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Projet de loi C-12 — Loi visant à renforcer le système d’immigration et la frontière du Canada

04 novembre 2025

[TRADUIT PAR UNE IA]

Par courriel : CIMM@parl.gc.ca

L’honorable Julie Dzerowicz, députée
Présidente, Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration
Chambre des communes
Ottawa (Ontario) K1A 0A6

Objet : Projet de loi C-12 — Loi visant à renforcer le système d’immigration et la frontière du Canada

Madame la Présidente,

Nous écrivons au nom de la Section du droit de l’immigration de l’Association du Barreau canadien (la section de l’ABC) au sujet du projet de loi C-12, Loi modifiant la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et d’autres lois connexes. L’ABC est une association nationale regroupant plus de 40 000 avocats et avocates, universitaires, notaires et étudiants et étudiantes, et a pour mandat la promotion de l’amélioration du droit et de l’administration de la justice. La Section du droit de l’immigration de l’ABC regroupe plus de 1 200 juristes pratiquant en droit de l’immigration et des réfugiés partout au Canada.

Le projet de loi C-12 introduit des changements de grande envergure au système national d’immigration dans le but de renforcer la sécurité frontalière et d’accroître la flexibilité ministérielle. Si nous reconnaissons l’objectif du gouvernement en matière d’efficacité et de réactivité, nous sommes préoccupés par le fait que le projet de loi mine les principes de responsabilité, de transparence et d’équité qui sont à la base du système d’immigration du Canada. Nous présentons ci-dessous nos observations et nos recommandations.

Responsabilité et transparence

La primauté du droit est un principe fondamental de notre système de justice. Il garantit que la loi soit accessible au public, qu’elle ne soit pas appliquée rétroactivement et qu’elle soit adoptée et appliquée de manière transparente et non arbitraire. L’introduction du projet de loi C-12 sous forme de projet de loi omnibus limite l’examen par les parties prenantes et par le Parlement, compromettant ainsi la transparence du processus législatif.

Nous sommes également préoccupés par l’emploi de formules vagues et non spécifiques, comme « lorsque l’intérêt public le justifie » (article 72 du projet de loi) pour définir la portée de nouveaux pouvoirs ministériels, et par la présence d’éléments substantiels renvoyés à la réglementation sans aucune garantie d’examen parlementaire. Par exemple, nous accueillons favorablement la création de représentants désignés pour les questions qui n’impliquent pas la CISR (article 31), mais le fait de laisser tout le régime à définir par voie réglementaire manque de transparence. Il est essentiel que la responsabilité gouvernementale soit soigneusement encadrée, les représentants désignés étant investis d’un pouvoir décisionnel considérable à l’égard des personnes les plus vulnérables. De même, en ce qui concerne l’admissibilité au statut de réfugié, la question de quels « [renseignements et documents] exigés par le ministre » sont requis avant qu’une demande puisse être transmise (paragraphe 43(5)) ne devrait pas être laissée à la conjecture.

Élargissement des pouvoirs ministériels

Le projet de loi C-12 accorde au ministre de nouveaux pouvoirs étendus pour annuler des catégories entières de visas et de demandes, y compris par décret du gouverneur en conseil, sans avis public. Le projet de loi ne prévoit aucune limite statutaire à ces pouvoirs. Cela crée un risque de dérive fonctionnelle et permettrait une application arbitraire ou discriminatoire de la loi, sans recours ni examen.

Il faut examiner attentivement la manière dont ce rééquilibrage des pouvoirs de l’État affectera l’objectif déclaré du Canada d’attirer les meilleurs talents mondiaux. Un régime permettant l’annulation arbitraire de visas et de demandes risque d’éroder la réputation du Canada en matière d’équité et de prévisibilité, ternissant la « marque » canadienne.

Protection des demandeurs vulnérables

Nous reconnaissons les défis actuels auxquels se heurte le système des réfugiés, notamment l’augmentation importante des demandes et de l’arriéré à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Les modifications proposées par le projet de loi, incluant la règle d’un an et le refus catégorique d’entrée pour les passages frontaliers irréguliers, constituent une surcorrection qui ne protège pas les plus vulnérables et ne fait que redistribuer la charge vers d’autres décideurs sans amélioration substantielle.

