Chère Advy,
Je suis incapable d’éteindre mon cerveau la nuit pour obtenir une quelconque forme de sommeil réparateur. Dernièrement, j’ai l’impression d’être un zombie au bureau. Je ne suis pas sûr de la façon dont mes collègues y parviennent. Ils travaillent tous les mêmes heures que moi, mais ils semblent tous bien aller. J’aimerais simplement poser ma tête sur l’oreiller la nuit et ne pas être bombardé par le cycle sans fin de ce que je dois accomplir le lendemain. Merci pour vos suggestions.
Sincères salutations,
Avocat-Zombie
Bonjour A-Z,
J’étais debout toute la nuit à réfléchir au genre de conseils que je pourrais vous donner!
Une publication des National Institutes of Health des États-Unis s’intitulant Sleep Disorders and Sleep Deprivation: An Unmet Public Health Problem dit :
[Traduction] « Les conséquences des états de sommeil… se manifestent sur presque tous les indicateurs clés de la santé publique : mortalité, morbidité, rendement, accidents et blessures, fonctionnement et qualité de vie, bien-être familial et utilisation des soins de santé. Certaines de ces conséquences, comme les accidents d’automobile se produisent de manière prononcée dans les heures (ou minutes) d’un trouble du sommeil, et sont donc relativement faciles à relier aux problèmes de sommeil. D’autres, comme l’obésité et l’hypertension, mènent au développement de problèmes chroniques de sommeil de façon plus insidieuse au fil des mois et des années. Après des décennies de recherche, on peut affirmer avec confiance que la perte de sommeil et les troubles du sommeil ont des effets profonds et généralisés sur la santé humaine. »
La phase I du rapport de l’Étude nationale des déterminants de la santé psychologique des professionnels du droit au Canada (page 65) mentionne que de bonnes habitudes de sommeil aident à protéger les professionnels du droit contre les facteurs de stress de leur pratique et à prévenir l’épuisement professionnel, la dépression et la détresse psychologique. Puisque le sommeil sain est un bon remède, si vous pensez qu’il est important de vous assurer d’en avoir, vous ne rêvez pas. C’est bien que vous m’écriviez à ce sujet.
Avant de vous donner des conseils par rapport au sommeil, permettez-moi de vous prodiguer quelques conseils sur un autre enjeu que soulève votre lettre. Vous comparez votre propre expérience subjective de difficultés de sommeil avec l’apparence de vos pairs. Ils semblent avoir tout sous contrôle, alors qu’est-ce qui cloche chez vous? La réponse : rien! Avez-vous de la difficulté à dormir? Bien sûr. Vous vous condamnez au malheur, cependant, lorsque vous vous comparez à l’image (probablement) trompeuse de bien-être qui se dégage des gens qui vous entourent. Il est fort probable qu’ils éprouvent eux aussi des difficultés. Il est possible que leurs combats n’entravent pas leur sommeil (ou cela peut être le cas), mais vos collègues doivent certainement faire face eux aussi à des difficultés. De la même façon que vous faites de votre mieux pour projeter l’image la plus positive possible lorsque vous êtes au travail, ils en font de même. Vous vous jugez par rapport à une norme impossible et artificielle.
Je le mentionne parce que les juristes sont formés pour être compétitifs. Rivaliser avec vos collègues pour la meilleure facturation, les réalisations les plus impressionnantes, les plus longues heures au bureau et tout autre chose que vous pourriez nommer peut être problématique en soi. Rivaliser avec eux pour être la personne qui semble la plus saine ou la plus heureuse rend votre vie incroyablement difficile. Essayez de faire une promenade ou d’aller prendre un café avec un collègue, ou quoi que ce soit qui pourrait vous permettre de le connaître mieux que la fine façade de la perfection qu’il travaille si fort à projeter. Vous pourriez constater que vous n’êtes pas le cas unique que vous croyez être. Votre programme local d’aide aux juristes a probablement des programmes et des ressources à votre disposition pour vous aider à établir des liens avec des pairs et des mentors à l’extérieur de votre cabinet, qui peuvent aussi vous aider à mettre en perspective la perfection apparente que vous essayez d’égaler. Vous ne mentionnez pas le nombre d’années depuis votre admission au barreau, mais vous constaterez peut-être que vous pourrez acquérir une partie de cette perspective à mesure que vous vous gagnez en expérience dans la profession.
Un conseil étonnant que les spécialistes du sommeil vous donneront est le suivant : ne vous inquiétez pas si vous n’avez pas huit heures (ou un autre nombre) de sommeil complet. Vous pouvez fonctionner pendant une journée avec un sommeil inadéquat. Cela pose problème que lorsque le manque de sommeil devient la norme, pas l’exception. En l’absence de problèmes permanents d’hygiène du sommeil, comme un nouveau-né, un problème de santé ou liés aux médicaments, un sommeil médiocre une nuit entraînera un bon sommeil la nuit suivante. Comment le fait de ne pas se soucier du manque de sommeil vous aide-t-il à obtenir un sommeil convenable à long terme? Souvent, ce qui vous tient éveillé la nuit, c’est de vous inquiéter parce que vous devriez déjà dormir. L’obsession de votre manque de sommeil peut elle-même devenir une cause de mauvais sommeil.
