Recentrer-ma-pratique

01 novembre 2024

Chère Advy,

J’essaie de me recentrer dans mon domaine de pratique et je rencontre beaucoup de résistance. Ce domaine est celui dans lequel je travaillais avant, mais j’ai dû me retirer pendant quelques années tout en m’adaptant à mon nouveau rôle de mère. Mon lieu de travail est au courant et m’a soutenu à l’époque. On me fait maintenant part d’inquiétudes par rapport au retard dans ma courbe d’apprentissage et au fait que je ne réponde pas à la « norme d’excellence ». Cependant, mon rendement est remarquable dans mon rôle actuel, j’ai toujours reçu d’excellents commentaires avant d’avoir un enfant, et j’ai attiré beaucoup de clients au fil des ans. J’ai affirmé vouloir faire tout mon possible pour démontrer que j’étais à la hauteur de la tâche et j’ai sollicité des commentaires à plusieurs reprises, mais personne ne m’explique ce que je dois faire pour mettre en évidence les compétences transférables pertinentes que je possède ou ne me prodigue des conseils sur la façon de développer ces compétences ou de chercher des occasions de combler les lacunes dans ma pratique. Je ne demande à personne de me tenir par la main; je veux simplement refaire ce que j’aime, mais je crains que la seule façon d’y parvenir soit de tout abandonner ce que j’ai bâti ici. Pouvez-vous me conseiller?

Sincères salutations,
Recentrer-ma-pratique (RMP)


Bonjour RMP,

J’ai des conseils pour vous sur deux fronts. Vous éprouvez de la peur et de la détresse concernant des choses qui semblent vous empêcher d’effectuer le type de travail que vous aimez faire et il faut que vous soyez en mesure de gérer ces sentiments. Vous êtes aussi confrontée à un changement dans le comportement des personnes avec qui vous travaillez, en ce sens que vous voulez qu’elles vous laissent continuer à travailler dans votre cabinet actuel, mais vous souhaitez retourner au domaine où vous pratiquiez jadis. Il est évident qu’il y a un chevauchement considérable entre ces deux choses. Lorsque vous ressentez de la résistance en discutant de ce changement avec votre cabinet, vous éprouvez des sentiments de peur et de détresse. Toutefois, il est préférable de traiter ces deux questions connexes comme des problèmes distincts.

En premier lieu, avant d’aborder ces deux aspects de la présente chronique, nous devons commencer par définir le terme passe-partout de « norme d’excellence ». Je suis désolée de crever la bulle de votre cabinet, mais il n’existe aucune « norme d’excellence » statique. Ce qui était qualifié d’excellent travail juridique il y a cent ans, cinquante ans ou vingt ans ne correspond pas à ce que cette norme signifie à l’heure actuelle. Le droit change, les besoins des clients changent, et ce qui est attendu le plus des juristes qui sont « excellents » est leur capacité d’apprendre et de grandir avec le changement. Je soupçonne que quiconque vous met au défi de revenir à la « norme d’excellence » du cabinet dans votre domaine ne sait pas vraiment ce que ce terme signifie non plus. Si quelqu’un le savait, alors il serait simple de vous l’expliquer. Vous êtes prête à vous remettre à niveau dans ce domaine de pratique et, par le passé, vos clients semblaient croire que vous pouviez accomplir du bon travail. Si vous n’obtenez aucune explication, envisagez la possibilité que cette soi-disant norme que vous ne respectez pas ou que le cabinet craint que vous ne respectiez pas soit peut-être un moyen d’éviter de vous dire la vraie raison de leur opposition. Pour clarifier la situation, une conversation inconfortable, mais nécessaire, s’impose sur la vraie raison pour laquelle ils s’opposent à votre retour à ce domaine de pratique. Nous en parlerons davantage un peu plus tard.

Vous dites craindre que la seule façon de refaire ce que vous aimez soit de tout abandonner ce que vous avez bâti à votre cabinet. Je vous propose un petit exercice mental. Examinons deux versions différentes de vous, dans cinq ans.

  • Première version : vous avez quitté votre cabinet et vous travaillez à votre compte. Vous avez dû vous réinventer dans une certaine mesure à la suite de votre départ. Cette reconstruction était-elle impossible ou était-ce quelque chose dont vous étiez capable? Avez-vous apporté quelque chose que vous aviez bâti dans votre ancien cabinet? Toutes les relations que vous aviez développées dans votre ancien cabinet ont-elles été rompues lors de votre départ?
     
  • Deuxième version : vous êtes restée dans votre cabinet. Vous avez accepté la prémisse que vous ne seriez jamais en mesure de répondre à la norme d’excellence du cabinet si vous retourniez à votre ancien domaine de pratique et vous avez continué de faire ce que vous faites en ce moment. Êtes-vous raisonnablement heureuse de l’emploi que vous occupez? Je ne parle pas d’en être enchantée, mais plutôt d’avoir un niveau assez normal de satisfaction par rapport à votre travail. Quel est l’état des relations que vous entretenez avec les gens du cabinet dans ce scénario? Dans quelle mesure vos relations avec les membres du cabinet sont-elles précieuses et satisfaisantes?

Notez vos réponses lorsque vous comparez ces deux scénarios. Vous souhaitez peut-être vous poser des questions auxquelles je n’ai pas pensé, alors posez-les-vous et notez aussi vos réponses. J’ai délibérément présenté les deux scénarios de la manière la plus neutre possible parce que j’ignore l’ampleur de la pression et du stress que peuvent subir ces deux versions de vous-même. Vous seule pouvez jauger cela. Une fois que vous avez noté les réponses, comparez-les. Tout compte fait, à quel point les deux versions futures de vous-même sont-elles heureuses et connaissent-elles du succès? Vous pourriez faire le même exercice avec des versions de vous dans un an, dans dix ans ou dans tout autre nombre d’années, mais restons avec le scénario des cinq années.

