Chère Advy,
Je suis associé dans un grand cabinet de l’Ontario. Je fais de mon mieux pour favoriser le bien-être au sein de mon cabinet, car j’ai moi-même souffert de dépression. Ce n’est pas un problème constant, mais c’est une question dont je dois tenir compte de façon permanente. J’ai la chance d’avoir pu compter sur une équipe qui a été réceptive et qui m’a apporté du soutien. Plus récemment, j’ai découvert que plusieurs de mes clients semblent être aux prises avec les mêmes problèmes sans avoir de soutien. Je me demande donc ce que je peux faire (le cas échéant) pour les aider. Je sais que je ne suis pas médecin et que je ne peux pas régler tous leurs problèmes, mais j’espère pouvoir les orienter dans la bonne direction sans dépasser les limites.
Sincères salutations,
Offre-de-soutien
Cher Offre-de-soutien,
C’est formidable que vous remarquiez ces problèmes chez vos clients. Non seulement vous préoccupez-vous de leur bien-être, mais vous cernez aussi leurs besoins non comblés. Nous oublions souvent que ces deux éléments sont essentiels à une bonne représentation.
Bien sûr, vous et moi exerçons tous deux le droit, alors permettez-moi d’y aller d’un avertissement.
Vous devez faire preuve de prudence. Pour citer le sage philosophe Mufasa, du Roi Lion : Rappelez-vous qui vous êtes. Il est important de se rappeler que vous n’êtes ni un médecin ni un professionnel de la santé mentale, comme vous l’avez déjà souligné. En matière de santé mentale et de la maladie, vous êtes un amateur. Il est tentant de faire un diagnostic sommaire d’une personne avec qui vous travaillez étroitement et d’essayer de lui apporter de l’aide afin de régler le problème de santé avec lequel, selon vous, elle doit composer. Il est cependant possible que vous établissiez un diagnostic erroné et que vous lui nuisiez davantage que vous l’aidiez. Toute tentative de diagnostic ou, pire encore, toute proposition de traitement à quelqu’un que vous représentez dans une affaire juridique compromet également votre capacité à prodiguer des conseils fiables et impartiaux. Le travail le plus important que font les juristes pour des clients consiste sans doute à leur dire ce qu’ils ne veulent pas entendre, souvent dans des circonstances qui ajoutent à leur détresse psychologique, plutôt que de les soulager. En ce qui concerne l’aide que vous pouvez apporter, vous ne devez pas sortir de votre cadre professionnel.
Quelques conseils sur ce que vous pouvez faire par opposition à ce que vous ne devriez pas faire. Certains de ces conseils – et une mise en garde – sont issus d’une chronique récente que vous pouvez lire pour avoir d’autres idées.
La meilleure chose que vous puissiez faire pour vos clients qui traversent des périodes difficiles est de leur donner un modèle d’attitude qui favorise une bonne santé mentale. Prêtez attention à vos propres besoins, prenez des mesures constructives et proactives pour soutenir votre santé mentale, obtenez de l’aide professionnelle pour vos problèmes de santé mentale personnels et parlez-en ouvertement à vos clients. Ils auront beaucoup plus tendance à être inspirés par ce qu’ils vous voient faire qu’à écouter ce que vous leur dites de faire. Prêchez par l’exemple.
Les litiges sont extrêmement stressants pour certaines parties. La résilience est la capacité de maintenir (ou de retrouver) son équilibre pendant ou après une période de stress. Historiquement, nous avons toujours considéré la résilience comme un attribut individuel. Cependant, la résilience entretient souvent un lien plus intime avec le contexte social et culturel dans lequel les gens vivent qu’avec leurs caractéristiques individuelles. Avoir un réseau de soutien, que ce soit de la famille, des amis ou des assistants professionnels, ou une combinaison de ces choses, est aussi important ou peut-être plus important que la constitution individuelle d’une personne.
Malheureusement, les éléments suivants, entre autres, ont tendance à isoler les gens de leurs réseaux de soutien :
1. être impliqué dans un litige;
2. avoir un problème de santé mentale.
Les deux peuvent avoir pour effet (et être causés par) la rupture de relations existantes de quelqu’un avec d’autres personnes qui lui permettraient autrement d’avoir accès à un réseau de soutien. Les deux peuvent causer (et être causés par) la pauvreté. Les deux peuvent amener les gens à oublier des habitudes saines ou interférer avec des routines passées qui leur ont permis de rester en bonne santé. Du mauvais sommeil, une mauvaise alimentation et d’autres difficultés de nature semblable sont souvent liés à une interaction avec le système de justice et à des problèmes de santé mentale. Rien de tout cela n’est inévitable, bien sûr. En fait, vos clients peuvent être confrontés à un ensemble de difficultés qui contribuent à la création de problèmes juridiques que vous les aidez à résoudre, mais qui en découlent également.
Ayez conscience de la complexité de ce réseau causal de détresse. Dans la mesure du possible, soutenez-les dans la construction ou la consolidation de leurs réseaux de soutien, qu’ils ont possiblement utilisés au maximum de leurs capacités. À moins que cela ne soit inévitable, ne permettez pas qu’une réunion avec vous les empêche de s’occuper de tâches comme aller chercher les enfants à l’école ou prendre un repas en famille.
Si votre client a déjà une relation avec un professionnel de la santé mentale, encouragez-le à discuter avec lui de la détresse que le différend lui cause peut-être. Certains de ces professionnels vont même se présenter devant le tribunal avec leur client si on leur demande. Si votre client n’a personne pour l’aider, ayez une liste d’organismes locaux qui offrent de l’aide en santé mentale et mettez-la à sa disposition. Un point de départ serait de communiquer avec l’Association canadienne pour la santé mentale.
Il ne s’agit pas de quelque chose que vous devriez repousser jusqu’à ce que votre client soit en crise. Une bonne stratégie de santé cognitive, comme une bonne stratégie juridique, exige l’anticipation de ce qui pourrait arriver et l’élaboration d’un plan pour réagir à des difficultés. Vous ne trouvez pas l’arrêt qui fait autorité dans une affaire juridique qui est défavorable à votre client en vous en occupant à la volée au procès. Vous regardez l’affaire et vous l’analysez bien avant de vous rendre au palais de justice. De même, vous n’attendez pas que votre client ait une crise de panique lors de son témoignage avant de trouver des stratégies pour atténuer cette possibilité. Vous prévoyez cette réaction et vous élaborez un plan pour aider votre client à gérer cette situation potentielle.
En fait, prendre les réponses très humaines de votre client au stress associé à un litige est un élément important de toute stratégie juridique viable. Votre cas ne se développe pas dans un vide. Il est le résultat de la vie et de la situation de votre client. Insistez sur le fait que votre client ne perd pas de temps, qu’il n’est pas faible ou qu’il ne s’apitoie pas sur son sort s’il discute du stress que lui inspire le litige avec un conseiller professionnel. Le traitement efficace de ce stress est une dimension importante du traitement efficace du litige. Cela l’aidera à prendre de meilleures décisions et à se concentrer sur ce qu’il doit faire, mais aussi à être un être humain plus heureux. Bien sûr, le fait de laisser entendre que les juristes se soucient réellement de leurs clients en tant qu’êtres humains pourrait ruiner notre réputation professionnelle, sans parler de la chute d’innombrables blagues d’avocats, alors gardons ce secret entre nous pour l’instant.
Prenez bien soin de vous,
Advy