfugié soient automatiquement délivrés à la fin d’une audience devant la SPR dont l’issue était favorable. Le processus actuel est trop complexe, crée un obstacle à la collecte de données biométriques et nuit au dépôt en temps opportun des demandes de résidence permanente. Le retard du traitement ralentit la réunification des familles, ce qui fait en sorte que les membres de la famille risquent d’être persécutés et prolonge l’isolement des réfugiés au Canada.

De plus, un mécanisme d’avertissement devrait être mis en place pour informer les demandeurs d’asile des risques associés à l’obtention de titres de voyage de leur pays de référence. Ces changements réduiraient la perte évitable du statut, protégeraient les personnes vulnérables, allégeraient le fardeau de l’aide juridique et des ressources décisionnelles et appuieraient l’établissement d’un système plus humain fondé sur les droits.

6.5 Réforme des dispositions sur la perte de l’asile et l’annulation

Les articles 40.1 et 108 de la LIPR permettent la perte de l’asile ou l’annulation du statut de réfugié, ce qui peut entraîner l’interdiction de territoire et le renvoi. Ces dispositions sont rédigées en termes généraux et sont souvent appliquées sans proportionnalité. En particulier, la perte de l’asile peut être causée par les gestes posés par un demandeur d’asile après qu’une décision a été rendue – par exemple, en effectuant un voyage dans son pays d’origine ou en présentant une demande de documents – sans tenir compte du contexte ou de l’intention. Dans certains cas, les personnes perdent la résidence permanente et doivent faire face à un renvoi éventuel même si elles ont vécu au Canada pendant des années, entretiennent des liens solides et n’ont jamais fait preuve de mauvaise foi ou commis des actes répréhensibles.

Les conséquences de la perte de l’asile sont profondes, ce qui entraîne souvent la perte du statut de personne protégée et de la résidence permanente et le renvoi du Canada. Ces résultats sévères peuvent perturber les familles, rompre les liens dans la communauté et exposer les personnes à un risque renouvelé. En conséquence, les décisions d’amorcer le processus de constat de la perte de l’asile doivent être guidées par des critères clairs, transparents et appliqués de façon uniforme.

À cette fin, IRCC devrait élaborer et publier des lignes directrices détaillées à l’intention des agents qui évaluent la perte de l’asile qui mettent l’accent sur l’équité procédurale. Les entrevues sur la perte de l’asile ne devraient pas avoir lieu dans des milieux à haut niveau de stress comme les points d’entrée, mais plutôt après avoir clairement informé la personne concernée. Les agents devraient aussi être formés pour tenir compte du contexte et de l’intention qui sous-tendent les gestes du demandeur d’asile et pour déterminer si la conduite en question correspond véritablement au fait de se réclamer de nouveau de la protection du pays ou à un changement de circonstances justifiant la perte de l’asile. Le principe de proportionnalité doit être central, de sorte que les personnes qui retournent brièvement dans leur pays d’origine pour des motifs urgents ou d’ordre humanitaire, par exemple pour assister à des funérailles, ne devraient pas être traitées de la même façon que celles qui y retournent pour y résider pendant de longues périodes. La perte de l’asile ne doit pas être utilisée de façon punitive ou d’une manière qui porte atteinte à l’intégrité du système canadien de protection des réfugiés.

6.6 Assurer la réunification des familles en temps opportun pour les personnes protégées

Les personnes protégées au Canada vivent une longue séparation souvent préjudiciable d’avec les membres de leur famille à charge qui se trouvent à l’étranger en raison de retards excessifs dans le traitement des demandes de résidence permanente. À la fin de 2023, le temps d’attente moyen dépassait quatre ans pour les personnes à charge vivant à l’extérieur du Canada. Ce retard touche des milliers de personnes et mine considérablement les principes de l’unité familiale, de l’équité procédurale et de l’accès à la justice. Les conséquences de la séparation sont particulièrement importantes pour les époux et les enfants, qui peuvent rester dans des conditions précaires ou dangereuses à l’étranger en attendant la réunification. Ces retards nuisent également à l’intégration complète des personnes protégées au Canada, qui ne sont pas en mesure de poursuivre leur vie tout en soutenant les membres de leur famille laissés derrière et en s’inquiétant et en militant pour eux.

L’incidence disproportionnée de ces retards sur les enfants soulève de sérieuses préoccupations au chapitre des obligations internationales du Canada, y compris la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant. La Cour suprême du Canada a confirmé dans l’arrêt Baker c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) que les décideurs doivent accorder un poids important à l’intérêt supérieur de l’enfant. La période actuelle de séparation de quatre ans est incompatible avec cette exigence et avec les objectifs de la LIPR d’appuyer la réunification des familles et d’assurer l’application de la Loi d’une manière conforme à la Charte et aux instruments internationaux en matière de droits de la personne.

Un recours pratique et conforme aux droits est possible en vertu de l’article 24 de la LIPR, qui permet la délivrance de PST dans des cas exceptionnels. Bien qu’ils soient actuellement utilisés de façon ponctuelle, les PST pourraient être appliqués systématiquement aux personnes à charge des personnes protégées afin de faciliter la réunification des familles en temps opportun pendant le traitement de leurs demandes de résidence permanente. Cette approche atténuerait les préjudices causés par la séparation, réduirait le fardeau des litiges pour la Cour fédérale et favoriserait la cohérence avec les valeurs humanitaires déclarées du Canada.

6.7 Renforcement des droits d’appel et précisions concernant les risques humanitaires

Renforcement des droits d’appel

Le système d’octroi de l’asile doit faire l’objet d’une réforme à la fois pour améliorer la protection offerte aux demandeurs d’asile authentiques et pour améliorer les décisions en matière d’irrecevabilité d’une demande et d’exclusion. La réforme du système d’appel constitue un domaine clé pour mieux protéger les demandeurs d’asile authentiques.

Les règles d’admission des éléments de preuve du système d’appel actuel à la Section d’appel des réfugiés (SAR) sont trop strictes et le système d’appel actuel s’appuie trop souvent sur le processus décisionnel sur dossier, même lorsque la crédibilité est une question centrale dans la décision. La crédibilité est inévitablement un enjeu dans les demandes d’asile, mais il est très difficile de rendre des décisions nuancées et tenant compte des traumatismes qui ne peuvent être traitées adéquatement dans un appel sur dossier.

Les réfugiés, de par la nature même de leur détresse et de leur fuite, ne viennent pas au Canada en ayant avec eux de nombreux documents. Dans leur témoignage sous serment devant la SPR, ils bénéficient d’une présomption de crédibilité, mais il s’agit d’une présomption réfutable qui est souvent invoquée sans que le demandeur d’asile se rende pleinement compte que la véracité de ses déclarations n’est pas acceptée sur parole, et ce, malgré les éléments de preuve à l’appui concernant les conditions dans le pays.

Les demandeurs d’asile honnêtes se croient et ne prévoient pas toujours qu’ils devront fournir une preuve de tiers à l’appui d’un témoignage qu’ils savent être véridique, surtout lorsque la présomption de véracité est réfutée en raison d’incohérences mineures sur des questions indirectes ou en raison de trous de mémoire légitimes, qui sont souvent accentués par un traumatisme. Ces facteurs portent particulièrement atteinte à la limite imposée aux nouveaux éléments de preuve, qui interdisent généralement les éléments de preuve raisonnablement disponibles au moment de la demande d’asile, qui sont survenus avant le rejet de la demande d’asile et qui ne sont produits uniquement parce que le demandeur d’asile n’a pas anticipé la réfutation de la présomption de crédibilité43.

La section de l’ABC recommande que l’interdiction d’admettre de nouveaux éléments de preuve soit abrogée. Les demandeurs d’asile honnêtes, qui ne doutent pas de la véracité de leur propre témoignage, ne peuvent raisonnablement prévoir que leur crédibilité sera mise en doute, et encore moins les questions qui pourraient être soulevées pour remettre en question leur crédibilité. À notre avis, l’élimination de la règle sur les nouveaux éléments de preuve simplifiera en fait les procédures de la SAR, ce qui permettra d’éviter les débats détaillés à la SAR et à la Cour fédérale sur l’admissibilité des éléments de preuve, et permettra plutôt de procéder à un examen plus simple du bien-fondé de la décision de la SPR.

Précisions sur les risques humanitaires

La LIPR reconnaît des types de risque distincts – ce qui justifie la protection conférée aux réfugiés au sens de la Convention et aux personnes protégées44 et ce qui est une composante légitime des demandes présentées pour des motifs d’ordre humanitaire45. Ces distinctions comportent des nuances – et celles-ci sont souvent trop subtiles pour être raisonnablement comprises par un demandeur profane. Pourtant, la LIPR limite le pouvoir discrétionnaire d’un agent d’accorder des mesures pour des motifs d’ordre humanitaire lorsqu’une personne a déjà présenté une demande d’asile, ce qui peut entraîner de graves conséquences en matière d’immigration pour des demandeurs vulnérables sans servir un objectif stratégique claire46. La raison invoquée pour justifier la mise en œuvre de l’interdiction d’un an fondée sur des motifs d’ordre humanitaire est qu’elle empêcherait le renvoi des demandeurs d’asile déboutés. Toutefois, cette justification est discutable puisque le dépôt d’une demande de résidence permanente ne permet pas de surseoir à une mesure de renvoi ni même de la retarder.

Il serait très utile d’articuler clairement l’éventail des risques qui peuvent légitimement être considérés comme des éléments des demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire, que ce soit dans un règlement, une politique ou des lignes directrices. Cela permettrait une plus grande transparence dans le processus de demande et une plus grande cohérence dans la prise de décisions. Cela devrait commencer par l’énoncé d’un principe général selon lequel tous les risques qui ne relèvent pas de la définition de réfugié au sens de la Convention et de la définition des motifs de protection élargis peuvent légitimement être considérés comme des éléments faisant partie des demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire et ensuite, sans limiter la portée générale de ce principe, inclure une série détaillée d’exemples.

Approche cohérente et transparente pour répondre aux crises humanitaires

Au cours des dernières années, IRCC a mis en œuvre des politiques temporaires et permanentes en réponse à diverses crises humanitaires dans le monde, offrant des voies d’accès urgentes pour faciliter l’entrée au Canada ou permettre aux étrangers au Canada de prolonger leur séjour pour des motifs exceptionnels.47 Le manque de cohérence de ces initiatives politiques, le manque de transparence du processus décisionnel et l’absence de résultats clairs et prévisibles à long terme pour les personnes réinstallées temporairement ont tous contribué à rendre la mise en œuvre difficile et à susciter l’opposition du public. Une réforme politique structurée et une approche cohérente des initiatives de réinstallation humanitaire permettraient de rationaliser le traitement des demandes, d’optimiser l’efficacité opérationnelle et d’éviter la perception d’un traitement systématiquement favorable à un groupe par rapport à un autre.

6.7 Recommandations et conclusion

La section de l’ABC recommande les réformes législatives et stratégiques suivantes :

# Section Modifications recommandées
30. Supprimer l’interdiction de 12 mois LIPR, paragraphe 25(1.2) Supprimer l’interdiction qui empêche les demandeurs d’asile de demander la prise de mesures spéciales pour des motifs d’ordre humanitaire pendant 12 mois après le retrait ou le refus de leur demande d’asile.
31 Centraliser toutes les déterminations du statut de réfugié Centraliser toutes les déterminations du statut de réfugié, tant au pays qu’à l’étranger, sous une autorité unique et indépendante au sein de la CISR. Cette réforme structurelle permettrait d’éliminer le chevauchement et la fragmentation, d’assurer l’accès aux audiences au besoin et de normaliser les règles en matière de preuve et de procédure dans toutes les voies d’accès à la protection. Elle traiterait également du double standard dans l’évaluation des « solutions durables » des pays tiers entre les demandeurs au pays et à l’étranger.
32. Attribuer toutes les évaluations fondées sur des risques selon des motifs de protection élargis Attribuer à la CISR toutes les évaluations fondées sur des risques selon des motifs de protection élargis – comme la menace à la vie, la torture ou les traitements cruels et inusités. Le regroupement de ces décisions selon un modèle transparent et solide sur le plan procédural améliorerait l’uniformité, réduirait la confusion causée par le chevauchement des processus et renforcerait les obligations internationales du Canada en vertu du droit des droits de la personne.
33. Soumettre à la consultation publique et à la communication proactive tous les documents stratégiques liés aux réfugiés Soumettre tous les documents stratégiques liés aux réfugiés – en particulier ceux qui touchent l’admissibilité, les exemptions et les droits procéduraux – à la consultation publique et à la communication proactive. Les politiques qui orientent les décisions qui modifient la vie doivent être transparentes, responsables sur le plan juridique et éclairées par une mobilisation régulière des professionnels du droit, des fournisseurs de services et des communautés touchées.
34. Modifier le processus de constat de perte de l’asile et d’annulation LIPR, articles 40.1 et 108 Modifier les articles 40.1 et 108 de la LIPR afin d’établir des critères législatifs et d’équité procédurale clairs, y compris l’obligation de permettre aux personnes faisant l’objet d’une demande de perte d’asile d’avoir la possibilité de répondre avant la révocation du statut protégé. Les agents devraient être obligés de tenir compte du contexte et de l’intention des gestes posés par une personne et d’appliquer le principe de proportionnalité pour éviter des conséquences sévères pour avoir effectué des visites de retour mineures ou humaines. Les lignes directrices devraient diriger les agents de délivrer un avis de convocation au lieu de mener des entrevues sur le constat de la perte de l’asile aux points d’entrée. Une personne devrait perdre son statut uniquement s’il existe des preuves claires de fraude, de mauvaise foi ou d’un changement fondamental des besoins de protection, conformément aux obligations juridiques et humanitaires du Canada.
35. Délivrer des PST aux personnes à charge des personnes protégées pour faciliter la réunification en temps opportun Dans un premier temps, émettre des instructions ministérielles pour autoriser la délivrance régulière de PST en vertu de l’article 24 de la LIPR aux personnes à charge des personnes protégées qui cherchent à obtenir la résidence permanente.
36. Modifier le règlement relatif aux PST destinés aux personnes à charge des personnes protégées afin de faciliter la réunification en temps utile Afin d’assurer une plus grande cohérence, transparence et durabilité de la pratique énumérée dans la recommandation 34 ci-dessus, l’autorité pour l’émission routinière de TRP devrait être incorporée dans l’IRPR par le biais d’une modification réglementaire permanente.
37. Permettre l’accès au travail, aux études et aux soins de santé aux titulaires d’un PST dans ce contexte Structurer la délivrance du PST pour permettre aux personnes à charge accompagnant un demandeur de résider au Canada et d’avoir accès à un permis de travail ou d’études et à une couverture médicale provinciale pendant le traitement de leurs demandes de résidence permanente. Cela assure la continuité des soins et réduit la vulnérabilité.
38. Établir des lignes directrices transparentes sur la délivrance de PST pour les personnes à charge des personnes protégées Élaborer des lignes directrices claires et accessibles au public pour la délivrance de PST dans ces cas afin d’assurer la transparence procédurale et l’harmonisation avec les obligations internationales en vertu de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant. Surveiller les délais de traitement pour les personnes à charge des personnes protégées et mettre en œuvre des mesures correctives pour réduire les retards excessifs, réduire au minimum les préjudices et éviter les procédures inutiles de contrôle judiciaire. Cela comprend l’établissement de points de référence en matière de traitement et le suivi en temps opportun.
39. Améliorer l’accès aux titres de voyage pour réfugié. Délivrer automatiquement des titres de voyage pour réfugié à la suite d’une décision favorable de la SPR ou fournir des avis clairs, opportuns et multilingues informant les demandeurs d’asile acceptés de leurs obligations et des risques juridiques liés à l’obtention de titres de leur pays d’origine. Réduire les obstacles à la résidence permanente pour les réfugiés en évitant la perte involontaire de l’asile ou l’interdiction de territoire en raison du manque d’information.
40. Élargir l’admissibilité des éléments de preuve à l’appui à la SAR LIPR, paragraphe 110(4) Modifier le paragraphe 110(4) de la LIPR pour permettre une plus grande admissibilité des éléments de preuve à l’appui à la SAR, même si ces éléments de preuve auraient pu être raisonnablement disponibles au moment de la demande d’asile initiale. Les demandeurs d’asile qui invoquent la présomption de crédibilité peuvent ne pas prévoir qu’ils auront besoin d’une corroboration tant que la crédibilité n’a pas été contestée à la SPR. La révision législative proposée permettrait de supprimer ou de réviser la clause empêchant l’admission d’éléments de preuve qui « auraient raisonnablement pu être présentés » à l’audience initiale. Le système d’appel devrait fonctionner comme un véritable mécanisme de correction des erreurs, et non comme un organisme de contrôle qui pénalise les failles imprévues dans l’établissement du dossier.
41. Officialiser le risque non lié à la convention dans les demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire LIPR, article 25 Ajouter un règlement accompagné d’une politique opérationnelle détaillée décrivant les types de risques qui ne sont pas visés par les définitions de réfugié au sens de la Convention et de protection élargie, mais qui peuvent être légitimement pris en considération en vertu des motifs d’ordre humanitaire (article 25). Il peut s’agir, par exemple, de la violence fondée sur le sexe qui ne correspond pas à la définition de la Convention; des risques liés à l’effondrement de l’État, à la famine ou aux catastrophes naturelles; de la vulnérabilité particulière des apatrides ou des personnes LGBTQ+ dans des environnements non criminalisés, mais tout de même hostiles; des menaces découlant du crime organisé dans des régions où l’État ne veut pas ou ne peut pas offrir de protection.
42. Intégrer un cadre de risque non lié à la-protection dans la prise de décisions fondées sur des motifs d’ordre humanitaire et assurer la cohérence des politiques humanitaires Intégrer un « cadre de gestion des risques non lié à la protection » à la prise de décisions fondées sur des motifs d’ordre humanitaire, en rappelant aux agents qu’ils ont le pouvoir discrétionnaire de tenir compte d’un préjudice grave en dehors du régime de protection. De même, veiller à ce que les initiatives de politique publique visant à répondre aux crises humanitaires soient élaborées de manière transparente et cohérente.

La protection des réfugiés au Canada doit être cohérente, équitable et fondée sur des principes, peu importe l’endroit duquel la personne présente la demande de protection et la façon dont elle présente cette demande. L’ensemble actuel de mesures disparates mine l’intégrité même qu’il cherche à maintenir. La section de l’ABC exhorte le Parlement à renforcer la prise de décisions relatives aux réfugiés, à normaliser les critères de protection et à bâtir un système qui tient compte des obligations juridiques et du leadership moral du Canada sur la scène mondiale. Au même moment, ce travail doit s’harmoniser avec l’équité procédurale dans les appels avec les réalités des témoignages des réfugiés. IRCC devrait préciser et élargir le rôle du pouvoir discrétionnaire pour des motifs d’ordre humanitaire dans la gestion des risques non liés à la Convention, et veiller à ce que la mise en œuvre soit effectuée de manière cohérente et conforme aux principes, particulièrement dans un contexte mondial où les menaces à la dignité humaine sont diverses et changeantes.

VII. Admissibilité et interdiction de territoire : Restreindre et clarifier les dispositions relatives à l’application de la loi

Un programme d’immigration est défini autant par les demandeurs qu’il accueille au pays que par ceux qu’il refuse.48 Le régime d’interdiction de territoire prévu dans la LIPR vise à protéger l’intégrité et la sécurité du système d’immigration du Canada. Toutefois, bon nombre de ses dispositions sont trop larges, sont appliquées de façon stricte et ne tiennent pas suffisamment compte du contexte ou des circonstances individuelles. Il en résulte un cadre qui impose des conséquences beaucoup trop sévères aux personnes ayant commis des infractions mineures, ayant eu des problèmes de communication ou ayant des associations, sans donner une véritable possibilité de répondre. Dans sa forme actuelle, le régime risque de confondre la gestion administrative avec l’application de la loi et de miner les principes de base de l’équité et de la proportionnalité.

La section de l’ABC recommande des réformes ciblées pour plusieurs motifs d’interdiction de territoire afin de s’assurer que ces dispositions sont claires, adaptées au contexte et cohérentes sur le plan juridique. Une approche plus équilibrée permettra de protéger l’intérêt public tout en réduisant l’injustice systémique et en favorisant la transparence. De telles réformes conserveraient la légitimité du système d’immigration en garantissant que les outils d’application de la loi soient utilisés de manière proportionnée, prévisible et seulement lorsque cette utilisation est justifiée par des preuves et par le contexte.

7.1 Vers une LIPR rééquilibrée

L’effet cumulatif de ces mesures d’application de la loi en premier est un cadre législatif de plus en plus façonné par le contrôle, la restriction et la commodité administrative. Cela va à l’encontre de l’objectif énoncé dans la LIPR et des valeurs d’un système d’immigration moderne. La section de l’ABC préconise un remaniement de la Loi, qui rétablit l’équilibre entre la sécurité et le service, le pouvoir discrétionnaire et la transparence, et l’application de la loi et l’équité.

La prévention de la fraude et l’intégrité des programmes demeurent essentielles, mais elles ne doivent pas éclipser les objectifs généraux d’inclusion, d’équité et de responsabilisation. Une LIPR modernisée devrait permettre aux décideurs de réagir d’une manière souple et équitable aux faits propres à chaque affaire et de veiller à ce que les règles soient appliquées de façon transparente, humaine et conforme aux principes de la justice naturelle.

7.2 Sécurité et terrorisme (articles 33 à 35)

Les articles 33 à 35 énoncent l’interdiction de territoire pour raison de sécurité, de subversion, de terrorisme et d’atteinte aux droits de la personne. Ces dispositions sont viciées par un libellé vague et une portée excessive. L’article 33 permet d’imposer une interdiction de territoire en fonction de « motifs raisonnables de croire » qu’une personne est interdite de territoire pour tout autre motif lié à la sécurité. Cette norme est particulièrement faible et peut faire l’objet d’une interprétation large, surtout lorsque la conduite sous‑jacente est de nature politique ou expressive.

Les alinéas 34(1)c) et f) confondent la menace à la sécurité nationale et l’expression légitime de l’opinion. Par exemple, les personnes qui se sont opposées de façon non violente à des régimes autoritaires ou qui ont été associées à des mouvements de libération peuvent être interdites de séjour au Canada en raison d’activités légitimes, et qui sont même protégées dans un contexte canadien. L’article 35 est vicié par des problèmes similaires, car il a une portée trop grande et peut inclure des personnes qui n’ont participé que d’une façon marginale à des activités d’organismes qui ont plus tard été associés à des atteintes aux droits de la personne.

La section de l’ABC recommande de réviser ces dispositions afin d’adopter des définitions plus claires des termes « terrorisme » et « sécurité nationale » qui sont conformes au droit international en matière de droits de la personne et aux principes constitutionnels canadiens. L’interdiction de territoire pour raison de sécurité doit exiger une preuve de culpabilité personnelle, l’existence d’un risque clairement énoncé et un processus qui permet une communication et une réfutation valable. Cela est essentiel non seulement pour protéger les droits individuels, mais aussi pour conserver la crédibilité et la légitimité du régime d’interdiction de territoire du Canada.

7.3 Grande criminalité et déclarations de culpabilité à l’étranger (article 36)

L’article 36 rend les personnes interdites de territoire pour criminalité, y compris les infractions commises à l’extérieur du Canada. Toutefois, la disposition ne contient pas de mesures de protection adéquates visant à s’assurer que les déclarations de culpabilité prononcées à l’étranger sont évaluées d’une façon équitable et proportionnelle. Les personnes peuvent être réputées interdites de territoire en raison d’infractions mineures ou réglementaires qui sont criminalisées plus sévèrement dans d’autres administrations, ou en raison de déclarations de culpabilité prononcées dans des systèmes juridiques dépourvus d’équité procédurale fondamentale.

La section de l’ABC recommande que la LIPR comprenne des critères plus clairs visant l’évaluation des déclarations de culpabilité prononcées à l’étranger, notamment la prise en compte de la primauté du droit dans le pays où la déclaration de culpabilité est prononcée, de la disponibilité des pardons et de la proportionnalité de la conduite sous‑jacente. Des préoccupations particulières sont soulevées en ce qui concerne les infractions comme les infractions relatives à la monnaie, notamment la contrefaçon, qui peuvent faire l’objet de poursuites et entraîner l’imposition de peines plus sévères dans certaines administrations sans qu’il existe un risque correspondant pour la population canadienne.

L’article 36 devrait également permettre de tenir explicitement compte de la réadaptation, du temps écoulé et de la situation personnelle du demandeur, notamment les facteurs humanitaires, de la durée de résidence au Canada et des liens familiaux. Les résidents permanents ne devraient pas faire l’objet d’un renvoi automatique pour des infractions commises il y a longtemps, qui sont non violentes ou qui ont été autrement réglées par l’octroi d’un pardon à l’étranger ou d’une sanction non carcérale. Les infractions devraient être traitées de la même façon en vertu de la LIPR que dans les tribunaux criminels. La reclassification de crimes moins graves en actes criminels aux termes des lois du Canada peut entraîner des résultats disproportionnés, inéquitables et non conformes aux principes nationaux en matière de détermination de la peine49.

7.4 Assurer la certitude de la possibilité d’interjeter appel en cas d’interdiction de territoire pour criminalité

Le régime actuel prévu au paragraphe 64(2) de la LIPR, qui interdit automatiquement l’accès à la Section d’appel de l’immigration (SAI) aux résidents permanents condamnés à une peine d’emprisonnement de six mois ou plus, élimine l’accès à un contrôle individualisé dans une vaste gamme de cas, dont bon nombre ne comportent pas la perpétration d’actes de grande criminalité ou la criminalité répétée. L’interdiction est appliquée de façon stricte et sans tenir compte de facteurs atténuants comme la période pendant laquelle le contrevenant a résidé au Canada, si cette personne est arrivée au Canada alors qu’elle était un enfant, sa réadaptation ou l’intérêt supérieur des enfants touchés. Par conséquent, elle peut entraîner une expulsion permanente pour des infractions mineures ou isolées, parfois commises par des résidents installés depuis longtemps au Canada et ayant des liens étroits avec celui‑ci.

Depuis 2013, la définition de « grande criminalité » aux fins d’interjeter appel englobe un éventail de comportements beaucoup plus large que ce qui était prévu à l’origine. De nombreuses infractions qui, de nos jours, entraînent la prise d’une mesure de renvoi automatique, ne seraient habituellement pas considérées par les Canadiens comme justifiant des conséquences aussi graves en matière d’immigration. Bien que les tribunaux aient maintenu la constitutionnalité du seuil de six mois, ils l’ont également interprétée de façon étroite afin d’éviter qu’il n’y ait des effets disproportionnés. D’autres administrations fixent des seuils plus élevés — douze mois au Royaume‑Uni, un an pour de nombreuses infractions commises aux États‑Unis — et conservent souvent une forme quelconque de révision facultative ou d’examen de considérations d’ordre humanitaire. Le précédent seuil de deux ans du Canada reflétait également une distinction pratique entre la criminalité moins grave et la criminalité plus grave.

En vertu de l’article 27(1) de l’ancienne loi sur l’immigration de 1976,50 les résidents permanents qui étaient domiciliés au Canada depuis cinq ans ou plus étaient protégés contre l’expulsion, sauf dans des circonstances exceptionnelles. Le terme « domicile » ne signifiait pas seulement une présence physique, mais aussi l’intention de faire du Canada son foyer permanent. Les personnes qui se sont véritablement installées au Canada ne pouvaient être expulsées pour la plupart des infractions à la législation sur l’immigration, comme les fausses déclarations ou les délits moins graves, à moins que de graves problèmes de sécurité publique ne se posent. La déportation demeurait possible dans les cas de grande criminalité même après cinq ans, mais pas pour des infractions moins graves.

En réformant la LIPR, le Parlement devrait envisager de réintroduire une approche plus nuancée pour les résidents de longue durée menacés d’expulsion. Ce cadre établissait un équilibre entre la sécurité publique et la reconnaissance du fait que les personnes installées depuis longtemps méritent une plus grande protection procédurale. Son élimination dans la LIPR a donné lieu à un régime qui privilégie souvent l’exécution plutôt que la proportionnalité, sans tenir suffisamment compte de l’intégration d’une personne dans la société canadienne.

Une LIPR modernisée devrait rétablir cet équilibre - en protégeant la sécurité publique, tout en reconnaissant les contributions et l’intégration des résidents de longue durée. Des protections statutaires claires pour les résidents bien établis, associée à de solides mécanismes d’exécution contre les menaces graves, renforcerait à la fois la justesse et la crédibilité du système d’immigration du Canada. Cela commencerait par l’octroi d’un pouvoir discrétionnaire plus important aux agents au stade de l’article 44.

Le contrôle à l’étape de l’article 44 devrait comprendre une évaluation formelle du risque et de la proportionnalité qui évalue la gravité de l’interdiction de territoire, les liens de la personne avec le Canada et tout facteur d’ordre humanitaire. Les agents de l’ASFC devraient être tenus de remplir une liste de contrôle normalisée qui classe les cas par niveau de risque (p. ex. grande criminalité, non-conformité technique, considérations humanitaires) et signale les cas où d’autres solutions, comme la surveillance, peuvent être appropriées.

Il devrait y avoir un système de suivi amélioré pour les rapports de l’article 44, utilisant des outils de gestion de cas pour suivre les résultats et assurer le contrôle des décisions. Il devrait inclure des mesures de responsabilisation exigeant un examen de supervision de tous les rapports de l’article 44 qui impliquent des résidents de longue durée, des membres de la famille de Canadiens ou des personnes susceptibles de soulever des questions relatives à la Charte ou aux droits internationaux de la personne. Une plus grande transparence au stade du triage favoriserait une meilleure prise de décision et une plus grande confiance du public dans le fait que les efforts d’expulsion sont ciblés, justifiés et respectueux des obligations nationales et internationales du Canada.

La section de l’ABC ne propose pas l’imposition d’un seuil précis comme celui d’un ou de deux ans. Nous demandons plutôt le rétablissement de la certitude des possibilités, en veillant à ce que tous les résidents permanents qui font face à un renvoi pour grande criminalité aient le droit de demander à la SAI de procéder à une révision facultative fondée sur le mérite. Nous soutenons que le droit d’interjeter appel ne devrait pas être formellement interdit uniquement par la durée d’une peine d’emprisonnement. Cette position est conforme à la recommandation que nous avons faite en 2012, et par laquelle nous nous opposions à la révocation de la compétence de la SAI aux termes du projet de loi C‑43 et appuyions la tenue d’un examen au cas par cas qui établit un équilibre entre la sécurité publique et les considérations individuelles et d’ordre humanitaire51.

