Ils appellent ça « sortir les poubelles ». Vous savez, lorsque la nouvelle est communiquée un vendredi soir après la fermeture des bureaux ou la veille d’un congé quelconque du gouvernement. C’est précisément le moment qu’a choisi le gouvernement pour publier son document de consultation sur le processus disciplinaire de la magistrature : le dernier jour de travail de juin, à 16 h 30 sur Twitter, avec une date limite pour répondre fixée au 31 août.
Malgré tout, l’ABC a composé une équipe de juristes, dont la présidente du Comité de déontologie, expérimentés dans le domaine du processus disciplinaire de la magistrature et dans d’autres questions de discipline professionnelle, et l’a chargée de commenter les propositions. Leur lettre est fondée sur un mémoire de 2014 (disponible uniquement en anglais) portant sur ce sujet et adressé au Conseil canadien de la magistrature (CCM).
L’ABC a conçu sa réponse (disponible uniquement en anglais) dans les limites de l’exigence double de protéger l’indépendance de la magistrature et de garantir que justice sera rendue et qu’elle le sera au vu et au su de tous.
[TRADUCTION] « Les professions autonomes sont vulnérables, car le public tend à soupçonner que leurs instances dirigeantes agissent dans l’intérêt des membres de la profession plutôt que dans le sien », affirme le mémoire.
Le mémoire comporte 16 recommandations, dont les suivantes.
- Des profanes devraient participer à toutes les étapes du processus d’enquête afin de garantir la transparence et la responsabilisation.
- Les juges puînés devraient jouer un rôle plus important dans le processus d’enquête.
- Le rôle des conseillers indépendants devrait être restauré conformément aux règlements administratifs du CCM et celui d’avocat ou de conseiller du comité, s’il doit être maintenu, devrait être limité à une fonction essentiellement administrative. Le but de cette recommandation étant de préserver la nature inquisitoire, et non accusatoire, de l’enquête.
Le mémoire réitère également un appel lancé en 2014 au Conseil canadien de la magistrature pour qu’il élabore un code de procédure à l’usage des comités d’enquête. Ce mémoire reconnaissait qu’il faudra du temps pour le faire et que, pendant ce temps, les enquêtes devraient se poursuivre. Cependant, selon le dernier mémoire en date, il est temps de faire des progrès à cet égard. L’ABC recommande maintenant que pour remplacer ses Principes de déontologie judiciaire actuels, le Conseil canadien de la magistrature élabore un code de déontologie normatif à l’intention des juges.
Remarquant que les organismes provinciaux et territoriaux ont compétence pour imposer un grand nombre de sanctions alors que le Conseil canadien de la magistrature ne dispose que d’une seule option réelle, soit celle de révoquer les juges, le mémoire recommande également qu’outre la révocation, le CCM ait accès à un plus vaste éventail de mesures et de sanctions d’ordre disciplinaire de moindre gravité.
[TRADUCTION] « Le fait de ne fournir qu’un recours, le plus sévère de tous les recours possibles, peut soit faire hésiter les comités d’enquête à conclure à l’inconduite, ce qui se traduit par le fait que des juges qui devraient être sanctionnés ne le sont pas, soit imposer aux juges coupables d’inconduite la sanction ultime qu’est la révocation alors que l’inconduite en cause justifie une sanction de moindre gravité. »
S’agissant de genre de plaintes qui devraient être portées devant un comité d’enquête, le mémoire recommande que seules celles qui ont déjà été examinées par le CCM progressent jusqu’à ce stade.
Dans l’intérêt de la transparence encore une fois, l’ABC recommande que le Conseil canadien de la magistrature élargisse l’éventail des plaintes qu’il résume dans son rapport annuel et fournisse de plus amples renseignements à leur égard au sujet de la nature des plaintes rejetées et des motifs de leur rejet, sans pour autant identifier les juges en question. Elle recommande en outre l’élaboration d’une politique officielle pour la divulgation des renseignements concernant les affaires une fois qu’elles ont atteint l’étape de l’enquête.
[TRADUCTION] « Dans le cadre de l’élaboration de ces recommandations, l’ABCa envisagé les réformes qui seraient favorables à l’intérêt du public concernant la responsabilisation tout en protégeant l’indépendance de la magistrature et en créant un équilibre entre lesdits intérêts et les risques pour la vie privée et la réputation de chacun des juges », déclare le mémoire. « Nos commentaires portent, de façon générale, sur l’équilibre qui doit être atteint entre les instruments législatifs et de politique dans le cadre de la mise en œuvre de ces réformes. »