Prendre-part-à-la-conversation

16 juin 2023

Chère Advy,

J’ai souvent l’impression de ne pas avoir de conversations avec des gens qui n’exerce pas ma profession. La pratique du droit, que j’aime vraiment, a maintenant la priorité sur tous les passe-temps et les intérêts que j’avais avant de fréquenter la faculté de droit. J’ai réellement la conviction que j’étais fait pour être juriste, mais je suis évidemment limité dans ce que je peux partager avec mes amis et ma famille au sujet de mon travail de tous les jours, ce qui ne les intéresserait probablement pas de toute façon. Tout cela rend certaines conversations un peu laborieuses et bien que je ne veuille pas perdre mes relations avec ces personnes, cette impression d’être constamment marginalisé me vexe un peu. Je reconnais que je suis responsable de ce que je ressens, mais avez-vous des suggestions pour m’aider à sortir de cet état d’esprit?

Sincères salutations,
Prendre-part-à-la-conversation


Cher Prendre-part-à-la-conversation,

À deux égards importants, le problème n’est pas tout à fait ce que vous mentionnez.

  1. Ce n’est pas tant que vous vous liez plus facilement d’amitié avec des membres du milieu du droit qu’avec des gens qui n’en font pas partie, ou que vous entretenez des relations existantes. Le problème est que plus votre cercle social se limite au monde du droit, plus il est probable que votre travail et son milieu monopolisent votre vue sur le monde. Plus que de vous lier d’amitié avec des personnes qui ne pratiquent pas le droit, il est important que vous trouviez des passe-temps et des activités qui n’ont aucun lien avec le droit lorsque vous quittez le bureau. Pour des raisons que je vais vous expliquer, le fait de vous identifier à une seule dimension de votre vie présente un certain risque à long terme. Les relations sont habituellement établies ou maintenues par le biais d’activités communes. Vos amitiés puisent normalement leur origine dans les choses que vous faites avec d’autres personnes. Autrement dit, si vous élargissez la portée de vos activités, il est fort probable que vous développiez des relations personnelles avec un plus grand nombre de personnes aux intérêts diversifiés.
  2. Une autre raison pour laquelle le problème n’est pas tout à fait ce que vous pensez est le fait d’avoir « l’impression d’être constamment marginalisé ». La pratique du droit vous met-elle dans une position qui ne vous permet pas d’expliquer certaines choses à des personnes qui ne sont pas des juristes? Certes. La réalité est que, dans cette phrase, vous pouvez remplacer les mots « droit » et « juristes » par à peu près n’importe quel mot lié à toute autre profession où le travail est intense et comporte des défis uniques. Les soldats ont-ils des expériences et des approches de vie qui sont difficiles à expliquer à des gens qui ne sont pas des soldats? Y a-t-il des sujets que les médecins et les infirmières ne peuvent pas expliquer à quelqu’un qui ne travaille pas dans un hôpital? Est-il plus facile pour un enseignant de comprendre ce que vit un autre enseignant?
    Oui, oui et oui.
    Ce qui se passe ici est qu’il faut voir cette difficulté à entrer en relation avec une personne de l’extérieur de votre profession moins comme obstacle et plus comme une occasion.

Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’un aspect sur lequel vous devez travailler délibérément. Devriez-vous vous en faire parce que plusieurs de vos amitiés en ce moment, voire la plupart d’entre elles, sont d’autres juristes? Non. Si vous vous en faites, plutôt que de se régler, votre problème s’aggravera. En lisant votre message, j’en viens à la conclusion que vous passez beaucoup de temps avec des juristes. Par conséquent, il est normal que vous nouiez des amitiés avec les gens avec qui vous passez le plus de temps et avec qui vous avez un point en commun important.

Il vous en coûte de vous identifier à des personnes issues de milieux différents du vôtre. En fait, ce problème ressemble pas mal à ce que vivre en société signifie. L’un des éléments essentiels de votre boîte à outils en tant qu’être humain est votre capacité à composer avec des personnes qui sont différentes de vous.

La négociation régulière de ces différences vous aide à développer vos compétences en négociations. Plus vous le faites, meilleur vous devenez. Les premières années d’études à la faculté de droit, la période de stage et la pratique du droit ont tendance à vous isoler des gens qui ne sont pas en contact avec le milieu du droit d’une quelconque façon. Vous souvenez-vous à quel point la faculté de droit était intense? Vous souvenez-vous de la façon dont votre stage semblait prendre toute la place dans votre vie? Ces expériences vous ont permis de développer votre capacité à penser comme un juriste. Le problème, c’est qu’ils atrophient votre capacité à penser comme une personne qui ne pratique pas le droit en raison d’un manque d’utilisation des compétences qui y sont liées. La facilité avec laquelle vous vous êtes habitué à tisser des liens avec ces personnes n’est pas disparue. C’est simplement que vous manquez de pratique et que l’établissement de liens avec ces gens ne se fait plus de façon aussi naturelle qu’avant. Vous avez été en mesure de développer une nouvelle façon de penser au début de votre carrière. Le prochain niveau d’apprentissage consiste à trouver des moyens d’intégrer ce que vous avez appris dans les compétences que vous possédiez jadis.