Le rétablissement de l’accès à l’appel permettrait aux décideurs indépendants d’évaluer si l’expulsion constitue une réponse proportionnelle en considérant tous les facteurs pertinents. Un tel processus renforce la confiance du public dans l’équité du système d’immigration, s’harmonise avec les obligations du Canada en matière de droits de la personne et permet au régime d’immigration de faire une distinction entre les personnes qui constituent des menaces vraiment graves et celles qui ont peut‑être commis une erreur, mais qui méritent de se voir accorder la possibilité de rester au Canada.

7.5 Activités de criminalité organisée (article 37) et interdiction de territoire fondée sur une association (article 42)

L’article 37 rend les personnes interdites de territoire pour participation à des activités de criminalité organisée, notamment des actes comme le passage de clandestins et la criminalité transnationale. Toutefois, il ne fait pas de distinction entre les principaux acteurs et ceux qui tenaient des rôles mineures, indirectes ou forcées, et il n’exige pas non plus de prouver que des activités criminelles ont réellement été commises au Canada ou qu’il y a eu intention de commettre un crime.

De même, l’article 42 permet d’imposer une interdiction de territoire par association, ce qui rend les demandeurs interdits de territoire s’il fait partie de la famille d’une personne interdite de territoire pour certains motifs. Ce type de sanction collective viole l’équité fondamentale et peut pénaliser les personnes innocentes, respectueuses des lois et qui ne sont pas en mesure de contrôler les gestes que posent leurs proches.

La section de l’ABC recommande que l’article 42 soit interprété ou modifié de façon étroite pour ne s’appliquer que dans des circonstances exceptionnelles, soit lorsqu’il existe un lien clair entre le comportement du membre de la famille et l’admissibilité du demandeur. Le principe de la responsabilité individuelle doit demeurer au centre du système d’immigration du Canada.

7.6 L’interdiction de territoire pour motifs financiers au titre de l’article 39 devrait tenir compte de toutes les sources de soutien financier

Un étranger est interdit de territoire au Canada dans les cas suivants : « l’incapacité de l’étranger ou son absence de volonté de subvenir […] à ses propres besoins et à ceux des personnes à sa charge, […] ainsi que les dispositions nécessaires […] ont été prises pour couvrir leurs besoins et les siens. »52 La loi vise à faire en sorte que les nouveaux arrivants ne deviennent pas un fardeau pour les programmes d’aide sociale canadiens. Bien qu’il s’agisse d’un objectif légitime de politique d’intérêt public, la disposition doit être appliquée de manière à refléter la réalité financière complète des demandeurs. Toutes les sources de soutien financier — non seulement le revenu d’emploi ou les biens personnels — doivent être prises en compte au moment de déterminer l’admissibilité du demandeur au titre de l’article 39.

Le libellé de l’article 39 fait référence au fait que les « dispositions nécessaires ont été prises pour couvrir leurs besoins et les siens », ce qui est intentionnellement vague. L’interprétation devrait inclure un vaste éventail de soutiens financiers crédibles, y compris l’aide de membres de sa famille, de répondants du secteur privé, et même d’organismes communautaires. L’interdiction de territoire pour motifs financiers aux termes de l’article 39 n’est pas simplement un critère relatif à la pauvreté. Elle demande une évaluation visant à établir si la demanderesse pourrait devoir avoir recours à l’aide sociale financée par le gouvernement. La présence d’autres soutiens fiables devrait réfuter l’interdiction de territoire. Les objectifs du Canada en matière d’immigration, énoncés à l’article 3 de la LIPR, sont les suivants :

Soutenir la réunification des familles; promouvoir l’intégration des résidents permanents;respecter les engagements internationaux du Canada en matière de droits de la personne.les parents et les grands‑parents qui sont parrainés;les réfugiés et les personnes protégées;les époux ayant des personnes à charge, mais ayant solide soutien de la famille ou de la collectivité.l’intérêt supérieur des enfants;la présence d’un solide soutien émotionnel, culturel et logistique;la capacité du demandeur de participer, même de façon non financière (p. ex., en fournissant des soins).53 Les victimes sont autorisées à bénéficier de l'aide du gouvernement lorsqu'elles quittent une relation abusive. D'autres situations peuvent nécessiter une dispense similaire

7.7 Fausses déclarations (article 40) : Proportionnalité et intention

L’étendue et le caractère strict des dispositions de la LIPR portant sur l’interdiction de territoire constituent une autre source de préoccupation. Les dispositions concernant les fausses déclarations prévues à l’article 40, en particulier, sont appliquées avec peu de nuances. Elles ne font pas de distinction entre les erreurs involontaires et la tromperie délibérée ni entre les inexactitudes mineures et les manquements graves. Les personnes peuvent être déclarées interdites de territoire pendant cinq ans ou plus, même lorsqu’elles n’ont démontré aucune intention de tromper et qu’elles n’ont tiré aucun avantage.

La section de l’ABC recommande l’adoption d’une approche proportionnelle quant à l’interdiction de territoire pour fausses déclarations, qui soit fondée sur le contexte et les conséquences. Un modèle à échelle mobile permettrait aux décideurs de faire la distinction entre les erreurs techniques et les comportements frauduleux, et d’imposer des sanctions en conséquence. À titre d’exemple, lorsque 700 étudiants étrangers ont été victimes d'une fraude commise par un consultant, bon nombre d'entre eux ont été reconnus coupables de fausse déclaration, puis innocentés par le groupe de travail ad hoc sur les étudiants authentiques créé par le ministre.54 Cela souligne que le domaine de la fausse déclaration peut être source de conflits et inutilement sévère pour ceux qui sont réellement des victimes innocentes.55 Une échelle mobile et une application proportionnée permettrait de préserver l’intégrité du programme tout en respectant l’équité procédurale et en évitant des sanctions trop générales.56

Les dispositions portant sur la perte de l’asile énoncée à l’article 40.1 soulèvent des préoccupations semblables en matière d’équité. Ces dispositions peuvent rendre les personnes interdites de territoire même après qu’elles sont devenues résidentes permanentes — souvent en raison de malentendus ou d’erreurs administratives plutôt que d’une inconduite. Ces résultats sont incompatibles avec le principe de sécurité juridique, et ils vont à l’encontre de la reconnaissance de la double citoyenneté. La section de l’ABC recommande que des modifications législatives soient apportées afin de limiter la portée de ces dispositions, et de veiller à ce que la perte de l’asile ne mène pas à l’interdiction de territoire sauf dans les cas où des raisons impérieuses existent.

Le cadre actuel portant sur les fausses déclarations de l’article 40 de la LIPR impose une interdiction uniforme de cinq ans aux étrangers et aux résidents permanents qui ont omis de déclarer ou ont déclarer de manière inexacte des faits importants, indépendamment de l’intentions, de la portée ou de l’importance de l’omission. Même lorsque la fausse déclaration découle d’un malentendu, de barrières linguistiques ou d’une omission, les conséquences sont graves et automatiques.

La section de l’ABC recommande de remplacer ce modèle binaire par une approche à échelle mobile qui tient compte de la nature de la déclaration, du caractère substantiel de celle‑ci et de l’intention sous‑jacente à celle‑ci, ainsi que de la conduite du demandeur. Cela permettrait d’obtenir des résultats plus appropriés dans les cas d’erreurs commises de bonne foi ou d’erreurs techniques. Le régime actuel ne fait pas de distinction entre la fraude délibérée et les erreurs involontaires – un échec qui mine la confiance dans le système et impose un fardeau disproportionné aux demandeurs vulnérables. Nous serions ravis d’étudier conjointement un certain nombre d’initiatives.

Par exemple, un système d’« avis de rectification » pour les cas de non-conformité mineurs ou commis pour la première fois : avant de conclure à une fausse déclaration, les agents pourraient être tenus d’émettre un « avis de rectification » dans les cas où le problème semble résulter d’une erreur du représentant. Les demandeurs se verraient accorder un délai déterminé pour corriger les informations ou fournir des éclaircissements. Envisager la création d’un registre central des fautes professionnelles des représentants : créer un registre sécurisé et conforme à la protection de la vie privée où les agents de l’IRCC et de l’ASFC pourraient suivre les représentants ayant des antécédents de fautes professionnelles ayant eu des conséquences pour leurs clients. Cela permettrait de détecter les cas d’abus et d’éclairer le pouvoir discrétionnaire des agents dans les affaires futures. Il serait tout aussi important d’envisager des règlements et des directives exigeant que les agents reçoivent une formation tenant compte des traumatismes et appliquent les principes de compétence culturelle lorsqu’ils évaluent les allégations d’interdiction de territoire, en particulier dans les cas de violence sexiste, de coercition ou de persécution politique. Cela devrait réduire les interprétations erronées des faits, garantir une évaluation équitable des risques et des responsabilités et minimiser les risques de reviviscence des traumatismes.

7.8 Équité en matière de preuves, droit de réfuter

L’approche actuelle en matière de manquement prévue à l’article 41 de la LIPR manque de transparence et de proportionnalité, ce qui entraîne des résultats incohérents et mine la confiance dans le système d’immigration. Il est nécessaire d’avoir un cadre plus adapté et transparent afin de garantir un traitement équitable et de faire respecter la justice procédurale. L’article 41 aborde un vaste éventail de mesures — allant d’erreurs mineures au manquement délibéré — comme motifs d’interdiction de territoire sans distinction d’intention, de gravité ou d’incidence. Cette approche universelle ne tient pas compte d’une vaste gamme de circonstances réelles.

Les personnes peuvent se voir imposées des sanctions très sévères pour des erreurs techniques, comme le non‑respect d’une échéance ou une mauvaise compréhension des directives, que les sanctions imposées aux personnes qui contournent délibérément les exigences. Les personnes vulnérables, notamment celles qui sont confrontées à des barrières linguistiques ou celles qui ont un accès limité au soutien juridique, sont touchées de façon disproportionnée. Lorsque les sanctions sont perçues comme étant arbitraires ou trop punitives, elles réduisent les incitations à la conformité et la confiance du public. Une approche transparente et proportionnée favoriserait la collaboration et améliorerait l’intégrité du système. D’autres secteurs du droit et de l’administration publique utilisent des sanctions à échelle mobile pour tenir compte du contexte, le droit fiscal, le droit du travail et le droit de l’environnement, permettent tous aux organismes de réglementation de réagir avec souplesse aux infractions57. Le même principe devrait s’appliquer à la LIPR.

7.9 Équité en matière de preuves et le droit de réfuter

Dans l’ensemble du régime d’interdiction de territoire, l’équité procédurale est affaiblie par le recours à de faibles seuils de preuve, la non-divulgation de renseignements essentiels et les possibilités limitées de contester les décisions. Dans les cas de sécurité nationale, les demandeurs se voient souvent refuser l’accès à l’intégralité du dossier ou au raisonnement sur lequel repose la décision. Dans d’autres cas, il peut être attendu qu’ils réfutent des allégations sans connaître la source ou le fondement de l’information.

La section de l’ABC recommande de codifier le droit de recevoir les éléments de preuve sur lesquels l’interdiction de territoire est fondée et d’y répondre, sous réserve uniquement d’exceptions étroitement définies fondées sur la sécurité nationale. La norme de « preuve crédible et fiable » doit être appliquée de façon uniforme, et le pouvoir discrétionnaire de refuser ou de révoquer le statut doit être exercé de façon transparente, avec des motifs écrits et des recours concrets.

7.10 Application cohérente des rapports préparés au titre de l’article 44

Les délais excessifs entre une déclaration de culpabilité au criminel, la délivrance d’un rapport au titre de l’article 44 et le renvoi pour enquête peuvent entraîner une injustice, une incertitude juridique et une inefficacité administrative. Les écarts prolongés entre la déclaration de culpabilité et la prise de mesures d’application de la loi minent l’équité procédurale.

Il se peut que les personnes ne sachent pas qu’elles fassent l’objet d’un examen, qu’elles ne soient pas en mesure de préparer des réponses juridiques en temps opportun ou qu’elles se voient injustement imposer des sanctions des années après avoir purgé leur peine ou été réhabilitées.

Le principe de certitude juridique exige que les sanctions soient imposées dans un délai raisonnable après que les conclusions juridiques ont été faites. Les retards prolongés brouillent le lien entre la conduite d’une personne et les conséquences en matière d’immigration, ce qui donne l’impression qu’il s’agit d’une sanction arbitraire ou d’une peine rétroactive. Les retards touchent de façon disproportionnée les résidents permanents ayant des liens étroits avec le Canada qui, des années après une déclaration de culpabilité, peuvent faire l’objet d’un renvoi malgré leur réinsertion sociale, leur emploi et leurs responsabilités familiales.

Cela mine les objectifs d’intégration et l’unité familiale. Les retards entraînent également un fardeau administratif, notamment de la difficulté à trouver des personnes, à recueillir des éléments de preuve ou à vérifier des événements survenus par le passé. Cela augmente la probabilité d’erreurs, de renvois faisant l’objet d’une contestation ou de résultats infructueux en matière d’application de la loi. D’autres cadres juridiques (p. ex., la détermination de la peine en matière criminelle, les délais de prescription en droit civil) reconnaissent la valeur d’une action rapide. Des principes semblables devraient s’appliquer dans le cadre de l’application de la loi sur l’immigration afin de promouvoir la prévisibilité et la responsabilisation.

7.11 Sanctions, équité et procédure régulière : Réformer l’interdiction de territoire fondée sur des sanctions.

Compte tenu de l’intention du législateur d’empêcher l’immigration et l’accès aux personnes faisant l’objet de sanctions - y compris celles imposées en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales (LMES) 58 conformément aux alinéas 4(1.1)c) ou d), et en vertu de tout décret ou règlement pris en application de l’article 4 de la Loi sur la justice pour les victimes de la corruption d’agents étrangers (loi de Sergueï Magnitski), il est important de noter que ces trois motifs déclenchaient auparavant l’interdiction de territoire en vertu de la LIPR sur la base de « l’atteinte aux droits de la personne ou internationaux » 59. L’alinéa 35(1)c), relatif aux sanctions internationales, a été adopté en 2002, tandis que les alinéas 35(1)d) et e) sont en vigueur depuis 201760. Le nouveau cadre législatif ne lie plus les sanctions aux atteintes aux droits de la personne ou internationaux et élargit plutôt les motifs d’interdiction de territoire en vertu de la LMES, en particulier en ce qui concerne l’article 4(1.1) 61, en ajoutant :

a) une organisation internationale d’États ou une association d’États, dont le Canada est membre, a pris une décision, adopté une résolution ou formulé une recommandation incitant ses membres à prendre des mesures économiques contre un État étranger;

b) une rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales est susceptible d’entraîner ou a entraîné une grave crise internationale;

Ces modifications font peser le poids des sanctions d’ordre économique et les conséquences des actions des États sur les individus et les membres de leur famille. Parallèlement, l’admissibilité des membres de la famille et des personnes à charge à présenter une demande de statut d’immigrant, d’options d’appel (accès à la Section de l’immigration et à la Section d’appel de l’immigration) et de dispense ministérielle a été supprimée62. Les étrangers et les membres de leur famille sont traités en droit comme des contrevenants aux droits de la personne ou au droit international, que la sanction soit liée à des actes répréhensibles qu’ils ont commis à titre personnel ou à des mesures économiques, géographiques ou autres prises par un État étranger.

L’amélioration de la puissance juridique des « sanctions » sans nécessairement constituer une « atteinte aux droits de la personne ou internationaux » soulève de sérieuses préoccupations en matière de sécurité juridique et d’équité. Dans ce contexte, la clarté législative est essentielle pour garantir la transparence, la prévisibilité et la proportionnalité dans l’application des conséquences de l’immigration. Premièrement, le mot « sanction » n’est pas défini dans la LIPR ou le RIPR. Deuxièmement, la portée et les paramètres juridiques des sanctions - en particulier compte tenu de leur potentiel à interdire aux individus et à leur famille l’entrée, la résidence permanente ou les droits d’appel - doivent être clairement définis.63

Les questions d’interprétation qui restent en suspens comprennent :

  • Une sanction doit-elle émaner de la LMES et de la loi Sergueï Magnitsky?
  • Toutes les sanctions devraient-elles avoir les mêmes conséquences juridiques en vertu de la LIPR, indépendamment de leur portée, de leur objectif ou de leur objet (par exemple, économique, géographique, fondé sur une entité ou fondé sur un État)?
  • Quelles sont les implications juridiques pour les demandeurs - y compris les ressortissants étrangers, les personnes à charge et les citoyens canadiens cherchant à parrainer des membres de leur famille - si une personne fait simplement l’objet d’une enquête ou est en passe d’être sanctionnée, mais n’est pas encore officiellement inscrite sur la liste?

Sans réponses claires, l’interdiction de territoire liée aux sanctions risque de devenir trop large, incohérente et détachée de l’équité procédurale et de l’évaluation individualisée.
Des experts en la matière du régime de sanctions du Canada – comme Andrea Charron, Ph. D., de l’Université du Manitoba - ont identifié des lacunes importantes qui demandent un examen plus approfondi. Ses recommandations sont les suivantes :

  • Sanctionner la cohérence et la conformité par davantage d’études et de contrôles;
  • L’investissement dans un centre d’excellence en matière de sanctions permettrait de réaliser davantage d’études, de formations et d’accréditations;
  • Un contrôle parlementaire plus strict, peut-être par l’intermédiaire d’un sous-comité permanent sur les sanctions, contribuerait à la cohérence de la politique étrangère;
  • Lignes directrices canadiennes pour la mise en œuvre des sanctions et les meilleures pratiques;
  • Le Canada ne devrait pas se précipiter pour appliquer des sanctions avant d’avoir maximisé la menace de sanctions et de rechercher une « application intelligente »;
  • Des exigences plus transparentes quant à la manière dont les listes de noms et d’entités sont sanctionnées;
  • des instructions publiques sur la manière dont un individu peut contester la désignation des sanctions;
  • Une base de données sur les sanctions.64

Ces préoccupations se reflètent dans le contexte de l’immigration, où la signification juridique et les conséquences des « sanctions » en vertu de la LIPR et des lois connexes restent mal définies. Par exemple, le paragraphe 10.1(4) de la Loi sur la citoyenneté65 - qui régit la révocation de la citoyenneté - mentionne des motifs liés aux sanctions sans préciser comment ces dispositions s’articulent avec le paragraphe 10.5(1), qui ne fait pas référence aux sanctions. Une ambiguïté similaire découle des récentes modifications à la Loi sur les situations d’urgence, qui ciblent désormais les personnes protégées jugées interdites de territoire pour de nouveaux motifs de sanctions non définis, ce qui ouvre la perspective d’une expulsion immédiate.66

En outre, la modification du paragraphe 24.1(1) du RIPR élimine l’accès aux mesures ministérielles prévues au paragraphe 42.1(1) de la LIPR pour les personnes interdites de territoire en vertu de l’alinéa 35(1)c). Cela empêche effectivement la prise en compte des circonstances individuelles dans de nombreux cas, y compris pour les membres de la famille. Les modifications apportées à l’article 64(1) suppriment les droits d’appel pour les étrangers interdits de territoire pour des raisons de sanctions, tout en limitant les droits d’appel des membres de leur famille qui ont le statut de résident permanent. Ces personnes perdent également l’accès à la Section de l’immigration pour une décision indépendante. Parallèlement, l’alinéa 58(1)c) autorise désormais le maintien en détention pendant les enquêtes sur les sanctions, et l’alinéa 55(3)b) élargit les motifs de détention en cas de violation présumée des sanctions.67

L’honorable Peter Harder et l’honorable Michael L. MacDonald, ont souligné que les personnes touchées par ces dispositions ont accès aux demandes d’asile et d’ERAR, cet accès n’atténue pas la perte de garanties procédurales plus larges.68 Toutefois, la disponibilité des procédures de demande d’asile ou d’ERAR ne rétablit pas l’ensemble des droits de participation qui font partie intégrante d’une procédure d’immigration équitable.

En outre, les obstacles juridiques et pratiques à la radiation de la liste des sanctions sont importants. Le processus varie en fonction du cadre législatif sous-jacent (par exemple, LEMS, loi Magnitsky), de la nature des sanctions et de l’implication d’États étrangers. Les individus et les familles peuvent être confrontés à des obstacles insurmontables pour comprendre ou naviguer dans ce processus - en particulier lorsque les sanctions sont basées sur le comportement de l’État sans rapport avec la conduite du demandeur.

Le risque de contestation de l’équité constitutionnelle et procédurale augmente fortement lorsque des ressortissants étrangers, des résidents permanents ou des citoyens canadiens se voient refuser le statut d’immigrant ou sont privés de leur statut en raison de sanctions dans lesquelles ils n’ont joué aucun rôle.69 Le processus réglementaire visant à lever les sanctions semble complexe et diversifié en fonction des sanctions et de l’État étranger.70 C’est pourquoi la LIPR et le RIPR doivent conserver des garanties suffisantes pour que l’interdiction de territoire pour cause de sanctions puisse être contestée de manière valable pour des motifs propres à l’immigration.

Ces modifications de la LIPR et des lois connexes étendent désormais l’interdiction de territoire non seulement aux personnes, entités et États sanctionnés, mais aussi aux membres de leur famille. Notamment, les articles 42(a) et (b) de la LIPR rendent tous les membres de la famille - y compris les enfants à charge - interdits de territoire pour la résidence permanente ou temporaire. Cela compromet les futures demandes d’immigration, perturbe le statut actuel au Canada et affecte même les citoyens canadiens naturalisés qui cherchent à parrainer des membres de leur famille.

Ces changements pourraient restreindre l’accès aux réfugiés et aux voies humanitaires à l’étranger, avec des effets collatéraux sur des parties innocentes.71 Puisque les sanctions sont souvent conçues pour faire pression sur les gouvernements ou les institutions - et non pour pénaliser des personnes sans lien de parenté qui cherchent à obtenir une protection ou à être réunies au Canada. Alors lorsque le Canada a reconnu une personne comme réfugié, cette reconnaissance devrait automatiquement la soustraire à toutes les listes de sanctions qui y sont associées.72

Les sanctions constituent un puissant outil de politique étrangère et de sécurité nationale. Toutefois, leur recoupement avec le droit de l’immigration doit être soigneusement limité afin de prévenir les atteintes involontaires aux droits de la personne, d’assurer l’équité procédurale et de respecter les obligations internationales du Canada. Les recommandations de la section de l’ABC établissent un équilibre entre la sécurité, la transparence et la justice, pour faire en sorte que la LIPR et ses lois connexes tiennent compte à la fois des réalités mondiales modernes et de l’engagement durable du Canada envers l’équité et la primauté du droit.

7.12 Recommandations et conclusion

La section de l’ABC recommande les réformes législatives et stratégiques suivantes :

# Section Modifications recommandées
43. Réexaminer le cadre de proportionnalité de l’interdiction de territoire Le cadre canadien d’interdiction de territoire doit être proportionnel, adapté au contexte et fondé sur l’équité. Les dispositions actuelles sont trop générales, appliquées de façon incohérente et, dans certains cas, incompatibles avec les principes fondamentaux de justice et de sécurité juridique. Une réforme est nécessaire pour harmoniser les règles d’interdiction de territoire avec les valeurs d’un système d’immigration moderne et respectueux des droits.
44. Codifier la procédure régulière dans les décisions relatives à l’interdiction de territoire : assurer la communication et l’examen des éléments de preuve Codifier le droit des demandeurs de recevoir les éléments de preuve sur lesquels reposent les décisions d’interdiction de territoire et d’y répondre, à quelques exceptions près pour des préoccupations étroitement définies en matière de sécurité nationale.
Appliquer une norme uniforme de « preuve crédible et fiable » dans toutes les affaires. Exiger des motifs écrits et assurer l’accès à des mécanismes d’examen valables pour promouvoir la transparence et la responsabilisation.
45. Clarifier l’interdiction de territoire fondée sur la sécurité : de l’association à la responsabilisation, LIPR, LIPR, articles 33 à 35 Réviser les articles 33 à 35 afin de garantir des définitions plus claires et des seuils plus élevés en matière d’interdiction de territoire pour raison de sécurité et de terrorisme. L’interdiction de territoire devrait exiger la preuve d’une participation de la personne à une conduite grave, et non d’une simple association ou d’une simple expression politique. La norme des « motifs raisonnables de croire » devrait être restreinte, et les procédures doivent permettre une communication et une réponse pertinentes. Les définitions doivent être conformes au droit international en matière de droits de la personne et aux normes constitutionnelles canadiennes.
Par exemple, imposer une « interdiction de territoire pour raison de sécurité » afin d’exiger la preuve d’une participation active et personnelle à des actes graves.
Exclure les décisions relatives à l’interdiction de territoire fondées uniquement sur l’expression politique, la seule appartenance ou l’appartenance historique sans intention.
Faire passer le seuil de preuve des « motifs raisonnables de croire » à une « preuve claire et convaincante » dans les cas d’interdictions ou de renvois prolongés.
Harmoniser les définitions et les procédures avec le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIRDCP).
46. Rétablir les garanties procédurales et les mécanismes d’obtention d’une dispense : LIPR, paragraphe 35(1), articles 42.1, 55 et 58 Rétablir le droit de demander une dispense ministérielle au titre de l’article 42.1 de la LIPR pour les personnes déclarées interdites de territoire, conformément à l’alinéa 35(1)c). Rétablir l’accès à la Section de l’immigration et à la Section d’appel de l’immigration pour les étrangers et les membres de leur famille qui sont visés par une interdiction de territoire fondée sur des sanctions. Instaurer des options de contrôle judiciaire ou quasi judiciaire pour les personnes touchées par une interdiction de territoire ou une détention fondée sur des sanctions aux termes des articles 55 et 58. Veiller à ce que les motifs de détention fondés sur les sanctions (en vertu des alinéas 55(3)b) et 58(1)c) de la LIPR) ne soient utilisés que dans des situations qui comportent un risque élevé et qui sont définies de façon claire.
47. Revoir les critères d’évaluation des déclarations de culpabilité prononcées à l’étranger LIRP, article 36 Instaurer des critères plus clairs pour évaluer les déclarations de culpabilité prononcées à l’étranger, notamment une évaluation du système juridique dans lequel la déclaration de culpabilité a été prononcée, la disponibilité des pardons et la proportionnalité de la conduite. Si une infraction est instruite par voie de déclaration sommaire selon les normes canadiennes, elle ne devrait pas être considérée comme un acte criminel. Il faut tenir compte de la réadaptation, des facteurs humanitaires, de la durée de résidence du demandeur au Canada et des liens familiaux. Les résidents permanents ne devraient pas faire l’objet d’une mesure de renvoi automatique ou de procédures de renvoi plus graves pour des déclarations de culpabilité ayant été prononcées il y a longtemps ou pour des infractions mineures, surtout lorsque l’infraction n’aurait pas le même poids en vertu de la loi canadienne.
48. Revoir la proportionnalité et la personnalisation dans l’application LIPR, articles 37 et 42 Modifier l’article 37 pour faire une distinction entre les principaux acteurs et les personnes ayant participé de façon marginale ou forcée au crime organisé. Exiger une preuve d’intention ou de participation concrète. Limiter l’article 42 (culpabilité par association) aux cas exceptionnels où il existe un lien clair entre les actes du demandeur et l’interdiction de territoire de son parent. Les membres innocents de la famille ne devraient pas être pénalisés pour une conduite qui est indépendante de leur volonté.
49. Assurer une interprétation plus large et plus juste LIPR, article 39 Une interprétation raisonnable et légitime de l’article 39 doit inclure l’argent provenant de toutes les sources, pas uniquement le revenu du travail ou les liquidités. Cela comprend :
  • la pension alimentaire pour conjoint ou le revenu partagé du ménage;
  • les engagements pris par les répondants du secteur privé (dans les cas de demande d’asile ou de réunification des familles);
  • l’aide financière qui peut être fournie par la famille élargie ou par les réseaux communautaires;
  • le soutien en nature (p. ex. logement, nourriture, prestation de soins).
Cette approche permet de s’assurer que l’interdiction de territoire n’est pas imposée injustement aux personnes qui, bien qu’elles ne soient pas riches, ont mis en place des structures de soutien fiables.
Cette modification nécessiterait une mise à jour des lignes directrices internes et de la formation donnée aux agents afin de s’assurer que toutes les formes de soutien — y compris les ressources non traditionnelles ou familiales — sont prises en compte de façon significative dans les constats d’interdiction de territoire pour motifs financiers aux termes de l’article 39. Cela favorise une approche plus juste et fondée sur des données probantes pour l’évaluation aux fins de l’immigration et les appels en matière d’immigration.
50. Adopter un cadre proportionnel et transparent en vue de traiter les fausses déclarations Modifier l’article 40 de la LIPR dans le but d’établir une approche équitable et progressive à l’égard des conclusions de fausses déclarations. Le modèle binaire actuel — qui applique la même sanction, quel que soit l’intention, l’incidence ou le contexte — devrait être remplacé par un cadre à échelle mobile qui fait la distinction entre les erreurs techniques, la négligence et la fraude délibérée. Des conséquences adaptées devraient être disponibles. Il pourrait s’agir de mesures correctives aux conclusions d’interdiction de territoire, et les sanctions les plus graves seraient réservées à une inconduite manifeste.
Les agents devraient être tenus de classifier le type de manquement, de fournir des motifs écrits et de tenir compte de facteurs énoncés dans la Loi ou le Règlement comme l’intention, le caractère significatif, la vulnérabilité, la conformité antérieure et les efforts déployés pour corriger le problème. Dans le cas d’une première infraction ou d’une infraction mineure, un mécanisme d’« avis de prendre des mesures correctives » devrait être mis en place afin de favoriser la conformité sans qu’il soit nécessaire d’imposer des sanctions immédiates.
L’article 40.1 devrait également être modifié pour s’assurer que la perte de l’asile n’entraîne pas l’interdiction de territoire, à moins qu’il n’existe une preuve manifeste de mauvaise foi. IRCC et l’ASFC devraient publier des directives et des sommaires de décisions anonymisés afin d’accroître la transparence, l’uniformité et la confiance du public dans l’intégrité du système d’immigration.
51. Éliminer l’interdiction automatique des peines de six mois LIPR, art. 64(2) Supprimer le délai d’appel rigide fondé uniquement sur une peine de six mois afin de permettre des évaluations individualisées prenant en compte les circonstances atténuantes.
52. Introduire une évaluation formalisée des risques et de la proportionnalité au stade de l’article 44 Exiger des agents de l’ASFC qu’ils évaluent la gravité de l’interdiction de territoire, les liens de la personne avec le Canada, les efforts de réadaptation et les considérations humanitaires lors de l’ouverture d’une procédure d’exécution.
Classer les cas en fonction du niveau de risque (par exemple, grande criminalité, violations techniques, facteurs humanitaires) afin d’orienter les mesures d’exécution ou les mesures alternatives appropriées.
53. Élaborer un système centralisé de suivi et de contrôle pour les rapports relatifs à l’article 44 Créer un système de gestion des cas pour suivre les décisions et les résultats, afin de garantir la transparence, la cohérence et la responsabilisation des mesures d’éloignement. Exiger une supervision pour tous les rapports de l’article 44 impliquant des résidents de longue durée, des personnes dont les membres de la famille sont citoyens canadiens, ou des cas soulevant des questions relatives à la Charte ou aux droits internationaux de la personne.
54. Instaurer des délais fixes pour déférer une affaire et de mécanismes d’évaluation des retards Instaurer un délai fixe (p. ex. 24 mois) au cours duquel l’ASFC doit établir un rapport au titre de l’article 44 à la suite du prononcé d’une déclaration de culpabilité au criminel, à moins qu’il n’y ait des circonstances exceptionnelles. Après ce délai, la procédure de renvoi exigerait qu’une justification soit donnée et que l’autorisation du ministre soit obtenue.
Modifier le RIPR pour exiger que toutes les mesures d’application de la loi prévues à l’article 44 démontrent qu’il a été fait preuve de rapidité d’exécution, les décideurs étant tenus d’évaluer le retard et sa justification avant de prendre une mesure de renvoi.
55. Renforcer la confiance du public grâce à un processus transparent et au cas par cas Renforcer un système qui fait preuve de proportionnalité et d’équité, conformément aux obligations du Canada en matière de droits de la personne et en préservant l’intégrité du système d’immigration. Veiller à ce que les contrevenant vraiment graves soient renvoyés rapidement et rétablir un mécanisme essentiel permettant d’obtenir des résultats justes et proportionnés dans les décisions d’immigration. Ce changement renforcerait la sécurité publique tout en réaffirmant l’engagement du Canada en faveur de l’équité et de la réadaptation, des valeurs qui définissent la tradition juridique du pays tout autant que la nécessité de protéger le public.
56. Définir le terme « sanctions » dans la LIPR et le RIPR LIPR, article 2 RIPR, article 2 Définir le terme « sanctions » dans la LIPR et le RIPR, et modifier la LIPR et le RIPR afin d’y inclure une définition juridique claire de « sanctions », en précisant : quels textes législatifs sont reconnus (p. ex. la LMES, la loi de Sergueï Magnitski); si les sanctions doivent viser directement des personnes ou des entités; quelles incidences les sanctions auraient‑elles sur le statut d’immigrant des demandeurs principaux et des membres de leur famille.
Préciser si l’interdiction de territoire devrait s’appliquer : Seulement lorsque la partie faisant l’objet de sanctions est personnellement impliquée dans une conduite portant atteinte aux droits de la personne ou internationaux, ou encore dans des cas où des sanctions purement économiques ou géopolitiques ont été imposées sans qu’il ait été démontré que la partie a, elle‑même, commis un acte répréhensible.
Fournir des directives juridiques sur le traitement des sanctions ou la réalisation des enquêtes en attente dans le cadre du processus décisionnel en matière d’immigration, et codifier de façon distincte les seuils ou les critères d’évaluation de la culpabilité individuelle des mesures prises par l’État.
57. Gérer les conséquences imprévues pour les personnes à charge, les répondants et les réfugiés LIPR, alinéas 42a) et 42b) Modifier les alinéas 42a) et 42b) de la LIPR dans le but de limiter l’imposition d’une interdiction de territoire générale à l’égard des personnes à charge et des membres de la famille en cas d’imposition de sanctions. Instaurer des exemptions ou un pouvoir discrétionnaire lorsque les membres de la famille ne sont pas directement complices de la conduite ayant entraîné l’imposition de sanctions. Fournir des directives claires et des protections procédurales aux citoyens naturalisés et aux résidents permanents souhaitant parrainer des membres de leur famille qui pourraient être indirectement touchés par la conduite. Exiger qu’IRCC publie des lignes directrices sur les sanctions qui emportent interdiction de territoire, et dans quelles circonstances des sanctions doivent être imposées.
Adopter une modification législative prévoyant que la reconnaissance du statut de réfugié par le Canada entraîne automatiquement le retrait du nom de la personne de la liste des sanctions canadiennes à des fins d’immigration. Cela garantit un accès immédiat aux services de réinstallation, aux services de résidence permanente et aux services d’intégration sans devoir faire face à d’autres obstacles. Confirmer et protéger l’accès aux demandes d’asile et à l’examen des risques avant renvoi (ERAR) pour toutes les personnes touchées par les sanctions, mais qui n’ont pas, elles‑mêmes, commis d’actes répréhensibles.
58. Harmoniser les sanctions dans les lois connexes Assurer l’harmonie législative entre les lois : Préciser l’application des « sanctions » en vertu du paragraphe 10.1(4) de la Loi sur la citoyenneté, particulièrement en ce qui concerne la révocation de la citoyenneté. Harmoniser les paragraphes 10.5(1) et 10.1(4) de la Loi sur la citoyenneté afin de garantir une cohérence interne quant aux motifs pouvant justifier la révocation de la citoyenneté. Fournir des définitions explicites ou des renvois dans la Loi sur les mesures d’urgence pour s’assurer que les dispositions portant sur les mesures de renvoi prises en fonction des sanctions imposées n’entrent pas en conflit avec les protections prévues par la Charte, ou avec les droits des réfugiés.
59. Mettre en œuvre un processus de redressement des sanctions Mettre en œuvre un processus administratif indépendant permettant aux personnes de remettre en question la désignation de leurs sanctions, conformément à la recommandation 8 du rapport de 2017 du Comité permanent.

