Meilleure-façon-de-dire-non

02 avril 2024

Chère Advy,

En tant que jeune juriste, j’ai du mal à établir des limites saines. La pression de toujours dire « oui » lorsque des juristes d’expérience me demandent de prendre une plus grande charge de travail que ce que je pense pouvoir gérer est énorme. Ma plus grande préoccupation est que si je dis « non », ces gens cesseront de me confier du travail ou je serai perçue comme une personne qui n’est pas capable de maintenir un rythme soutenu. Des suggestions sur la façon de gérer cette question?

Sincèrement,
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Chère Meilleure-façon-de-dire-non,

Avant de formuler des suggestions pour la gestion de limites saines, il peut être utile d’évaluer à quel point vos préoccupations sont objectivement réalistes. Avez-vous tenu compte des attentes liées à votre rôle, y compris des objectifs de rendement et du travail en dehors des heures normales de bureau? Aussi, avez-vous des preuves à l’appui de votre préoccupation selon laquelle le fait de dire « non » aura des conséquences négatives? De nombreux juristes éprouvent les mêmes préoccupations que vous, et bien que ces préoccupations découlent parfois d’attentes élevées connues en milieu de travail et de la culture de la profession, d’autres fois, cela est davantage lié à des traits de personnalité individuels. Parfois, c’est un peu des deux. Savoir d’où provient la pression peut vous aider à déterminer les limites ou mesures qui pourraient vous être utiles en dehors des conseils que je prodigue ci-dessous; vous pourriez trouver de la valeur à explorer cela avec une personne de confiance agissant comme mentor ou comme conseiller.

Quelle que soit l’origine de vos préoccupations, vous avez raison d’envisager d’établir des limites saines au début de votre carrière. La pression prolongée et le stress chronique associés à l’acceptation d’une charge de travail supérieure à ce que vous pouvez gérer mènent plusieurs juristes à l’épuisement professionnel. L’Étude nationale des déterminants de la santé psychologique des professionnels du droit au Canada, publiée en 2022, a confirmé que la fatigue physique et psychologique, tout comme l’exténuation découlant de l’épuisement professionnel, peut conduire « à un certain cynisme, à un détachement et à une sous-évaluation » des accomplissements personnels. Ironiquement, cela mène souvent à une baisse du rendement au travail qui a une incidence directe sur ce qui vous préoccupe.

En envoyant le présent message, vous avez peut-être déjà reconnu qu’il est malsain de dire « oui » tout le temps. Il est pratiquement impossible de tout faire, tout le temps, pour tout le monde. Nous avons tous et toutes des exigences et des besoins différents tout au long de notre vie, et il est acceptable, et peut-être même essentiel, d’exprimer nos besoins selon nos propres conditions, indépendamment de l’expérience de nos collègues et de juristes comptant plus d’expérience que nous.

Pour bien des gens, l’apprentissage de la défense des intérêts personnels est quelque chose qui ne vient pas naturellement. Cela peut prendre du temps et exiger de la pratique. Il pourrait être utile de réfléchir au fait que, lorsque des juristes chevronnés vous abordent, ils peuvent ne pas savoir à quel point vous êtes occupée et tenir pour acquis que vous vous sentirez à l’aise de dire si votre charge de travail est trop élevée. En défendant vos intérêts, vous gérez non seulement vos propres limites, mais vous aidez vos collègues à gérer le risque que le travail qu’ils vous confient ne se fasse pas à temps et dans le respect attendu des normes.

Alors, comment décidez à quels mandats dire « oui » ou « non »? La clé est de poser les bonnes questions au moment où quelqu’un vous aborde avec une demande. Cela peut inclure des questions sur les résultats attendus du travail, sur le calendrier des travaux à effectuer, sur l’importance de la date limite et sur l’existence d’obstacles connus à la réalisation du travail. Poser ces questions sert à plusieurs fins. Cela vous donne le temps de tempérer votre réaction instinctive, qui est de dire « oui », et d’évaluer rationnellement si vous pouvez aider. Cela montre aussi à la personne qui vous aborde que vous voulez aider, mais que vous souhaitez d’abord savoir si l’échéance est flexible et prendre conscience des conséquences si le travail n’est pas fait à temps. Enfin, cela vous donne suffisamment d’informations pour formuler une réponse réfléchie et honnête de l’une des manières suivantes :

« Merci de penser à moi pour ce travail, je serais ravie de vous aider. »

« Merci d’avoir pensé à moi pour cette tâche. Ma charge de travail actuelle ne me permettrait pas de respecter la date limite indiquée, mais je pourrais vous aider (1) si l’échéance est flexible, (2) si je peux travailler avec d’autres personnes, (3) autre solution. »

« Merci d’avoir pensé à moi pour cette tâche. Malheureusement, compte tenu de ma charge de travail actuelle, je ne pourrais pas terminer ce travail au moment où vous en avez besoin. J’aimerais vraiment vous aider avec d’autres tâches une fois que ma charge de travail s’allègera dans (indiquer un moment). »

Les formulations ci-dessus visent à vous fournir des exemples de ce que vous pouvez dire quand la réponse est « oui », « peut-être » ou « non, pas maintenant », mais ce que vous direz relève entièrement de vous. Écrire de possibles questions et réponses, et les pratiquer à haute voix, seule ou avec un ami de confiance, peut faciliter la transmission de votre réponse selon votre intention lorsque des juristes vous abordent pour vous proposer du travail. Vous pourriez trouver utile d’explorer cette question avec un mentor ou un conseiller de confiance, et un soutien par les pairs et des conseillers sont disponibles par l’intermédiaire de votre programme d’aide aux juristes de votre région.

Au début de la chronique, je vous invitais à vous demander si la pression que vous ressentez provient des attentes de votre milieu de travail ou de quelque chose d’autre. Je ferais preuve de négligence si je ne reconnaissais pas qu’il est possible que, même si vous utilisez l’approche ci-dessus, certains juristes cessent de vous confier du travail ou tirent une conclusion négative si votre réponse est « non ». Vous remarquez aussi peut-être que certains juristes s’adressent à vous, car ils aiment votre prévenance et votre honnêteté, et savent que lorsque vous dites « oui », ils peuvent compter sur vous pour obtenir d’excellents résultats. Au fil du temps, vous déterminerez si vos valeurs et vos besoins correspondent généralement à votre environnement de travail ou si des changements sont nécessaires pour les harmoniser. Sachez que les milieux de travail juridiques se présentent sous toutes les formes et toutes les tailles, et si votre lieu de travail particulier ne peut pas respecter les limites saines que vous établissez, il y en a beaucoup qui le feront.

Prenez bien soin de vous,
Advy