Projet de loi C-16 : Sept fois sur le métier remettez votre ouvrage!

19 mai 2016

La ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, a présenté mardi le projet de loi C-16 qui, s’il est adopté, modifiera la Loi canadienne sur les droits de la personne pour ajouter l’identité de genre (ou identité sexuelle) et l’expression de genre (ou expression sexuelle) à la liste des motifs de distinction illicite, et le Code criminel afin « d’étendre la protection contre la propagande haineuse prévue par cette loi à toute section du public qui se différencie des autres par l’identité ou l’expression de genre et de clairement prévoir que les éléments de preuve établissant qu’une infraction est motivée par des préjugés ou de la haine fondés sur l’identité ou l’expression de genre constituent une circonstance aggravante que le tribunal doit prendre en compte lorsqu’il détermine la peine à infliger ».

Ce n’est pas le premier projet de loi du genre à être déposé devant le Parlement – c’est même le septième en dix ans –, mais comme il est le premier à émaner du gouvernement en place, il a de bonnes chances de mener à quelque chose de concret cette fois-ci.

Le premier ministre Justin Trudeau a été bien clair l’automne dernier sur les intentions de son gouvernement dans sa lettre de mandat pour la ministre de la Justice, où il intimait cette dernière de « mettre en œuvre des dispositions législatives gouvernementales pour ajouter l’identité de genre au nombre des motifs de distinction illicites en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, ainsi que pour intégrer cet élément à la liste des traits distinctifs des “groupes identifiables” protégés en vertu des dispositions du Code criminel portant sur la propagande haineuse ».            

L’ABC se bat depuis des années pour l’inclusion de l’identité et de l’expression de genre comme motifs de distinction illicite. En 2010, le Conseil de l’ABC a adopté une résolution exhortant les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux à protéger expressément les personnes transgenres contre la discrimination et les crimes motivés par la haine. L’Association a aussi, à de multiples reprises, invité le gouvernement précédent à adopter le projet de loi C-279, un projet précédent émanant d’un député (Randall Garrison du NPD) et qui avait les mêmes visées que le projet de loi C-16. Celui-ci avait été affublé du sobriquet « projet de loi des toilettes » (bathroom bill) lorsque c’était jouée au Canada la même scène qu’en Caroline du Nord : en effet, un comité du Sénat avait amendé le projet de façon à restreindre l’accès aux salles de bains et aux vestiaires.

Le Forum sur l’orientation et l’identité sexuelles et le Comité sur l’égalité ont écrit, dans une lettre envoyée à plusieurs députés :

L’opposition au projet de loi C- 279 semble reposer principalement sur un malentendu concernant la législation en matière de droits de la personne et les dispositions criminelles   en vigueur. Les arguments selon lesquels la protection juridique des personnes transgenres permettrait aux prédateurs sexuels masculins d’envahir les vestiaires et les toilettes des femmes négligent délibérément le fait que rien dans le projet de loi ne diminuerait les interdictions criminelles actuelles contre le voyeurisme et les agressions sexuelles. Ces déformations discriminatoires courantes du projet de loi ne font que fournir une preuve supplémentaire de la nécessité de son adoption.

(r-l) Equality Committee chair Mark Berlin, SOGIC co-chair Nicole Nussbaum and staff lawyer Tina Head at the technical briefing

Mardi dernier, la coprésidente du Forum, Nicole Nussbaum, et le président du Comité sur l’égalité, Mark Berlin, se sont joints aux activistes de partout au pays qui s’étaient déplacés à l’occasion de la première lecture à la Chambre du projet de loi C-16. Le député Garrison a pressé le gouvernement de « garantir » que le projet sera ratifié par le Sénat cette fois-ci.

Dans une lettre envoyée en 2013 à Marjory LeBreton, qui était alors leader du gouvernement au Sénat, le président de l’ABC de l’époque, Robert Brun, écrivait :

« Des données récentes montrent […] que les personnes transgenres et transsexuelles sont quotidiennement victimes de violations des droits de la personne et d’actes de violence, allant de la violence verbale au meurtre.

[…]

Bien que l’interprétation large de la législation existante sur les droits de la personne englobe actuellement l’identité sexuelle, il demeure une certaine incertitude dans la législation, ce qui entraîne une augmentation du nombre de violations ainsi que des litiges inutiles et coûteux. Des garanties implicites ne fournissent pas une base juridique forte pour réprimander et condamner la violence motivée par la haine, sensibiliser le public et prévenir les atteintes aux droits de la personne. »

L’ABC félicite le gouvernement d’avoir déposé le projet de loi C-16 qui, à son adoption, explicitera ces garanties implicites.

(De droite à gauche) Mark Berlin, Président du Comité sur l'égalité, Nicole Nussbaum, 1ere coprésidente du Forum sur l'orientation et l'identité sexuelles, et Tina Head, personne ressource de la réforme du droit de l'ABC.