- Dans Automodular Corporation v. General Motors of Canada Limited, 2018 ONSC 1640, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a rejeté la motion d’Automodular Corporation, qui souhaitait faire ajouter la TVH (13 % en Ontario) à la somme forfaitaire fixée pour que soit pris en compte l’article 182 de la Loi sur la taxe d’accise (la « LTA »).
- Selon cet article de la LTA, les sommes payées en règlement de l’inexécution d’un contrat comprennent généralement la TPS ou la TVH (dans la mesure où le contrat violé portait sur la réalisation d’une fourniture taxable et que la contrepartie de cette fourniture aurait été taxable).
- Le règlement à l’amiable, dans le présent cas, ne faisait aucune mention de la TVH. Plus particulièrement, il ne stipulait pas que le montant forfaitaire convenu aurait à être majoré pour tenir compte de l’article 182 de la LTA.
- Dans sa décision du 21 mars 2018, le juge Dunphy a refusé de présumer que les modalités du règlement prescrivaient l’ajout de la TVH au montant de la somme forfaitaire.
- Comme Automodular Corporation n’avait pas tenu compte de l’article 182 de la LTA avant d’accepter l’entente, la somme du règlement s’est avérée plus modeste que prévu, car la TVH que l’entreprise était réputée avoir perçue (et qui devait ensuite être remise au gouvernement) se trouvait comprise dans la somme forfaitaire de sept millions de dollars.
Contexte
Automodular Corporation avait entretenu une relation contractuelle avec la General Motors du Canada Limitée et General Motors Company pendant plusieurs années. Elle se chargeait du montage de sous-ensembles pour certains modules installés dans les véhicules que fabriquaient les défendeurs. Ces services constituaient une fourniture taxable sujette à la TVH aux termes de la LTA.
En avril 2010, les défendeurs ont décidé de mettre un terme à leur relation contractuelle avec Automodular Corporation, qui a alors déposé une déclaration dans laquelle elle demandait à la Cour de lui accorder des dommages-intérêts pour divers motifs, notamment l’inexécution d’un contrat. La perte de ce contrat a eu des répercussions à long terme sur le demandeur, qui a dû cesser ses activités. Sa demande contre les défendeurs représentait le principal des actifs qu’il lui restait.
À l’approche du procès (qui devait durer 14 jours), les parties ont finalement négocié un règlement pour la somme forfaitaire de sept millions de dollars, lequel ne faisait aucune mention de la TVH. Dix jours plus tard, les défendeurs ont fait parvenir à l’autre partie le compte rendu du règlement, dans lequel la TVH n’était toujours pas mentionnée. Toutefois, Automodular Corporation a alors répondu que, selon l’avis de ses conseillers fiscaux, le paiement du règlement devait être majoré pour qu’y soit comprise la TVH, ce que les défendeurs ont refusé.
Litige
Les parties ont convenu qu’un règlement valable et exécutoire avait bel et bien été conclu. Cependant, le litige concernant le montant que les défendeurs auraient à payer (sept millions de dollars ou ce même montant majoré de la TVH) n’avait pas été résolu; c’est pourquoi la demande a été portée devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario.
Décision
Notons tout d’abord que les demandes ayant fait l’objet du règlement, examinées séparément, comprennent plusieurs éléments qui n’auraient pas été assujettis à la TVH, car ils ne répondaient pas à la définition de fourniture taxable. Cela dit, la demande, telle qu’elle a été présentée, ne faisait pas mention d’un litige entre les parties à propos de l’application de la TVH aux termes de l’article 182 de la LTA.
L’article 182 de la LTA énonce essentiellement que dans le cas où, à un moment donné, par suite de l’inexécution, de la modification ou de la résiliation d’une convention portant sur la réalisation d’une fourniture taxable au Canada par un inscrit au profit d’une personne, un montant est payé à l’inscrit, autrement qu’à titre de contrepartie de la fourniture (ou encore, une dette ou autre obligation de l’inscrit est réduite ou remise sans paiement au titre de la dette ou de l’obligation), la personne est réputée avoir payé, au moment donné, un montant de contrepartie pour la fourniture égal à 100/105 du montant payé ou ayant fait l’objet de la renonciation (ou égal à 100/113 en Ontario, où le taux de la TVH est de 13 %).
Dans la présente affaire, le montant du règlement devait être payé directement en raison de l’inexécution de la convention d’origine entre Automodular Corporation et les défendeurs. La Cour devait donc établir si les parties avaient prévu que la somme de sept millions de dollars constitue :
- soit un règlement de l’ensemble des demandes;
- soit une somme qui serait assujettie à l’obligation de paiement d’un montant supplémentaire de TVH.
Selon la Cour, il ne fait aucun doute que le demandeur, pourtant une partie en litige avertie représentée par des conseillers juridiques avertis, a tout simplement négligé les répercussions de l’article 182 de la LTA jusqu’à ce que le règlement soit signé. Il appartenait donc à la Cour d’établir s’il fallait présumer qu’il existait une modalité contractuelle tacite dans le règlement conclu en appliquant les principes bien établis du droit des contrats (un règlement à l’amiable étant un contrat comme un autre). De l’avis du juge Dunphy, de telles modalités ne peuvent exister que s’il est possible de prouver qu’elles sont nécessaires à l’application commerciale de l’entente conclue et qu’elles expriment un accord réciproque si évident qu’il n’a pas été formulé. Dans cette affaire, le libellé de l’entente de règlement ne comportait aucune ambiguïté et correspondait à celui utilisé dans d’autres ententes ne comportant pas de clause précise sur la TVH.
Dans cette affaire, l’entente de règlement était simple et prévoyait l’attribution d’une somme forfaitaire qui n’avait pas été répartie entre les nombreuses demandes présentées dans la déclaration. Comme il a été relevé dans le libellé des dispositions pertinentes, Automodular Corporation avait convenu de la somme qu’elle était prête à accepter, sans répartition précise. La Cour a donc tranché qu’il serait déraisonnable de présumer qu’il existait une modalité tacite dans l’entente, car une telle supposition reviendrait à imposer un accord différent de celui qu’avaient d’abord conclu les parties.
Principales conclusions
- La Cour a fait la distinction entre la présente affaire et d’autres décisions relatives à la mise en application de l’article 182 de la LTA (Re Ravelston Corp., 2006 CarswellOnt 5697, [2006] O.J. No. 3764, et Re TravelBrands Inc., 2017 ONSC 3161). Dans ces affaires, la non-reconnaissance d’une modalité tacite (du même type que celle étudiée ici) aurait fait obstacle aux attentes que partageaient les deux parties. En revanche, dans la présente affaire, [traduction] « la convention ne comporte pas de stipulation dont l’exécution laisserait supposer qu’une situation précise relativement à la TVH est contrecarrée » (par. 34).
- Avant de s’engager, les parties doivent donc examiner tous les aspects et les ramifications d’un règlement à l’amiable, y compris l’application des taxes de vente.
- Pour leur part, les conseillers fiscaux doivent examiner les projets de règlements à l’amiable pour vérifier qu’ils tiennent bien compte des taxes de vente, d’un point de vue contractuel.
Jean-Guillaume Shooner est associé chez Stikeman Elliott s.e.n.c.r.l., s.r.l..
L’auteur remercie Chelsea Pellegrino pour sa précieuse collaboration à cet article.