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Trouver la juste mesure pour départager la liberté d’expression du discours haineux

26 octobre 2020

Le droit qu’a l’un de s’exprimer doit s’arrêter là où le droit qu’a l’autre d’être à l’abri de discours haineux commence, et vice versa. C’est une manœuvre délicate d’atteindre cet équilibre, et encore plus délicate d’en faire une disposition législative.

« Le Canada a la malchance d’avoir mal jugé cet équilibre dans ses lois tant civiles que pénales », affirment la Section du droit constitutionnel et des droits de la personne, la Section du droit pénal et la Section sur l’orientation et l’identité sexuelles dans leur commentaire (en anglais seulement – toutes les citations sont des traductions) sur un document de consultation de Justice Canada paru plus tôt cette année.

« Les sections de l’ABC sont ravies de voir le gouvernement du Canada porter un regard neuf sur ces lois et l’occasion se renouveler de trouver le juste équilibre. »

Les sections proposent 17 recommandations qui portent surtout sur le discours haineux sur Internet et visent à rétablir l’équilibre dans les lois adoptées antérieurement. Elles proposent notamment de refondre l’ancien article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui selon elles était « valable en substance, mais déficient dans la forme » puisqu’il limitait indûment la liberté d’expression.

« Comment éviter que quelqu’un qui se formalise aisément refuse à autrui son droit légitime de s’exprimer? Comment empêcher les instigateurs de se faire passer pour les victimes et d’utiliser la loi pour faire taire la critique envers leur incitation à la haine en alléguant que c’est cette critique, la véritable incitation à la haine? » demandent les sections. « Notre réponse consiste à reconstituer l’essence de l’ancien article 13 de la Loi et à y adjoindre de nouvelles garanties procédurales, pour empêcher que la loi serve à brimer le droit légitime de s’exprimer comme le permettait l’ancienne mouture de l’article. »

Ces garanties comprennent la mise en place de principes d’adjudication des dépens des procédures présentées au Tribunal canadien des droits de la personne « pour faire en sorte d’une part de ne pas inhiber le dépôt de plaintes bien fondées sur des questions d’intérêt public, et pour empêcher d’autre part que cette procédure constitue une forme de persécution en soi. »

Autres garanties :

  • Création d’un point de contrôle : le procureur général du Canada doit accepter les poursuites pénales dans les cas de discours haineux; la Commission des droits de la personne doit faire l’analyse préalable des poursuites civiles.
  • Interdiction de déposer une même plainte contre un même intimé auprès de plusieurs instances.
  • Habilitation de la Commission et du Tribunal à retirer des parties d’une plainte.
  • Interdiction de déposer des plaintes anonymes, sous réserve d’exceptions précises.
  • Instauration d’un principe général de divulgation, et description de toute exception relative à ce principe.

Les sections recommandent aussi l’ajout d’un recours civil dans les cas de discours haineux sur Internet « visant non seulement les instigateurs, mais aussi ceux qui publient leurs discours, notamment les plateformes Internet. Les fournisseurs Internet ne devraient pas avoir droit à l’immunité civile pour le contenu de leurs plateformes. »

Les sections recommandent de conférer au Tribunal le pouvoir de rendre des ordonnances juridiquement contraignantes pour les fournisseurs Internet. « Bien que les conditions d’utilisation des grands fournisseurs Internet interdisent explicitement l’incitation à la haine, il faut aussi mettre activement cette interdiction en application », affirment les sections. Celles-ci reconnaissent les difficultés pour y parvenir, mais observent que la Commission européenne a trouvé des solutions et établi un modèle à suivre.

« Les fournisseurs Internet n’ont pas à avoir le dernier mot sur la définition de discours haineux », mentionnent les sections.

« Si le Tribunal conclut qu’une communication sur Internet constitue un discours haineux, les grands fournisseurs Internet doivent respecter cette décision au Canada parce qu’ils se sont engagés à respecter les lois locales. »

Les sections soutiennent aussi que l’application des interdictions prescrites dans le Code criminel contre l’incitation à la haine pourrait être optimisée. Elles proposent que les procureurs généraux ou les directeurs des poursuites pénales adoptent et rendent publics des critères sans équivoque quant au refus d’accepter une poursuite, et qu’ils donnent les raisons pour lesquelles une plainte ne satisfait pas à ces critères.

Voici quelques autres recommandations :

  • Formulation de définitions du discours haineux.
  • Ratification du Protocole additionnel à la Convention du Conseil de l’Europe sur la cybercriminalité, que le Canada a signée en 2005.
  • Invitation à la population à faire des signalements, tout particulièrement concernant l’activité sur Internet : « La surveillance du contenu colossal d’Internet requiert la participation de beaucoup de monde. Pour que l’on ait confiance en la capacité de la Commission de prendre acte des abus sur Internet, il faut mener une campagne énergique d’éducation populaire pour que le public signale à la Commission tout discours haineux qu’il observe en ligne. »