Les dispositions de la LIPR relatives à l’interdiction de territoire ont entraîné un système qui accorde trop souvent la priorité à l’exclusion plutôt qu’à l’équité, et à la rigidité plutôt qu’au pouvoir discrétionnaire. Bien que la protection du public soit essentielle, elle ne doit pas se faire au détriment de la proportionnalité, de la justice procédurale ou des droits qui sont accordés aux personnes. Un cadre fondé sur des principes doit reconnaître la complexité des situations individuelles et favoriser des prises de décisions transparentes, raisonnées et respectueuses des droits. La section de l’ABC exhorte le Parlement à réviser ces dispositions afin de tenir compte des obligations juridiques, des valeurs constitutionnelles et de l’engagement du Canada à l’égard de l’application juste, humaine et fondée sur des principes prévus dans la loi sur l’immigration et qui soutient de manière égale l’intégrité et la sécurité de notre système d’immigration.

VIII. Mettre en place un système d’immigration équitable et prêt pour l’avenir

8.1 Arriérés persistants et confiance ébranlée

Les arriérés et les retards continuent d’affecter presque tous les volets d’immigration. Qu’il s’agisse de nombre de cas en instance, de hausses du nombre de demandes du fait de politiques d’intérêt public temporaires ou de lacunes en matière de dotation, les demandeurs doivent souvent attendre des mois ou des années sans obtenir beaucoup de renseignements sur l’état d’avancement de leur dossier, ou sans avoir fixer d’échéancier pour le prononcé d’une décision. Ces retards ne sont pas simplement gênants : ils peuvent entraîner une perte d’emploi, la séparation familiale ou l’incapacité d’accéder aux services essentiels.

Les outils automatisés, bien qu’ils soient conçus pour accroître l’efficacité, ont également créé de nouvelles inégalités. Les demandes sont souvent triées sans critères clairs, et certaines semblent bénéficier d’un traitement plus rapide sans qu’une explication ne soit fournie. La vérificatrice générale a souligné qu’IRCC ne dispose pas des mécanismes nécessaires de surveillance du rendement et de vérification pour déterminer si les systèmes automatisés obtiennent des résultats équitables et cohérents73.

8.2 Titres de voyage pour résident permanent et retards à l’étranger

Les problèmes d’accès à la justice sont particulièrement graves pour les résidents permanents à l’étranger qui doivent présenter une demande de titre de voyage pour résident permanent (TVRP) pour revenir au Canada. Les retards dans la délivrance des TVRP peuvent laisser des personnes coincées à l’étranger, séparées de leur famille, les exposer au risque de perdre leur emploi et les empêcher de se conformer aux exigences relatives à la résidence qui leur incombent pour des raisons qui sont indépendantes de leur volonté. L’absence d’échéanciers clairs, de mises à jour de l’état d’avancement de la demande ou de mécanismes d’appel crée de l’incertitude et des difficultés, particulièrement pour les personnes qui ne sont pas représentées par un avocat.

La section de l’ABC recommande la mise en place de normes de service claires visant le traitement des demandes de TVRP, notamment des voies d’accès accélérées pour les cas urgents ou les cas de personnes admises pour des raisons humanitaires. La communication avec les demandeurs doit être améliorée, et les décisions doivent comprendre des motifs valables et des directives claires quant aux prochaines étapes.

8.3 Formation et professionnalisation

Pour remédier au manque de cohérence dans le cadre du processus décisionnel, la section de l’ABC appuie la création d’un cadre de formation à l’échelle du système, inspiré des pratiques exemplaires du College of Immigration Officers de l’Australie74. Cette approche favoriserait un processus décisionnel normalisé, ferait en sorte que les nouveaux agents soient bien outillés pour évaluer les cas complexes, et créerait une culture d’apprentissage continu liée aux principes législatifs et aux valeurs relatives au service.

La formation devrait comprendre des modules sur la communication en langage clair, les entrevues tenant compte des traumatismes, le savoir‑faire culturel et l’équité procédurale. Les agents devraient également recevoir une formation sur la façon d’évaluer la crédibilité, le risque et la discrétion d’une manière cohérente et fondée sur des principes.

8.4 Normes de service, vérifications et mobilisation des intervenants

La section de l’ABC recommande que la modernisation de la LIPR comprenne des normes de service exécutoires qui soient conformes à la Loi sur les frais de service75, ainsi qu’un engagement de la part d’IRCC de produire régulièrement des rapports destinés au public sur le rendement en matière de traitement des demandes. Ces rapports devraient comprendre des données ventilées par volet, par région et par point de décision, et ils devraient montrer clairement les domaines dans lesquels il y a des retards et souligner là où il faut mettre en œuvre des mesures correctives.

Des vérifications du rendement devraient être effectuées de façon continue afin de déterminer si les objectifs relatifs au traitement des demandes sont atteints, et pour déterminer s’il existe des disparités entre les demandeurs se trouvant dans une situation similaire. Lorsque la PDA est utilisée, des mécanismes de vérification doivent être intégrés à la conception du système, avec une surveillance indépendante et un accès par les intervenants.

Une mobilisation importante des professionnels du droit et de la société civile devrait faire partie intégrante de l’élaboration des politiques opérationnelles. Les agents et les décideurs bénéficient de la rétroaction des personnes sur le terrain, et les demandeurs bénéficient de systèmes qui reflètent les défis auxquels ils font réellement face.

8.5 Des données plus pertinentes pour de meilleures décisions

La section de l’ABC recommande également d’améliorer l’utilisation de l’analyse des données dans le but d’appuyer la prise de décisions et la planification des services. Toutefois, cela doit s’accompagner de mesures visant à protéger les renseignements personnels, à assurer la qualité des données et à éviter de renforcer les préjugés systémiques. La collecte et l’analyse des données doivent être transparentes, faire l’objet d’un examen périodique et être orientées par des principes d’équité et de responsabilisation.

Les analyses devraient être utilisées pour évaluer la fraude et repérer les anomalies, cerner les goulots d’étranglement, surveiller les disparités régionales et suivre l’expérience que vivent les différentes populations dans le processus d’immigration. Bref, des données plus pertinentes doivent être utilisées pour mettre en place un système plus pertinent et plus juste.

8.6 Modernisation du système de sélection des candidats dans le cadre de l’immigration économique du Canada : Une approche intégrée pour les résidents temporaires et permanents

L’immigration économique est depuis longtemps une pierre angulaire de l’immigration canadienne, générant en moyenne de 60 à 65 % des résidents permanents du Canada tous les ans. Les résidents temporaires comme les travailleurs et les étudiants ont longtemps été ciblés comme étant des demandeurs privilégiés pour la résidence permanente. Toutefois, la croissance sans retenue des programmes de résidence temporaire et des instructions ministérielle, conjuguée aux politiques de sélection de candidats pour la résidence permanente, a affaibli la cohésion de notre programme d’immigration économique dans son ensemble, et en a laissé plusieurs sans voie d’accès viable à la résidence permanente. Pendant ce temps, le système Entrée express continue d’inviter des candidats provenant de l’étranger dont les liens au marché du travail sont plus faibles et qui sont probablement moins susceptibles d’obtenir des résultats positifs en matière d’immigration.

La section de l’ABC recommande l’adoption d’une approche plus coordonnée de sélection des immigrants qui répond aux besoins à court terme du marché du travail canadien tout en permettant aux résidents temporaires d’envisager, de façon claire et explicite, les options d’établissement à long terme. La mosaïque actuelle de volets individuels manque de cohérence et de navigabilité, tout en laissant les résidents temporaires dans la position peu enviable de déménager au Canada avec leur famille, pour se rendre compte des années plus tard qu’ils ne pourront pas rester pendant de nombreuses années, ce qui ternit la réputation du pays à l’échelle internationale.

Résidents temporaires

Au cours de la dernière décennie, le Canada a connu une augmentation fulgurante du nombre de résidents temporaires admis au Canada, sans qu’il y ait eu une croissance correspondante des voies d’accès à la résidence permanente. Cela a mené à la création d’une importante sous‑catégorie de travailleurs et d’étudiants qui ont été recrutés par les mots du ministre Marco Mendicino : « [N]ous ne voulons pas seulement que vous fassiez vos études ici, nous voulons également que vous demeuriez ici. » 76 Bien qu’aucune garantie n’ait été donnée aux détenteurs de permis d’études avec des projets de résidence permanente, il y a, néanmoins, une frustration généralisée au sein des étudiants internationaux, et une diminution importante des demandes de permis d’études77. Alors que cela puisse soulager les pressions de façon temporaire, cela risque aussi de miner la capacité du Canada de recruter les meilleurs talents mondiaux.

Pour l’avenir, nous recommandons que soit instauré un système en deux étapes de déclaration d’intérêt et d’invitation à présenter une demande, ce qui permettrait une sélection et une gestion plus réfléchies et équitables des demandes de permis d’études dans le cadre desquelles les candidats pourraient recevoir des points en fonction de facteurs comme les antécédents scolaires, les diplômes déjà obtenus, les notes, les compétences linguistiques, les moyens financiers, les professions recherchées, l’établissement d’enseignement, etc. L’émission d’invitations à présenter une demande pourrait ensuite être gérée de manière à récompenser les candidats selon le mérite, et à permettre le traitement en temps opportun des demandes présentées par des cohortes d’étudiants « de taille appropriée », ce qui éliminerait les problèmes existants liés à la sursaturation du nombre d’étudiants dans des domaines où les résultats sur le marché du travail sont médiocres et accorderait la priorité aux étudiants inscrits à l’université plutôt qu’au collège.

Nous favorisons également la création de volets de permis d’études pour des motifs d’ordre humanitaire, la garantie d’un traitement plus rapide des demandes et l’assouplissement des règles pour permettre le transfert d’une école à l’autre dans les domaines à forte demande ou au même niveau d’études. Le système de déclaration d’intérêt doit être transparent et nécessiter des messages publics efficaces, et les invitations à présenter une demande IPD doivent être gérées avec soin pour contrôler un trop grand nombre de cas en instance et les retards de traitement prolongés. Nous recommandons également que les outils d’IA soient mis à profit pour gérer, trier et soutenir l’exécution des programmes tout en améliorant la vitalité économique et sociale et en limitant la discrimination.

De même, la section de l’ABC a des préoccupations au sujet de la viabilité du régime d’étude d’impact sur le marché du travail (EIMT) comme moyen d’évaluer les besoins du marché du travail. Une de nos principales préoccupations est l’augmentation de la fraude dans le cadre de ce programme, notamment les nombreux signalements de vente d’EIMT. Nous craignons également que l’élimination des points d’emploi réservés dans l’ensemble du système Entrée express constitue une correction excessive qui nuit au système de sélection des candidats à la résidence permanente, pénalisant ceux qui participent de façon légitime au marché du travail sans éliminer l’objectif déclaré de prévention de la fraude.78

Il existe diverses particularités du régime de résidence temporaire qui créent des obstacles sur le plan opérationnel pour IRCC et l’ASFC tout en causant un préjudice important aux demandeurs sans qu’il y ait de fondement stratégique clair. Par exemple, les dispositions relatives au statut conservé79 permettent aux travailleurs et aux étudiants de conserver leur autorisation actuelle pendant le traitement d’une demande de prolongation du permis, mais uniquement s’ils demeurent au Canada. Ces règles créent de la confusion et incertitude pour ceux qui doivent voyager pendant le traitement de leur demande qui prend souvent du temps, et elles obligent de nombreux demandeurs à cesser de travailler après leur retour parce que le traitement de leur demande est retardé pour de grandes périodes. Nous recommandons que ces dispositions soient modifiées de manière à assurer que l’autorisation de travailler demeure en vigueur au retour du demandeur au Canada, à condition que la demande de prolongation n’ait pas été refusée pendant son absence. De même, les demandeurs qui présentent une demande de rétablissement du statut dans le délai de 90 jours80 devraient être en mesure de travailler ou d’étudier en attendant que leur demande de rétablissement soit traitée.

Nous recommandons en outre de permettre aux travailleurs temporaires déjà présents au Canada de changer d’employeur lorsqu’une nouvelle demande d’EIMT est en cours de traitement, ou lorsqu’une demande d’EIMT a été soumise et qu’un accusé de réception a été délivré. Étant donné que les demandes de modification des conditions de travail au Canada prennent actuellement six mois ou plus, la section de l’ABC s’interroge sur la raison pour laquelle les travailleurs ne sont pas autorisés à changer d’employeur alors qu’ils détiennent un permis de travail valide.

De même, nous nous interrogeons sur le fondement politique de l’obligation faite aux étudiants de demander et d’obtenir un nouveau permis d’études avant de commencer à étudier dans un nouvel établissement. IRCC pourrait réviser ou mettre à jour le règlement et le langage régissant les permis de travail et d’études afin de faciliter la poursuite du travail ou des études sans qu’il soit nécessaire d’introduire des demandes répétées.

Nous encourageons également le gouvernement à favoriser une culture de l’autodénonciation et de l’autoréparation. Que ce soit pour les employeurs qui ne respectent pas les règles ou pour les candidats à la RP qui découvrent une erreur dans leur candidature, il faudrait permettre aux gens d’admettre et de corriger leurs erreurs. Il faut reconnaître que « l’erreur est humaine » et qu’une réponse mesurée qui met l’accent sur l’éducation et la correction, plutôt que sur la punition en l’absence de fraude, peut renforcer la confiance et l’intégrité du système dans son ensemble.

Tout nouveau cadre devrait également préciser les obligations de l’employeur, en particulier dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires. Les mesures de conformité des employeurs doivent être structurées pour identifier les cas d’inconduite sans punir les travailleurs qui ont pu être victimes d’exploitation ou d’abus. L’application de la loi devrait viser à protéger l’intégrité des programmes tout en préservant la dignité des travailleurs. La section de l’ABC appuie l’harmonisation des cadres de sanctions imposées aux employeurs pour qu’ils assurent que les travailleurs ne soient pas pénalisés pour la conduite d’autrui.

En ce qui concerne les visas de visiteur, nous recommandons la création de sous-catégories distinctes qui permettraient de différencier entre les déplacements urgents d’ordre humanitaire par rapport au tourisme traditionnel. Cela permettrait d’offrir aux demandeurs une plus grande transparence et les aiderait à mieux comprendre comment leur demande sera traitée et à quel moment elle le sera.

Plafonds et files d’attente

Le système canadien des résidents temporaires fait l’objet d’un examen de plus en plus minutieux, et tous les principaux partis politiques déclarent vouloir réduire ou rationaliser le nombre de résidents temporaires admis. Si cette orientation est mise en œuvre, il est essentiel que des mesures de gestion des demandes — y compris des plafonds et des files d’attente — soient élaborées conformément aux principes d’équité, de transparence, de responsabilisation et d’intégrité procédurale.

La section de l’ABC appuie l’utilisation de plafonds au nombre de demandes qui sont justifiés publiquement à titre d’outil pour aider à gérer le volume de demandes et l’intégrité du système. Toutefois, les plafonds ne doivent pas être appliqués de façon arbitraire ou administrés au moyen de systèmes opaques. Leur mise en œuvre doit être précédée par une communication publique préalable orientée par des critères clairs et assujettie à une limite dans le temps. La consultation auprès des intervenants est essentielle en vue de s’assurer que ces outils répondent aux réalités opérationnelles réelles et aux besoins régionaux. Les demandeurs doivent être informés de façon précise du nombre limite de demandes qui peuvent être reçues et de ce qui survient une fois les plafonds atteints. Cela est particulièrement important pour les demandes urgentes où un retard dans le traitement peut rendre la demande théorique, mais ces cas peuvent quand même s’accumuler dans les arriérés, accroître les arriérés et réduire le temps de réaction global du système.

Les décisions relatives à la gestion des demandes ne doivent pas reposer sur des outils d’automatisation ou d’IA qui manquent de transparence, de navigabilité ou de responsabilisation. La section de l’ABC met fortement en garde contre l’utilisation de mécanismes de triage non réglementés, opaques ou mal expliqués qui se substituent a un processus décisionnel fondé sur des principes et évalué par l’humain. Comme il est mentionné ailleurs dans le présent mémoire, l’utilisation responsable de l’automatisation exige un cadre juridique clair, une surveillance par un être humain, une vérifiabilité publique et des voies de recours.

Les réformes apportées au système des résidents temporaires doivent également être liées aux besoins réels du marché du travail. Le cadre actuel d’étude d’impact sur le marché du travail (EIMT) ne répond pas adéquatement aux réalités économiques ou à la demande régionale. Il est urgent de réévaluer la façon dont les voies d’accès à la résidence temporaire s’harmonisent avec les besoins en main‑d’œuvre du Canada.

La section de l’ABC ne propose pas de plafonds ou de formules précises. Nous insistons plutôt sur la nécessité d’élaborer un cadre fondé sur des principes—un cadre transparent, fondé sur des données probantes, respectueux des droits des demandeurs et fondé sur les objectifs énoncés dans la LIPR. Nous serions honorés d’avoir l’occasion de contribuer en tant que partenaire collaboratif à tout effort visant à réformer ou à rééquilibrer le système des résidents temporaires.

Résidence permanente

Le système Entrée express actuellement en place représente un système hybride entre les anciennes catégories de résidence permanente – la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral), la catégorie de l’expérience canadienne, la catégorie des travailleurs des métiers spécialisés (fédéral) et la catégorie des candidats des provinces et le Système de classement global (SCG), qui est défini par l’instruction ministérielle, et qui est essentiel pour déterminer qui parmi le bassin de candidats admissibles recevra une invitation à présenter une demande. Ce système à deux niveaux crée un grave manque d’intelligibilité pour les utilisateurs, de sorte que la simple admissibilité dans l’une des catégories existantes ne veut pas dire grand-chose quant à savoir si une personne pourra présenter une demande de résidence permanente. Les demandeurs doivent composer avec des systèmes concurrents de classement et d’admissibilité dans le cadre d’un même programme, ce qui mène à la confusion et à l’incohérence.

Cette superposition de critères fondés sur la catégorie et sur le SCG compromet les objectifs de la LIPR en réduisant la transparence et la navigabilité.

Pour ces raisons, la section de l’ABC propose que les critères de classement du Système de classement global soient définis dans un règlement, ce qui améliorerait la transparence et la responsabilisation à l’égard des dispositions qui sont essentielles à la politique de sélection des candidats à la résidence permanente, tout en simplifiant et en éliminant l’encombrement du mécanisme de sélection. Par exemple, IRCC devrait envisager d’instaurer un seul système de calcul des points pour Entrée express.

À l’heure actuelle, trois aspects distincts du programme d’Entrée express comportent des caractéristiques de pointage : le Programme des travailleurs qualifiés (fédéral), le Programme des candidats des provinces, puis le Système de classement global. Seule la catégorie de l’expérience canadienne comporte des critères d’admissibilité simples. Pour le Programme des travailleurs qualifiés (fédéral) et le Programme des candidats des provinces, il faut d’abord calculer les points pour l’admissibilité au programme, puis calculer les points du Système de classement global pour Entrée express dans leur ensemble. Bon nombre des facteurs devant être évalués sont exactement les mêmes pour chaque processus. Il est répétitif et inutile d’évaluer et de réévaluer les mêmes critères, et le processus devrait être simplifié. Après dix ans d’expérience avec Entrée express, cela ne devrait pas être difficile à réaliser. Il n’est pas nécessaire de respecter deux seuils de points distincts.

À l’heure actuelle, les demandeurs doivent calculer des points pour trois composantes distinctes du programme d’Entrée express : TQF, PNP et SCG. Seule la catégorie de l’expérience canadienne a des critères d’admissibilité simples. Pour les volets TQF et PNP, les demandeurs doivent d’abord calculer les points d’admissibilité pour se qualifier pour le programme, puis calculer les points du SCG pour le bassin d’Entrée express. La plupart des critères évalués sont identiques dans les deux cas.

Cette duplication est inefficace et inutile, et une procédure d’évaluation rationalisée servirait mieux les demandeurs et les administrateurs. Après dix ans d’expérience avec le système Entrée express, cette amélioration devrait être facilement réalisable. Le maintien de deux seuils de points qui se chevauchent n’a pas de justification politique claire.

8.7 Revitalisation des programmes d’immigration des gens d’affaires

Les représentants sont souvent sollicités par des gens d’affaires expérimentés qui possèdent à la fois la capacité financière et l’expertise entrepreneuriale nécessaires pour acheter ou établir des entreprises au Canada. Toutefois, il n’existe actuellement aucune voie d’immigration fédérale solide adaptée à ces candidats.

Nous sommes conscients des difficultés inhérentes au fait de prendre une décision efficace en ce qui concerne les capacités entrepreneuriales d’un demandeur, que la fraude a constitué un problème dans les versions antérieures des volets des entrepreneurs et des investisseurs, et que le Canada ne souhaite pas être perçu comme ayant des programmes d’« argent contre visa ». Malgré ces préoccupations, si le mandat du Canada est de stimuler la croissance économique, il est difficile de concilier la priorité accordée aux modèles conventionnels d’immigration qui accorde la priorité aux personnes qui travaillent selon des modèles conventionnels employeur‑employé plutôt qu’aux dirigeants d’entreprise et aux innovateurs qui créent des emplois et stimulent l’innovation

Les précédents Programme d’immigration des investisseurs fédéral et Programme fédéral des entrepreneurs ont été éliminés en raison de préoccupations concernant les répercussions économiques, l’intégrité du programme et le maintien en poste limité à long terme, mais leur présence statutaire dans la LIPR envoie un message contradictoire quant à l’ouverture du Canada à l’immigration des gens d’affaires. Les seuls secteurs d’activité axés sur les entreprises qui existent encore sont les suivants (aucun d’entre eux ne répond suffisamment à la demande actuelle d’entrepreneurs exceptionnels qui cherchent à faire du Canada leur lieu de résidence permanent) :

  • Le programme de visas pour les entreprises en démarrage, qui met l’accent sur les entreprises évolutives axées sur l’innovation, mais dont l’admissibilité est stricte et l’extensibilité est limitée.
  • Les programmes des candidats des provinces (PCP), y compris le Programme des investisseurs du Québec et le Programme des entrepreneurs du Québec, dont bon nombre offrent des volets pour les entrepreneurs ou les investisseurs, mais dont la structure, les quotas et les délais de traitement varient considérablement.
  • La catégorie des travailleurs autonomes, qui a été conçue pour créer une voie d’accès à la résidence permanente pour les gens d’affaires d’expérience dont le travail autonome pourrait apporter un avantage important au Canada.

Programme de visas pour les entreprises en démarrage

Le programme de visas pour les entreprises en démarrage a été rendu moins efficace en raison du manque de surveillance des organisations désignées et de la croissance rapide et non réglementée des certificats d’engagement. À l’origine, ce programme a été conçu pour favoriser des activités des entreprises en démarrage novatrices au Canada, les organisations désignées devaient évaluer le bien-fondé d’un plan d’affaires et permettre aux demandes approuvées de bénéficier d’un traitement accéléré, typiquement dans un délai de six à douze mois. L’efficacité de ce programme est essentielle à l’intégrité du programme. Les innovateurs les plus brillants et exceptionnels du monde iront dans d’autres administrations si le Canada ne facilite pas l’exécution rapide de leur plan d’affaires. 

La croissance importante de demandes dans le cadre de la catégorie des visas pour les entreprises en démarrage a entraîné de longs délais de traitement et, contrairement à l’intention initiale du programme, les agents des visas entreprennent maintenant des évaluations commerciales complexes qui devaient être déléguées aux organisations désignées, ce qui crée un important nombre de redondances et ralenti l’exécution du programme. Cela a laissé de nombreux propriétaires d’entreprises légitimes dans la position que la mauvaise mise en œuvre des programmes a directement contribué à créer des problèmes d’exploitation des entreprises et a eu une incidence négative sur leurs résultats en matière d’immigration. De plus, la mise en œuvre peu cohérente du programme dans les bureaux des visas à l’étranger a fait surgir de graves préoccupations quant à l’équité procédurale et à l’intégrité du programme[81].

Le ministère a réagi à cette crise en supprimant l’accréditation de certaines organisations désignées, et il a également mis en place des plafonds en ce qui concerne le nombre de certificats d’engagement pouvant être délivrés. Toutefois, en l’absence de critères clairs et transparents concernant la réalisation des évaluations fondées sur le mérite et d’un cadre clair pour le traitement des demandes en temps opportun, appuyé de normes de service applicables, ces réformes ne s’attaqueront pas à la source du problème. La section de l’ABC recommande le remplacement du modèle actuel des organisations désignées et la mise en œuvre d’un nouveau système fondé sur des points et qui attribue des points à des éléments comme, entre autres, l’harmonisation des projets sur des secteurs à forte demande, l’existence de fonds d’investissement établis par des sources canadiennes crédibles, le nombre d’années d’expérience en affaires, et le succès avéré en matière de réalisations antérieures par les membres de l’équipe.