Joseph Campbell a écrit un ouvrage sur une tendance constante dans l’histoire de l’humanité, qui s’intitule Le Héros aux mille et un visages. Les aventures d’un héros, écrit-il, commencent au moment où le protagoniste de l’histoire, une personne ordinaire, est forcé par des circonstances de quitter le confort de la maison, puis de passer à travers une série d’épreuves difficiles qui s’achèvent par une grande victoire. L’histoire se termine lorsque le héros revient au point de départ de l’aventure, fort des précieux enseignements qu’il a acquis en cours de route et retourne à la maison pour aider sa communauté. Ce motif se reproduit de temps en temps dans la plupart des histoires traditionnelles ou moins traditionnelles, comme dans la série La Guerre des étoiles. C’est une tendance qui existe dans toutes les cultures et à toutes les époques, car il s’agit d’événements qui se produisent à plusieurs reprises au cours de notre vie.

J’imagine ce que vous pensez : tous ces conseils sont un peu ésotériques, ou carrément bizarres si vous vous sentez moins indulgent. Faites preuve d’un peu de patience avec moi, car ce que je vous dis est directement lié à votre expérience personnelle, même si votre nom n’est pas Hercule.

Vous avez votre propre cheminement de héros. Vous n’étiez jadis pas si différent des gens qui vous entourent. Vous êtes passé par les épreuves du LSAT, de l’admission à la faculté de droit, de la faculté de droit elle-même, des entrevues pour obtenir un stage, du stage, de l’admission au barreau et de l’établissement d’une pratique.

Tous les jours au travail, vous surmontez des épreuves – peut-être même littéralement – qui exigent que vous utilisiez ce que vous avez appris en cours de route. En fin de compte, vous serez beaucoup plus heureux si vous pouvez terminer l’aventure de ce héros en « revenant à la maison » (à votre communauté élargie) pour mettre votre éducation et vos compétences professionnelles au profit de vos voisins. Prenez en considération la difficulté que vous éprouvez actuellement dans votre processus d’apprentissage par rapport aux personnes qui ne pratiquent pas le droit.

Comment pouvez-vous reconstruire ce muscle en vous concentrant sur votre perfectionnement en tant que juristes? De la même façon que vous le faites pour n’importe quoi où vous développez une expertise : en pratiquant!

Trouvez des activités où vous vous trouverez régulièrement dans des situations où il n’y a pas de juristes et où votre statut de juriste n’est pas la raison pour laquelle vous êtes là. Joignez-vous à un club de randonnée. Suivez un cours de peinture. Commencez à faire des longueurs à la piscine le matin et remarquez que le même groupe de personnes se présente tous les jours. Jetez un coup d’œil à des groupes ou à des clubs de rencontre locaux pour trouver une activité susceptible de vous plaire. Joignez-vous à un groupe de musique. Faites du bénévolat auprès de votre association communautaire locale ou de votre société de condominium.

Aussi, même si vous affirmez être préoccupé par le maintien de vos relations avec des personnes qui ne pratiquent pas le droit, je vais plutôt vous prodiguer des conseils sur l’établissement de nouvelles relations. Vous n’avez pas à abandonner vos relations existantes. Cependant, si les relations qui vous inquiètent sont celles où vous n’avez pas d’activités communes, alors il sera plus difficile de les maintenir, car vos muscles relationnels sont atrophiés. Utilisez l’exercice que je vous recommande ici pour perfectionner vos compétences. Au fur et à mesure que vous deviendrez meilleur pour tisser des liens, vous trouverez probablement qu’il est aussi plus facile de maintenir les relations que vous aviez avant de pratiquer le droit. L’amitié n’est pas quelque chose qui vient en quantité limitée. Si vous vous faites des amis dans une dimension de votre vie, il est probable que vous ayez plus de facilité à établir et à entretenir des relations ailleurs.

Il existe plusieurs façons de créer des occasions de reconstruire votre capacité à interagir avec les autres. Trouvez-en quelques-unes qui éveillent votre intérêt. Surtout, soyez prêt à changer si elles ne répondent pas à vos besoins. Trouver un groupe de pairs qui ne sont pas des juristes est quelque chose que vous devez voir comme une expérience où les erreurs et les impasses sont utiles à part entière.

Prenez bien soin de vous.
Advy