Le bureau national de l'ABC sera fermé du 23 décembre 2025 au 1er janvier 2026 (inclusivement), et reprendra ses activités le 2 janvier 2026.

Skip to main content

Des nouvelles de l’enquête Torstar-Postmedia

29 novembre 2019

En 2017, Torstar et Postmedia ont conclu un marché pour l’échange d’actifs portant sur plusieurs quotidiens locaux. Peu après la conclusion de la fusion, le Bureau de la concurrence confirmait l’ouverture d’une enquête sur ce marché. Le présent article fournit un bref résumé de ce qui est connu publiquement concernant cette enquête, à ce jour.

La transaction et les allégations du Bureau de la concurrence

Le 27 novembre 2017, Postmedia et Torstar ont annoncé (article uniquement en anglais) publiquement la conclusion d’une transaction comportant le transfert de 41 journaux communautaires et quotidiens dont la plupart sont situés dans l’Est et le Sud de l’Ontario. Plus précisément, Postmedia a transféré à Torstar la propriété de 17 journaux et de leurs plateformes numériques respectives en échange de 24 journaux et de leurs plateformes numériques respectives (à l’exception de Metro Ottawa et Winnipeg dont seules les versions imprimées ont été transférées). Le même jour, Postmedia a annoncé qu’elle allait éliminer tous les journaux qu’elle avait acquis, sauf un, et Torstar a annoncé qu’elle ne continuerait à produire que quatre journaux. En tout, 36 des 41 journaux ont été éliminés, se traduisant par la perte d’environ 300 emplois.

Lors d’un appel téléphonique placé juste avant l’annonce publique de la transaction, Torstar et Postmedia ont informé la Direction des fusions du Bureau de la concurrence que la transaction n’était soumise à aucune exigence d’avis préalable à la fusion. Malgré cet avis, la Direction des fusions a, le jour même, entamé un examen de la transaction, cherchant à savoir si le marché allait se traduire par une diminution ou un empêchement considérables de la concurrence dans ce secteur.

Deux jours plus tard, soit le 29 novembre 2017, la Direction des cartels du Bureau a ouvert sa propre enquête criminelle fondée sur l’article 45 de la Loi sur la concurrence (la Loi). L’enquête criminelle sur le complot était axée sur la question de savoir si Torstar et Postmedia, en leur qualité d’éditeurs de journaux concurrents, avaient antérieurement discuté et dressé une liste, afin d’éviter toute concurrence, des journaux particuliers qui allaient être transférés, des employés dont les postes allaient être éliminés, et quels journaux allaient opérés dans quelles régions particulières pendant une période donnée.

Enquête à ce jour

En réponse aux enquêtes, les deux parties ont déclaré ne pas avoir comploté et ne pas avoir discuté ensemble leurs intentions. Malgré tout, le 6 mars 2018, le commissaire à la concurrence, se fondant sur l’article 10 de la Loi, a entamé une enquête pour déterminer les faits et pour savoir si la conduite de Torstar et de Postmedia avait enfreint l’article 45 de la Loi. Cette enquête était distincte et réalisée parallèlement à l’examen des effets sur la concurrence mené par la Direction des fusions du Bureau.

Dans les jours qui ont suivi l’ouverture de l’enquête par le commissaire, la Cour supérieure de l’Ontario a fait droit à la demande de mandats de perquisition et de saisie. Les agents du Bureau de la concurrence ont effectué des perquisitions (article uniquement en anglais) dans les bureaux de Postmedia, de Torstar et du groupe Metroland Media Group dans la région du Grand Toronto.

Le 12 mars 2018, le Bureau de la concurrence a publié une déclaration dans laquelle il confirmait qu’il enquêtait sur des allégations de comportements anticoncurrentiels contraires aux dispositions de la Loi ayant trait aux complots et réalisait un examen distinct fondé sur les dispositions concernant les fusions.

Le Bureau a annoncé qu’il poursuivait uniquement son enquête criminelle (article uniquement en anglais) en novembre 2018. Dans un courriel en réponse à des questions des médias, un porte-parole a déclaré : [TRADUCTION] « Pour mener son enquête et obtenir des éléments de preuve, la Loi sur la concurrence et le Code criminel fournissent au Bureau un certain nombre d’outils, notamment les fouilles, les ordonnances judiciaires exigeant la production de documents ou des réponses écrites à des questions, les dépositions orales et les écoutes téléphoniques ». En outre, le 4 décembre 2018, le Bureau de la concurrence a obtenu une ordonnance de la Cour supérieure de l’Ontario pour faire progresser son enquête qui nécessitait que ses enquêteurs interrogent sous serment un ancien employé et cinq employés actuels de Torstar. Outre ces évolutions de l’affaire, rares ont été les informations qui ont été révélées publiquement concernant les enquêtes, à l’exception de nouvelles quant à la procédure, y compris la publication d’une ordonnance de mise sous scellés et de requêtes pour trancher les revendications des éditeurs concernant le secret professionnel.

À ce jour, aucune accusation n’a été portée et les autres détails concernant l’enquête, qui demeure en cours, restent confidentiels.

Regard sur l’avenir

Une fois l’enquête terminée, le commissaire décidera s’il dispose de suffisamment de preuves pour exercer des poursuites. S’il considère que c’est le cas, il renverra l’affaire devant le Service des poursuites pénales du Canada qui l’examinera et décidera s’il est approprié d’entamer des poursuites.

La théorie de la responsabilité pénale du Bureau demeure peu claire. Son cadre analytique, tel qu’il est énoncé dans les Lignes directrices sur la collaboration entre concurrents, indique que le Bureau réserve le recours à l’article 45 et aux dispositions pénales de la Loi aux seuls comportements anticoncurrentiels les plus graves, soit les plus « flagrants », ou aux « restrictions pures et simples » de la concurrence. En revanche, les comportements qui pourraient faire l’objet des moyens de défense fondés sur les restrictions accessoires en application du paragraphe 45(4) ne feront pas l’objet d’une enquête criminelle fondée sur les Lignes directrices sur la collaboration entre concurrents. Dans ce contexte, il est difficile de discerner la manière dont le comportement en question, soit un échange d’actifs probablement motivé par les considérations commerciales typiques qui président généralement aux transactions (comme la fiscalité) pourrait être considéré comme une violation de l’article 45.

Les suites de cette enquête, à savoir l’exercice de poursuites, demeurent floues. Rares sont les détails mis à la disposition du public concernant l’état actuel de l’enquête.

Sean Stephenson est avocat principal dans le cabinet Dentons Canada s.e.n.c.r.l.