La règle d’inadmissibilité d’un an semble arbitraire et sans justification légale. Des décennies de jurisprudence ont souligné la nécessité d’évaluations individualisées et établi que le retard dans la présentation d’une demande ne doit pas automatiquement priver une personne de son droit à une audience exigée par la Charte. Cette règle est particulièrement draconienne, car la période d’un an débute à la date de la première entrée, et non de la plus récente (paragraphe 73(1)2)), ce qui exclut des personnes entrées mineures (par exemple en vacances avec leurs parents), mais revenues plus tard par crainte réelle pour leur vie. La règle ne tient pas compte de l’évolution des conditions dans les pays d’origine, de la compréhension changeante de l’identité de genre ou de l’orientation sexuelle, ni de l’impact des traumatismes graves. C’est un outil brutal qui risque de pénaliser arbitrairement des demandeurs légitimes.

La limite d’un an ferait en sorte que la détermination de ses dossiers soit renvoyée à IRCC pour un examen des risques avant renvoi (ERAR), ce qui ne constitue pas une solution adéquate. Dans la version actuelle, ces personnes n’auraient pas droit à une audience, élément essentiel pour présenter leurs preuves. L’incertitude entourant la nomination des représentants désignés est préoccupante; puisque leur présence constitue une garantie essentielle d’équité procédurale, tout comme la création d’un organisme de surveillance indépendant de ces représentants désignés.

Le refus catégorique d’accès au processus de demande d’asile pour les personnes arrivant des États-Unis soulève également de graves inquiétudes, compte tenu du contexte politique actuel et du manque de protection offerte par le système américain à de nombreux demandeurs légitimes.

Répercussions sur l’administration de la justice

Les modifications proposées auront d’importantes conséquences pour l’administration de la justice. D’abord, en redirigeant les cas de retard d’un an vers le régime d’ERAR plutôt que vers la Section de la protection des réfugiés, le projet de loi transfère une part importante des dossiers vers le ministère de l’Immigration, ce qui accentuerait les retards internes. Ensuite, il est à noter que les décisions négatives en matière d’ERAR sont une source importante de litiges devant la Cour fédérale, nécessitant souvent des procédures doubles – contrôle judiciaire et demande de sursis à l’exécution – mobilisant ainsi deux fois plus de ressources judiciaires.

Le projet de loi C-12 risque également d’entraîner un important contentieux constitutionnel et des actions collectives, particulièrement en lien avec les restrictions à la protection des réfugiés et l’élargissement des pouvoirs d’annulation ou de suspension des visas et des demandes.

Recommandations

Nous recommandons que le projet de loi C-12 soit retiré et, s’il est réintroduit, que le Parlement veille à ce que :

  1. l’approche omnibus soit éliminée;
  2. les dispositions déléguées à la réglementation fassent l’objet d’une étude parlementaire obligatoire;
  3. les éléments qui retirent des garanties essentielles d’équité et de procédure régulière soient supprimés, notamment :
    1. les modifications proposées à l’Entente sur le tiers pays sûr;
    2. la « règle d’un an » en matière d’admissibilité des réfugiés;
    3. les annulations de catégories entières;
  4. la prépublication et les études d’impact réglementaires pour permettre une véritable participation des intervenants et un débat parlementaire éclairé soient rétablies;
  5. des définitions claires et des paramètres précis pour les termes clés, notamment en ce qui concerne les mandats d’« intérêt public », soient fournis;
  6. un organisme de surveillance indépendant pour les représentants désignés soit créé ou que cette fonction soit confiée à la CISR en raison de son expertise.

Nous remercions le Comité de l’attention que vous porterez à ces observations.

Veuillez agréer, Madame la Présidente, l’expression de notre haute considération.

(lettre originale signée par Noel Corriveau pour Jatin Shory)

Jatin Shory
Président, Section du droit de l’immigration de l’ABC