Programme des travailleurs autonomes

Le programme des travailleurs autonomes, qui a été une partie intégrante, bien que minime, du programme d’immigration des gens d’affaires du Canada, a historiquement divisé les travailleurs autonomes demandeurs en trois secteurs distincts : les activités culturelles, les activités sportives et l’achat et la gestion d’une ferme. En mars 2018, le programme a suspendu le volet des demandes relatives à l’achat et à la gestion d’une ferme et, en avril 2024, le programme a été suspendu dans son intégralité jusqu’à la fin de 2026 en raison d’une augmentation considérable du volume de demandes. Le programme des travailleurs autonomes a stimulé la croissance économique, particulièrement grâce à des secteurs industriels particuliers comme la production cinématographique et télévisuelle et les sports professionnels. Bien que le programme des travailleurs autonomes fasse partie du « programme d’immigration des gens d’affaires » qui est conçu pour promouvoir la croissance économique au Canada, le seuil de l’évaluation financière exigeait seulement qu’un demandeur démontre qu’il pouvait subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille à charge, conformément aux chiffres du seuil de faible revenu (SFR). Ce seuil minimal n’est pas conforme aux principes fondamentaux de la stimulation économique attendus de l’immigration des gens d’affaires.

Nous recommandons que le programme des travailleurs autonomes soit rétabli, bien qu’avec un seuil plus élevé pour l’évaluation financière, afin de mieux l’harmoniser avec les objectifs de stimulation économique. Un programme des travailleurs autonomes révisé devrait comporter un système d’inscription et de notation qui permet à IRCC de sélectionner les candidats qui, selon lui, contribueront le mieux à l’économie, et d’offrir à ces candidats des invitations à présenter une demande semblable à celles offertes dans le cadre d’Entrée express. Cela aiderait IRCC à contrôler le nombre de demandes en instance de traitement et soulignerait aux demandeurs éventuels que seuls les demandeurs les plus sérieux ayant présenté les demandes les plus solides pourront présenter une demande de résidence permanente.

Malgré les défis actuels liés à la conception et à la mise en œuvre des programmes, la demande demeure élevée. Les documents internes d’IRCC indique qu’en date de février 2024, plus de 13 000 demandes ont été présentées dans le cadre du Programme d’immigration des gens d’affaires et qu’elles étaient en cours de traitement82. Le traitement de ces cas en instance pourrait prendre 7,7 ans ou plus selon les prévisions de traitement actuelles, privant ainsi le Canada d’un programme d’immigration des gens d’affaires valable, rapide et adapté.

Résidence selon la catégorie des investisseurs et autres options innovantes

En 2014, la section de l’ABC a recommandé l’instauration d’une catégorie [Traduction] « résidence selon la catégorie des investissements »83. Nous demandons que cette proposition soit examinée de façon approfondie, car elle permettrait aux gens d’affaires immigrants éventuels à obtenir un permis de travail au titre des dispositions existantes84, d’obtenir la résidence permanente s’ils peuvent satisfaire à des critères préétablis démontrant la réussite de leur entreprise canadienne. Ce modèle favoriserait l’investissement et l’innovation au Canada et fournirait une assise plus concrète pour évaluer le sens des affaires et l’intégration, car il serait fondé sur le degré d’établissement de l’entreprise du demandeur au sein de la collectivité où il exerce ses activités, sur le nombre de postes équivalents temps plein créés, sur les revenus gagnés ainsi que sur d’autres indicateurs de réussite, notamment la génération de revenus pour d’autres entreprises nationales.

Dans cette catégorie proposée, des seuils d’investissement et de création d’emplois devrait être établis, ainsi qu’un délai pour que l’entreprise exploite son plan d’affaire. À l’expiration de ce délai, les candidats auraient la possibilité de présenter une demande de résidence permanente s’ils ont atteint les seuils préétablis et exploité leur entreprise conformément aux engagements qu’ils ont pris à l’origine; ceux qui ne l’ont pas fait ne pourraient pas présenter une demande de résidence permanente dans le cadre de la catégorie.

Nous recommandons également la création d’une offre fédérale efficace pour les investisseurs passifs qui ne sont peut-être pas admissibles au programme de visas pour les entreprises en démarrage mais qui : 1) recherchent une voie d’accès plus stable et plus simple s’apparentant aux modèles de résidence selon la catégorie des investisseurs dans d’autres pays; et 2) veulent investir dans des secteurs de développement économique régionaux ou hautement prioritaires. Le Canada est en concurrence avec des pays comme les États‑Unis (programme EB‑5), le Royaume‑Uni (Innovator and Global Talent visas), l’Australie (Business Innovation and Investment Program), la Nouvelle‑Zélande, le Portugal, Singapour, les Émirats arabes unis et l’Irlande. Ces pays offrent des voies d’accès souples, souvent accélérées, à la résidence permanente ou à des visas à long terme en échange d’investissements en capital, d’activités commerciales ou de création d’emplois85.

Les sensibilités entourant les perceptions d’« achat » de la résidence et de la citoyenneté persistent depuis longtemps, mais pourraient être atténuées par un programme soigneusement conçu pour les investisseurs et les entrepreneurs qui placent des capitaux dans les régions sous‑développées, les infrastructures, la transition climatique ou le logement à prix abordable. De telles initiatives pourraient également servir à favoriser le mentorat, la création d’emplois, l’innovation et la revitalisation communautaire, ou à appuyer la planification de la relève pour les propriétaires d’entreprises canadiennes qui prennent leur retraite, et, par ce fait, combler les lacunes en matière d’immigration économique qui ne sont pas fondées sur les compétences. Le gouvernement fédéral est particulièrement bien placé pour normaliser les cadres de vérification et de conformité, réduire le dédoublement des efforts des provinces et offrir une orientation stratégique nationale conforme à la stratégie économique du Canada.

Les recommandations que nous formulons visent à soutenir le lancement de programmes fédéraux modernes et axés sur l’intégrité pour les investisseurs et les entrepreneurs qui mobilisent de nouveau les membres de la catégorie mondiale des investisseurs et des entrepreneurs, non seulement pour attirer des capitaux, mais aussi pour promouvoir l’innovation, la vitalité régionale et la résilience économique à long terme. Une approche moderne, axée sur l’intégrité et sur les objectifs en matière d’immigration des investisseurs et des entrepreneurs, positionnerait le Canada comme chef de file en matière de politique de migration économique tout en renforçant les priorités nationales et régionales.86

8.8 Une voie d’accès à un statut pour les travailleurs sans statut légal au Canada

Le Canada fait face depuis longtemps à la réalité des personnes sans papier qui vivent et travaillent sans avoir de statut légal – bon nombre d’entre elles sont intégrées aux collectivités et contribuent de façon importante à l’économie. Compte tenu du changement radical du plan des niveaux d’immigration pour 2025 et de l’objectif récemment énoncé de réduire le nombre de résidents temporaires au Canada, nous prévoyons que ce nombre augmentera considérablement. Bien que les récentes initiatives du secteur de la construction et du secteur des aides familiaux témoignent d’un engagement à maintenir en poste les travailleurs dans des domaines aux prises avec des pénuries de main‑d’œuvre, une voie d’accès plus large et structurée est nécessaire. Nous recommandons l’élaboration d’un programme de régularisation à deux volets : l’un menant à la résidence permanente pour les travailleurs établis au Canada depuis de nombreuses années et l’autre à un permis de travail temporaire pour les personnes récemment arrivées.

Il n’existe pas de définition générale unique qui s’applique aux personnes qualifiées de ressortissants étrangers sans statut légal (illégaux). Il se peut que ce soient des personnes qui n’ont pas de documents juridiques leur permettant de demeurer au Canada de façon permanente. Elles pourraient être munies de documents — ce qui signifie qu’elles sont connues d’IRCC — ou elles pourraient être sans papier – y compris celles qui sont titulaires d’un permis expiré, qu’il s’agisse d’un permis de travail, d’un permis d’études ou d’un permis de visiteur, ou être victime de la traite de personnes, demandeur d’asile dont la demande a été rejetée ou quelqu’un qui a présenté une demande d’asile fondée sur des motifs d’ordre humanitaire et qui attend une décision concernant celle‑ci.

Depuis 1960, le Canada a élaboré de nombreux programmes visant à régulariser le statut de 900 à plus de 100 000 personnes. Bien que la question complexe, et que la régularisation du statut peut entraîner de nombreuses conséquences imprévues, comme le fait de récompenser la non‑conformité aux exigences relatives à l’immigration, les ressortissants étrangers sans papier sont souvent à tort présumés être les auteurs de leur malheur, des resquilleurs qui ont fait preuve d’un mépris flagrant de la loi et de la politique en matière d’immigration. Cette perception ne tient pas compte de la réalité des victimes de la traite des personnes, de la représentation négligente ou exploitante et d’autres abus. Il pourrait également y avoir un grand bassin de personnes qui contribuent à l’économie en comblant les pénuries de main‑d’œuvre pour qui la régularisation de statut pourrait offrir plus d’avantages que d’inconvénients. Un exemple récent est le programme de régularisation du statut des travailleurs de la construction de l’Ontario, officiellement connu sous le nom de « Résidence permanente pour les travailleurs de la construction sans statut dans la région du Grand Toronto », une initiative du gouvernement fédéral visant à remédier aux pénuries de main‑d’œuvre dans l’industrie de la construction tout en offrant une voie d’accès à la résidence permanente aux travailleurs admissibles. Ce programme a démontré que les initiatives de régularisation du statut peuvent engendrer des avantages économiques en comblant les pénuries persistantes de main‑d’œuvre dans les secteurs essentiels87.

Si d’autres programmes de régularisation de statut sont envisagés, ils devraient être structurés d’une manière raisonnée, équitable et accessible. Comme l’ont démontré les initiatives sectorielles antérieures, les voies de régularisation peuvent servir d’importants objectifs économiques et humanitaires, mais seulement lorsqu’elles sont conçues de manière systématique et transparente, plutôt que de façon ponctuelle ou qu’elles sont lourdes à administrer. La section de l’ABC invite le gouvernement à consulter des intervenants expérimentés en ce qui concerne l’élaboration de tout programme à venir afin d’assurer leur équité, leur clarté et leur harmonisation avec les objectifs généraux de la politique d’immigration.

8.9 Le droit à un avocat : enchâsser le rôle et la reconnaissance des avocats dans la Loi et les renforcer

IRCC devrait reconnaître officiellement et fournir des renseignements sur le droit constitutionnel d’être représenté par un avocat dans le cadre de toutes les procédures d’immigration et de protection des réfugiés. Les juristes sont des participants essentiels à l’écosystème favorable à l’immigration du Canada. Ils agissent à titre d’interprètes du droit, de facilitateurs d’accès, de protecteurs contre la fraude et de guides de confiance dans un système de plus en plus numérique, complexe et opaque. Dans un paysage de l’immigration technocentrique, où les portails numériques, le triage par algorithme et la nuance procédurale sont la norme, les juristes jouent un rôle de premier plan en s’assurant de préserver l’équité, l’accessibilité et la justice.

Là où la Cour fédérale et la CISR mettent souvent l’accent sur la valeur d’une bonne représentation pour améliorer l’accès à la justice, les messages d’IRCC destinés au public mettent l’accent de façon disproportionnée sur les risques liés au recours à des juristes, mettant en garde les demandeurs contre les praticiens illégaux ou sans scrupules sans insister également sur le rôle essentiel et positif des professionnels autorisés et éthiques. Bien qu’il soit important de protéger les demandeurs contre la fraude, l’absence de messages équilibrés et affirmatifs déforme le discours public. Cela suppose que travailler avec un représentant est intrinsèquement risqué, minant ainsi la confiance dans le soutien juridique légitime et dissuadant les gens — en particulier les personnes les plus vulnérables — de demander de l’aide.

IRCC a toujours collaboré avec des représentants juridiques dans le cadre de conférences, de directives techniques, de groupes de travail et de rencontres individuelles. Ces expériences ont montré que lorsqu’IRCC et les juristes spécialisés en droit de l’immigration participent aà l’élaboration de processus et de politiques, les résultats sont plus équilibrés, inclusifs et adaptés. Toutefois, cette collaboration est ponctuelle et pas véritablement institutionnalisée. Pour réellement moderniser le système, IRCC doit formellement intégrer les juristes à ses cadres d’élaboration de politiques, d’élaboration de programmes et de conception de services, reconnaissant ainsi l’expertise que ceux-ci possèdent pour le bien des demandeurs et de l’intégrité et la durabilité du système d’immigration lui‑même.

Les représentants juridiques offrent également une protection essentielle contre la désinformation, les consultants fantômes et les acteurs non réglementés. Ils aident les populations vulnérables, notamment les réfugiés, les personnes sans statut légal et les travailleurs étrangers temporaires, à s’y retrouver dans des voies juridiques autrement inaccessibles. Un système d’immigration équitable et fonctionnel dépend non seulement du droit et de la technologie, mais aussi des personnes qui comblent l’écart entre les deux.

De plus, la section de l’ABC s’oppose au recours à des sanctions et conséquences administratives contre les juristes88. Le droit à un avocat doit être protégé par la Constitution dans le cadre du droit de l’immigration, en particulier à une époque où le droit de l’immigration est de plus en plus complexe et lourd de conséquences89. Veiller à ce que les immigrants et les réfugiés ne soient pas laissés à eux‑mêmes dans le labyrinthe juridique du Canada n’est pas seulement un impératif juridique, c’est un impératif moral. L’imposition de sanctions et conséquences administratives aux juristes spécialisés en droit de l’immigration risque de miner l’indépendance juridique, de décourager la défense des intérêts et de porter à confusion en ce qui concerne la responsabilité réglementaire. Une voie plus constructive consiste à renforcer la collaboration avec les barreaux, à concentrer l’application de la loi sur les acteurs non réglementés et à renforcer la formation et le perfectionnement professionnel. Les procédures d’immigration peuvent avoir des conséquences qui bouleversent la vie, notamment la détention, l’expulsion, la séparation familiale ou la perte du statut.

Les décisions relatives à l’expulsion et à l’interdiction de territoire ont une incidence sur la liberté, la sécurité et l’unité familiale. Ces droits sont protégés par l’article 7 de la Charte. Un juriste est essentiel à un processus équitable lorsque les personnes sont confrontées au système d’immigration complexe de l’État. De nombreuses personnes qui sont parties aux procédures d’immigration ne parlent pas couramment le français ni l’anglais, n’ont pas de littératie juridique et maintenant la littératie numérique, et elles vivent un stress émotionnel et financier immense. Sans représentation juridique, elles font face à un désavantage systémique, surtout contre les avocats expérimentés du gouvernement. Les conséquences relatives aux erreurs en matière d’immigration sont souvent permanentes et irréversibles. L’avocat agit à titre de protecteur contre la détention arbitraire, le renvoi dans des pays dangereux ou le refus de la réunification des familles. Une atteinte à l’indépendance de la profession juridique sape ces protections essentielles.

8.10 Modernisation du cadre décisionnel du Canada en matière d’immigration : Améliorer les règles, la technologie et l’équité à l’ère numérique

La modernisation du paysage des décisions en matière d’immigration au Canada, en particulier à l’échelle de la CISR et de la Cour fédérale, représente une évolution essentielle vers une efficacité, une transparence et un accès accrus à la justice. Toutefois, le progrès technologique doit être orienté par une clarté juridique, des garanties procédurales et un engagement en faveur de l’équité. Au fur et à mesure que l’IA et les systèmes automatisés deviennent de plus en plus intégrés à la prise de décisions administratives et aux opérations des tribunaux, il est impératif qu’ils soient déployés de façon responsable et que nous soyons conscients de la possibilité qu’ils offrent de reproduire les préjugés et d’exacerber les obstacles systémiques.

Les règles qui régissent ces organismes ne doivent pas simplement faciliter la numérisation; elles doivent protéger activement l’équité, assurer une participation éclairée et fournir une orientation claire à toutes les parties, y compris au nombre croissant de plaideurs qui ne sont pas représentés par un avocat. Un élément fondamental de cet effort comprend la reconnaissance du rôle que jouent les représentants autorisés, dont celui de maintenir la communication en langage clair, de maintenir l’accès non numérique pour ceux qui en ont besoin et d’assurer une surveillance rigoureuse des technologies émergentes. Les systèmes d’immigration et de détermination du statut de réfugié du Canada comptent parmi les expressions les plus essentielles de notre engagement envers les droits de la personne et la primauté du droit. Au fur et à mesure que nous nous modernisons, nous devons nous assurer que l’efficacité ne se fait pas au détriment de l’équité et que l’innovation renforce plutôt que de remplacer nos valeurs juridiques et démocratiques fondamentales.

Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada

La section de l’ABC a présenté des mémoires détaillés et distincts à la CISR au sujet de plusieurs questions.90 Cependant, dans le cadre de cet examen de la LIPR et du RIPR, nous croyons qu’il est essentiel de réitérer et d’endosser certains constats généraux sur la modernisation de la CISR. Nous sommes heureux de constater que la CISR se dirige vers un tribunal numérique dans le cadre de ses efforts plus larges visant à moderniser et améliorer l’exécution, l’intégrité et la conformité de ses programmes. Nous constatons que cela comprend la numérisation de la prestation, de la collecte de renseignements, du stockage des données, de la gestion des documents et de l’utilisation croissante de l’IA et de la PDA. La crainte persiste quant au passage au techno-solutionnisme, en particulier là où cela peut perpétuer des préjugés historiques et la marginalisation électronique grâce à l’automatisation.

Les nouvelles Règles devront envisager et permettre l’utilisation à grande échelle de technologies comme l’IA et l’ADM, et devraient être exploitées comme une importante mesure de sécurité pour compléter les initiatives nationales plus larges en cours à la CISR. Les changements durables apportés aux Règles et le passage à un tribunal numérique doivent inclure des paramètres clairs pour l’utilisation responsable de ces technologies. Étant donné le passage du texte au son, à l’image et à d’autres contenus, l’IA pose de nouveaux défis pour l’intégrité des actes de procédure et des procédures. La nécessité d’un avis d’utilisation de l’IA et de l’explicabilité est due aux risques croissants, y compris les possibilités de l’hypertrucage. Compte tenu de l’émergence d’éléments de preuve fabriqués soumis aux tribunaux – principalement, à l’heure actuelle, aux tribunaux criminels, l’utilisation comme élément de preuve ou d’outil de tromperie dans les procédures judiciaires devient une préoccupation croissante. L’exigence concernant les évaluations de l’incidence algorithmique et des facteurs relatifs à la vie privée est essentielle, tout comme la nécessité d’effectuer un triage transparent et d’avoir des arbres décisionnels.

Une autre raison importante entourant la nécessité de produire un avis concernant l’utilisation de l’IA et l’explicabilité de cette utilisation devant la CISR est que l’utilisation rapide de l’IA ne menacera pas uniquement les procédures, mais pourrait aussi porter atteinte aux participants qui comparaissent devant le tribunal. Alors que l’utilisation de l’IA transcende le rôle d’un simple générateur de documents et entre dans le domaine de l’offre de conseils juridiques, nous nous demandons si le résultat serait différent si les services étaient fournis par des humains non autorisés plutôt que par l’IA. Cela soulève des questions sur la mesure à laquelle les plateformes fondées sur l’IA peuvent offrir une aide juridique sans l’aide d’une personne dûment autorisée et aussi la question de savoir où nous traçons la ligne entre « aide », « fausse déclaration » et « fraude ».

Les représentants non autorisés pourraient exploiter les avantages de la technologie de l’IA et de la diffusion élargie de renseignements en matière d’immigration par voie numérique dans des demandes d’immigration « fantômes » ou des actes de procédure en matière d’immigration, se présentant sous le couvert de demandeurs qui ne sont pas représentés par un avocat dans le but de réaliser un gain financier. Malgré les défis actuels liés aux représentants fantômes, la disponibilité de données en ligne et l’amélioration des outils d’autoassistance pourraient exacerber le problème, ce qui permettrait aux personnes d’agir à titre de représentants fantômes même dans des demandes complexes comme celles entendues par le tribunal. Ces nouveautés suscitent de nouvelles questions importantes. À titre d’exemple, ce que signifiera, à l’avenir, être un demandeur qui n’est pas représenté par un avocat? Comment la CISR peut‑elle réagir à l’augmentation de la charge de travail alimentée, en partie, par les nouvelles options technologiques? Par conséquent, à tout le moins, la CISR et les autres parties devraient être au courant de ce fait, et la collectivité dans son ensemble doit être consciente que les Règles énoncent une obligation de prodiguer des conseils et d’expliquer tout recours à l’IA, lorsque celle‑ci crée des éléments de preuve, des actes de procédure, etc.

Afin de promouvoir la transparence dans l’utilisation de l’IA et d’autres technologies, les Règles devraient aborder la gestion globale des données, notamment la sécurité, l’accessibilité et l’intelligibilité, ainsi que l’objet et la préparation des données. À l’échelle nationale, la Directive sur la prise de décisions automatisée et le Guide sur l’utilisation de l’intelligence artificielle générative constituent d’excellents cadres qui mettent en évidence les principales pratiques exemplaires, ainsi que les considérations juridiques et pratiques. Encore une fois, les Règles devraient être suffisamment souples pour l’application de prises de décisions automatisées pour, entre autres, la mise au rôle et les demandes de prolongation 

Cour fédérale

La Cour fédérale fait face à une augmentation sans précédent de la charge de travail et à un paysage technologique en évolution rapide. Parallèlement, le soutien du Service administratif des tribunaux judiciaires est limité par des contraintes financières. La section de l’ABC a présenté mémoires distincts et détaillés à la Cour fédérale concernant une foule de questions que nous ne répétons pas dans le présent document91. Toutefois, quelques recommandations clés s’appliquent directement à la LIPR et sont, par conséquent, importantes à inclure dans le présent mémoire.

Il faudrait également féliciter la Cour fédérale pour ses initiatives en matière de modernisation. Toutefois, sa capacité de régler les problèmes d’accès à la justice est limitée par des insuffisances de financement et par des volumes accrus qui sont indépendants de sa volonté. En termes simples, les problèmes liés à l’exécution des programmes d’IRCC ont créé un effet d’entraînement important sur la Cour fédérale, ce qui a une incidence concrète sur l’accès à la justice. Justice différée est justice refusée.

Nous savons que le tribunal entreprendra un examen global de ses Règles et la section de l’ABC a formulé des recommandations distinctes à l’intention du tribunal à ce sujet.92 Nous appuyons l’élaboration d’un ensemble distinct de Règles en ce qui concerne les questions de citoyenneté, d’immigration et de statut de réfugié, et nous recommandons qu’un sous‑comité soit mis sur pied pour donner suite à cette initiative.

Nous recommandons également que les frais de dépôt des dossiers à la Cour fédérale soient augmentés et que les fonds supplémentaires soient reversés à la Cour pour soutenir ses opérations et maintenir l’indépendance judiciaire. Ceci est particulièrement pertinent pour les commentaires soulevés ci-dessus concernant la CISR, qui s’appliquent également ici, car un financement supplémentaire sera essentiel pour relever les défis de l’intégrité, du rythme et de la nature évolutive des procédures dans un paysage technologique en évolution rapide.

Les tribunaux canadiens ont rajusté périodiquement leurs frais de dépôt93. Ces rajustements visent à tenir compte des coûts réels des litiges, à promouvoir une gestion efficace des cas et à assurer un accès équitable à la justice. Ils s’inscrivent également dans le cadre d’un effort plus large visant à moderniser l’infrastructure des tribunaux pour l’adapter aux exigences des litiges contemporains.

Enfin, nous recommandons l’établissement d’un délai de dépôt uniforme de 60 jours, quel que soit it instituée, quel que soit l’emplacement d’où provient la demande. Le délai plus long accordé pour les demandes au Canada peut permettre aux demandeurs d’exercer d’autres recours ou de régler l’affaire sans que des poursuites soient intentées, des options qui sont actuellement limitées par le délai existant de 15 jours.

8.11 Vers une base de données centralisée, transparente et consultable sur les politiques d’immigration : Apprendre du modèle australien Legend.com

Dans un environnement d’immigration de plus en plus numérique, la nécessité d’un accès centralisé, en temps réel et convivial aux politiques, aux lois et aux procédures de demande en matière d’immigration n’a jamais été aussi grande. Le cadre d’immigration du Canada est régi par un éventail complexe d’instruments (lois, règlements, instructions ministérielles, mises à jour sur l’exécution des programmes, bulletins opérationnels et documents d’orientation internes), qui sont souvent dispersés dans plusieurs plateformes. Les instruments traditionnels et moins officiels sont souvent difficiles à trouver, et les versions antérieures sont parfois impossibles à trouver du fait de l’absence d’un système clair d’archivage des politiques antérieures, ce qui peut entraver l’accès nécessaire en cas de litige. Cette fragmentation crée de la confusion pour les demandeurs, les représentants, les décideurs et les fournisseurs de services.

Le système d’immigration australien offre un modèle bien élaboré grâce à LEGEND.com, une base de données juridique en ligne sécurisée et par abonnement gérée par le ministère australien de l’Intérieur. LEGEND.com regroupe l’ensemble complet des lois, des politiques, des avis de la Gazette, des formulaires et des anciennes versions des documents sur la migration et la citoyenneté dans une interface consultable avec hyperliens. Largement utilisé par les professionnels du droit et les institutions juridiques, LEGEND.com améliore la qualité des demandes, la conformité réglementaire et l’efficacité des procédures. Les intervenants canadiens en matière d’immigration — en particulier ceux qui travaillent auprès des populations vulnérables — bénéficieraient grandement d’un système d’information similaire et centralisé qui simplifie l’accès aux documents et qui s’harmonise avec les principes de transparence, de responsabilisation et de processus équitable. Cela doit permettre d’effectuer des recherches « ponctuelles ».

La création d’une base de données électronique centralisée et consultable pour les lois, les politiques et les procédures en matière d’immigration constituerait une modernisation importante du système d’immigration du Canada. Une telle plateforme permettrait de réduire les obstacles à l’exactitude des renseignements, d’améliorer la qualité des demandes présentées et d’accroître l’uniformité dans la compréhension par les demandeurs, et la prise de décisions par les agents. De plus, en veillant à ce que les directives internes et les instructions opérationnelles soient communiquées — lorsque cela est autorisé par la loi et sur le plan éthique — le système renforcerait la confiance et la responsabilisation du public.

Compte tenu du volume croissant de demandes, de la transformation numérique et de l’utilisation croissante de l’IA dans le cadre de la prise de décisions, une base de données centralisée contenant des documents juridiques et des politiques fournirait à tous les utilisateurs du système d’immigration la clarté, la stabilité et la confiance dont ils ont grandement besoin. Il ne s’agit pas seulement d’une innovation, mais aussi d’un outil nécessaire à un système d’immigration juste et prêt pour l’avenir.

