Ras-le-bol-du-creux-de-la-vague

10 janvier 2022

Chère Advy,

Je traverse une période étrange dans ma carrière où je n’ai tout simplement pas la même volonté de pratiquer le droit que par le passé. J’ai toujours été compétitif, en particulier pour tout ce qui touche ma pratique, acceptant des tâches difficiles et montant rapidement dans la hiérarchie de mon cabinet. Je peux aspirer à un poste supérieur, mais en ce moment, je ne suis pas sûr que c’est ce que je veux. Peut-être est-ce la pandémie, peut-être est-ce autre chose. Cependant, plus ce « creux de vague » se poursuit, plus je me sens déprimé. J’adore être avocat. Comment puis-je sortir de ce marasme et retrouver une partie du dynamisme qui me caractérisait plus tôt dans ma carrière?

Cordialement,
Ras-le-bol-du-creux-de-la-vague


Cher Ras-le-bol-du-creux-de-la-vague,

Le principal problème auquel vous êtes confronté est possiblement que vous essayez d’avoir le même dynamisme qui vous caractérisait au début de votre carrière. Vous n’êtes pas la même personne qu’il y a cinq, dix ou vingt ans. Cela ne veut pas dire que vous ne pouvez pas récupérer, dans une certaine mesure, votre dynamisme. Cependant, vous avez peut-être tort d’essayer de recréer quelque chose qui peut avoir été satisfaisant pour une version antérieure de vous-même, mais qui ne l’est plus pour la personne que vous êtes aujourd’hui. Toute tentative d’atteinte d’un objectif qui ne correspond pas à la personne que vous êtes aujourd’hui ne fera que prolonger le marasme dans lequel vous vous trouvez au lieu de vous aider à en sortir.

Le noir que vous broyez vous fournit de précieux renseignements. Il y a quelque chose de peu inspirant dans ce que vous faites. Il semble peut-être évident que la prochaine étape de votre carrière est l’obtention d’une place d’associé dans votre cabinet, d’un poste de cadre au sein d’une entreprise ou d’un organisme public, ou de tout autre avancement. Votre emploi rimait jadis avec de nouveaux défis et votre évolution en tant qu’avocat vous faisait vivre des sensations fortes. Alors que vous arrivez à maturité dans votre pratique, il est probable que vous vous occupiez constamment de tâches identiques ou semblables, ce qui est moins passionnant par nature.

Maintenant, vous vous attendez peut-être à ce que je vous invite à vous asseoir avec un journal pour écrire ce que vous trouvez peu inspirant dans votre parcours professionnel actuel et ce qui serait plus stimulant pour vous. Je vous suggère en effet de faire cela, mais je suppose que si vous passez directement à cette étape, vous trouverez le résultat moins que satisfaisant. Vous devez d’abord vous occuper d’autres choses.

Voyez votre capacité à ressentir de l’enthousiasme pour votre travail comme un muscle. Il peut devenir plus fort et plus flexible avec la pratique. Il peut également s’atrophier avec un manque d’exercice. Quand vous étiez plus jeune, vous étiez non seulement bombardé de nouvelles expériences qui vous semblent maintenant routinières, mais vous aviez aussi une plus grande marge de manœuvre pour faire ce que vous aimiez par rapport à ce que vous deviez faire. L’adulte que vous êtes aujourd’hui passe probablement moins de temps à jouer ou à s’amuser que l’enfant ou l’adolescent que vous étiez autrefois. La version jeune de vous-même consacrait certainement moins de temps à faire ses impôts, à payer ses factures d’électricité et à tondre sa pelouse.

Bien que je ne vous suggère pas de cesser de faire vos impôts pour jouer à la cachette, je vous recommande de découvrir quelque chose de nouveau. Il est important que vous vous accordiez du temps pour simplement faire cela. Le temps consacré à une nouvelle activité – que vous pratiquiez un nouveau sport, que vous appreniez à jouer un instrument de musique ou que vous jouiez au bridge – n’est pas du temps que vous enlevez à votre vie et à votre carrière. C’est une pratique importante et délibérée qui vous permet d’accroître votre capacité d’apprentissage.