Penchons-nous sur certains problèmes qui peuvent nuire à votre sommeil avant de prendre du recul pour avoir une vue d’ensemble de ce qui vous dérange.
J’ai utilisé plus haut l’expression « hygiène du sommeil ». Il s’agit peut-être d’un terme inconnu pour certaines personnes. Nous avons tendance à penser au processus de sommeil comme quelque chose qui commence lorsque votre tête se pose sur l’oreiller. En fait, se préparer à dormir commence bien avant d’entrer dans la chambre. Votre corps réagit à de nombreuses fluctuations minuscules dans l’environnement externe et à des processus internes. Il réagit à la lumière en se réveillant et réagit à l’obscurité croissante en s’assoupissant. Lorsque vous vous exposez à la lumière – en particulier à la lumière bleue qu’émettent les écrans de nos appareils –, votre corps réagit comme il le ferait naturellement le matin en se réveillant. Essayez d’éteindre vos écrans bien avant l’heure d’aller au lit. Si vous avez tendance à garder votre téléphone sur votre table de nuit, mettez votre téléphone (et ordinateur portable, etc.) dans une autre pièce pour réduire votre tentation de répondre à la dernière notification sonore ou image clignotante, et ainsi exposer votre corps à la lumière artificielle du matin et à la stimulation que vous apporte ce que vous pouvez y lire ou voir.
Maintenant, voici un autre terme que je viens d’utiliser qui vous est peut-être étranger : l’heure d’aller au lit. Vous n’avez peut-être pas pensé qu’il y existait une heure fixe pour vous coucher depuis l’époque où on vous racontait une histoire à cet instant précis. Rappelez-vous à quel point c’était génial quand vos parents vous ont finalement laissé aller vous coucher quand vous le vouliez. Eh bien, le prix de cette liberté est souvent un mauvais sommeil. Avoir une heure fixe pour aller au lit, ainsi qu’une routine fixe pour vous y préparer (par exemple, éteindre vos écrans, vous brosser les dents, laisser votre animal de compagnie sortir une dernière fois, lire un livre) est très utile pour permettre à votre corps d’entrer dans un mode où le sommeil est possible.
Vous mentionnez que l’une des choses qui vous tiennent éveillé la nuit est « le cycle sans fin de ce que je dois accomplir le lendemain ». Gardez un bloc-notes et un stylo sur votre table de nuit. Si vous pensez à quelque chose dont vous devez vraiment vous souvenir pour le lendemain, prenez-le en note. En plus d’avoir occasionnellement une bonne idée pour le lendemain et de devoir vous assurer de vous en souvenir au besoin, ces pensées sur ce que vous devez faire le jour suivant ne servent à rien. Lorsque des pensées vous viennent à l’esprit, demandez-vous : « y a-t-il quelque chose que je puisse faire à ce sujet en ce moment? » La plupart du temps – à part l’exception que je viens de mentionner –, la réponse est non.
Voici maintenant une mise en garde : lorsqu’il est question de choses importantes comme le sommeil, le raisonnement – c’est-à-dire les pensées conscientes que vous traitez chaque instant – a de sérieuses limites. Le sommeil, comme de nombreux besoins corporels de base, est régi par des parties de votre cerveau et de votre corps qui fonctionnent à un niveau beaucoup plus profond que ces pensées fugaces. La proportion de votre cerveau – et des parties de votre corps que vous pourriez considérer comme un prolongement de votre cerveau, comme votre système endocrinien – qui se consacre à la gestion de l’équilibre de votre corps est beaucoup plus grande que la partie de votre cerveau qui se consacre à la pensée active et consciente. (L. Barrett) De nombreux spécialistes ont utilisé la métaphore d’un cavalier sur un éléphant. La partie de votre esprit qui se consacre aux pensées que vous pourriez mettre en mots est comme une minuscule personne chevauchant un gros et puissant éléphant. « Comme un cavalier sur le dos d’un éléphant, la partie de la conscience et du raisonnement de l’esprit n’a qu’un contrôle limité sur ce que fait l’éléphant. » (L. Barrett)
Ça a l’air assez pessimiste, non? Cependant, la métaphore est plus utile que vous ne pouvez l’imaginer. Il y a beaucoup de gens qui montent avec succès des éléphants tous les jours. Encore plus souvent, tous les jours des gens montent des chevaux partout au monde. Comment pouvons-nous, nous, petits humains, nous attribuer le pouvoir de décider où de grands et puissants animaux iront?
