Le 23 janvier 2019, la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a publié sa décision dans l’affaire R. v N.M., 2019 NSCA 4 (disponible uniquement en anglais).
Dans l’affaire N.M., l’appelant faisait valoir que le juge de première instance avait erré, en s’appuyant sur le pouvoir discrétionnaire que lui accorde l’article 486.2, pour autoriser la plaignante, âgée de 19 ans au moment du procès, à témoigner par voie de télévision en circuit fermé. Le témoignage de N.M. portait sur les agressions sexuelles que lui avait infligées son père dès son enfance jusqu’à son adolescence. L’appelant alléguait que le juge ne possédait pas un fondement probatoire approprié sur lequel fonder sa décision d’accorder l’ordonnance en vertu de l’article 486.2.
Au début du procès, le procureur de la Couronne avait déposé une requête en autorisation pour que la plaignante puisse témoigner par voie de télévision en circuit fermé. Or, il n’avait déposé, pour appuyer sa demande d’ordonnance en autorisation de témoigner par voie de télévision en circuit fermé, ni requête officielle ni affidavit émanant de la plaignante ou de toute autre personne. Lors du procès, l’avocat représentant l’appelant s’est opposé à la requête, alléguant que le procureur de la Couronne n’avait pas déposé de preuve à l’appui de sa requête.
Le juge de première instance a fait droit à la requête et a autorisé la jeune femme de 19 ans à témoigner par voie de télévision en circuit fermé. Dans sa décision, le juge de première instance a indiqué que la victime aurait des difficultés à témoigner étant donné sa proximité familiale avec l’agresseur.
L’appelant avait allégué que le juge de première instance n’aurait pas dû faire droit à la requête en l’absence de fondement probatoire. En appel, le procureur de la Couronne a répondu que la preuve donnée sous serment n’était pas nécessaire en l’espèce pour que le juge puisse, à bon escient, avoir recours à son pouvoir discrétionnaire.
La Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a accueilli l’appel pour des motifs sans rapport avec le motif d’appel fondé sur l’article 486.2.
Cependant, la Cour a rejeté le motif d’appel fondé sur l’article 486.2 et affirmé que le juge de première instance n’avait pas erré lorsqu’il avait eu recours à son pouvoir discrétionnaire pour autoriser une déposition par voie de télévision en circuit fermé sans entendre de témoignage officiel sous serment. Le juge avait autorisé la déposition par voie de télévision en circuit fermé à la lumière de déclarations faites, en l’absence de serment, par l’avocat de la poursuite selon lesquelles la victime aurait des difficultés à témoigner si son père se trouvait en face d’elle dans la même pièce.
Aux paragraphes 67 à 69 de l’arrêt, la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a fait une distinction avec l’arrêt R. v S.D.L., 2017 NSCA 58 (disponible uniquement en anglais) qui portait sur l’article 714.1. Elle a indiqué que l’article 714.1 énonce un critère et a des objectifs totalement différents de ceux de l’article 486.2.
Il importerait de se pencher de près sur le paragraphe 70 de l’arrêt si vous avez besoin de déposer une demande en vertu de l’article 486.2.
Si le procureur de la Couronne connaît à l’avance la nécessité de présenter une demande en vertu de l’article 486.2, si l’on applique la décision de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse, il devrait donner avis de la requête faite en vertu de l’article 486.2 et y joindre les affidavits pertinents.
En revanche, si la victime dans votre dossier vous dit pour la première fois le jour du procès qu’elle ne peut pas relater les faits entièrement et en toute franchise, veillez à indiquer au dossier, autant que faire se peut, les raisons pour lesquelles vous déposez la demande fondée sur l’article 486.2 au début du procès. Dans la demande fondée sur l’article 486.2, le procureur de la Couronne devrait indiquer autant de renseignements que possible au dossier au sujet des raisons pour lesquelles la victime ne peut témoigner correctement sans avoir recours à la télévision en circuit fermé, par exemple, ce que confie la victime à l’avocat de la poursuite concernant son incapacité à relater les faits entièrement et en toute franchise. L’arrêt N.M. devrait aider dans ces cas à obtenir gain de cause à l’égard d’une demande fondée sur l’article 486.2 en l’absence d’un fondement probatoire donné sous serment.
James A. Gumpert, c.r., est procureur principal de la Couronne au sein du Nova Scotia Public Prosecution Service. Il est membre du Comité de direction de la Section du droit pénal de l’Association du Barreau canadien.