Laissez-vous le temps d’être mauvais à cette nouvelle activité lors de vos premiers pas ou même de ne jamais devenir bon. Plus nous vieillissons, plus nous craignons d’être débutants dans quelque chose.

Une petite mise en garde : les professionnels qui sont en milieu de vie optent souvent pour ce que j’appelle des « loisirs-trophées ». Les loisirs-trophées sont des activités que vous faites pour pouvoir dire aux gens que vous les faites. Le but dans le cas présent n’est pas de faire quelque chose que vous pouvez utiliser pour impressionner les gens à la pause du midi. Si vous vous lancez dans cette nouvelle activité avec cet objectif, vous craindrez probablement d’être mauvais. Si au retour au bureau le lundi vous sentez la pression de faire sensation auprès de vos collègues avec vos exploits de fin de semaine, vous serez beaucoup plus conservateur dans les nouvelles expériences que vous tenterez. En fait, vous devez trouver quelque chose où vous pouvez vraiment avoir tout le loisir d’être remarquablement mauvais.

On prête à Leonardo da Vinci l’affirmation suivante :

De temps à autre, détendez-vous un peu, car lorsque vous vous remettrez au travail, votre jugement sera plus éclairé. Lorsque vous prenez du recul, votre travail vous paraît moins imposant, vous avez une meilleure vue d’ensemble, et vous appréciez plus facilement le manque d’harmonie et de proportion. 

À mesure que vous développez votre capacité à essayer des choses auxquelles vous êtes peut-être mauvais, vous pouvez jeter un coup d’œil à vos objectifs de carrière. Commencez à l’aide de ce que vous savez. Identifiez les aspects de votre carrière actuelle que vous aimez vraiment. Puisque votre carrière actuelle est ce que vous connaissez le mieux, vous pouvez facilement exploiter certains filons pour vous orienter.

Vous pouvez aussi dresser une liste que ce que vous souhaitez modifier dans votre travail. Peut-être qu’il y a certains types de fichiers ou de tâches que vous voulez commencer à refuser. Il y a peut-être des domaines de pratique dont vous aimeriez vous occuper. Vous voulez peut-être utiliser ce que vous savez d’un mode de pratique (comme le litige) et l’appliquer à un autre domaine (comme la médiation). Oui, vous avez une obligation professionnelle en matière de compétence, mais vous n’avez pas le devoir professionnel d’être parfait. Trouvez un spécialiste du domaine de pratique dont vous souhaitez vous occuper qui est prêt à vous aider à gagner en confiance et à acquérir des compétences. Recourez à des ressources de perfectionnement professionnel, comme les webinaires de l’ABC, pour mieux y arriver.

Vous pouvez aussi contribuer à la stimulation de votre plaisir à travailler en apportant votre aide à des personnes qui font leurs premiers pas dans la profession. Rien ne vient à bout du cynisme et de l’ennui comme du temps passé avec de jeunes juristes qui sont encore fascinés par ce qu’ils font. La plupart des provinces et territoires ont des programmes officiels de mentorat que ce soit par le truchement de l’ABC ou des ordres professionnels. Faites du bénévolat dans une clinique d’aide juridique universitaire gratuite pour aider des étudiants et étudiantes en droit à conseiller leurs clients. La clé est de trouver un moyen de vous retrouver parmi des gens qui sont avides de faire ce que vous faites.

Si la perspective de prendre un cheminement de carrière qui correspond de façon unique à vos passions vous fait peur, vous êtes sur la bonne voie! La peur peut aussi vous fournir des renseignements utiles, pour autant qu’elle ne vous empêche pas d’explorer de nouvelles pistes. Cette peur vous rappelle les pièges que vous devez éviter pendant que vous bâtissez votre carrière. N’oubliez pas, vous n’avez pas à attendre une crise pour consulter un professionnel. Votre Programme d’aide aux juristes local peut vous jumeler à quelqu’un susceptible de vous aider à composer avec la peur ou toute autre émotion que vous devez gérer durant ce processus.

Prenez bien soin de vous,
Advy