8.12 Recommandations et conclusion

La section de l’ABC recommande les réformes législatives et stratégiques suivantes :

# Section Modifications recommandées
60. Mettre en œuvre des mesures systémiques pour simplifier le traitement des demandes d’immigration et pour assurer l’équité Mettre en place des mesures systémiques pour éliminer les arriérés et les retards de traitement des demandes, y compris des mécanismes de réception des demandes qui sont transparents, des délais prévisibles et des mises à jour en temps réel de l’état d’avancement des cas. Des programmes comme le volet de parrainage des parents et des grands‑parents devraient être remaniés pour tenir compte de la gravité de la réunification des familles, avec des critères clairs et une planification stable et à long terme. Les systèmes de triage automatisés doivent fonctionner selon des critères communiqués au public, avec une surveillance du rendement et des pistes de vérification pour assurer l’équité et la responsabilisation.
61 Établir des normes de service claires pour le traitement des TVRP Établir des normes de service claires visant le traitement des demandes de titres de voyage pour résident permanent (TVRP), notamment des voies d’accès accélérées pour les cas urgents ou les cas de personnes admises pour des raisons humanitaires. La communication doit être améliorée au moyen de mises à jour en temps opportun, de vérifications de l’état d’avancement de la demande qui sont accessibles et de lettres de décision qui comprennent des motifs précis rédigés en langage clair et les prochaines étapes. Des normes de service claires sont essentielles pour garantir que les résidents permanents à l’étranger ne soient pas laissés dans un vide juridique ou pratique raison de délais de traitement prolongés ou d’un manque de communication.
62. Améliorer la prise de décisions en matière d’immigration grâce à une formation complète à l’intention des agents Élaborer un cadre national de formation pour les agents d’immigration, inspiré des pratiques exemplaires comme celles du College of Immigration Officers de l’Australie. La formation de base devrait comprendre la rédaction en langage clair, les entrevues tenant compte des traumatismes, le savoir‑faire culturel et les principes d’équité procédurale. L’instruction spécialisée devrait favoriser une évaluation cohérente et fondée sur des principes de la crédibilité, de la discrétion et des risques pour tous les décideurs.
63. Mettre en œuvre des mécanismes robustes de vérification et d’établissement de rapports dans les systèmes d’immigration Comme indiqué ci-dessus, appliquer les normes de service en vertu de la Loi sur les frais de service et exiger l’établissement, à intervalle régulier, de rapports destinés au public et portant sur le rendement du traitement des demandes, ventilé par volet, par région et par point de décision. Mettre en œuvre des vérifications du rendement continues pour cerner les retards, évaluer les disparités et améliorer l’uniformité. Les outils de PDA doivent comprendre des fonctions de vérification intégrées, une supervision externe et l’accès aux données aux fins d’examen indépendant. La mobilisation des intervenants, y compris la consultation régulière des professionnels du droit et de la société civile, devrait être intégrée à l’élaboration des politiques opérationnelles.
64. Tirer parti de l’analyse des données pour une prise de décisions équitable et fondée sur des données probantes Élargir l’utilisation de l’analyse des données pour appuyer la prise de décisions équitables et fondées sur des données probantes, tout en assurant la prise de mesures de protection des renseignements personnels, de transparence et de responsabilisation. Les données doivent être examinées régulièrement pour détecter et corriger les préjugés systémiques et faire le suivi des expériences des demandeurs par région, par volet et par groupe démographique. Utiliser l’analyse pour cerner les goulots d’étranglement des processus, orienter les besoins en formation et soutenir une conception de services plus adaptée et inclusive.
65. Mettre en œuvre des mesures systémiques pour simplifier le traitement des demandes d’immigration et assurer l’équité, RIPR, alinéa 186(u) et article 182 Supprimer « s’il est demeuré au Canada après l’expiration de son permis de travail » et modifier l’article 182 pour permettre au demandeur de travailler ou d’étudier pendant le traitement d’une demande de rétablissement du statut qui a été déposée en temps opportun. Nous recommandons d’envisager un modèle de permis transitoire, comme celui utilisé en Australie afin de favoriser la continuité du statut et de réduire les perturbations pour les travailleurs et les étudiants.
66. Mettre en place un processus transparent afin d’établir les plafonds au nombre de demandes et gérer les files d’attente Adopter un processus clair et responsable visant à établir ou à adapter les plafonds dans l’ensemble des volets des résidents temporaires. Cela devrait comprendre un préavis public, une justification des plafonds, une mise en œuvre limitée dans le temps et un examen périodique en vue de garantir la pertinence et l’équité.
67. Assurer la communication des conséquences relatives à la demande une fois les plafonds atteints Communiquer clairement aux demandeurs que les demandes présentées après l’atteinte d’un plafond peuvent ne pas être acceptées ou traitées. Cela est particulièrement important pour les catégories de demandes urgentes comme les visas de résident temporaire (VRT).
68. Mobiliser les intervenants et surveiller les répercussions des mesures de gestion des demandes Mener des consultations, sur une base régulière, avec les intervenants judiciaires et communautaires au moment d’établir des plafonds ou d’interrompre la réception des demandes. Rendre compte publiquement de la justification, de l’incidence et de l’efficacité des outils de gestion des demandes afin de promouvoir la responsabilisation et l’amélioration continue.
69. Éliminer les obstacles inutiles : Favoriser la mobilité des travailleurs et des étudiants Modifier le RIPR et les directives opérationnelles pour :
  • permettre aux travailleurs temporaires au Canada de commencer à travailler pour un nouvel employeur sur présentation d’une nouvelle demande d’EIMT propre à l’employeur et sur délivrance d’un accusé de réception;
  • permettre aux étudiants étrangers de commencer leurs études dans un nouvel établissement d’enseignement désigné après avoir déposé un avis de changement d’école, sans qu’il soit nécessaire de délivrer au préalable un nouveau permis d’études.
70. Protéger les travailleurs, favoriser la responsabilisation : Modifier les sanctions imposées aux employeurs aux termes du RIPR Recommander la mise en œuvre d’un cadre de sanctions imposées à l’employeur qui sont plus équitables et qui ne pénalisent pas les demandeurs pour la conduite d’autrui. Une caractéristique comprendrait l’établissement d’un cadre officiel permettant de déclarer et de corriger soi‑même l’erreur au titre du RIPR :
  • en permettant aux demandeurs et aux employeurs de signaler de façon volontaire les erreurs et de les corriger ou de signaler les cas de non‑conformité et les corriger (p. ex., fausses déclarations mineures ou omissions de documents) avant que des mesures punitives ne soient prises;
  • en créant un espace pour les résultats réparateurs—comme les ententes de conformité ou les approbations conditionnelles—au lieu de l’interdiction de territoire ou des interdictions automatiques;
  • en précisant que les travailleurs ne seront pas pénalisés pour les infractions commises par l’employeur, à condition qu’ils ne soient pas au courant de la non‑conformité ou qu’ils n’aient aucun contrôle sur celle‑ci;
  • en veillant à ce que les sanctions imposées à l’employeur soient proportionnelles, ciblées et axées sur l’inconduite délibérée et systémique et non sur les erreurs commises de bonne foi.
71. Définir les facteurs d’admissibilité et de sélection des candidats dans le Règlement LIPR, articles 11 et 20 et RIPR, article 220 Un concept potentiel consiste à définir les facteurs d’admissibilité et de sélection des candidats dans le Règlement, conformément aux articles 11 de la LIPR (exigences relatives à la demande) et 20 de la LIPR (exigences relatives aux résidents temporaires), y compris les antécédents scolaires, les compétences linguistiques, la suffisance financière et l’harmonisation du marché du travail et la demande régionale.
72. Modifier le RIPR afin d’autoriser l’instauration d’un système de déclaration d’intérêt pour les visas de résident temporaire LIPR, paragraphes 10.1 à 10.3, articles 20, 25.2, 87.3, 207, 211.1 et 216(1) Réflexion sur la modélisation des permis d’études et des VRT sur la base de l’article 10.1 du RIPR (déjà utilisé pour l’Entrée express). Nouvelles dispositions dans la partie 9 du RIPR (Résidents temporaires), inspirées du paragraphe 10.1 du RIPR et adaptées aux catégories de visiteurs et de permis d’études.
Modifier le RIPR afin d’inclure des critères d’attribution basés sur les performances pour les établissements d’enseignement désignés : Sur la base des résultats, de la conformité (article 211.1 du RIPR) et de la capacité à soutenir les étudiants étrangers.
Permettre des systèmes de triage et d’admission assistés par l’IA, avec une supervision humaine, grâce à de nouvelles dispositions aux articles 10.1 à 10.3 du RIPR (reflétant la fonctionnalité du système d’Entrée express pour les volets des VRT et du Programme des étudiants étrangers).
73 Autoriser la conclusion de nouveaux accords au niveau municipal Modifier la LIPR afin d’autoriser explicitement le ministre à conclure des ententes avec les municipalités à l’appui des voies d’immigration et d’intégration axées sur l’éducation.
74. Créer de nouvelles voies pour les permis d’étude Créer de nouvelles catégories de permis d’études réglementaires en vertu de la partie 9 du RIPR : « Catégorie de permis d’études pour les professions en demande », liée à la classification nationale des professions du Canada; « volet collégial » et « volet universitaire » distincts, permettant des normes d’admissibilité personnalisées en vertu de l’article 216(1) du RIPR, « Catégorie de permis d’études pour les candidats des municipalités », structure similaire à l’article 87.3 du RIPR (PNP), « Catégorie de permis d’études humanitaires », modifier le RIPR pour inclure des considérations d’ordre public en vertu de l’article 25.2 de la LIPR et de l’article 207 du RIPR.
75. Introduire de nouvelles voies pour les VRT Modifier l’article 179 du RIPR (délivrance de VRT) afin d’introduire des catégories de VRT basées sur l’objet du voyage : VTR pour les voyages humanitaires/urgents, VTR pour la famille, VTR pour les affaires, VTR pour les touristes.
76. Réduire au minimum le dédoublement et la complexité des systèmes des points d’Entrée express Les critères relatifs au SCG doivent être définis dans le RIPR. Cela améliorerait la transparence, l’uniformité et la certitude juridique dans la sélection des résidents permanents. IRCC devrait passer à un système d’évaluation unique fondé sur des points pour toutes les voies d’accès d’Entrée express. Plus précisément :
  • éliminer la nécessité de calculer des points propres au programme (p. ex., la grille pour la catégorie Travailleur qualifié fédéral) aux fins de la sélection de candidats dans Entrée express;
  • utiliser un modèle unique fondé sur le Système de classement global comme seul facteur déterminant du classement et de l’admissibilité des candidats dans l’ensemble des programmes d’Entrée express;
  • conserver les critères d’admissibilité de base (âge, langue, expérience de travail) par volet, mais supprimer les seuils numériques redondants.
Exemple de simplification proposée
Système actuel Réforme recommandée
Programme des travailleurs qualifiés (fédéral) : Seuil de 67 points + SCG Éliminer le seuil de 67 points
PCP : Admissibilité du candidat + SCG Utiliser uniquement le Système de classement global aux fins du classement
Catégorie de l’expérience canadienne : Admissibilité + SCG Maintenir tel quel
SCG : Élément commun à tous les systèmes Conserver et codifier dans le Règlement
77. Mettre en place une voie d’accès pour les investisseurs Mettre en place un programme de résidence selon la catégorie des investisseurs offrant des options d’investissements passifs dans : 1) un fonds de développement régional, 2) des infrastructures vertes ou 3) du capital de risque canadien. Les niveaux d’investissement par paliers (de 500 000 $ à 2 M $) pourraient correspondre à un traitement accéléré ou à l’admissibilité des membres de la famille.
78. Mettre en place une voie d’accès pour les entrepreneurs Créer un visa d’entrepreneur fédéral distinct du visa pour les entreprises en démarrage pour les demandeurs qui : 1) possède de l’expérience en tant que propriétaire d’entreprise ou en gestion d’entreprise, 2) propose d’acquérir ou d’agrandir une entreprise canadienne ou 3) participe à des projets économiques dans les régions rurales ou dans les petites collectivités.
79. Faire connaître les caractéristiques du programme d’immigration des gens d’affaires Lancer un programme ciblé pour les immigrants afin de leur permettre d’acquérir et d’exploiter des PME canadiennes existantes qui risquent de fermer en raison du départ à la retraite du propriétaire. Jumeler les demandeurs avec les entreprises au moyen d’un portail géré par le gouvernement.
Fournir des points de bonification en matière d’immigration, des voies d’accès à la résidence permanente accélérées ou des incitatifs financiers pour les investissements ou les entreprises situées dans : 1) les régions rurales ou éloignées, 2) les régions où il y a pénurie de main‑d’œuvre ou 3) les régions à faible croissance démographique.
Exiger la publication de la valeur nette vérifiée, la vérification de la provenance des fonds et la validation des activités par des tiers pour garantir l’intégrité du programme. Établir des critères fondés sur le rendement pour la résidence permanente (p. ex., réussite en affaires, création d’emplois).
Créer un Conseil fédéral de l’immigration des gens d’affaires pour assurer la coordination avec les provinces, les organismes de développement régional et les intervenants du secteur privé. Harmoniser l’immigration avec les objectifs de développement économique.
Mettre en œuvre des examens réguliers des programmes et publier des mesures de rendement (p. ex., montants des investissements, taux de maintien en poste, répercussions économiques). Éliminer les programmes pilotes qui ont un rendement inférieur et mettre à l’échelle les modèles efficaces.
Financer des services dédiés aux entrepreneurs immigrants, y compris du mentorat, de la formation linguistique, l’accès au financement et des conseils réglementaires adaptés aux nouveaux arrivants.
80. Réformer le Programme des travailleurs autonomes et du Programme d’immigration des gens d’affaires Rétablir le Programme des travailleurs autonomes en y apportant des réformes qui s’assurent qu’il appuie le mandat de développement économique du Canada, tout en maintenant l’accessibilité pour les talents de calibre mondial dans les domaines non traditionnels :
  • Augmenter le seuil d’évaluation financière pour refléter une plus grande importance accordée à la stimulation économique et à la durabilité après l’arrivée du demandeur.
  • Instaurer un système d’inscription et de classement, semblable à celui d’Entrée express, en vue de permettre à IRCC de contrôler le nombre de cas en instance au moyen d’invitations ciblées à présenter une demande.
  • Instaurer un mécanisme révisé de sélection par points pour les candidats dans le cadre du Programme des travailleurs autonomes, adapté pour mesurer :
  • la préparation économique (fonds disponibles, historique des revenus);
  • la réalisation dans le cadre d’activités culturelles ou sportives (incidence au niveau national ou international);
  • les compétences linguistiques et le potentiel d’intégration;
  • la contribution au développement économique local ou régional.
81. Mettre en place une stratégie de réduction de l’arriéré en plusieurs phases IRCC devrait mettre en œuvre une stratégie de réduction de l’arriéré en plusieurs étapes, notamment :
  1. Transparence publique : Diffuser les calendriers de traitement et les statistiques relatives au nombre de cas en instance à jour.
  2. Réorientation volontaire du programme : Offrir aux candidats admissibles la possibilité de se retirer leur demande ou de passer à des voies d’accès restructurées (p. ex. programmes pilotes pour les entrepreneurs).
Unités de traitement dédiées : Mettre sur pied des équipes spécialisées au sein d’IRCC pour accélérer le règlement des dossiers en matière d’immigration des gens d’affaires dont les demandes sont en attente de traitement.
82. Poursuivre les programmes de régularisation des travailleurs sans statut légal En tirant profit des leçons tirées des efforts de régularisation déployés par le passé, tout programme à venir pour les personnes sans statut devraient équilibrer les objectifs d’ordre humanitaire, économique et de primauté du droit, c’est‑à‑dire permettre aux personnes sans statut légal de présenter une demande sans crainte de subir des conséquences, de contribuer pleinement et, le cas échéant, de passer à un statut légal complet.
83. Protéger et confirmer le droit d’être représenté par un avocat en droit de l’immigration en tant que garantie constitutionnelle IRCC devrait reconnaître et promouvoir officiellement le droit constitutionnel d’être représenté par un avocat dans le cadre de toutes les procédures d’immigration et de statut de réfugié, et plaider en faveur d’une réforme législative qui enchâsse ce droit dans la LIPR.
84. Exempter les avocats de l’imposition de sanctions administratives pécuniaires IRCC doit modifier son cadre stratégique sur les sanctions administratives pécuniaires pour y inclure une exemption pour la catégorie des avocats, en tenant compte de leurs régimes de déontologie professionnelle existants.
85. Renforcer les messages destinés au public concernant les avocats Afin de renforcer la primauté du droit, d’accroître l’efficacité du système et de favoriser une plus grande confiance du public à l’égard du processus d’immigration canadien, IRCC devrait prendre des mesures concrètes pour reconnaître et intégrer officiellement les avocats spécialisés en droit de l’immigration à l’élaboration de ses stratégies de prestation de services, d’élaboration de politiques et de messages destinés au public.
Le rôle des avocats doit être clairement reconnu et respecté dans le cadre de toutes les procédures administratives à IRCC. Cela comprend la reconnaissance officielle dans le cadre de la réception des dossiers, le traitement de la correspondance, les lettres relatives à l’équité procédurale, les demandes de renseignements sur l’état d’avancement des demandes, la planification des entrevues et la communication après la décision. Les agents et les décideurs devraient suivre une formation leur permettant de comprendre quelles sont les obligations juridiques et éthiques des avocats, et de traiter les représentants comme des participants essentiels au processus de justice administrative, et non seulement comme des tiers. De plus, IRCC devrait recueillir et publier des données anonymisées dans le but d’évaluer l’incidence de la participation des représentants autorisés sur la qualité des demandes, l’efficacité du système et la décision rendue.
En faisant passer le rôle des avocats d’acteurs externes à celui de partenaires collaborateurs, IRCC renforcera l’intégrité et l’efficacité de ses programmes d’immigration. Le fait d’assurer leur pleine participation aux processus administratifs réduira les erreurs, les malentendus et les retards, tout en réaffirmant l’engagement du Canada à l’égard d’un système d’immigration équitable, transparent et responsable sur le plan professionnel.
86. Garantir l’accès des avocats et la communication dans le cadre de la modernisation des programmes d’immigration Les avocats devraient participer de façon concrète à l’élaboration et à la mise en œuvre de nouveaux programmes, d’initiatives pilotes et de plateformes numériques. L’infrastructure numérique d’IRCC doit également être améliorée pour s’assurer que les avocats ont un accès sécurisé et continu aux systèmes de demandes, reçoivent des mises à jour en temps réel et sont pleinement intégrés aux communications avec les clients.
87. Réglementer et intégrer de façon transparente l’IA et la PDA à la CISR Au fur et à mesure que la CISR devient un tribunal numérique, elle doit intégrer des mesures de protection claires dans ses Règles afin de faire face à l’utilisation croissante de l’IA et de la PDA automatisée. Bien que la modernisation numérique puisse améliorer l’efficacité et l’accès, elle comporte également des risques importants de préjugés, de discrimination et de marginalisation électronique.
Pour prévenir l’utilisation abusive des outils d’IA générative dans les observations et les éléments de preuve, la CISR devrait adopter une règle de communication obligatoire du fait que l’IA a été utilisée, qui soit semblable à l’avis relatif à l’utilisation de l’IA de la Cour fédérale. L’avis de la Cour fédérale exige que soit divulguée l’utilisation de l’IA pour « créer » des actes de procédure ou des éléments de preuve. Cela favorise la transparence et renforce l’intégrité procédurale, tout en permettant aux technologies administratives non essentielles de demeurer hors du champ d’application de la règle. Les Règles de la CISR doivent également exiger que soient réalisées des évaluations de l’incidence algorithmique, des évaluations des facteurs relatifs à la vie privée, ainsi que la communication des cadres décisionnels lorsque des outils d’IA sont déployés pour le triage, la mise au rôle ou tout autre aspect du processus décisionnel.
88. Maintenir des solutions de rechange centrées sur l’humain et prévenir le fossé numérique La CISR doit s’engager à conserver des options d’accès non numérique à la justice dans ses nouvelles Règles. De nombreux demandeurs d’asile et appelants—en particulier les personnes qui ne sont pas représentées par un avocat, les personnes âgées, les personnes à faible revenu ou les personnes récemment arrivées—peuvent ne pas avoir un accès fiable à Internet, aux appareils ou à la littératie numérique.
Pour garantir l’équité, toutes les parties doivent conserver la capacité de communiquer avec la CISR par des moyens non numériques, le cas échéant. Parallèlement, la CISR devrait veiller à ce que toutes les communications, tous les formulaires et toutes les directives relatives à la procédure soient fournis dans un langage clair, en plusieurs langues et dans des formats accessibles, en vue d’appuyer la compréhension et la participation concrète d’un bassin diversifié de demandeurs.
89. Moderniser et consolider les règles autonomes en matière d’immigration à la Cour fédérale Le nombre croissant de cas d’immigration entendus par la Cour fédérale met en évidence qu’il faut avoir des règles modernisées, rationalisées et propres au secteur d’activité. Il est nécessaire et opportun d’effectuer un examen de l’interaction entre les Règles des Cours fédérales et les Règles des Cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés. IRCC et le ministère de la Justice devraient appuyer la création d’un sous‑comité sur la réforme des procédures d’immigration afin d’évaluer si un ensemble distinct et consolidé de règles en matière d’immigration réduirait la complexité et améliorerait l’accès à la justice. Ce faisant, la Cour peut réagir rapidement à l’augmentation du nombre d’affaires et aux réalités technologiques.
90. Appuyer le ressourcement durable de la Cour fédérale et la simplification de ses structures de dépôt et le nouvel échéancier Pour maintenir l’efficacité et l’indépendance de la Cour fédérale dans un contexte de demande croissante et de transformation numérique, IRCC devrait appuyer la prise de mesures qui renforcent la capacité de la Cour. Plus précisément, nous recommandons que les frais de dépôt pour les affaires d’immigration présentées devant la Cour fédérale soient doublés, l’excédent étant consacré exclusivement au ressourcement de la Cour.
91. Standardiser le délai pour le dépôt des demandes d’autorisation et de contrôle judiciaire Le délai de dépôt des demandes d’autorisation et de contrôle judiciaire devrait être normalisé à 60 jours, quel que soit l’emplacement d’où provient la demande, afin de réduire la confusion et de simplifier la conformité des demandeurs. Ces modifications aideront à établir un équilibre entre l’accès accru aux recours juridiques rendu possible par l’automatisation et la capacité institutionnelle nécessaire pour assurer une justice raisonnée en temps opportun.
92. Établir une base de données centralisée contenant des documents juridiques et des politiques en matière d’immigration IRCC devrait élaborer et tenir à jour une plateforme numérique unique qui regroupe la législation sur l’immigration (LIPR, RIPR), les instructions ministérielles, les instructions sur l’exécution de programme, les bulletins opérationnels, les guides de politiques, les formulaires, ainsi que d’autres documents d’orientation. Ce système doit être mis à jour en temps réel et refléter les versions actuelles et archivées à des fins de référence historique.
S’assurer que la plateforme est consultable, accessible et gérée par des professionnels
La base de données doit comprendre un moteur de recherche avancée, des hyperliens qui mènent aux documents connexes (p. ex., relier les dispositions législatives à la politique correspondante), et un outil intégré de suivi des versions. La direction doit relever d’une unité spécialisée d’IRCC afin d’assurer la surveillance, les mises à jour régulières et l’entretien du matériel.
Le Canada devrait s’inspirer de la plateforme Legend.com utilisée par le ministère australien de l’Intérieur, qui offre un accès par abonnement à une base de données juridique centralisée de documents sur l’immigration. La version canadienne devrait maintenir les niveaux d’accès public et sous licence, afin de favoriser la transparence et son utilisation par les professionnels.
93. Inclure l’accès et la participation des représentants autorisés Les représentants autorisés devraient avoir un accès complet à la plateforme afin d’améliorer la qualité de la représentation, de réduire les erreurs évitables et de favoriser une plus grande uniformité dans la préparation de la demande et l’interprétation des politiques qui évoluent constamment.
94. Appuyer les principes du gouvernement ouvert en publiant une politique interne qui peut être communiquée Lorsque des instructions opérationnelles et des directives internes peuvent être communiquées en vertu des cadres actuels de protection de la vie privée et d’accès à l’information, elles doivent être incluses dans la base de données. La transparence du processus décisionnel favorise l’équité procédurale, réduit le nombre de litiges et de demandes d’accès à l’information, et préserve la réputation du Canada en ce qui concerne la gouvernance en matière d’immigration fondée sur la primauté du droit.

Ces recommandations offrent une feuille de route pour passer d’un modèle désuet axé sur le volume à un cadre d’immigration ciblé, transparent et adaptable. En mettant à jour la LIPR et le RIPR en vue d’autoriser l’utilisation de nouveaux systèmes, de nouveaux volets et de mesures de rendement fondées sur les établissements, le Canada peut mieux concilier les priorités d’ordre humanitaire, scolaire et économique en matière d’immigration.

La capacité de traitement des demandes ne constitue pas seulement un défi technique : il s’agit d’une question de justice, de confiance du public et de crédibilité institutionnelle. Les retards et la mauvaise gestion de décisions porte atteinte aux droits mêmes que le système prétend vouloir faire respecter. Le Canada est à un moment charnière de l’évolution de son système d’immigration. Alors que la dynamique migratoire mondiale évolue, que la transformation numérique s’accélère et que les attentes du public augmentent, la nécessité d’un cadre d’immigration adapté, fondé sur des principes et inclusif n’a jamais été aussi urgente. La voie à suivre ne nécessite pas uniquement de nouveaux outils. Elle exige un rajustement structurel et culturel.

Qu’il s’agisse de reconnaître le rôle essentiel que jouent les avocats, de mettre en œuvre une gouvernance responsable de l’IA, de rétablir des voies d’accès à l’immigration économique équitables ou d’élaborer des systèmes d’admission transparents et des bases de données numériques, chaque recommandation témoigne d’un engagement profond à mettre en place un système qui fonctionne, tant pour les nouveaux arrivants, que pour les décideurs et la population canadienne.

Pour réaliser cette vision, IRCC et ses partenaires doivent diriger avec transparence, investir dans la capacité durable et intégrer la conception axée sur la personne à tous les aspects des politiques et de la prestation des services. Cela signifie reconnaître l’immigration comme étant plus qu’un programme du gouvernement, et comme une pierre angulaire de l’édification d’une nation. Grâce à un leadership audacieux, à une collaboration concrète des intervenants et à une attention particulière aux droits et aux réalités opérationnelles, le Canada peut maintenir son leadership mondial en matière d’immigration tout en demeurant fidèle à ses valeurs démocratiques et humanitaires.

La section de l’ABC exhorte le Parlement à harmoniser la réforme législative avec la modernisation opérationnelle, afin de s’assurer que le système d’immigration du Canada obtienne non seulement des résultats plus rapides, mais aussi des résultats plus équitables et plus durables.

IX. Compétence partagée et collaboration pangouvernementale

L’immigration n’est pas la responsabilité d’une seule institution ou d’un seul ordre de gouvernement. Il s’agit d’une compétence partagée en vertu de la Constitution et d’un projet sociétal commun en pratique. La politique d’immigration façonne les marchés du travail, la croissance démographique, le développement des communautés et l’inclusion sociale partout au Canada. Pour permettre à la LIPR de demeurer pertinente et efficace, elle doit mieux tenir compte de l’interdépendance des acteurs fédéraux, provinciaux, territoriaux, municipaux et de la société civile dans l’élaboration et l’obtention des résultats en matière d’immigration.
La section de l’ABC appuie les réformes législatives et structurelles qui permettent une gouvernance coordonnée et favorisent l’élaboration de politiques inclusives. L’immigration ne peut réussir en vase clos : elle exige la collaboration, la transparence et un engagement commun envers la confiance du public et des institutions.

9.1 Renforcer la collaboration fédérale‑provinciale‑territoriale (FPT)

Les provinces et les territoires jouent un rôle de plus en plus grand en matière d’immigration grâce à la sélection des candidats, à l’établissement, à la reconnaissance des titres de compétences et à l’intégration au marché du travail. Toutefois, la LIPR ne reflète pas clairement ce rôle au‑delà des accords bilatéraux et des pouvoirs délégués. Il est nécessaire d’élaborer un cadre plus dynamique qui appuie la coordination fédérale, provinciale et territoriale (FPT) continue en matière de conception des programmes, d’élaboration des programmes pilotes et d’un plan d’immigration à long terme.

La section de l’ABC recommande que la modernisation de la LIPR comprenne des engagements renouvelés en matière de collaboration intergouvernementale, y compris un libellé législatif plus clair à l’appui de la planification conjointe, de l’échange des données et de l’évaluation. Cela pourrait prendre la forme d’une table FPT sur l’immigration prévue dans la loi ou d’un processus annuel d’élaboration d’une stratégie d’immigration qui comprend les provinces, les territoires et les gouvernements autochtones à titre de participants à part entière.

Un tel modèle permettrait également d’avoir une plus grande adaptabilité aux besoins du marché du travail dans les régions, à la capacité d’établissement dans les collectivités et aux objectifs de rétention de la population, particulièrement dans les régions rurales et éloignées. La collaboration structurée réduirait les chevauchements et favoriserait l’innovation.

9.2 Mobilisation des municipalités et de la société civile

Les municipalités sont aux premières lignes de l’intégration : elles soutiennent le logement, le développement du marché du travail local, la santé publique, l’éducation et les services communautaires. Les organisations de la société civile, notamment les cliniques juridiques, les associations ethnoculturelles et les fournisseurs de services, jouent un rôle essentiel pour aider les nouveaux arrivants à s’y retrouver dans le système. Pourtant, ces acteurs ne sont pas reconnus à leur juste valeur dans le cadre législatif.

La section de l’ABC recommande de modifier la LIPR pour renforcer le rôle de la société civile et des gouvernements locaux dans la gouvernance en matière d’immigration. Cela pourrait comprendre la reconnaissance, dans la Loi, des structures officielles de consultation, des rôles d’évaluation des programmes et des mécanismes de mobilisation dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques. Lorsque de nouveaux programmes ou de nouvelles politiques sont instaurés, les intervenants doivent être avisés au préalable, consultés au sujet des modèles de prestation, et dotés de ressources appropriées.

La confiance du public à l’égard de l’immigration augmente lorsque le système reflète les réalités communautaires et que les personnes les plus touchées ont voix au chapitre en ce qui concerne l’obtention des résultats. Un cadre de collaboration n’est pas seulement plus démocratique, il est aussi plus efficace.

9.3 Reconnaissance des droits transfrontaliers des Autochtones

L’article 19 de la LIPR prévoit des exemptions pour les personnes inscrites comme Indien en vertu de la Loi sur les Indiens ou celles ayant un statut équivalent aux États‑Unis. Toutefois, le cadre actuel ne reflète pas pleinement les droits inhérents des peuples autochtones de traverser les frontières qui datent d’avant l’établissement des frontières nationales du Canada.

La section de l’ABC recommande la réalisation d’une réforme législative afin de mieux reconnaître les droits de mobilité transfrontalière des Autochtones, notamment les droits qui sont prévus par le Traité de Jay de 1794. Bien qu’il ne soit pas codifié dans le droit national canadien, le traité et ses principes demeurent fondamentaux pour de nombreuses communautés des Premières Nations dont les territoires s’étendent sur les deux côtés de la frontière canado‑américaine.

La reconnaissance de ces droits devrait se refléter à la fois dans la Loi et dans les politiques opérationnelles, en veillant à ce que les peuples autochtones ne soient pas assujettis à des contrôles de l’immigration qui ne respectent pas leur souveraineté et leur continuité historique. Il faut mobiliser les collectivités autochtones pour élaborer conjointement ces dispositions en conformité des principes de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

9.4 Faciliter la reconnaissance des titres de compétences

Un système d’immigration coordonné doit également relever le défi permanent de la reconnaissance des titres de compétences étrangers. Les immigrants qualifiés continuent de faire face à des retards et à des obstacles importants dans la reconnaissance de leurs qualifications professionnelles, ce qui entraîne un sous‑emploi et des inefficacités économiques.

La section de l’ABC recommande que la modernisation de la LIPR comprenne des engagements visant à améliorer la coordination intergouvernementale en matière de reconnaissance des titres de compétences, notamment des cibles communes, des délais de traitement transparents et des mécanismes de responsabilisation liés aux ententes FPT. Bien que le gouvernement fédéral ne réglemente pas directement les professions, il a un rôle de leadership clair à jouer dans la mise sur pied des organismes de réglementation et dans la rationalisation des processus.

L’intégration de la reconnaissance des titres de compétences au plan d’immigration, en particulier dans les catégories de l’immigration économique, permettra de s’assurer que les critères de sélection des candidats correspondent à l’accès réel aux professions réglementées. Cette approche améliorera également le maintien en poste, la satisfaction et les résultats économiques pour les nouveaux arrivants et leurs collectivités.

9.5 Recommandations et conclusion

La section de l’ABC recommande les réformes législatives et stratégiques suivantes :

# Section Modifications recommandées
95. Élaborer une stratégie multilatérale en matière d’immigration Modifier la LIPR pour y inclure des dispositions exigeant une collaboration structurée FPT et municipale en matière d’élaboration de politique d’immigration, de conception de programmes, d’échange de données et de planification à long terme.
La reconnaissance législative des municipalités et des organisations de la société civile en tant qu’intervenants clés, y compris les rôles officiels de consultation et de mise en œuvre des politiques, doit être ajoutée à la Loi.
96. Institutionnaliser des partenariats FPT et municipaux Établir des mécanismes pour l’élaboration d’une stratégie multilatérale en matière d’immigration qui soit inclusive et qui fasse participer des acteurs fédéraux, provinciaux, territoriaux, autochtones, municipaux et de la société civile.  
97 Respecter le traité de Jay : Légiférer sur la mobilité transfrontalière des Autochtones, LIPR, article 19 Modifier l’article 19 pour affirmer explicitement les droits à la mobilité transfrontalière des peuples autochtones, en faisant référence au Traité de Jay, et consulter les gouvernements autochtones pour élaborer le nouveau libellé.
98. Renforcer les systèmes de reconnaissance des titres de compétences grâce à la collaboration fédérale‑provinciale Confier au leadership fédéral le mandat de réunir des organismes de réglementation des professionnels pour appuyer la reconnaissance transparente et en temps opportun des titres de compétences au moyen d’ententes FPT officielles.
99. Établir une stratégie nationale en matière de données sur l’immigration Rendre obligatoire la création d’une stratégie coordonnée en matière de données sur l’immigration FPT afin de garantir la collecte, le partage et la communication de données opportunes, cohérentes et désagrégées. Cela permettrait de soutenir l’élaboration de politiques fondées sur des données probantes, d’améliorer la réactivité des programmes et de renforcer la transparence à tous les niveaux de gouvernement.
100. Intégrer les principes d’équité, de diversité et d’inclusion dans la gouvernance de l’immigration Modifier la LIPR pour exiger que les politiques d’immigration, l’élaboration des programmes et les cadres décisionnels intègrent des considérations relatives à l’équité, à la diversité et à l’inclusion. Cela inclut des mécanismes formels de consultation des communautés historiquement marginalisées et la garantie que les systèmes d’immigration s’attaquent de manière proactive aux obstacles systémiques.