Cet exercice sera beaucoup plus facile à faire si vous avez l’aide d’un thérapeute ou d’un accompagnateur formé. Communiquez avec votre programme local d’aide aux juristes pour obtenir de l’aide. N’oubliez pas que vous n’avez pas à attendre d’être en crise pour consulter un thérapeute ou un accompagnateur. Vous avez un choix difficile à faire en ce moment, et c’est stressant. C’est une raison suffisante pour en parler avec quelqu’un qui peut vous aider à vous y retrouver. De nombreux programmes d’aide aux juristes proposent aussi du soutien par les pairs, et un pair aidant est quelqu’un qui peut vous aider à faire des choix. De nombreux barreaux et divisions de l’ABC ont des programmes de mentorat auxquels vous pourriez aussi être admissible. Ce sont des ressources gratuites qui vous aideraient dès maintenant, alors pourquoi ne pas vous en prévaloir?

Quelle que soit la façon, trouvez un moyen de réaliser cet exercice avec quelqu’un qui vous soutient. Autre suggestion : réfléchissez à ces deux scénarios en faisant une promenade, dans la mesure du possible à l’extérieur. Vous êtes beaucoup plus susceptibles d’évaluer ces deux versions possibles de votre vie sans tomber dans l’anxiété si votre corps bouge et encore plus si vous êtes dehors (en anglais seulement). Si votre thérapeute, pair ou mentor accepte de faire cette marche avec vous, tant mieux! Avoir une conversation avec quelqu’un qui marche à vos côtés (en anglais seulement) et ne pas se regarder intensément de l’autre côté d’une table rime généralement avec un plus grand calme et une plus grande créativité. Si vous n’avez pas l’occasion d’en parler dans le cadre d’une promenade, essayez de prendre une tasse de thé ou quelque chose de semblable, qui a un parfum distinctif. Le simple fait de humer quelque chose de nouveau peut aider à réinitialiser votre humeur lorsque vous ressentez de l’anxiété.

Si le résultat est que la deuxième version de vous-même est dans une meilleure situation que la première, alors votre décision est assez simple : vous restez où vous êtes. Si vous choisissez cette voie après cette réflexion, vous aurez au moins la certitude d’avoir fait le meilleur choix.

Supposons que vous en venez à la conclusion que vous préférez la première version à la deuxième en ce qui a trait à votre bonheur et à votre succès.

Non, je ne vous suggère pas d’entrer dans le bureau de votre patron et lui lancer un ultimatum. Cependant, si vous croyez qu’il vaut mieux quitter le cabinet pour poursuivre ce que vous aimez faire plutôt que de rester et de renoncer au genre de travail que vous souhaitez accomplir, je vous conseille d’aborder votre cabinet avec un état d’esprit très différent de ce que vous feriez si vous y demeuriez, peu importe le coût de ce qui serait votre meilleure option. Vous envisageriez alors une troisième version de vous-même en parlant de votre avenir à la direction de votre cabinet. La troisième version de vous-même représente un scénario où vous restez à votre cabinet et vous retournez à votre domaine de pratique préféré.

Vous pouvez vous opposer à cette possibilité en affirmant que c’est ce que vous demandiez depuis le début. Oui, bien sûr. Toutefois, après avoir effectué cet exercice mental d’évaluation des deux scénarios dans lesquels vous pourriez vous retrouver si le cabinet continue de vous dire non, vous êtes beaucoup mieux préparée pour négocier avec votre cabinet afin d’avoir le meilleur résultat que vous avez cherché à obtenir jusqu’ici, soit la troisième version de vous-même. Si la prédiction à laquelle vous avez réfléchi est que la première version de vous-même est mieux que la deuxième version, alors vous avez moins à perdre si le cabinet vous refuse toujours ce que vous voulez. Vous pouvez partir. Non seulement êtes-vous mieux préparée à cette négociation, mais vous êtes aussi moins susceptible d’avoir peur qu’avant. Pour citer le sage philosophe qu’est Kenny Rogers :

You’ve got to know when to hold ’em
Know when to fold ’em
Know when to walk away
And know when to run

Si vous avez examiné les deux scénarios à fond et que vous avez pesé le pour et le contre, vous saurez exactement la situation à privilégier, c’est-à-dire négocier avec votre patron. Vous connaîtrez aussi le scénario où il vaut mieux tout laisser tomber et partir. Si ces négociations semblent vous rapprocher de la troisième version de vous-mêmes, restez. Si ce n’est pas le cas, alors partez et vivez avec votre choix entre les deux premières versions de vous-mêmes.

Une autre chose à retenir : votre cabinet devrait envisager ses propres versions futures de lui-même – une avec vous et une sans vous. Est-il mieux avec la première version de vous-même, qui part avec ses compétences et contacts? Est-il préférable d’opter pour la troisième version de vous-même, qui pourrait ne pas répondre à la « norme d’excellence » du cabinet, peu importe ce que cela signifie? Dans presque toutes les négociations avec votre cabinet, vous avez beaucoup plus d’influence que vous ne le pensez. Votre cabinet pense-t-il réellement de cette façon? Impossible à savoir. Les gens ne parviennent pas à faire tout le temps ce qu’ils devraient, ce qui est en quelque sorte la raison pour laquelle les juristes existent en premier lieu, n’est-ce pas?

L’essentiel est que votre futur bonheur vaut cette conversation avec votre cabinet. Quel que soit le résultat, vous vous sentirez beaucoup mieux et moins effrayée si vous essayez.

Prenez bien soin de vous.
Advy