Le processus réglementaire dans le domaine de l’aviation

13 septembre 2017

Air and Space Law Section

Ce résumé du processus réglementaire dans le domaine de l’aviation constitue un document de référence destiné aux juristes qui pourront l’utiliser lorsqu’ils conseillent un client ou agissent en son nom relativement à une question se rapportant à ce domaine de droit. Au Canada, le domaine de l’aviation est régi par la Loi sur l’aéronautique (la Loi) et ses règlements d’application.

MISE EN GARDE

L’objet du présent document n’est pas de se substituer à un avis juridique. Tout a été mis en œuvre afin que cette source d’information soit exacte et mise à jour régulièrement. Cependant, certaines nuances pourraient intervenir, ou la législation citée pourrait avoir été modifiée depuis la publication de ce texte. Veuillez bien vérifier le droit applicable avant de conseiller un client ou d’agir en son nom.

Transports Canada

En vertu de pouvoirs délégués par le ministre des Transports, Transports Canada est autorisé à poser divers gestes dans le cas de violations de la Loi, ou lorsqu’une personne préalablement autorisée à prendre certaines mesures n’est plus qualifiée pour ce faire. D’un point de vue administratif, le travail de Transports Canada comporte un volet opérationnel et un volet visant à assurer le respect de la Loi.

Volet opérationnel

Dans le cadre de son volet opérationnel, Transports Canada travaille en étroite collaboration avec l’industrie. Transports Canada reçoit et traite diverses demandes d’approbation et de supervision d’aptitudes fonctionnelles. C’est Transports Canada qui délivre les documents d’aviation canadiens (DAC) qui sont nécessaires à l’exercice des fonctions de transporteurs aériens, d’organisations d’entretien d’aéronefs, d’aéroports, de pilotes, de mécaniciens, etc.

Dans le cadre du volet opérationnel de son travail, Transports Canada est autorisé à prendre des mesures contre un détenteur de DAC, qui affecteront les prérogatives de ce détenteur, en suspendant la validité du document en question, en l’annulant, ou en refusant de le délivrer ou de le modifier. Dans la plupart des cas, un avis opérationnel de suspension ou d’annulation d’un DAC indiquera les conditions de sa remise en vigueur.

Volet d’application de la Loi

Dans le cadre du volet de son travail qui consiste à veiller au respect de la Loi, Transports Canada est également autorisé, en cas de violation, à imposer une suspension ou une annulation d’un DAC, à engager des poursuites en justice ou à donner des amendes par la voie de sanctions administratives pécuniaires (SAP).

Des mesures réglementaires peuvent être appliquées sur la base de découvertes survenues dans le cadre d’inspections au sol ou d’autres inspections de routine, de comptes rendus quotidiens d’évènements de l’aviation civile (CRQEAC) qui sont présentés par un membre de l’industrie ou par les contrôleurs de la navigation aérienne, d’enquêtes, d’accidents ou d’incidents.

La règle interdisant la dualité de poursuites pour une même infraction s’applique. Toutefois, il a déjà été statué que la combinaison d’un avis opérationnel de suspension et d’une poursuite ne constituait pas une double sanction. Une personne pourrait donc être confrontée aux deux possibilités pour une même violation. La protection contre l’autoaccusation est également applicable et il serait donc prudent de demander si l’enquête en question pourrait mener à une poursuite ou autre action semblable. Si la réponse est affirmative, le droit au silence s’applique.

La Loi prévoit une obligation de collaboration avec Transports Canada dans le cadre d’enquêtes, ainsi que l’obligation de remettre les documents que Transports Canada pourrait demander. En règle générale, Transports Canada enverra une lettre à la personne qui fait l’objet d’une enquête, l’avisant de l’éventuelle violation et l’invitant à réagir. Tout aveu ne devrait être fait qu’avec prudence car il pourrait devenir un élément de preuve et révéler une faiblesse dans une ligne d’argumentation de Transports Canada.

Procédures judiciaires

Les procédures judiciaires, que ce soit par l’intermédiaire d’une procédure sommaire ou d’une mise en accusation, ne sont pas inconnues dans le domaine, même si elles s’avèrent rares. À l’exception de cas de violation du paragraphe 7.3(1) de la Loi (faire sciemment ou volontairement une fausse déclaration afin d’obtenir un DAC ou un avantage; détruire un document dont la tenue est exigée; faire une fausse inscription avec l’intention d’induire en erreur, ou omettre de faire une inscription requise; faire obstruction à une personne dans l’exercice de ses fonctions; utiliser ou faire fonctionner un aéronef retenu au sol; poser un geste qui requiert un DAC, sans détenir le DAC en question ou sans en respecter les termes, ou lorsque le DAC est suspendu ou le geste concerné est interdit par un tribunal) ou de l’article 7.41 de la Loi (passagers au comportement turbulent), une personne physique ne sera pas passible d’une peine d’emprisonnement, mais pourra toujours être frappée d’amendes dont les maximums sont prévus dans les différentes sections de la Loi. Les procédures judiciaires sont généralement menées par le ministère fédéral de la Justice et il est recommandé d’obtenir de l’aide en s’assurant les services d’un bon criminaliste.