Une LIPR modernisée doit reconnaître que l’immigration est une responsabilité partagée, tant sur le plan constitutionnel que pratique. Aucune institution ni aucun niveau de gouvernement ne peut, à lui seul, gérer les exigences complexes et changeantes du système d’immigration canadien. Un cadre législatif renouvelé doit intégrer la collaboration à tous les niveaux, en imposant un engagement structuré avec les provinces, les territoires, les municipalités, les gouvernements autochtones et les organisations de la société civile. En institutionnalisant les partenariats multilatéraux et en favorisant un processus décisionnel transparent et inclusif, le Canada peut mieux aligner les résultats de l’immigration sur les réalités économiques, démographiques et communautaires de l’ensemble du pays

Un système d’immigration moderne doit être plus qu’efficace—il doit être collaboratif. La LIPR devrait refléter la nature commune de la gouvernance en matière d’immigration, reconnaître l’expertise et le rôle des provinces, des municipalités et de la société civile, et affirmer les droits des peuples autochtones au‑delà des frontières. La section de l’ABC demande au Parlement d’intégrer ces engagements dans la Loi et de construire un cadre d’immigration axé sur l’avenir qui est inclusif, coordonné et qui peut répondre aux besoins nationaux et régionaux.

En outre, la modernisation doit prioriser la reconnaissance des droits et de l’équité systémique. Cela comprend la reconnaissance formelle des droits des Autochtones à la mobilité transfrontalière, intégrer les principes d’Équité, de Diversité et d’Inclusion, et veiller à ce que les obstacles réglementaires à la pleine participation économique soient levés. Une stratégie nationale coordonnée en matière de données permettra de garantir que les décisions sont fondées sur des données probantes et que les programmes d’immigration restent adaptés aux priorités nationales et aux besoins locaux. Pour préserver la confiance du public, il faut un système qui non seulement sélectionne efficacement les immigrants, mais aussi favorise leur intégration et leur réussite à long terme grâce à une gouvernance équitable, transparente et responsable.

La section de l’ABC exhorte le Parlement à saisir cette occasion de procéder à une réforme audacieuse. En intégrant la collaboration, la reconnaissance des droits et la responsabilité dans le cadre de la LIPR, le Canada peut construire un système d’immigration qui répond aux défis d’aujourd’hui et aux opportunités de demain. Une LIPR tournée vers l’avenir renforcera l’unité nationale, respectera les engagements internationaux du Canada et reflétera les valeurs durables du pays que sont l’équité, l’inclusion et la prospérité partagée.

X. Épilogue : Une invitation à bâtir conjointement l’avenir de l’immigration canadienne

L’immigration a façonné le passé du Canada et définira son avenir. À son meilleur, elle tient compte des plus grands idéaux du pays : accueillir les nouveaux arrivants avec équité, dignité et intention. Pour que cette vision perdure, les cadres juridiques et politiques qui régissent l’immigration doivent évoluer. La LIPR, dont l’établissement remonte à plus de deux décennies, ne tient plus compte de la complexité des défis migratoires actuels ni des réalités vécues par ceux qui dépendent du système.
La section de l’ABC reconnaît les exigences considérables imposées à IRCC et c’est pourquoi ce mémoire n’est pas seulement une critique du régime actuel. Son but est de contribuer à un projet collaboratif de renouvellement axé sur l’avenir. Nous partageons l’objectif de mettre en place un système efficient, efficace et équitable. Et nous fournissons les points de vue des professionnels du droit — avocats, membres des tribunaux et juges — qui apportent leur expérience quotidienne des conséquences de la conception des lois, des choix stratégiques et des pratiques opérationnelles.
La modernisation n’est pas seulement nécessaire, elle est également réalisable. Elle doit reposer sur des valeurs qui tiennent compte des engagements constitutionnels et internationaux du Canada : compassion, intégrité, égalité et primauté du droit.
La réforme doit commencer en établissant clairement son objectif. Le système d’immigration devrait permettre et non dissuader. Il doit promouvoir les objectifs économiques et humanitaires tout en maintenant l’équité procédurale, la transparence et la responsabilisation à l’égard du public. Il ne s’agit pas d’objectifs concurrents, ce sont les piliers complémentaires d’un cadre juridique efficace et fondé sur des principes.
La section de l’ABC présente ce point de vue avec humilité et détermination. Nous ne sommes pas seulement des observateurs du système, nous sommes des partenaires actifs dans son fonctionnement au quotidien. Nos membres voient les domaines où la loi fonctionne, ceux où elle ne fonctionne pas et ceux dans lesquels il est le plus urgent d’apporter des modifications.
Nous demandons à IRCC et au Parlement de saisir cette occasion – de rétablir la confiance, de rétablir l’équilibre et de façonner un cadre législatif qui tient à la fois compte de l’engagement du Canada et de ses responsabilités. Le système d’immigration peut continuer d’être une source de force nationale, de renouveau social et de leadership mondial. Mais seulement si nous le bâtissons ensemble.

Annexe A - Liste des Acronymes

  • ABC – Association du Barreau canadien
  • ASFC – Agence des services frontaliers du Canada
  • CISR – Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada
  • DI – Déclaration d’intérêt
  • EIMT – Étude d’impact sur le marché du travail
  • ERAR – Examen des risques avant renvoi
  • FTP – Entente fédérale-provinciale-territoriale
  • IA – Intelligence artificielle
  • IRCC – Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada
  • LIPR – Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés
  • PCP – Programme des candidats des provinces
  • PDA – Prise de décision automatisée
  • RIPR – Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés
  • RVN – Revenu vital minimum
  • SCG – Système de classement global
  • TA – Travailleur autonome
  • TQF – Travailleur qualifié fédéral
  • TVRP – Titre de voyage pour résident permanent
  • VDL – Visa pour démarrage d’entreprise
  • VRT – Visa de résident temporaire

