Ottawa, 27 octobre 2022 - Les résultats d’une étude nationale d’envergure, la première en son genre, brossent un tableau alarmant de l’état de santé mentale des juristes canadiens. Des niveaux considérables de détresse psychologique, de dépression, d’anxiété, d’épuisement professionnel et d’idéation suicidaire sont en effet constatés chez les juristes du pays, indépendamment de leur domaine de pratique ou du lieu où ils exercent. Par ailleurs, ce sont les professionnels en début de carrière qui affichent les taux de détresse les plus élevés.
Le rapport de L’Étude nationale des déterminants de la santé psychologique des professionnels du droit au Canada est désormais disponible. Entreprise par une équipe de chercheurs de l’Université de Sherbrooke sous la direction de la Pre Nathalie Cadieux et financée par la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada et l’Association du Barreau canadien, cette étude vient combler d’importantes lacunes dans les connaissances existantes sur la santé mentale des professionnels du droit.
« Le rapport est un signal d’alarme pour la profession et les organismes de réglementation », selon le président de la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, Nicolas Plourde, qui ajoute : « Les constatations sont extrêmement troublantes, mais l’étude nous procure l’information dont nous avons besoin pour permettre à l’ensemble des intervenants – employeurs, organismes de réglementation et professionnels du droit – de décider, à partir de données probantes, quelles politiques et pratiques sont susceptibles d’aider. »
« Les données présentées dans ce rapport global jettent un éclairage cru sur le poids écrasant que le travail fait peser au quotidien sur les juristes et leurs proches, a déclaré Steeves Bujold, président de l’Association du Barreau canadien. En tant que membre de la communauté LGBTQ2S+, je suis profondément attristé de constater la présence de taux élevés de stress, d’anxiété, d’épuisement professionnel et de dépression au sein de ce groupe. Chacun de nous devrait s’inquiéter de ces données et des conséquences que cela emporte pour les juristes, tout particulièrement pour les femmes, les jeunes, les personnes ayant un handicap, les Autochtones et les membres d’autres groupes racisés. Je suis impatient de reprendre le dialogue sur cette importante question avec notre communauté dans le cadre de la lutte que nous menons pour transformer la façon dont nous exerçons nos activités et instaurer un climat propice à la disparition des préjugés sur la santé mentale. »
Selon la Pre Nathalie Cadieux, Ph. D., CRHA, professeure agrégée et chercheure principale à l’École de gestion de l’Université de Sherbrooke, quel que soit le domaine en cause, l’amélioration d’une situation ne peut se faire sans procéder dans un premier temps à des mesures quantitatives. « À défaut de mesurer rigoureusement les problématiques de santé et les stresseurs à l’origine de ces problématiques, il nous serait impossible d’entreprendre des actions durables pour favoriser la santé des juristes. Or, je suis fière d’annoncer qu’en se mobilisant, la communauté juridique canadienne et mon équipe ont franchi ensemble cette première étape. »
Les données analysées dans le rapport proviennent d’un sondage national sur le mieux-être des professionnels du droit du pays. Au total, plus de 7 300 juristes (avocats et stagiaires en droit de l’ensemble des provinces et territoires, notaires du Québec et parajuristes de l’Ontario) ont participé au sondage. Le rapport analyse les données tirées du sondage et présente des constatations relatives à la prévalence d’indicateurs de santé tels que la détresse psychologique et le stress autoévalué, la dépression et l’anxiété, l’épuisement professionnel et l’idéation suicidaire ainsi qu’à l’influence exercée par certains facteurs sur le mieux-être des juristes, comme le cadre de travail, le modèle des heures facturables, la technologie, la pandémie de COVID-19, l’incivilité, l’épuisement de la capacité de compassion, la culture organisationnelle et le cadre réglementaire.
Voici quelques-unes des principales constatations de l’étude :
- Plus de la moitié des répondants ont dit éprouver de la détresse psychologique et de l’épuisement professionnel. On observe des taux encore plus élevés parmi les professionnels en situation de handicap, les stagiaires en droit, les avocats de 26 à 35 ans, les professionnels du droit comptant moins de dix années d’expérience, ceux qui se définissent comme appartenant à la communauté LGBTQ2S+ et enfin, les femmes.
- Le modèle des heures facturables a des effets hautement délétères sur la santé mentale des juristes, mais les effets les plus importants proviennent de la charge émotionnelle suscitée par le travail avec les clients.
- Le conflit entre le travail et la vie personnelle, un facteur de stress critique, est associé à un taux significativement plus faible d’engagement envers la profession et à un taux considérablement plus élevé d’intention de quitter la profession.
- Les professionnels du droit en situation de handicap et ceux des groupes minoritaires éprouvent des problèmes de santé mentale plus importants.
- La consommation d’alcool et de drogues des professionnels du droit a atteint des niveaux inquiétants;
- Les meilleurs moyens qui s’offrent aux juristes pour renforcer leur résilience et se prémunir contre les facteurs de stress sont la capacité à se détacher psychologiquement du travail et à fixer des limites.
À la fin de l’automne, l’équipe de chercheurs présentera des recommandations concernant les mesures susceptibles d’être prises pour favoriser le mieux-être des professionnels du droit au Canada. Elle amorcera également la phase II de l’étude, qui consistera à mener des entrevues qualitatives auprès de ces professionnels en vue de faire ressortir ce qui distingue chaque province et territoire. La fin de cette deuxième phase est prévue pour 2024.
Une foire aux questions sur le projet national a également été publiée.
La Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada est l’association nationale qui réunit les 14 ordres professionnels de juristes ayant pour mandat, à la demande des provinces et territoires, de réglementer l’exercice du droit des 134 390 avocats du Canada, 4 200 notaires du Québec et 10 000 parajuristes autorisés de l’Ontario dans l’intérêt du public.
L’Association du Barreau canadien se voue à la primauté du droit et à l’amélioration du droit et de l’administration de la justice. Quelque 37 000 avocats, notaires du Québec, professeurs de droit et étudiants en droit de toutes les régions du Canada en sont membres.
L’Université de Sherbrooke est un établissement universitaire public de langue française du Québec. La Pre Nathalie Cadieux, Ph.D, CRHA, est professeure agrégée et chercheure principale à l’École de gestion (Management et Gestion des ressources humaines) de l’Université de Sherbrooke. Le Comité d’éthique de la recherche Lettres et sciences humaines de l’Université de Sherbrooke a approuvé le projet de recherche et veillé au respect des règles d’éthique.
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