Sanctions administratives pécuniaires (SAP)

L’article 7.7 de la Loi prévoit que le ministre est autorisé à déterminer le montant de SAP. S’il est expressément prévu qu’une SAP s’applique lors de la violation d’un article donné de la Loi ou d’un de ses règlements d’application, une telle violation ne peut donner lieu à une poursuite par procédure sommaire. En outre, si une SAP est payée, aucune autre mesure d’application de la loi ne peut être imposée relativement à la violation concernée.

Le Règlement sur les textes désignés et l’article 103.08 du Règlement de l’aviation canadien répertorient les dispositions désignées (dont la violation entraîne une SAP). Le montant maximal d’une SAP est actuellement de 5 000 $ pour une personne physique et de 25 000 $ pour une personne morale, à l’exclusion de cas de violations des paragraphes 4.81(1) et 4.82(4) et (5) de la Loi (qui traitent de demandes de renseignements sur les passagers à des fins de sécurité), pour lesquelles le montant maximal de la SAP est de 50 000 $.

Avis de décision

À la suite d’une enquête, le ministre pourrait émettre un avis de la mesure d’application de la loi qui sera prise – que ce soit la suspension ou l’annulation d’un DAC ou l’imposition d’une SAP. Une fois l’avis de mesure administrative (suspension ou annulation d’un DAC ou imposition d’une SAP) émise, il est souvent possible d’obtenir un entretien informel afin de tenter une « négociation ». Il faudrait veiller à préciser, dès le début d’un tel entretien, que toute conclusion qui pourrait s’en dégager ne peut servir de preuve en justice. Même s’il est vraisemblable que Transports Canada déclarera qu’il n’y aura pas d’examen de la question de culpabilité, l’abandon de certaines accusations et un règlement quant à certains autres faits reprochés pourraient constituer une issue raisonnable.

Dans les cas de mesures opérationnelles se rapportant à des certificats ou permis d’exploitation, l’avis de suspension ou d’annulation sera souvent délivré sans préavis et entrera généralement en vigueur immédiatement. Dans des cas moins graves, cependant, l’avis ne prendra effet qu’après une période de temps déterminée, ce qui pourrait donner au détenteur du document en question l’occasion de remplir les conditions de remise en vigueur avant que la suspension ne produise ses effets.

Tribunal d’appel des transports du Canada

Le Tribunal d’appel des transports du Canada (le Tribunal) est une instance quasi-judiciaire, qui permet la révision de la plupart des mesures (opérationnelles et d’application de la loi) prises par le ministre. Le Tribunal a l’obligation de donner au ministre, ainsi qu’à la partie qui a demandé la révision, l’occasion de présenter des éléments de preuve et leurs arguments, conformément aux principes de procédure équitable et de justice naturelle. C’est au ministre qu’incombe le fardeau de démontrer la culpabilité, selon la prépondérance des probabilités.

Normalement, une demande de révision devrait être présentée au Tribunal dans un délai de 30 jours à compter de la date de l’avis de décision ou de la réception de cet avis. Dans certains cas, une requête en prorogation de ce délai pourra être déposée auprès du Tribunal. Lorsqu’une demande de révision est en instance devant le Tribunal, les ressources de Transports Canada seront affectées à la préparation de l’audience devant le Tribunal, et Transports Canada pourrait donc décider de ne pas travailler sur le rétablissement du document dont il est question. La décision du ministre peut faire l’objet d’une révision après le rétablissement, mais la demande de révision devrait tout de même être déposée dans le délai prévu de 30 jours, car une prorogation n’est pas automatique.

Dans des cas de suspension ou d’annulation de certificats ou permis d’exploitation, une demande de révision présentée au Tribunal n’entraîne pas le sursis. Les suspensions, annulations ou refus de certificats ou permis d’exploitation peuvent soit être confirmés par le Tribunal, soit être renvoyés au ministre pour réexamen. Si aucune menace imminente ne pèse sur la sécurité aéronautique, le Tribunal peut suspendre l’exécution de la décision du ministre jusqu’à ce que le réexamen ait lieu – ce qui peut prendre un temps considérable.

Le sursis de l’exécution de la suspension ou de l’annulation peut être obtenu sur demande présentée au Tribunal. Une demande de réexamen d’une SAP suspend également l’obligation de paiement. Dans le contexte de mesures d’application de la loi, la décision du Tribunal peut soit confirmer, soit modifier la décision du ministre et, lorsqu’il s’agit de SAP, peut diminuer ou (dans de rares cas) augmenter le montant de la sanction.

L’une ou l’autre partie peut faire appel auprès du Tribunal dans un délai de 30 jours de la décision de ce dernier. L’appel est généralement entendu par une formation de trois personnes. Il s’agira d’un appel d’après le dossier, qui sera axé sur une ou des erreurs contenues dans la décision de réexamen.

Contrôle judiciaire

En vertu de l’article 28( de la Loi sur les cours fédérales, la Cour fédérale est habilitée à procéder au contrôle judiciaire d’une décision du Tribunal dans les cas d’erreurs de compétence, d’enfreintes aux principes de justice naturelle, d’erreurs de droit, de conclusions de fait arbitraires ou abusives, de fraude ou de faux témoignages, ou d’actes contraires à la loi.

Résumé du processus réglementaire dans le domaine de l’aviation

Les mesures opérationnelles et d’application de la loi que peut prendre Transports Canada sont décrites dans ce tableau.