Annexe B – Sommaire des recommandations

# Section Modifications recommandées
II. Gouvernance et surveillance : Intégration de la responsabilisation dans le système et harmonisation du cadre d’immigration du Canada avec les objectifs de la LIPR
1. Limiter et élargir l’utilisation des exigences relatives aux avis publics pour les instructions ministérielles Articles 14.1 et 87.3 de la LIPR Conformément à la résolution de l’ABC de 201394, nous recommandons que la LIPR soit modifiée de façon à limiter la portée des instructions ministérielles afin que les dispositions ne puissent pas être utilisées pour mettre fin ou modifier considérablement les programmes d’immigration de base sans processus législatifs ou réglementaires.
Exiger un préavis public, une consultation des intervenants et un résumé de l’étude d’impact (comme dans les processus réglementaires) avant l’adoption des instructions ministérielles. Cela renforcerait le fait que les instruments juridiques ayant force exécutoire (comme les règles d’admissibilité aux programmes et les droits des demandeurs) doivent découler de lois ou de règlements, et non de lignes directrices ou de politiques internes.
Exiger que tout changement important apporté aux programmes d’immigration – en particulier ceux qui touchent les droits antérieurs – fasse l’objet d’un examen parlementaire ou réglementaire.
2. Préciser et limiter le recours aux politiques d’intérêt public Article 25.2 de la LIPR Préciser et limiter le recours à l’article 25.2 sur les politiques d’intérêt public. Plus précisément, définir la « politique d’intérêt public » et les « conditions ministérielles » dans la LIPR pour empêcher la création de règlements par substitution par l’entremise de politiques ponctuelles. Instaurer un processus officiel de création de politiques d’intérêt public, notamment :
  • Période de préavis minimale
  • Consultation publique
  • Publication des règles d’admissibilité dans la Gazette du Canada
  • Examen juridique fondé sur des principes d’équité et de transparence.
3. Créer un bureau d’ombudsman de l’immigration indépendant Création d’un bureau d’ombudsman de l’immigration indépendant qui relève du Parlement et qui a comme mandat premier de procéder à des examens systémiques, de surveiller l’équité et de promouvoir la transparence et l’harmonisation avec les objectifs de la LIPR. Bien que ce bureau puisse recevoir des plaintes, il devrait se concentrer sur l’identification des préoccupations et des tendances systémiques, et non sur le règlement de cas individuels. Pour être efficace, l’ombudsman doit travailler en parallèle avec des mesures améliorées en matière de prise de décision et de transparence qui réduisent le recours à la surveillance a posteriori. Le bureau appuierait également une mobilisation fédérale, provinciale et municipale coordonnée pour tenir compte des divers besoins régionaux.
4. Intégrer à la LIPR un cadre fondé sur les droits, comprenant un comité consultatif composé d’intervenants de la société civile Intégrer à la LIPR un cadre fondé sur les droits qui exige la production de rapports publics, l’évaluation des répercussions la création d’un comité consultatif composé d’intervenants de la société civile afin de renforcer la participation démocratique et la responsabilisation dans l’élaboration des politiques d’immigration.
III. Intégration de l’expérience utilisateur à la justice naturelle
5. Reconnaître l’expérience utilisateur comme une valeur juridique fondamentale. Intégrer formellement l’expérience utilisateur et l’accessibilité aux objectifs législatifs de la LIPR, en tenant compte de leur rôle central dans l’équité et la primauté du droit. Traiter la clarté, la convivialité et la participation concrète comme des éléments essentiels de la justice naturelle.
6. Moderniser les formulaires et les communications en utilisant un langage simple. Exiger un examen approfondi de tous les formulaires et avis et de toute la correspondance en matière d’immigration en utilisant des principes de rédaction en langage clair. Concevoir des communications multilingues, appropriées sur le plan interculturel et faciles à comprendre, surtout pour les demandeurs non représentés ou les demandeurs vulnérables. Éviter les questions trop techniques, juridiques ou comportant plusieurs volets et le langage passif qui crée des obstacles à la compréhension.
Cela aura pour effet d’atténuer les risques systémiques liés à l’équité procédurale en obligeant l’examen des processus qui peuvent entraîner des conséquences disproportionnées en cas d’erreurs mineures ou involontaires, en particulier en vertu des dispositions de l’article 40 sur les fausses déclarations. Il est essentiel de fournir aux demandeurs des directives claires et des occasions de corriger les omissions ou les erreurs sans pénalité automatique afin de préserver les ressources, d’assurer une exécution inutile et d’assurer une application équitable de la LIPR.
7. Améliorer la communication en temps réel et la transparence des dossiers Mettre au point et élargir les plateformes numériques interactives et centrées sur l’utilisateur qui fournissent ce qui suit :
  • Motifs complets des décisions
  • Mises à jour en temps réel sur l’état d’avancement des demandes
  • Avis concernant documents manquants ou des étapes non suivies
  • Messagerie bidirectionnelle sécurisée avec IRCC
Accorder aux demandeurs un accès en temps réel aux données de leur dossier dans un format intelligible afin de réduire le nombre de demandes d’AIPRP et le recours à la Cour fédérale ou à la CISR et d’accroître la réactivité du système.
8. Mettre en œuvre une technologie axée sur le demandeur Parallèlement à nos recommandations ci-dessous sur le déploiement de l’IA et de la PDA, mettre en œuvre des outils d’application guidés, des assistants virtuels et des options de clavardage en direct afin de préciser les exigences des demandes. Veiller au maintien des options de soutien en personne pour les gens qui ne disposent pas d’un accès numérique ou qui ont besoin de mesures d’adaptation. Indiquer de façon claire quand l’IA ou l’automatisation est utilisée dans la prise de décisions et fournir des explications et des mécanismes de recours, conformément aux pratiques exemplaires internationales.
9. Éliminer les modèles d’admission favorisant une « ruée vers le numérique » pour assurer un accès équitable Remplacer les modèles numériques d’admission selon le principe du premier arrivé, premier servi par des processus équitables et assurer l’accès équitable peu importe le fuseau horaire, la connectivité à Internet ou des limites d’accessibilité. Les systèmes d’admission doivent être conçus de manière à promouvoir l’équité, l’inclusion et les véritables possibilités de présenter une demande.
10. Établir des normes de service exécutoires – Loi sur les frais de service Élargir la Loi sur les frais de service aux programmes d’immigration afin d’officialiser les attentes en matière de service. Instaurer des normes de service législatives et exécutoires dans la LIPR pour assurer un traitement rapide, prévisible et équitable. Exiger qu’IRCC publie régulièrement les mesures de rendement, en fournissant des explications lorsque les cibles ne sont pas atteintes, ce qui améliore la transparence et la responsabilité à l’égard du public.
11. Établir un cadre formalisé d’équité procédurale et de réexamen des demandes incomplètes ou déficientes Modifier la LIPR et son règlement afin d’obliger les agents d’immigration à émettre un avis formel d’insuffisance pour une demande incomplète ou qui contient des omissions mineures, donnant ainsi aux demandeurs une possibilité raisonnable de corriger l’erreur avant qu’un refus définitif ne soit émis. Normaliser la procédure de réexamen avec des délais clairs, des critères transparents pour l’acceptation d’informations supplémentaires et une explication écrite si une correction est jugée insuffisante. Ce cadre favoriserait l’équité, la cohérence et l’efficacité administrative tout en réduisant les nouvelles demandes inutiles et les retards de traitement.
12 Créer un mécanisme normalisé de traitement d’urgence, de retrait, de mise à jour et de révocation pour tous les volets d’immigration Modifier la LIPR et son règlement afin d’élaborer des instructions officielles obligeant les agents d’immigration à mettre en œuvre une procédure claire et accessible pour demander un examen urgent des dossiers d’immigration, y compris des critères transparents, des procédures de demande normalisées et des normes de service pour la prise de décision. De même, les demandeurs doivent disposer d’une procédure simple et rapide pour retirer leur demande lorsque les circonstances ont changé de manière significative ou pour soumettre des documents supplémentaires à l’appui d’une demande en cours lorsque les circonstances ont changé. Bien que le formulaire en ligne de l’IRCC soit actuellement proposé comme l’outil approprié à cette fin, les utilisateurs sont souvent confrontés à de longs délais, et les demandes sont souvent traitées sans que les nouveaux éléments soient pris en considération
Aussi, il conviendrait d’étudier des règlements visant à normaliser l’annulation des visas et des permis, y compris des critères transparents, des procédures de demande normalisées et des normes de service pour la prise de décision.
IV. Un nouveau cadre pour la technologie et l’IA et la PDA dans la prise de décisions en matière d’immigration
13. Modifier l’utilisation de l’IA et de la PDA propres à la LIPR et au RIPR Instaurer des dispositions spécifiques dans la LIPR pour réglementer l’utilisation de l’IA et de la PDA dans les processus d’immigration, qui reposent sur des principes contraignants de transparence, d’avis, de responsabilisation, d’examen et de surveillance avec intervention humaine, de surveillance régulières, de solides normes éthiques et de formation et de véritable engagement des intervenants. Ces dispositions devraient établir des mécanismes permettant aux professionnels du droit, aux groupes communautaires et aux experts en la matière de participer à la conception, à la mise en œuvre et à l’examen des systèmes d’IA.
Modifier le RIPR pour mettre en oeuvre ces principes, y compris les communications obligatoires, les évaluations de l’incidence algorithmique, les évaluations des facteurs relatifs à la vie privée et les mécanismes de recours exécutoires.
14. Mettre sur pied une unité indépendante de surveillance de l’IA Mettre sur pied une unité indépendante de surveillance de l’IA au sein d’IRCC qui sera responsable de la conformité, des vérifications et de l’établissement de rapports destinés au public, avec examen externe par le Commissariat à la protection de la vie privée (CPVP), la vérificatrice générale et la société civile, y compris des représentants des intervenants comme l’ABC, et de la présentation de rapports au Parlement.
15. Exiger une coordination avec le SCT Exiger qu’IRCC assure la coordination avec le SCT (pour les normes de conception des systèmes) et le CPVP (pour la surveillance de la protection des renseignements personnels), tout en conservant la responsabilité principale de la réglementation propre au secteur compte tenu de la nature unique du processus décisionnel en matière d’immigration.
16. Rendre obligatoire l’établissement de rapports annuels destinés au public, des vérifications par des tiers et d’un mécanisme de griefs Exiger l’établissement de rapports annuels destinés au public, des vérifications par des tiers et un mécanisme officiel de règlement des griefs accessible aux demandeurs et aux défenseurs. Envisager la mise sur pied d’un comité d’examen parlementaire pour évaluer périodiquement le fonctionnement et l’équité du cadre.
17. Codifier un droit pour les demandeurs Codifier un droit prévu par la loi permettant aux demandeurs de demander un examen par une personne, d’obtenir des motifs intelligibles concernant les décisions automatisées et d’accéder à la logique ou aux critères sous-jacents des résultats obtenus par l’entremise du système.
V. Remettre en état des régimes fragmentés et discriminatoires
18. Renouveler le cadre législatif pour la réunification des familles au Canada Entreprendre une réforme et un examen complets du cadre législatif et réglementaire qui régit la réunification familiale. Un système modernisé doit tenir compte de la diversité des familles canadiennes, promouvoir une prise de décisions cohérente et équitable et éliminer les obstacles qui ont une incidence disproportionnée sur les demandeurs vulnérables, y compris les femmes, les enfants, les personnes 2ELGBTQIA+ et les communautés racialisées.
19. Moderniser le système de parrainage d’un époux pour tenir compte des réalités des relations du Canada Regrouper les catégories des époux dans le cadre du RIPR afin de réduire la complexité inutile et de promouvoir l’égalité d’accès au parrainage pour toutes les formes de partenariats authentiques. Il est essentiel de préciser les règles relatives aux relations des partenaires conjugaux pour s’assurer qu’elles ne désavantagent pas les demandeurs qui ne peuvent pas se marier ou cohabiter pour des raisons culturelles, juridiques ou pratiques, y compris ceux qui entretiennent des relations homosexuelles. Le système devrait aussi offrir des solutions de rechange adaptées à la culture pour le mariage ou la cohabitation, sans créer une catégorie officielle pour les personnes fiancées, afin de reconnaître les diverses formes de relation.
20. Mettre fin aux interdictions de parrainage à vie : Harmonisation de la politique d’immigration avec les réalités humainesAbrogation des alinéas 117(9)d) et 125(1)d) du RIPR Abroger les alinéas 117(9)d) et 125(1)d) du RIPR, qui imposent une interdiction à vie de parrainer les membres de la famille qui n’ont pas été déclarés dans la demande d’immigration initiale du répondant et qui n’ont pas fait l’objet d’un contrôle. Ces dispositions sont incompatibles avec l’objectif de réunification des familles et entraînent des résultats beaucoup trop sévères.
21. Rétablir le pouvoir discrétionnaire des agents pour faire face à des cas exceptionnels de non-divulgations Rétablir l’important pouvoir discrétionnaire des agents d’annuler l’omission de mentionner des membres de la famille dans des situations exceptionnelles, par exemple, lorsque des membres de la famille étaient présumés morts, disparus ou inaccessibles en raison d’un traumatisme ou d’un conflit. Des orientations opérationnelles claires sont requises pour soutenir le recours à ce pouvoir discrétionnaire, actuellement disponible mais pratiquement jamais exercé.
22. Permettre la reconnaissance juridique au-delà de l’adoption officielle : Politique d’immigration inclusive pour les enfants pour lesquels une kafalah ou des ententes similaires à la kafalah existent. RIPR, paragraphe 3(2) Modifier la définition de l’adoption au paragraphe 3(2) du RIPR pour permettre la reconnaissance juridique d’ententes stables de soins qui ne rompent pas les liens avec les parents biologiques, comme celles établies dans le cadre de la kafalah et de pratiques similaires. Celles-ci doivent être évaluées en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant, de la durée et de la stabilité, plutôt qu’en fonction de formalités juridiques strictes. L’évaluation visant à déterminer si une adoption a eu lieu à des fins d’immigration doit être abordée avec une sensibilisation aux réalités culturelles et fondée sur des directives claires pour éviter les biais.
23. Permettre aux résidents permanents de parrainer une personne, peu importe l’endroit où ils se trouvent RIPR, paragraphe 130(2) Modifier le paragraphe 130(2) du RIPR pour permettre aux résidents permanents de parrainer un époux ou un enfant pendant qu’ils résident temporairement à l’étranger, à condition qu’ils puissent démontrer à la fois l’existence d’une relation authentique et leur intention de revenir au Canada. Cette modification empêcherait les résidents permanents d’être forcés de choisir entre le maintien de leur statut d’immigrant et la préservation de l’unité familiale.
24. Rétablir le critère conjonctif concernant RIPR, article 4 Modification de l’article 4 du RIPR dans le but de rétablir un critère conjonctif pour les refus fondés sur la mauvaise foi, exigeant que la relation soit à la fois non authentique et qu’elle vise principalement des fins d’immigration. Ce changement permettrait de s’assurer que des relations légitimes ne sont pas rejetées uniquement parce que l’immigration était un facteur et réduirait la prise de décisions reposant sur des hypothèses par les agents.
25. Modifier le RIPR pour permettre le renvoi d’un époux violent RIPR, article 119 Modifier le RIPR afin d’établir un processus clair et accessible permettant aux demandeurs de retirer un époux ou un partenaire violent de leur demande sans exiger une séparation légale officielle ou un fardeau injustifié de présentation de la preuve. Cela pourrait nécessiter la révision de l’article 119 pour accorder aux agents le pouvoir discrétionnaire d’approuver les demandes dans les cas de violence entre partenaires intimes ou de coercition, même lorsqu’un répondant a retiré son soutien. Le processus accéléré de délivrance d’un permis de séjour temporaire (PST) pour violence familiale et d’un permis de séjour temporaire pour considérations humanitaires pourrait être officiellement institutionnalisé en l’intégrant dans le RIPR. Ces changements sont nécessaires pour protéger la sécurité et la sécurité en matière d’immigration des survivants.
26. Élargir la catégorie du regroupement familial de façon à inclure les membres de la fratrie Modifier la LIPR et le RIPR pour élargir la définition de la catégorie du regroupement familial afin d’inclure les membres de la fratrie adultes de citoyens canadiens et de résidents permanents, en reconnaissant leur rôle dans l’unité familiale et l’intégration. Créer un volet de parrainage des membres de la fratrie souple comportant des critères d’admissibilité et des voies d’accès distinctes, y compris pour les priorités économiques, humanitaires et régionales.
27. Moderniser le parrainage des parents et des grands-parents Moderniser le programme des parents et des grands-parents en instaurant plusieurs volets – comme des options fondées sur le revenu, fondées sur les fonds et fondées sur la compassion – et permettre des définitions plus inclusives des « parents » et des « grands-parents » qui tiennent compte de diverses structures familiales. Envisager des modèles d’entrée à plusieurs volets et des quotas ciblés pour équilibrer la contribution économique avec l’accès équitable et la représentation régionale et empêcher les injustices engendrées par la « rue vers le numérique ».
28. Introduire une définition réglementaire de la « taille de la famille » et mettre au point un outil permettant de calculer le RVM RIPR, article 2 Introduire une définition réglementaire de la « taille de la famille » dans le contexte de la division 133(1)j)(i)(B) du RIPR qui a) précise quand une personne à charge doit être comptabilisée aux fins du revenu (p. ex., en fonction de la présence effective au cours de l’année); b) précise comment les naissances, les décès ou les départs au cours de la période pertinente influent sur la taille totale de la famille. Introduire une définition réglementaire de la « taille de la famille » dans le contexte de la division 133(1)j)(i)(B) du RIPR qui :
Précise quand une personne à charge doit être comptabilisée aux fins du revenu (p. ex., en fonction de la présence effective au cours de l’année); précise comment les naissances, les décès ou les départs au cours de la période pertinente influent sur la taille totale de la famille. Modifier le RIPR ou les instructions sur l’exécution de programmes pour permettre le calcul au prorata du RVM en fonction du nombre de jours qu’une personne à charge fait partie de l’unité familiale du répondant au cours de l’année d’imposition pertinente. Cette approche éviterait de pénaliser les répondants pour les naissances en fin d’année ou les décès en début d’année; permettrait une évaluation plus précise et bienveillante de la suffisance du revenu.
29. Élaborer un outil de calcul du RVM Élaborer un outil modèle ou un outil de calcul pour aider les répondants à estimer les obligations liées au RVM en fonction des changements dynamiques de la taille de la famille au cours de l’année. Permettre la présentation de demandes de réexamen ou de précisions lorsqu’un refus fondé sur le RVM s’appuie sur des hypothèses imprévues ou appliquées de manière incohérente relativement à la taille de la famille.
VI. Protection des réfugiés : Consolidation, cohérence et compassion
30. Supprimer l’interdiction de 12 mois LIPR, paragraphe 25(1.2) Supprimer l’interdiction qui empêche les demandeurs d’asile de demander la prise de mesures spéciales pour des motifs d’ordre humanitaire pendant 12 mois après le retrait ou le refus de leur demande d’asile.
31 Centraliser toutes les déterminations du statut de réfugié Centraliser toutes les déterminations du statut de réfugié, tant au pays qu’à l’étranger, sous une autorité unique et indépendante au sein de la CISR. Cette réforme structurelle permettrait d’éliminer le chevauchement et la fragmentation, d’assurer l’accès aux audiences au besoin et de normaliser les règles en matière de preuve et de procédure dans toutes les voies d’accès à la protection. Elle traiterait également du double standard dans l’évaluation des « solutions durables » des pays tiers entre les demandeurs au pays et à l’étranger.
32. Attribuer toutes les évaluations fondées sur des risques selon des motifs de protection élargis Attribuer à la CISR toutes les évaluations fondées sur des risques selon des motifs de protection élargis – comme la menace à la vie, la torture ou les traitements cruels et inusités. Le regroupement de ces décisions selon un modèle transparent et solide sur le plan procédural améliorerait l’uniformité, réduirait la confusion causée par le chevauchement des processus et renforcerait les obligations internationales du Canada en vertu du droit des droits de la personne.
33. Soumettre à la consultation publique et à la communication proactive tous les documents stratégiques liés aux réfugiés Soumettre tous les documents stratégiques liés aux réfugiés – en particulier ceux qui touchent l’admissibilité, les exemptions et les droits procéduraux – à la consultation publique et à la communication proactive. Les politiques qui orientent les décisions qui modifient la vie doivent être transparentes, responsables sur le plan juridique et éclairées par une mobilisation régulière des professionnels du droit, des fournisseurs de services et des communautés touchées.
34. Modifier le processus de constat de perte de l’asile et d’annulation LIPR, articles 40.1 et 108 Modifier les articles 40.1 et 108 de la LIPR afin d’établir des critères législatifs et d’équité procédurale clairs, y compris l’obligation de permettre aux personnes faisant l’objet d’une demande de perte d’asile d’avoir la possibilité de répondre avant la révocation du statut protégé. Les agents devraient être obligés de tenir compte du contexte et de l’intention des gestes posés par une personne et d’appliquer le principe de proportionnalité pour éviter des conséquences sévères pour avoir effectué des visites de retour mineures ou humaines.
Les lignes directrices devraient diriger les agents de délivrer un avis de convocation au lieu de mener des entrevues sur le constat de la perte de l’asile aux points d’entrée. Une personne devrait perdre son statut uniquement s’il existe des preuves claires de fraude, de mauvaise foi ou d’un changement fondamental des besoins de protection, conformément aux obligations juridiques et humanitaires du Canada.
35. Délivrer des PST aux personnes à charge des personnes protégées pour faciliter la réunification en temps opportun Dans un premier temps, émettre des instructions ministérielles pour autoriser la délivrance régulière de PST en vertu de l’article 24 de la LIPR aux personnes à charge des personnes protégées qui cherchent à obtenir la résidence permanente.
36. Modifier le règlement relatif aux PST destinés aux personnes à charge des personnes protégées afin de faciliter la réunification en temps utile Afin d’assurer une plus grande cohérence, transparence et durabilité de la pratique énumérée dans la recommandation 34 ci-dessus, l’autorité pour l’émission routinière de TRP devrait être incorporée dans l’IRPR par le biais d’une modification réglementaire permanente.
37. Permettre l’accès au travail, aux études et aux soins de santé aux titulaires d’un PST dans ce contexte Structurer la délivrance du PST pour permettre aux personnes à charge accompagnant un demandeur de résider au Canada et d’avoir accès à un permis de travail ou d’études et à une couverture médicale provinciale pendant le traitement de leurs demandes de résidence permanente. Cela assure la continuité des soins et réduit la vulnérabilité.
38. Établir des lignes directrices transparentes sur la délivrance de PST pour les personnes à charge des personnes protégées Élaborer des lignes directrices claires et accessibles au public pour la délivrance de PST dans ces cas afin d’assurer la transparence procédurale et l’harmonisation avec les obligations internationales en vertu de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant.
Surveiller les délais de traitement pour les personnes à charge des personnes protégées et mettre en œuvre des mesures correctives pour réduire les retards excessifs, réduire au minimum les préjudices et éviter les procédures inutiles de contrôle judiciaire. Cela comprend l’établissement de points de référence en matière de traitement et le suivi en temps opportun.
39. Améliorer l’accès aux titres de voyage pour réfugié. Délivrer automatiquement des titres de voyage pour réfugié à la suite d’une décision favorable de la SPR ou fournir des avis clairs, opportuns et multilingues informant les demandeurs d’asile acceptés de leurs obligations et des risques juridiques liés à l’obtention de titres de leur pays d’origine. Réduire les obstacles à la résidence permanente pour les réfugiés en évitant la perte involontaire de l’asile ou l’interdiction de territoire en raison du manque d’information.
40. Élargir l’admissibilité des éléments de preuve à l’appui à la SAR LIPR, paragraphe 110(4) Modifier le paragraphe 110(4) de la LIPR pour permettre une plus grande admissibilité des éléments de preuve à l’appui à la SAR, même si ces éléments de preuve auraient pu être raisonnablement disponibles au moment de la demande d’asile initiale. Les demandeurs d’asile qui invoquent la présomption de crédibilité peuvent ne pas prévoir qu’ils auront besoin d’une corroboration tant que la crédibilité n’a pas été contestée à la SPR.
La révision législative proposée permettrait de supprimer ou de réviser la clause empêchant l’admission d’éléments de preuve qui « auraient raisonnablement pu être présentés » à l’audience initiale. Le système d’appel devrait fonctionner comme un véritable mécanisme de correction des erreurs, et non comme un organisme de contrôle qui pénalise les failles imprévues dans l’établissement du dossier.
41. Officialiser le risque non lié à la convention dans les demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire LIPR, article 25 Ajouter un règlement accompagné d’une politique opérationnelle détaillée décrivant les types de risques qui ne sont pas visés par les définitions de réfugié au sens de la Convention et de protection élargie, mais qui peuvent être légitimement pris en considération en vertu des motifs d’ordre humanitaire (article 25).
Il peut s’agir, par exemple, de la violence fondée sur le sexe qui ne correspond pas à la définition de la Convention; des risques liés à l’effondrement de l’État, à la famine ou aux catastrophes naturelles; de la vulnérabilité particulière des apatrides ou des personnes LGBTQ+ dans des environnements non criminalisés, mais tout de même hostiles; des menaces découlant du crime organisé dans des régions où l’État ne veut pas ou ne peut pas offrir de protection.
42. Intégrer un cadre de risque non lié à la-protection dans la prise de décisions fondées sur des motifs d’ordre humanitaire et assurer la cohérence des politiques humanitaires Intégrer un « cadre de gestion des risques non lié à la protection » à la prise de décisions fondées sur des motifs d’ordre humanitaire, en rappelant aux agents qu’ils ont le pouvoir discrétionnaire de tenir compte d’un préjudice grave en dehors du régime de protection. De même, veiller à ce que les initiatives de politique publique visant à répondre aux crises humanitaires soient élaborées de manière transparente et cohérente.
VII. Admissibilité et interdiction de territoire : Restreindre et clarifier les dispositions relatives à l’application de la loi
43. Réexaminer le cadre de proportionnalité de l’interdiction de territoire Le cadre canadien d’interdiction de territoire doit être proportionnel, adapté au contexte et fondé sur l’équité. Les dispositions actuelles sont trop générales, appliquées de façon incohérente et, dans certains cas, incompatibles avec les principes fondamentaux de justice et de sécurité juridique. Une réforme est nécessaire pour harmoniser les règles d’interdiction de territoire avec les valeurs d’un système d’immigration moderne et respectueux des droits.
44. Codifier la procédure régulière dans les décisions relatives à l’interdiction de territoire : assurer la communication et l’examen des éléments de preuve Codifier le droit des demandeurs de recevoir les éléments de preuve sur lesquels reposent les décisions d’interdiction de territoire et d’y répondre, à quelques exceptions près pour des préoccupations étroitement définies en matière de sécurité nationale.
Appliquer une norme uniforme de « preuve crédible et fiable » dans toutes les affaires. Exiger des motifs écrits et assurer l’accès à des mécanismes d’examen valables pour promouvoir la transparence et la responsabilisation.
45. Clarifier l’interdiction de territoire fondée sur la sécurité : de l’association à la responsabilisation, LIPR, LIPR, articles 33 à 35 Réviser les articles 33 à 35 afin de garantir des définitions plus claires et des seuils plus élevés en matière d’interdiction de territoire pour raison de sécurité et de terrorisme. L’interdiction de territoire devrait exiger la preuve d’une participation de la personne à une conduite grave, et non d’une simple association ou d’une simple expression politique. La norme des « motifs raisonnables de croire » devrait être restreinte, et les procédures doivent permettre une communication et une réponse pertinentes. Les définitions doivent être conformes au droit international en matière de droits de la personne et aux normes constitutionnelles canadiennes.
Par exemple, imposer une « interdiction de territoire pour raison de sécurité » afin d’exiger la preuve d’une participation active et personnelle à des actes graves.
Exclure les décisions relatives à l’interdiction de territoire fondées uniquement sur l’expression politique, la seule appartenance ou l’appartenance historique sans intention.
Faire passer le seuil de preuve des « motifs raisonnables de croire » à une « preuve claire et convaincante » dans les cas d’interdictions ou de renvois prolongés.
Harmoniser les définitions et les procédures avec le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIRDCP).
46. Rétablir les garanties procédurales et les mécanismes d’obtention d’une dispense : LIPR, paragraphe 35(1), articles 42.1, 55 et 58 Rétablir le droit de demander une dispense ministérielle au titre de l’article 42.1 de la LIPR pour les personnes déclarées interdites de territoire, conformément à l’alinéa 35(1)c). Rétablir l’accès à la Section de l’immigration et à la Section d’appel de l’immigration pour les étrangers et les membres de leur famille qui sont visés par une interdiction de territoire fondée sur des sanctions. Instaurer des options de contrôle judiciaire ou quasi judiciaire pour les personnes touchées par une interdiction de territoire ou une détention fondée sur des sanctions aux termes des articles 55 et 58. Veiller à ce que les motifs de détention fondés sur les sanctions (en vertu des alinéas 55(3)b) et 58(1)c) de la LIPR) ne soient utilisés que dans des situations qui comportent un risque élevé et qui sont définies de façon claire.
47. Revoir les critères d’évaluation des déclarations de culpabilité prononcées à l’étranger LIRP, article 36 Instaurer des critères plus clairs pour évaluer les déclarations de culpabilité prononcées à l’étranger, notamment une évaluation du système juridique dans lequel la déclaration de culpabilité a été prononcée, la disponibilité des pardons et la proportionnalité de la conduite. Si une infraction est instruite par voie de déclaration sommaire selon les normes canadiennes, elle ne devrait pas être considérée comme un acte criminel. Il faut tenir compte de la réadaptation, des facteurs humanitaires, de la durée de résidence du demandeur au Canada et des liens familiaux. Les résidents permanents ne devraient pas faire l’objet d’une mesure de renvoi automatique ou de procédures de renvoi plus graves pour des déclarations de culpabilité ayant été prononcées il y a longtemps ou pour des infractions mineures, surtout lorsque l’infraction n’aurait pas le même poids en vertu de la loi canadienne.
48. Revoir la proportionnalité et la personnalisation dans l’application LIPR, articles 37 et 42 Modifier l’article 37 pour faire une distinction entre les principaux acteurs et les personnes ayant participé de façon marginale ou forcée au crime organisé. Exiger une preuve d’intention ou de participation concrète. Limiter l’article 42 (culpabilité par association) aux cas exceptionnels où il existe un lien clair entre les actes du demandeur et l’interdiction de territoire de son parent. Les membres innocents de la famille ne devraient pas être pénalisés pour une conduite qui est indépendante de leur volonté.
49. Assurer une interprétation plus large et plus juste LIPR, article 39 Une interprétation raisonnable et légitime de l’article 39 doit inclure l’argent provenant de toutes les sources, pas uniquement le revenu du travail ou les liquidités. Cela comprend :
  • la pension alimentaire pour conjoint ou le revenu partagé du ménage;
  • les engagements pris par les répondants du secteur privé (dans les cas de demande d’asile ou de réunification des familles);
  • l’aide financière qui peut être fournie par la famille élargie ou par les réseaux communautaires;
  • le soutien en nature (p. ex. logement, nourriture, prestation de soins).
Cette approche permet de s’assurer que l’interdiction de territoire n’est pas imposée injustement aux personnes qui, bien qu’elles ne soient pas riches, ont mis en place des structures de soutien fiables.
Cette modification nécessiterait une mise à jour des lignes directrices internes et de la formation donnée aux agents afin de s’assurer que toutes les formes de soutien — y compris les ressources non traditionnelles ou familiales — sont prises en compte de façon significative dans les constats d’interdiction de territoire pour motifs financiers aux termes de l’article 39. Cela favorise une approche plus juste et fondée sur des données probantes pour l’évaluation aux fins de l’immigration et les appels en matière d’immigration.
50. Adopter un cadre proportionnel et transparent en vue de traiter les fausses déclarations Modifier l’article 40 de la LIPR dans le but d’établir une approche équitable et progressive à l’égard des conclusions de fausses déclarations. Le modèle binaire actuel — qui applique la même sanction, quel que soit l’intention, l’incidence ou le contexte — devrait être remplacé par un cadre à échelle mobile qui fait la distinction entre les erreurs techniques, la négligence et la fraude délibérée. Des conséquences adaptées devraient être disponibles. Il pourrait s’agir de mesures correctives aux conclusions d’interdiction de territoire, et les sanctions les plus graves seraient réservées à une inconduite manifeste.
Les agents devraient être tenus de classifier le type de manquement, de fournir des motifs écrits et de tenir compte de facteurs énoncés dans la Loi ou le Règlement comme l’intention, le caractère significatif, la vulnérabilité, la conformité antérieure et les efforts déployés pour corriger le problème. Dans le cas d’une première infraction ou d’une infraction mineure, un mécanisme d’« avis de prendre des mesures correctives » devrait être mis en place afin de favoriser la conformité sans qu’il soit nécessaire d’imposer des sanctions immédiates. L’article 40.1 devrait également être modifié pour s’assurer que la perte de l’asile n’entraîne pas l’interdiction de territoire, à moins qu’il n’existe une preuve manifeste de mauvaise foi. IRCC et l’ASFC devraient publier des directives et des sommaires de décisions anonymisés afin d’accroître la transparence, l’uniformité et la confiance du public dans l’intégrité du système d’immigration.
51. Éliminer l’interdiction automatique des peines de six mois LIPR, art. 64(2) Supprimer le délai d’appel rigide fondé uniquement sur une peine de six mois afin de permettre des évaluations individualisées prenant en compte les circonstances atténuantes.
52. Introduire une évaluation formalisée des risques et de la proportionnalité au stade de l’article 44 Exiger des agents de l’ASFC qu’ils évaluent la gravité de l’interdiction de territoire, les liens de la personne avec le Canada, les efforts de réadaptation et les considérations humanitaires lors de l’ouverture d’une procédure d’exécution.
Classer les cas en fonction du niveau de risque (par exemple, grande criminalité, violations techniques, facteurs humanitaires) afin d’orienter les mesures d’exécution ou les mesures alternatives appropriées.
53. Élaborer un système centralisé de suivi et de contrôle pour les rapports relatifs à l’article 44 Créer un système de gestion des cas pour suivre les décisions et les résultats, afin de garantir la transparence, la cohérence et la responsabilisation des mesures d’éloignement. Exiger une supervision pour tous les rapports de l’article 44 impliquant des résidents de longue durée, des personnes dont les membres de la famille sont citoyens canadiens, ou des cas soulevant des questions relatives à la Charte ou aux droits internationaux de la personne.
54. Instaurer des délais fixes pour déférer une affaire et de mécanismes d’évaluation des retards Instaurer un délai fixe (p. ex. 24 mois) au cours duquel l’ASFC doit établir un rapport au titre de l’article 44 à la suite du prononcé d’une déclaration de culpabilité au criminel, à moins qu’il n’y ait des circonstances exceptionnelles. Après ce délai, la procédure de renvoi exigerait qu’une justification soit donnée et que l’autorisation du ministre soit obtenue.
Modifier le RIPR pour exiger que toutes les mesures d’application de la loi prévues à l’article 44 démontrent qu’il a été fait preuve de rapidité d’exécution, les décideurs étant tenus d’évaluer le retard et sa justification avant de prendre une mesure de renvoi.
55. Renforcer la confiance du public grâce à un processus transparent et au cas par cas Renforcer un système qui fait preuve de proportionnalité et d’équité, conformément aux obligations du Canada en matière de droits de la personne et en préservant l’intégrité du système d’immigration. Veiller à ce que les contrevenant vraiment graves soient renvoyés rapidement et rétablir un mécanisme essentiel permettant d’obtenir des résultats justes et proportionnés dans les décisions d’immigration. Ce changement renforcerait la sécurité publique tout en réaffirmant l’engagement du Canada en faveur de l’équité et de la réadaptation, des valeurs qui définissent la tradition juridique du pays tout autant que la nécessité de protéger le public.
56. Définir le terme « sanctions » dans la LIPR et le RIPR LIPR, article 2 RIPR, article 2 Définir le terme « sanctions » dans la LIPR et le RIPR, et modifier la LIPR et le RIPR afin d’y inclure une définition juridique claire de « sanctions », en précisant : quels textes législatifs sont reconnus (p. ex. la LMES, la loi de Sergueï Magnitski); si les sanctions doivent viser directement des personnes ou des entités; quelles incidences les sanctions auraient‑elles sur le statut d’immigrant des demandeurs principaux et des membres de leur famille.
Préciser si l’interdiction de territoire devrait s’appliquer : Seulement lorsque la partie faisant l’objet de sanctions est personnellement impliquée dans une conduite portant atteinte aux droits de la personne ou internationaux, ou encore dans des cas où des sanctions purement économiques ou géopolitiques ont été imposées sans qu’il ait été démontré que la partie a, elle‑même, commis un acte répréhensible.
Fournir des directives juridiques sur le traitement des sanctions ou la réalisation des enquêtes en attente dans le cadre du processus décisionnel en matière d’immigration, et codifier de façon distincte les seuils ou les critères d’évaluation de la culpabilité individuelle des mesures prises par l’État.
57. Gérer les conséquences imprévues pour les personnes à charge, les répondants et les réfugiés LIPR, alinéas 42a) et 42b) Modifier les alinéas 42a) et 42b) de la LIPR dans le but de limiter l’imposition d’une interdiction de territoire générale à l’égard des personnes à charge et des membres de la famille en cas d’imposition de sanctions. Instaurer des exemptions ou un pouvoir discrétionnaire lorsque les membres de la famille ne sont pas directement complices de la conduite ayant entraîné l’imposition de sanctions. Fournir des directives claires et des protections procédurales aux citoyens naturalisés et aux résidents permanents souhaitant parrainer des membres de leur famille qui pourraient être indirectement touchés par la conduite. Exiger qu’IRCC publie des lignes directrices sur les sanctions qui emportent interdiction de territoire, et dans quelles circonstances des sanctions doivent être imposées.
Adopter une modification législative prévoyant que la reconnaissance du statut de réfugié par le Canada entraîne automatiquement le retrait du nom de la personne de la liste des sanctions canadiennes à des fins d’immigration. Cela garantit un accès immédiat aux services de réinstallation, aux services de résidence permanente et aux services d’intégration sans devoir faire face à d’autres obstacles. Confirmer et protéger l’accès aux demandes d’asile et à l’examen des risques avant renvoi (ERAR) pour toutes les personnes touchées par les sanctions, mais qui n’ont pas, elles‑mêmes, commis d’actes répréhensibles.
58. Harmoniser les sanctions dans les lois connexes Assurer l’harmonie législative entre les lois : Préciser l’application des « sanctions » en vertu du paragraphe 10.1(4) de la Loi sur la citoyenneté, particulièrement en ce qui concerne la révocation de la citoyenneté. Harmoniser les paragraphes 10.5(1) et 10.1(4) de la Loi sur la citoyenneté afin de garantir une cohérence interne quant aux motifs pouvant justifier la révocation de la citoyenneté. Fournir des définitions explicites ou des renvois dans la Loi sur les mesures d’urgence pour s’assurer que les dispositions portant sur les mesures de renvoi prises en fonction des sanctions imposées n’entrent pas en conflit avec les protections prévues par la Charte, ou avec les droits des réfugiés.
59. Mettre en œuvre un processus de redressement des sanctions Mettre en œuvre un processus administratif indépendant permettant aux personnes de remettre en question la désignation de leurs sanctions, conformément à la recommandation 8 du rapport de 2017 du Comité permanent.
VIII. Mettre en place un système d’immigration équitable et prêt pour l’avenir
60. Mettre en œuvre des mesures systémiques pour simplifier le traitement des demandes d’immigration et pour assurer l’équité Mettre en place des mesures systémiques pour éliminer les arriérés et les retards de traitement des demandes, y compris des mécanismes de réception des demandes qui sont transparents, des délais prévisibles et des mises à jour en temps réel de l’état d’avancement des cas. Des programmes comme le volet de parrainage des parents et des grands‑parents devraient être remaniés pour tenir compte de la gravité de la réunification des familles, avec des critères clairs et une planification stable et à long terme. Les systèmes de triage automatisés doivent fonctionner selon des critères communiqués au public, avec une surveillance du rendement et des pistes de vérification pour assurer l’équité et la responsabilisation.
61 Établir des normes de service claires pour le traitement des TVRP Établir des normes de service claires visant le traitement des demandes de titres de voyage pour résident permanent (TVRP), notamment des voies d’accès accélérées pour les cas urgents ou les cas de personnes admises pour des raisons humanitaires. La communication doit être améliorée au moyen de mises à jour en temps opportun, de vérifications de l’état d’avancement de la demande qui sont accessibles et de lettres de décision qui comprennent des motifs précis rédigés en langage clair et les prochaines étapes. Des normes de service claires sont essentielles pour garantir que les résidents permanents à l’étranger ne soient pas laissés dans un vide juridique ou pratique raison de délais de traitement prolongés ou d’un manque de communication.
62. Améliorer la prise de décisions en matière d’immigration grâce à une formation complète à l’intention des agents Élaborer un cadre national de formation pour les agents d’immigration, inspiré des pratiques exemplaires comme celles du College of Immigration Officers de l’Australie. La formation de base devrait comprendre la rédaction en langage clair, les entrevues tenant compte des traumatismes, le savoir‑faire culturel et les principes d’équité procédurale. L’instruction spécialisée devrait favoriser une évaluation cohérente et fondée sur des principes de la crédibilité, de la discrétion et des risques pour tous les décideurs.
63. Mettre en œuvre des mécanismes robustes de vérification et d’établissement de rapports dans les systèmes d’immigration Comme indiqué ci-dessus, appliquer les normes de service en vertu de la Loi sur les frais de service et exiger l’établissement, à intervalle régulier, de rapports destinés au public et portant sur le rendement du traitement des demandes, ventilé par volet, par région et par point de décision. Mettre en œuvre des vérifications du rendement continues pour cerner les retards, évaluer les disparités et améliorer l’uniformité. Les outils de PDA doivent comprendre des fonctions de vérification intégrées, une supervision externe et l’accès aux données aux fins d’examen indépendant. La mobilisation des intervenants, y compris la consultation régulière des professionnels du droit et de la société civile, devrait être intégrée à l’élaboration des politiques opérationnelles.
64. Tirer parti de l’analyse des données pour une prise de décisions équitable et fondée sur des données probantes Élargir l’utilisation de l’analyse des données pour appuyer la prise de décisions équitables et fondées sur des données probantes, tout en assurant la prise de mesures de protection des renseignements personnels, de transparence et de responsabilisation. Les données doivent être examinées régulièrement pour détecter et corriger les préjugés systémiques et faire le suivi des expériences des demandeurs par région, par volet et par groupe démographique. Utiliser l’analyse pour cerner les goulots d’étranglement des processus, orienter les besoins en formation et soutenir une conception de services plus adaptée et inclusive.
65. Mettre en œuvre des mesures systémiques pour simplifier le traitement des demandes d’immigration et assurer l’équité, RIPR, alinéa 186(u) et article 182 Supprimer « s’il est demeuré au Canada après l’expiration de son permis de travail » et modifier l’article 182 pour permettre au demandeur de travailler ou d’étudier pendant le traitement d’une demande de rétablissement du statut qui a été déposée en temps opportun. Nous recommandons d’envisager un modèle de permis transitoire, comme celui utilisé en Australie afin de favoriser la continuité du statut et de réduire les perturbations pour les travailleurs et les étudiants.
66. Mettre en place un processus transparent afin d’établir les plafonds au nombre de demandes et gérer les files d’attente Adopter un processus clair et responsable visant à établir ou à adapter les plafonds dans l’ensemble des volets des résidents temporaires. Cela devrait comprendre un préavis public, une justification des plafonds, une mise en œuvre limitée dans le temps et un examen périodique en vue de garantir la pertinence et l’équité.
67. Assurer la communication des conséquences relatives à la demande une fois les plafonds atteints Communiquer clairement aux demandeurs que les demandes présentées après l’atteinte d’un plafond peuvent ne pas être acceptées ou traitées. Cela est particulièrement important pour les catégories de demandes urgentes comme les visas de résident temporaire (VRT).
68. Mobiliser les intervenants et surveiller les répercussions des mesures de gestion des demandes Mener des consultations, sur une base régulière, avec les intervenants judiciaires et communautaires au moment d’établir des plafonds ou d’interrompre la réception des demandes. Rendre compte publiquement de la justification, de l’incidence et de l’efficacité des outils de gestion des demandes afin de promouvoir la responsabilisation et l’amélioration continue.
69. Éliminer les obstacles inutiles : Favoriser la mobilité des travailleurs et des étudiants Modifier le RIPR et les directives opérationnelles pour :
  • permettre aux travailleurs temporaires au Canada de commencer à travailler pour un nouvel employeur sur présentation d’une nouvelle demande d’EIMT propre à l’employeur et sur délivrance d’un accusé de réception;
  • permettre aux étudiants étrangers de commencer leurs études dans un nouvel établissement d’enseignement désigné après avoir déposé un avis de changement d’école, sans qu’il soit nécessaire de délivrer au préalable un nouveau permis d’études.
70. Protéger les travailleurs, favoriser la responsabilisation : Modifier les sanctions imposées aux employeurs aux termes du RIPR Recommander la mise en œuvre d’un cadre de sanctions imposées à l’employeur qui sont plus équitables et qui ne pénalisent pas les demandeurs pour la conduite d’autrui. Une caractéristique comprendrait l’établissement d’un cadre officiel permettant de déclarer et de corriger soi‑même l’erreur au titre du RIPR :
  • en permettant aux demandeurs et aux employeurs de signaler de façon volontaire les erreurs et de les corriger ou de signaler les cas de non‑conformité et les corriger (p. ex., fausses déclarations mineures ou omissions de documents) avant que des mesures punitives ne soient prises;
  • en créant un espace pour les résultats réparateurs—comme les ententes de conformité ou les approbations conditionnelles—au lieu de l’interdiction de territoire ou des interdictions automatiques;
  • en précisant que les travailleurs ne seront pas pénalisés pour les infractions commises par l’employeur, à condition qu’ils ne soient pas au courant de la non‑conformité ou qu’ils n’aient aucun contrôle sur celle‑ci;
  • en veillant à ce que les sanctions imposées à l’employeur soient proportionnelles, ciblées et axées sur l’inconduite délibérée et systémique et non sur les erreurs commises de bonne foi.
71. Définir les facteurs d’admissibilité et de sélection des candidats dans le Règlement LIPR, articles 11 et 20 et RIPR, article 220 Un concept potentiel consiste à définir les facteurs d’admissibilité et de sélection des candidats dans le Règlement, conformément aux articles 11 de la LIPR (exigences relatives à la demande) et 20 de la LIPR (exigences relatives aux résidents temporaires), y compris les antécédents scolaires, les compétences linguistiques, la suffisance financière et l’harmonisation du marché du travail et la demande régionale.
72. Modifier le RIPR afin d’autoriser l’instauration d’un système de déclaration d’intérêt pour les visas de résident temporaire LIPR, paragraphes 10.1 à 10.3, articles 20, 25.2, 87.3, 207, 211.1 et 216(1) Réflexion sur la modélisation des permis d’études et des VRT sur la base de l’article 10.1 du RIPR (déjà utilisé pour l’Entrée express). Nouvelles dispositions dans la partie 9 du RIPR (Résidents temporaires), inspirées du paragraphe 10.1 du RIPR et adaptées aux catégories de visiteurs et de permis d’études.
Modifier le RIPR afin d’inclure des critères d’attribution basés sur les performances pour les établissements d’enseignement désignés : Sur la base des résultats, de la conformité (article 211.1 du RIPR) et de la capacité à soutenir les étudiants étrangers.
Permettre des systèmes de triage et d’admission assistés par l’IA, avec une supervision humaine, grâce à de nouvelles dispositions aux articles  10.1 à 10.3 du RIPR (reflétant la fonctionnalité du système d’Entrée express pour les volets des VRT et du Programme des étudiants étrangers).
73 Autoriser la conclusion de nouveaux accords au niveau municipal Modifier la LIPR afin d’autoriser explicitement le ministre à conclure des ententes avec les municipalités à l’appui des voies d’immigration et d’intégration axées sur l’éducation.
74. Créer de nouvelles voies pour les permis d’étude Créer de nouvelles catégories de permis d’études réglementaires en vertu de la partie 9 du RIPR : « Catégorie de permis d’études pour les professions en demande », liée à la classification nationale des professions du Canada; « volet collégial » et « volet universitaire » distincts, permettant des normes d’admissibilité personnalisées en vertu de l’article 216(1) du RIPR, « Catégorie de permis d’études pour les candidats des municipalités », structure similaire à l’article 87.3 du RIPR (PNP), « Catégorie de permis d’études humanitaires », modifier le RIPR pour inclure des considérations d’ordre public en vertu de l’article 25.2 de la LIPR et de l’article 207 du RIPR.
75. Introduire de nouvelles voies pour les VRT Modifier l’article 179 du RIPR (délivrance de VRT) afin d’introduire des catégories de VRT basées sur l’objet du voyage : VTR pour les voyages humanitaires/urgents, VTR pour la famille, VTR pour les affaires, VTR pour les touristes.
76. Réduire au minimum le dédoublement et la complexité des systèmes des points d’Entrée express Les critères relatifs au SCG doivent être définis dans le RIPR. Cela améliorerait la transparence, l’uniformité et la certitude juridique dans la sélection des résidents permanents. IRCC devrait passer à un système d’évaluation unique fondé sur des points pour toutes les voies d’accès d’Entrée express. Plus précisément :
  • éliminer la nécessité de calculer des points propres au programme (p. ex., la grille pour la catégorie Travailleur qualifié fédéral) aux fins de la sélection de candidats dans Entrée express;
  • utiliser un modèle unique fondé sur le Système de classement global comme seul facteur déterminant du classement et de l’admissibilité des candidats dans l’ensemble des programmes d’Entrée express;
  • conserver les critères d’admissibilité de base (âge, langue, expérience de travail) par volet, mais supprimer les seuils numériques redondants.
Exemple de simplification proposée
Système actuel Réforme recommandée
Programme des travailleurs qualifiés (fédéral) : Seuil de 67 points + SCG Éliminer le seuil de 67 points
PCP : Admissibilité du candidat + SCG Utiliser uniquement le Système de classement global aux fins du classement
Catégorie de l’expérience canadienne : Admissibilité + SCG Maintenir tel quel
SCG : Élément commun à tous les systèmes Conserver et codifier dans le Règlement
77. Mettre en place une voie d’accès pour les investisseurs Mettre en place un programme de résidence selon la catégorie des investisseurs offrant des options d’investissements passifs dans : 1) un fonds de développement régional, 2) des infrastructures vertes ou 3) du capital de risque canadien. Les niveaux d’investissement par paliers (de 500 000 $ à 2 M $) pourraient correspondre à un traitement accéléré ou à l’admissibilité des membres de la famille.
78. Mettre en place une voie d’accès pour les entrepreneurs Créer un visa d’entrepreneur fédéral distinct du visa pour les entreprises en démarrage pour les demandeurs qui : 1) possède de l’expérience en tant que propriétaire d’entreprise ou en gestion d’entreprise, 2) propose d’acquérir ou d’agrandir une entreprise canadienne ou 3) participe à des projets économiques dans les régions rurales ou dans les petites collectivités.
79. Faire connaître les caractéristiques du programme d’immigration des gens d’affaires Lancer un programme ciblé pour les immigrants afin de leur permettre d’acquérir et d’exploiter des PME canadiennes existantes qui risquent de fermer en raison du départ à la retraite du propriétaire. Jumeler les demandeurs avec les entreprises au moyen d’un portail géré par le gouvernement.
Fournir des points de bonification en matière d’immigration, des voies d’accès à la résidence permanente accélérées ou des incitatifs financiers pour les investissements ou les entreprises situées dans : 1) les régions rurales ou éloignées, 2) les régions où il y a pénurie de main‑d’œuvre ou 3) les régions à faible croissance démographique.
Exiger la publication de la valeur nette vérifiée, la vérification de la provenance des fonds et la validation des activités par des tiers pour garantir l’intégrité du programme. Établir des critères fondés sur le rendement pour la résidence permanente (p. ex., réussite en affaires, création d’emplois).
Créer un Conseil fédéral de l’immigration des gens d’affaires pour assurer la coordination avec les provinces, les organismes de développement régional et les intervenants du secteur privé. Harmoniser l’immigration avec les objectifs de développement économique.
Mettre en œuvre des examens réguliers des programmes et publier des mesures de rendement (p. ex., montants des investissements, taux de maintien en poste, répercussions économiques). Éliminer les programmes pilotes qui ont un rendement inférieur et mettre à l’échelle les modèles efficaces.
Financer des services dédiés aux entrepreneurs immigrants, y compris du mentorat, de la formation linguistique, l’accès au financement et des conseils réglementaires adaptés aux nouveaux arrivants.
80. Réformer le Programme des travailleurs autonomes et du Programme d’immigration des gens d’affaires Rétablir le Programme des travailleurs autonomes en y apportant des réformes qui s’assurent qu’il appuie le mandat de développement économique du Canada, tout en maintenant l’accessibilité pour les talents de calibre mondial dans les domaines non traditionnels :
  • Augmenter le seuil d’évaluation financière pour refléter une plus grande importance accordée à la stimulation économique et à la durabilité après l’arrivée du demandeur.
  • Instaurer un système d’inscription et de classement, semblable à celui d’Entrée express, en vue de permettre à IRCC de contrôler le nombre de cas en instance au moyen d’invitations ciblées à présenter une demande.
  • Instaurer un mécanisme révisé de sélection par points pour les candidats dans le cadre du Programme des travailleurs autonomes, adapté pour mesurer :
  • la préparation économique (fonds disponibles, historique des revenus);
  • la réalisation dans le cadre d’activités culturelles ou sportives (incidence au niveau national ou international);
  • les compétences linguistiques et le potentiel d’intégration;
  • la contribution au développement économique local ou régional.
81. Mettre en place une stratégie de réduction de l’arriéré en plusieurs phases IRCC devrait mettre en œuvre une stratégie de réduction de l’arriéré en plusieurs étapes, notamment :
  1. Transparence publique : Diffuser les calendriers de traitement et les statistiques relatives au nombre de cas en instance à jour.
  2. Réorientation volontaire du programme : Offrir aux candidats admissibles la possibilité de se retirer leur demande ou de passer à des voies d’accès restructurées (p. ex. programmes pilotes pour les entrepreneurs).
Unités de traitement dédiées : Mettre sur pied des équipes spécialisées au sein d’IRCC pour accélérer le règlement des dossiers en matière d’immigration des gens d’affaires dont les demandes sont en attente de traitement.
82. Poursuivre les programmes de régularisation des travailleurs sans statut légal En tirant profit des leçons tirées des efforts de régularisation déployés par le passé, tout programme à venir pour les personnes sans statut devraient équilibrer les objectifs d’ordre humanitaire, économique et de primauté du droit, c’est‑à‑dire permettre aux personnes sans statut légal de présenter une demande sans crainte de subir des conséquences, de contribuer pleinement et, le cas échéant, de passer à un statut légal complet.
83. Protéger et confirmer le droit d’être représenté par un avocat en droit de l’immigration en tant que garantie constitutionnelle IRCC devrait reconnaître et promouvoir officiellement le droit constitutionnel d’être représenté par un avocat dans le cadre de toutes les procédures d’immigration et de statut de réfugié, et plaider en faveur d’une réforme législative qui enchâsse ce droit dans la LIPR.
84. Exempter les avocats de l’imposition de sanctions administratives pécuniaires IRCC doit modifier son cadre stratégique sur les sanctions administratives pécuniaires pour y inclure une exemption pour la catégorie des avocats, en tenant compte de leurs régimes de déontologie professionnelle existants.
85. Renforcer les messages destinés au public concernant les avocats Afin de renforcer la primauté du droit, d’accroître l’efficacité du système et de favoriser une plus grande confiance du public à l’égard du processus d’immigration canadien, IRCC devrait prendre des mesures concrètes pour reconnaître et intégrer officiellement les avocats spécialisés en droit de l’immigration à l’élaboration de ses stratégies de prestation de services, d’élaboration de politiques et de messages destinés au public.
Le rôle des avocats doit être clairement reconnu et respecté dans le cadre de toutes les procédures administratives à IRCC. Cela comprend la reconnaissance officielle dans le cadre de la réception des dossiers, le traitement de la correspondance, les lettres relatives à l’équité procédurale, les demandes de renseignements sur l’état d’avancement des demandes, la planification des entrevues et la communication après la décision. Les agents et les décideurs devraient suivre une formation leur permettant de comprendre quelles sont les obligations juridiques et éthiques des avocats, et de traiter les représentants comme des participants essentiels au processus de justice administrative, et non seulement comme des tiers. De plus, IRCC devrait recueillir et publier des données anonymisées dans le but d’évaluer l’incidence de la participation des représentants autorisés sur la qualité des demandes, l’efficacité du système et la décision rendue.
En faisant passer le rôle des avocats d’acteurs externes à celui de partenaires collaborateurs, IRCC renforcera l’intégrité et l’efficacité de ses programmes d’immigration. Le fait d’assurer leur pleine participation aux processus administratifs réduira les erreurs, les malentendus et les retards, tout en réaffirmant l’engagement du Canada à l’égard d’un système d’immigration équitable, transparent et responsable sur le plan professionnel.
86. Garantir l’accès des avocats et la communication dans le cadre de la modernisation des programmes d’immigration Les avocats devraient participer de façon concrète à l’élaboration et à la mise en œuvre de nouveaux programmes, d’initiatives pilotes et de plateformes numériques. L’infrastructure numérique d’IRCC doit également être améliorée pour s’assurer que les avocats ont un accès sécurisé et continu aux systèmes de demandes, reçoivent des mises à jour en temps réel et sont pleinement intégrés aux communications avec les clients.
87. Réglementer et intégrer de façon transparente l’IA et la PDA à la CISR Au fur et à mesure que la CISR devient un tribunal numérique, elle doit intégrer des mesures de protection claires dans ses Règles afin de faire face à l’utilisation croissante de l’IA et de la PDA automatisée. Bien que la modernisation numérique puisse améliorer l’efficacité et l’accès, elle comporte également des risques importants de préjugés, de discrimination et de marginalisation électronique.
Pour prévenir l’utilisation abusive des outils d’IA générative dans les observations et les éléments de preuve, la CISR devrait adopter une règle de communication obligatoire du fait que l’IA a été utilisée, qui soit semblable à l’avis relatif à l’utilisation de l’IA de la Cour fédérale. L’avis de la Cour fédérale exige que soit divulguée l’utilisation de l’IA pour « créer » des actes de procédure ou des éléments de preuve. Cela favorise la transparence et renforce l’intégrité procédurale, tout en permettant aux technologies administratives non essentielles de demeurer hors du champ d’application de la règle. Les Règles de la CISR doivent également exiger que soient réalisées des évaluations de l’incidence algorithmique, des évaluations des facteurs relatifs à la vie privée, ainsi que la communication des cadres décisionnels lorsque des outils d’IA sont déployés pour le triage, la mise au rôle ou tout autre aspect du processus décisionnel.
88. Maintenir des solutions de rechange centrées sur l’humain et prévenir le fossé numérique La CISR doit s’engager à conserver des options d’accès non numérique à la justice dans ses nouvelles Règles. De nombreux demandeurs d’asile et appelants—en particulier les personnes qui ne sont pas représentées par un avocat, les personnes âgées, les personnes à faible revenu ou les personnes récemment arrivées—peuvent ne pas avoir un accès fiable à Internet, aux appareils ou à la littératie numérique.
Pour garantir l’équité, toutes les parties doivent conserver la capacité de communiquer avec la CISR par des moyens non numériques, le cas échéant. Parallèlement, la CISR devrait veiller à ce que toutes les communications, tous les formulaires et toutes les directives relatives à la procédure soient fournis dans un langage clair, en plusieurs langues et dans des formats accessibles, en vue d’appuyer la compréhension et la participation concrète d’un bassin diversifié de demandeurs.
89. Moderniser et consolider les règles autonomes en matière d’immigration à la Cour fédérale Le nombre croissant de cas d’immigration entendus par la Cour fédérale met en évidence qu’il faut avoir des règles modernisées, rationalisées et propres au secteur d’activité. Il est nécessaire et opportun d’effectuer un examen de l’interaction entre les Règles des Cours fédérales et les Règles des Cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés. IRCC et le ministère de la Justice devraient appuyer la création d’un sous‑comité sur la réforme des procédures d’immigration afin d’évaluer si un ensemble distinct et consolidé de règles en matière d’immigration réduirait la complexité et améliorerait l’accès à la justice. Ce faisant, la Cour peut réagir rapidement à l’augmentation du nombre d’affaires et aux réalités technologiques.
90. Appuyer le ressourcement durable de la Cour fédérale et la simplification de ses structures de dépôt et le nouvel échéancier Pour maintenir l’efficacité et l’indépendance de la Cour fédérale dans un contexte de demande croissante et de transformation numérique, IRCC devrait appuyer la prise de mesures qui renforcent la capacité de la Cour. Plus précisément, nous recommandons que les frais de dépôt pour les affaires d’immigration présentées devant la Cour fédérale soient doublés, l’excédent étant consacré exclusivement au ressourcement
de la Cour.
91. Standardiser le délai pour le dépôt des demandes d’autorisation et de contrôle judiciaire Le délai de dépôt des demandes d’autorisation et de contrôle judiciaire devrait être normalisé à 60 jours, quel que soit l’emplacement d’où provient la demande, afin de réduire la confusion et de simplifier la conformité des demandeurs. Ces modifications aideront à établir un équilibre entre l’accès accru aux recours juridiques rendu possible par l’automatisation et la capacité institutionnelle nécessaire pour assurer une justice raisonnée en temps opportun.
92. Établir une base de données centralisée contenant des documents juridiques et des politiques en matière d’immigration IRCC devrait élaborer et tenir à jour une plateforme numérique unique qui regroupe la législation sur l’immigration (LIPR, RIPR), les instructions ministérielles, les instructions sur l’exécution de programme, les bulletins opérationnels, les guides de politiques, les formulaires, ainsi que d’autres documents d’orientation. Ce système doit être mis à jour en temps réel et refléter les versions actuelles et archivées à des fins de référence historique.
S’assurer que la plateforme est consultable, accessible et gérée par des professionnels
La base de données doit comprendre un moteur de recherche avancée, des hyperliens qui mènent aux documents connexes (p. ex., relier les dispositions législatives à la politique correspondante), et un outil intégré de suivi des versions. La direction doit relever d’une unité spécialisée d’IRCC afin d’assurer la surveillance, les mises à jour régulières et l’entretien du matériel.
Le Canada devrait s’inspirer de la plateforme Legend.com utilisée par le ministère australien de l’Intérieur, qui offre un accès par abonnement à une base de données juridique centralisée de documents sur l’immigration. La version canadienne devrait maintenir les niveaux d’accès public et sous licence, afin de favoriser la transparence et son utilisation par les professionnels.
93. Inclure l’accès et la participation des représentants autorisés Les représentants autorisés devraient avoir un accès complet à la plateforme afin d’améliorer la qualité de la représentation, de réduire les erreurs évitables et de favoriser une plus grande uniformité dans la préparation de la demande et l’interprétation des politiques qui évoluent constamment.
94. Appuyer les principes du gouvernement ouvert en publiant une politique interne qui peut être communiquée Lorsque des instructions opérationnelles et des directives internes peuvent être communiquées en vertu des cadres actuels de protection de la vie privée et d’accès à l’information, elles doivent être incluses
dans la base de données. La transparence du processus décisionnel favorise l’équité procédurale, réduit le nombre de litiges et de demandes d’accès à l’information, et préserve la réputation du Canada en ce qui concerne la gouvernance en matière d’immigration fondée sur la primauté du droit.
IX. Compétence partagée et collaboration pangouvernementale
95. Élaborer une stratégie multilatérale en matière d’immigration Modifier la LIPR pour y inclure des dispositions exigeant une collaboration structurée FPT et municipale en matière d’élaboration de politique d’immigration, de conception de programmes, d’échange de données et de planification à long terme.
La reconnaissance législative des municipalités et des organisations de la société civile en tant qu’intervenants clés, y compris les rôles officiels de consultation et de mise en œuvre des politiques, doit être ajoutée à la Loi.
96. Institutionnaliser des partenariats FPT et municipaux Établir des mécanismes pour l’élaboration d’une stratégie multilatérale en matière d’immigration qui soit inclusive et qui fasse participer des acteurs fédéraux, provinciaux, territoriaux, autochtones, municipaux et de la société civile.
97 Respecter le traité de Jay : Légiférer sur la mobilité transfrontalière des Autochtones, LIPR, article 19 Modifier l’article 19 pour affirmer explicitement les droits à la mobilité transfrontalière des peuples autochtones, en faisant référence au Traité de Jay, et consulter les gouvernements autochtones pour élaborer le nouveau libellé.
98. Renforcer les systèmes de reconnaissance des titres de compétences grâce à la collaboration fédérale‑provinciale Confier au leadership fédéral le mandat de réunir des organismes de réglementation des professionnels pour appuyer la reconnaissance transparente et en temps opportun des titres de compétences au moyen d’ententes FPT officielles.
99. Établir une stratégie nationale en matière de données sur l’immigration Rendre obligatoire la création d’une stratégie coordonnée en matière de données sur l’immigration FPT afin de garantir la collecte, le partage et la communication de données opportunes, cohérentes et désagrégées. Cela permettrait de soutenir l’élaboration de politiques fondées sur des données probantes, d’améliorer la réactivité des programmes et de renforcer la transparence à tous les niveaux de gouvernement.
100. Intégrer les principes d’équité, de diversité et d’inclusion dans la gouvernance de l’immigration Modifier la LIPR pour exiger que les politiques d’immigration, l’élaboration des programmes et les cadres décisionnels intègrent des considérations relatives à l’équité, à la diversité et à l’inclusion. Cela inclut des mécanismes formels de consultation des communautés historiquement marginalisées et la garantie que les systèmes d’immigration s’attaquent de manière proactive aux obstacles systémiques.