La clé est de prendre soin des besoins de l’animal et de développer la confiance et la compréhension par la pratique. Tout cavalier qui s’attend à ce qu’un cheval affamé passe tout droit devant un champ d’herbe savoureuse va être déçu. Un cavalier sur un éléphant assoiffé finira probablement par prendre un bain de façon inattendue. Le cavalier et le cheval ou l’éléphant doivent apprendre à communiquer efficacement et à se fier au fait que le cavalier s’assurera que les besoins de l’animal seront satisfaits.
Holà! Non, je ne vous recommande pas de dormir avec un éléphant. Ce serait dangereux, peu pratique et probablement malodorant. Je vous recommande de reconnaître que la partie de vous qui résiste au sommeil (ou qui veut s’endormir à des moments inopportuns) est plus grande et plus puissante que votre volonté. Vous êtes probablement confronté à ce problème lorsque vous essayez de vous convaincre d’aller dormir. Ça ne fonctionne pas. Mieux dormir signifie prendre soin des besoins fondamentaux de votre corps. Comme l’éléphant dans cette métaphore, votre corps doit voir que vous en prenez soin à long terme. Cela comprend l’hygiène du sommeil évoquée plus haut, mais cela signifie aussi de bien manger, de faire de l’exercice, de boire assez d’eau et de faire toutes les autres choses qui, nous le savons, font partie d’un mode de vie sain. Cela doit être quelque chose que vous faites régulièrement, de sorte que, lorsque vous essayez de vous assoupir pour aller au lit, votre corps ne se réveille pas soudainement parce que vous n’avez pas bu assez d’eau, parce que vous devez aller aux toilettes ou parce que vous n’avez pas évité la caféine au cours des dernières heures.
J’ai également mentionné la façon dont le cavalier et sa monture doivent communiquer d’une manière qui suscite la confiance. Le cavalier parle non seulement à l’animal, mais les deux s’envoient d’innombrables et subtils signaux avec leur corps. Le cavalier peut caresser la nuque de son cheval pour le rassurer. Un éléphant peut se raidir lorsque le sol semble instable, comme sur la berge d’une rivière. De la même manière, vous devez parler à la partie de vous qui veut se réveiller la nuit, même si cela n’a aucun sens de le faire, et vous devez écouter attentivement ce que votre corps vous dit.
Le fait que vous vous réveilliez en pensant à des choses que vous devez faire le lendemain suggère que vous terminez votre journée avec le sentiment que vous n’avez rien résolu, et que vous ne vous fiez pas à vous-même pour être en mesure de passer à travers le jour suivant, à moins de vous en soucier la nuit. À la fin de chaque journée, envisagez de prendre en note ce que vous avez accompli, peu importe à quel point cette réussite peut paraître modeste. S’il y a quelque chose que vous aurez besoin de comprendre le lendemain, prenez rendez-vous avec vous-même le lendemain pour comprendre. Vous seriez étonné de voir à quel point cela peut être efficace lorsque vous commencez à vous inquiéter à une heure du matin pour vous rappeler qu’en fait, vous avez réservé un moment à votre horaire pour faire exactement ce qui vous garde éveillé. Vous trouverez peut-être d’autres conseils utiles dans une lettre récente sur l’amélioration de la concentration au travail.
Hormis ces conseils précis, vous apprendrez beaucoup sur les soins appropriés et une alimentation adéquate si vous écoutez et faites attention aux signaux que votre corps vous envoie. La plupart du temps, ce qui sous-tend les pensées des « choses que vous devez faire », ce sont les besoins que votre esprit et votre corps ont, mais qui n’entrent pas parfaitement dans la catégorie de quelque chose dont vous devez vous inquiéter. Votre inquiétude peut être due au taux de sucre dans votre sang ou à un niveau élevé de cortisol dans votre système en raison des facteurs de stress de votre journée, ou même simplement à un sentiment de malaise non défini quant à savoir si ce que vous faites pendant votre journée est significatif pour vous. Votre esprit et votre corps racontent à votre rationalité des histoires sur ce que vous devriez avoir en tête, même si la cause sous-jacente a peu à voir avec ces histoires. Un neurologue se réfère à cette tendance à faire des histoires concrètes à partir d’états corporels transitoires, comme l’« à-peu-près omniprésent » de l’esprit. Vous ressentez un découragement irrationnel à 15 h tous les après-midis? Peut-être que votre glycémie est faible et qu’une collation vous ferait du bien. Vous ressentez des raideurs et de la douleur après un trop grand nombre d’heures au bureau? Essayez de faire une courte promenade.
Devenez votre propre conseiller en écoutant sans jugement ce que votre corps essaie de vous dire sur ce qui se passe en vous, en apprenant ce qui vous rend plus heureux, plus en santé, et – aux bons moments – plus somnolent.
Prenez bien soin de vous.
Advy