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Le régime des suramendes compensatoires est inconstitutionnel

22 janvier 2019

En décembre, la Cour suprême du Canada porté un coup décisif aux suramendes compensatoires, statuant, dans l’affaire R. c Boudreault, que le régime actuel de suramendes est inconstitutionnel et constitue une « peine cruelle et inusitée » imposée aux contrevenants impécunieux.

Les modifications apportées au Code criminel il y a plusieurs années ont porté les suramendes compensatoires à 30 % de toute amende infligée ou à 100 $ pour toute déclaration de culpabilité par procédure sommaire et 200 $ pour chaque infraction punissable sur déclaration de culpabilité par mise en accusation. Les juges pouvaient augmenter, mais ne pouvaient pas diminuer le montant de la suramende ou l’annuler, et la suramende ne pouvait faire l’objet d’un appel interjeté par le contrevenant auquel elle était infligée.

La majorité des juges (les juges Côté et Rowe étant dissidents) a eu recours à un langage inhabituellement véhément pour condamner les suramendes.

La suramende constitue une peine cruelle et inusitée et viole donc l’art. 12  de la Charte, car les effets de la suramende créent des circonstances exagérément disproportionnées à la peine qui serait par ailleurs juste, sont incompatibles avec la dignité humaine et sont à la fois odieux et intolérables. Dans les circonstances de l’espèce, la peine juste pour les contrevenants ne comprendrait pas la suramende, puisqu’elle leur aurait causé un fardeau injustifié en raison de leur impécuniosité. La détermination de la peine est d’abord et avant tout un processus individualisé qui met en balance divers objectifs, tout en tenant compte des circonstances particulières du contrevenant ainsi que de la nature et du nombre des actes criminels qu’il ou elle a commis. La question fondamentale est celle de savoir si les contrevenants sont en mesure de payer, et dans les cas qui nous occupent, ils ne le sont pas.

L’arrêt souligne qu’en l’espèce, les contrevenants qui ont interjeté appel à l’encontre de la suramende « vivent tous dans une grande pauvreté et sont aux prises avec divers problèmes de dépendance, de maladie mentale et d’incapacité ».

Dans un mémoire de 2012 portant sur les augmentations des suramendes compensatoires proposées dans le projet de loi C-37, la Section du droit pénal de l’ABC a déclaré que bien qu’elle appuie la théorie sur laquelle les suramendes reposent, à savoir que les fonds recueillis dans le cadre de la détermination de la peine servent à financer des programmes d’aide aux victimes de la criminalité, l’augmentation préconisée dans le projet de loi « représentera un préjudice grave pour de nombreux contrevenants et leur famille ».

On y soulignait en outre que le projet de loi allait éliminer le pouvoir discrétionnaire des juges. Avant ces modifications, les juges pouvaient renoncer à la suramende lorsqu’ils estimaient qu’elle allait causer des difficultés injustifiées aux contrevenants ou aux personnes à leur charge.

« Les modifications proposées engendreraient des résultats contraires aux principes fondamentaux de la détermination de la peine sur le plan de la possibilité par les juges d'adapter les sanctions aux contrevenants et aux infractions », a affirmé la section.

L’arrêt de la Cour suprême a indiqué que la suramende aura « un effet préjudiciable disproportionné sur les contrevenants démunis, toxicomanes et sans domicile fixe », faisant écho aux remarques de la section dans son mémoire de 2012 qui affirmait : « Le projet de loi C-37 aurait un effet inéquitable sur les personnes déjà pauvres, marginalisées et vulnérables. De nombreuses personnes ont des démêlés avec la justice pénale en raison de la pauvreté, de la maladie mentale et/ou de déficiences cognitives, et elles seront incapables de verser même une somme modique ».