 

Notes de Fin

1 Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, Global Trends: Forced Displacement in 2023 (Genève : HCR, 2024), p. 5

2 Rapport 9 de la vérificatrice générale du Canada – Le traitement des demandes de résidence permanente – Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, 2023, en ligne., et Comité permanent sur la Citoyenneté et l’immigration, Ottawa (novembre 2022), Promoting Fairness in Canadian Immigration Decisions,44e Parlement, 1e session 2022 (présidente: Salma Zahid) à la page 59, en ligne.

3 Association du Barreau canadien, Résolution 24-12-A, Utilisation de l’intelligence artificielle en droit de l’immigration et dans la prestation de services (février 2024).

4 Bellissimo, Mario, Conférence nationale de l’ABC, juin 2025, Victoria, Colombie-Britannique, Techno Centric-Decision-Making in Canadian Immigration Law and Practice: Artificial Intelligence and Automated Assisted Decision Making Deployment, How Can the Existing Canadian Immigration Legal Eco-System and Immigration Advocates Respond to the Use of AI Technologies?» (avril 2025), pp. 11-15, 39-45.

5 Conseil canadien pour les réfugiés, ”Bill C-50 : 10 reasons to be Concerned,” (2008). En ligne.

6 Craig Damian Smith, Sean Rehaag et Trevor C.W. Farrow, Access to Justice for Refugees: How Legal Aid and Quality of Counsel Impact Fairness and Efficiency in Canada’s Asylum System (Toronto : Forum canadien sur la justice civile, 2021). En ligne.

7 Bellissimo, Mario, Canadian Citizenship and Immigration Inadmissibility Law, 2nd ed (Toronto: Thomson Reuters, 2014–2025) au ch. 1, 1:2–1:3.

8 La crise des permis d’études, les projets pilotes pour les aides familiaux, le programme de visas pour les entreprises en démarrage, la voie d’accès des travailleurs de la construction sans statut, les tirages ciblés d’Entrée express, la loterie du Programme de parrainage des parents et des grands-parents et les programmes de politiques d’intérêt public précipités ne sont que quelques exemples de déploiements qui ont échoué à bien des égards.

9 Comité permanent sur la Citoyenneté et l’immigration, Ottawa (novembre 2022), Promoting Fairness in Canadian Immigration Decisions,44e Parlement, 1e session 2022 (présidente: Salma Zahid) à la page 74, recommandation 31.

10 Close Hyndman, Kyle, " Skilled Worker Selection and the Flawed Lawmaking Process " (2013) 41:1 Canadian Journal of Law and Society 1, en ligne.

11 Rapport 9 de la vérificatrice générale du Canada, précité.

12 Une structure proposée pour le comité pourrait comprendre entre 20 et 25 membres, dont une représentation équilibrée de divers groupes : Citoyens et résidents permanents (sélectionnés au moyen de loteries civiques et de la présentation de demandes); voix des immigrants et des réfugiés; praticiens juridiques; universitaires et chercheurs; fournisseurs de services de première ligne; représentants d’entreprises et de syndicats, jeunes et communautés sous-représentées, observateurs autochtones pour obtenir des renseignements intergouvernementaux. Les membres pourraient siéger pour des mandats échelonnés de deux ans (renouvelable une fois) et être nommés par IRCC dans le cadre d’un processus transparent, fondé sur le mérite et axé sur l’équité. Le groupe pourrait être présidé par un animateur indépendant ou coprésidé par des représentants de la communauté et d’IRCC. Le groupe tiendrait des réunions trimestrielles en personne ou hybrides et groupes de travail spéciaux pour discuter des questions émergentes.

13 Association du Barreau canadien, Résolution 24-12-A, précité.

14 Nicholas Keung, "Canada's new caregiver immigration programs get a rocky rollout: 'It was impossible to log in'" Toronto Star (1er avril 2025), en ligne.

15 Comité permanent sur la Citoyenneté et l’immigration, Ottawa (novembre 2022), Promoting Fairness in Canadian Immigration Decisions, précité, p. 62

16 Rapport 9 de la vérificatrice générale du Canada. précité.

17 Ibid.

18 Bellissimo Law Group, Brief to the Standing Committee on Citizenship and Immigration (2022) à 5, en ligne.

19 Loi sur les frais de service, L.C. 2017, ch. 20, article 451.

20 Promoting Fairness in Canadian Immigration Decisions, précité, recommandations 9, 18, 19, 22 et 28 et pages 30 à 42, 49, 70 et 71.

21 Will Tao, “Three Ways Our ATIP’D Chinook Processing Manual Sheds Light on How Your Temporary Resident Application is Being Processed” (18 novembre 2021), en ligne.

22 Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, "Analyse avancée et automatisation du traitement des demandes" (2024), en ligne.

23 Rapport 9 de la vérificatrice générale du Canada. précité.

24 Secrétariat du Conseil du trésor du Canada, Directive sur la prise de décisions automatisées, Gouvernement du Canda (2019), en ligne.

25 Par exemple, voir Singh c. Canada (1985) 1 RCS 177.

26 Michael Purcell, Michael et Zaiai, Mathew, Prediction, Prevention and Proof: Artificial Intelligence and Peace Bonds in Canada, 2020 98-3 Revue du Barreau canadien 515, 2020 CanLIIDocs 3308.

27 Ibid.

28 Ibid.

29 Mann, Michelle et McEvenue Patrick (2019). « Case Study: Developing guidance for the responsible use of artificial intelligence in decision-making at Immigration, Refugees and Citizenship Canada. » Barreau de l’Ontario, Conférences spéciales 2019.

30 Voir Conseil de l’Europe, Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur l’intelligence artificielle et les droits de l’homme (2024), en ligne : Voir aussi la résolution de l’ABC.

31 Bellissimo, Mario, Canadian Immigration Law and Policy: Then and Now, University of Toronto Press, (2024) pp. 147-153.

32 Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Guide 5289 - Parrainer votre époux, conjoint de fait, partenaire conjugal ou enfant à charge - Guide complet, en ligne; et Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Parrainer les membres de votre famille pour immigrer au Canada, en ligne (consulté le 7 mai 2021).

33 Nous encourageons l’examen de mesures comme la création d’une catégorie spéciale de visa de résident temporaire pour les membres de la famille qui attendent les résultats d’une demande de parrainage, en particulier pour les conjoints et les enfants mineurs. Cela permettrait de réduire les séparations prolongées pendant le traitement des demandes et de respecter l’engagement du Canada envers l’unité familiale. Il faudrait également mettre en place un mécanisme accéléré de regroupement familial dans les régions touchées par la guerre, les catastrophes naturelles ou l’instabilité politique. Cela garantirait une réponse rapide et humaine aux crises mondiales et serait conforme au leadership humanitaire du Canada.

34 Frank N. Marrocco & Henry M. Goslett, The 2003 Immigration Act of Canada (Toronto : Carswell) à 1078, citant le Règlement sur l’immigration, 1978, R4(1)-(4) [abrogé].

35 Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, paragraphe 117(1). En ligne

36 Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, « Mise à jour de la mesure d'urgence visant à faciliter l'obtention de visas de résident temporaire pour certains membres de la famille élargie touchés par la crise à Gaza », en ligne

37 Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, « Voie d'accès à la résidence permanente pour les personnes touchées par le conflit au Soudan », en ligne.

38 Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, « Déclaration du ministre Miller sur l'engagement du Canada à soutenir les migrants dans les Amériques », en ligne.

39  Voir par exemple Migration Regulations 1994 (Cth) sch 1, subclass 115 (Australie); Immigration New Zealand Operational Manual, F4.1 (Nouvelle-Zélande); Immigration Rules, UK Home Office, Appendix FM: Family Members, s EC-S.1.1 (Royaume-Uni).

40 Ministère des Affaires intérieures (non daté). « Parent visa ». Australian Government. En ligne.

41 Immigration Nouvelle-Zélande (non daté). « Visas that allow you to join family ». New Zealand Government. En ligne.

42 Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (modifié le 11 décembre 2014). « Bulletin opérationnel 561 – le 31 décembre 2013 (modifié) », Gouvernement du Canada. En ligne.

43 LIPR, paragraphe 110(4), précité

44 LIPR, articles 96 et 97, précité

45 Défini à l’article 25 de la LIPR, précité

46 LIPR, paragraphe 25(1.2), précité

47 Parmi les exemples récents, citons la réponse du Canada à la situation en Afghanistan, la réponse du Canada à la situation en Syrie, l’autorisation de voyage d’urgence entre le Canada et l’Ukraine, les mesures temporaires pour les ressortissants iraniens, les politiques publiques temporaires pour Israël et les territoires palestiniens, les politiques publiques pour Haïti, la réponse au tremblement de terre au Maroc et la voie humanitaire pour les Amériques.

48 Bellissimo, précité, p. 63

49 Par exemple, certains crimes comme la contrefaçon à petite échelle sont passibles d’une peine d’emprisonnement maximale de 14 ans parce qu’ils n’ont pas fait l’Objet d’une mise à jour. Si l’article est appliqué de façon inappropriée, cela peut entraîner un problème de proportionnalité (p. ex. si un résident permanent est au Canada depuis douze ans et utilise accidentellement un faux billet de 100 $, cette personne a, en principe, commis une infraction pouvant entraîner l’imposition d’une peine d’emprisonnement maximale de 14 ans et peut possiblement être déclarée interdite de territoire).

50 L’article 27(1) de l’ancienne Loi sur l’immigration se lisait comme suit : « Le résident permanent qui est domicilié au Canada depuis cinq ans ou plus ne peut être expulsé que pour des raisons de sécurité, de criminalité organisée ou de grande criminalité. »

51 Association du Barreau canadien, Mémoire sur le projet de loi C‑43 : Loi accélérant le renvoi des criminels étrangers, novembre 2012, pp. 7 à 12, en ligne.

52 LIPR, article 39, précité

53 Voir Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, « Politique d'intérêt public concernant le paiement des frais de demande relativement à un permis de séjour temporaire, à un permis de travail ou à un permis d'études ainsi que des frais de biométrie pour les victimes de violence familiale » (4 février 2025), en ligne; et Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, « Options d'immigration pour les victimes de violence familiale » (dernière modification le 11 mars 2025), en ligne.

54 Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, « Communications améliorées avec les étudiants authentiques touchés par la fraude – 28 février 2024 », en ligne

55 Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, « Déclaration du ministre Fraser concernant des signalements de fraude liée à des étudiants étrangers » (14 juin 2023), en ligne

56 Une échelle mobile permettrait également de tenir compte de la gestion des ressources limitées. Les membres qui agissent à titre d’avocats de service signalent des cas où des agents ont combiné deux infractions relativement mineures (séjour prolongé ET travail sans autorisation) afin d’obtenir une mesure d’expulsion. La Section de l’immigration interprète la LIPR et le RIPR comme autorisant une telle mesure, mais estime qu’il convient d’examiner les questions de proportionnalité, d’utilisation optimale des ressources et de mesures de rechange pour traiter les cas moins graves afin de rester concentré sur les questions d’application de la loi graves tout en permettant des réponses mesurées à l’égard des personnes qui, malgré des infractions mineures, peuvent contribuer positivement aux voies d’immigration si elles ne sont pas interdites de territoire de façon permanente. Il est également important de ne pas trop recourir aux recours en aval, tels que les demandes d’autorisation de retour au Canada, qui alourdissent les arriérés.

57 Par exemple, l’Agence du revenu du Canada impose des pénalités de retard qui augmentent avec le temps, le Code du travail du Canada prévoit des délais de préavis de licenciement qui sont déterminés par une échelle mobile basée sur la durée du service continu de l’employé, et la Loi sur le contrôle de l’application des lois environnementales introduit un régime d’amendes où les pénalités varient en fonction du type d’infraction et des antécédents du contrevenant.

58 Loi sur les mesures économiques spéciales, (LMES), L.C. 1992, ch. 17, article 4, en ligne, >.

59  Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergueï Magnitski), L.C. 2017, ch. 21, en ligne.

60 Ibid.

61 Projet de loi S-8, Loi modifiant la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (interdiction de territoire et sanctions), 1re session, 44e législature, 2023, article 7 (promulguant l’alinéa 35(1.1)(b) de la LIPR).

62 Projet de loi S-8,, op cit, l’article 1 modifiant l’alinéa 4(2)c) de la LIPR; l’article 2 modifiant le paragraphe 21(2), l’article 7 promulguant l’alinéa 31(1.1)b); l’article 8 modifiant les paragraphes 42(1) et (2) de la LIPR; l’article 9 modifiant le paragraphe 55(3); l’article 10 modifiant l’alinéa 58(1)c), l’article 11 modifiant le paragraphe 64(1); l’article 16 du RIPR’ modifiant le paragraphe 24.1(1);l’article 17 modifiant l’alinéa 24.2(1)g); l’article 18 modifiant le sous‑alinéa 63b)(ii); l’article 19 modifiant l’alinéa 228(1)f); l’article 20 modifiant l’alinéa 229(1)b); l’article 21 modifiant le paragraphe 230(3)

63 Chambre des communes, Comité permanent des affaires étrangères et du développement international (avril 2017), Une approche cohérente et efficace des régimes de sanctions du Canada : Sergueï Magnitski et au-delà, 42e Parl, 1re Sess, rapport n° 7, en ligne.

64 Voir Affaires mondiales Canada, Table ronde d’experts sur les sanctions économiques canadiennes (9-10 octobre 2019), en ligne, et Affaires mondiales Canada, Liste consolidée des sanctions autonomes canadiennes, en ligne.

65 Loi sur la citoyenneté, RSC 1985, c C-29, art. 10.1(4), en ligne. Voir également le projet de loi S-8, précité, article 14, modifiant le paragraphe 10.1(4) de la Loi sur la citoyenneté.

66  Projet de loi S-8, précité, article 15, modifiant le sous-alinéa 30(1)h)(iii)(A) de la Loi sur les urgences.

67 Projet de loi S-8, précité, article 11 modifiant le paragraphe 64(1), article 9 modifiant l’article 5(3), article 19 modifiant l’alinéa 228(1)f), article 20 modifiant l’alinéa 229(1)b), article 21 modifiant le paragraphe 230(3).

68 Débats du Sénat, 44e Parlement, 1re Session, volume 153, numéro 46 (19 mai 2022), en ligne.

69 Charte canadienne des droits et libertés, paragraphe 15(1), partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi canadienne de 1982 (R.-U.), 1982, ch. 11.

70 Chambre des communes, Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, annexe A, p. 3,. précité

71 Matas, David, A Comment on Bill S-8 (28 mai 2022), 1,3-4. en ligne

72 Ibid.

73 Rapport 9 de la vérificatrice générale du Canada, précité

74  Selon les premières évaluations, la formation du collège a eu une incidence positive. Il a été signalé que les programmes de formation avaient contribué à modifier les comportements et les pratiques de surveillance des agents de conformité sur le terrain, ainsi que ceux des cadres intermédiaires. Les gestionnaires ont observé que les membres du personnel qui ont suivi les cours sont revenus avec des connaissances à jour et ont contribué à diriger le changement de culture au sein de leurs équipes.​Voir Australian Department of Immigration and Multicultural Affairs, Palmer Report – Two Years of Progress: College of Immigration (juin 2007), en ligne. Voir aussi Promoting Fairness in Canadian Immigration Decisions, précité, recommandation 28.

75 Loi sur les frais de services, précité

76 Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (2021), « Le gouvernement du Canada annonce d’autres mesures pour soutenir les étudiants étrangers » (Ottawa : Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, en ligne. Voir également CIC News, How Canada Is Helping International Students (15 avril 2020), en ligne; Canada, Affaires mondiales Canada, « Utiliser notre avantage du savoir comme moteur de l’innovation et de la prospérité (2014-2019) " (Ottawa : Affaires mondiales Canada, 2014), en ligne; The Pioneer, Rising Suicides Among Indian Students in Canada (2024), en ligne; Better Dwelling, Canada's International Student Boom Was a $148M Government Campaign (2023), en ligne.

77 En janvier 2024, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a signalé une baisse de 46 % de nouvelles demandes de permis d’étude par rapport à janvier 2023. Voir Stephen Punwasi « Canadian Study Permit Applications Plummet More than Pllanned » (29 mars 2025), en ligne

78 Mario Bellissimo & Cobus (Jacobus) Kriek, Labour Market Impact Assessments, Compliance and Enforcement: A Practical Guide (Toronto: Thomson Reuters, 2019), 143–67.

79 RIPR, alinéa 186(u), précité

80 RIPR, article 182, précité

81 Tafreshi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1089

82 Numéro de mai 2024 de Lexbase : paragraphes 1 à 3, en ligne

83 Association du Barreau canadien (mai 2014), Bill C-31 — Economic Action Plan 2014 Act, No. 1, Part 6, Division 20 – Immigration and Refugee Protection Act Amendments (12 May 2014), en ligne..

84 RIPR, article 205(a), précité.

85 Henley & Partners, Investment Migration Programs 2022, en ligne.

86 D’autres idées incluent la création de centres intégrés d’immigration d’affaires qui regroupent les services destinés aux investisseurs, aux entrepreneurs et aux travailleurs autonomes, notamment l’accélération du traitement des permis, la validation des investissements et l’aide à la conformité. Cela favoriserait la croissance économique et alignerait l’immigration sur les priorités régionales en matière de développement économique. L’accent serait mis sur les investissements « actifs » plutôt que « passifs ». Il convient également d’élargir le volet de l’immigration destiné aux travailleurs à distance, aux nomades numériques et aux professionnels hautement qualifiés dans les secteurs technologiques émergents, notamment l’intelligence artificielle, la chaîne de blocs et les technologies vertes. Cela permettra au Canada de se positionner comme un chef de file mondial en matière d’attraction et de rétention des talents.

87 Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (janvier 2025), Résidence permanente pour les travailleurs de la construction sans statut dans la région du Grand Toronto, en ligne

88 Association du Barreau canadien, « Proposed Regulations on Administrative Penalties and Cionsequences » (3 février 2025), en ligne

89 Ibid. Voir aussi les recommandations de l’ACIA, p. 32, Singh c. Canada, [1985] 1 RCS 177 Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817

90 CBA National/ABC National (28 avril 2025), Une actualisation des procédures en matière d’immigration bien accueillie, en ligne

91 Association du Barreau canadien, Lettre à l’honorable Arif Virani, ministre de la Justice, concernant le financement du service d’administration des tribunaux (11 décembre 2024), en ligne : Financement du service d’administration des tribunaux (11 décembre 2024), en ligne. Voir aussi Association du Barreau canadien, " CBA urges new funding as Federal Court's massive budget shortfall threatens drastic service cuts " (28 mars 2025), en ligne.

92 Association du Barreau canadien, Public Consultation – Federal Court Strategic Plan 2026–2030 (26 avril 2024), en ligne.

93 Par exemple, la Cour des petites créances de l’Ontario a augmenté ses frais de dépôt au cours des cinq dernières années. Le plus récent rajustement est entré en vigueur le 1er janvier 2023, conformément au Règlement de l’Ontario 332/16 pris en application de la Loi sur l’administration de la justice. Présentation d’une demande par un réclamant occasionnel : Augmentation de 102 $ à 108 $. Présentation d’une demande par un réclamant habituel (c.‑à‑d. une personne qui a présenté 10 demandes ou plus dans la même année civile et au même greffe) : Augmentation de 215 $ à 228 $. Établissement d’une date de procès ou d’une date d’audience d’évaluation. Dépôt d’une demande de jugement par défaut : Réclamant occasionnel : Augmentation de 89 $ à 94 $. Réclamant habituel : Augmentation de 122 $ à 128 $.

94 Association du Barreau canadien, Résolution 24-12-A, précité.