1. Facteurs à prendre en considération dans la création d’un registre des lobbyistes municipal

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Avez-vous besoin d’un registre des lobbyistes municipal?

On parvient généralement à la transparence au sein des administrations municipales en exigeant que les discussions du conseil aient lieu lors de réunions publiques dûment constituées et que le conseil prenne ses décisions lors de ces réunions. À titre d’exemple, en Ontario, les règles sur les réunions publiques sont appliquées par l’Ombudsman de l’Ontario (ou l’ombudsman désigné par les municipalités). Les codes de conduite municipaux énoncent en outre des normes de conduite pour les conseillers municipaux, notamment quant au comportement à adopter lors des réunions, aux règles encadrant les cadeaux, à la protection des renseignements confidentiels et à l’utilisation inadéquate des biens de la municipalité.

Les administrations municipales qui ne sont pas tenues par une loi provinciale ou territoriale d’établir un registre des lobbyistes doivent envisager des modèles qui respectent les lois encadrant les pouvoirs municipaux (p. ex., The Cities Act en Saskatchewan, la Municipal Government Act en Alberta et la Loi sur la gouvernance locale au Nouveau-Brunswick). Des membres du conseil et des administrateurs bien intentionnés pourraient, par inadvertance, imposer des restrictions ou des obligations qu’ils ne sont pas habilités à imposer. Par exemple, en 2018, à Halifax en Nouvelle-Écosse, une étude (uniquement en anglais) a conclu qu’il fallait modifier soit la Charte de la ville de Halifax, la Halifax Regional Municipality Charter, soit la loi provinciale Lobbyists’ Registration Act afin d’élargir le pouvoir de créer un registre des lobbyistes pour inclure les administrations municipales.

Bien que les registres soient certes utiles, ils ne le sont pas nécessairement pour toutes les administrations locales. D’autres mécanismes favorisant la confiance et l’appui du public et des processus de prise de décisions transparents valent aussi la peine d’être considérés.

Autorité d’origine législative

Des lois habilitantes réglementent le fonctionnement des municipalités dans chaque province et territoire. Certaines emploient un libellé autorisant les registres de lobbyistes, tandis que d’autres l’exigent. Au Québec, par exemple, la Loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme réglemente les lobbyistes aux niveaux provincial et municipal.

En Ontario, c’est la Loi de 2001 sur les municipalités qui autorise les municipalités à établir des registres des personnes qui exercent des pressions auprès des titulaires d’une charge publique. Bien que la création d’un tel registre ne soit obligatoire que pour la ville de Toronto, plusieurs autres municipalités ont emboîté le pas, notamment les villes de Brampton, de Hamilton, d’Ottawa et de Vaughan, la Municipalité de Collingwood et la municipalité régionale de Peel.

Aucune autre loi provinciale ou territoriale n’exige ou n’établit de cadre régissant les registres de lobbyistes municipaux. Or, même en l’absence de législation, Surrey, Winnipeg et Edmonton ont établi leurs propres processus et procédures répondant à leurs besoins locaux.

En 2008, Surrey s’est dotée d’une politique d’inscription des lobbyistes, dans laquelle est dressée la liste de l’ensemble des personnes qui cherchent à influencer les décisions de l’administration municipale qui concernent des demandes d’aménagement du territoire. En 2017, Winnipeg a établi un registre volontaire des lobbyistes où les lobbyistes sont autorisés à inscrire leurs activités. Le bureau du maire d’Edmonton a volontairement mis sur pied un registre des lobbyistes pour le mandat 2017-2021 dans lequel figurent des renseignements sur les personnes qui s’entretiennent avec le bureau du maire.

Portée du registre des lobbyistes

La portée du registre dépend de la définition qui est donnée au terme « lobbyisme » et des personnes qui sont considérées comme « lobbyistes » ou « titulaires de charge publique ». En Ontario, le paragraphe 223.9 (2) de la Loi de 2001 sur les municipalités oblige les municipalités à définir le terme « exercer des pressions » (lobby, en anglais).

Voici la définition que l’on en trouve dans le Toronto Municipal Code : [TRADUCTION] « communiquer avec un titulaire de charge publique sur l’un ou l’autre des sujets suivants », notamment :

  • l’élaboration, la présentation, l’adoption, le rejet, la modification ou l’abrogation d’un règlement, d’un projet législatif ou d’une résolution;
  • l’élaboration, l’approbation, la modification ou la résiliation d’une politique, d’un programme, d’une directive ou d’une orientation;
  • l’approvisionnement de biens, de services ou de services de construction et l’octroi d’un contrat;
  • l’approbation, l’approbation sous conditions ou le rejet d’une demande de service, de subvention, d’approbation d’aménagement, de permis ou de toute autre autorisation ou permission;
  • l’octroi par la ville, par un comité local ou par le conseil de santé, ou pour le compte de la ville, d’un comité local ou du conseil de santé d’un apport financier, d’une subvention ou d’un autre avantage financier.

À Brampton, on définit le lobbyisme en ces termes : [TRADUCTION] « lorsqu’une personne qui représente un intérêt commercial ou financier communique avec un titulaire de charge publique avec l’intention d’influencer une décision publique en marge du processus habituel ».

Voici le résumé présenté par le bureau du maire d’Edmonton :

  1. Une personne est considérée comme lobbyiste si elle rencontre le maire ou le personnel du bureau du maire en dehors d’une réunion publique formelle avec l’intention d’influencer et de modifier :
    • un programme existant ou une politique existante de la ville d’Edmonton
    • un comité ou un conseil municipal à venir

À Surrey, le registre met surtout l’accent sur [TRADUCTION] « l’information sur les personnes qui cherchent à influencer les décisions de l’administration municipale qui concernent des demandes d’aménagement du territoire. »

La ville de Winnipeg définit le lobbyiste comme « une personne qui, lorsqu’elle représente un intérêt financier ou commercial, ou les intérêts financiers d’un organisme à but non lucratif ayant du personnel salarié, communique avec un membre du Conseil municipal ou du personnel de la Ville à l’extérieur du processus normal dans le but d’influencer une décision portant sur une question qui relève de la collectivité locale ».

Au Québec, le processus est réglementé au niveau provincial. La loi définit ainsi le lobbyisme :

  1. Constituent des activités de lobbyisme au sens de la présente loi toutes les communications orales ou écrites avec un titulaire d’une charge publique en vue d’influencer ou pouvant raisonnablement être considérées, par la personne qui les initie, comme étant susceptibles d’influencer la prise de décisions relativement :
    1. à l’élaboration, à la présentation, à la modification ou au rejet d’une proposition législative ou réglementaire, d’une résolution, d’une orientation, d’un programme ou d’un plan d’action;
    2. à l’attribution d’un permis, d’une licence, d’un certificat ou d’une autre autorisation;
    3. à l’attribution d’un contrat, autrement que dans le cadre d’un appel d’offres public, d’une subvention ou d’un autre avantage pécuniaire, ou à l’attribution d’une autre forme de prestation déterminée par règlement du gouvernement;
    4. à la nomination d’un administrateur public au sens de la Loi sur le ministère du Conseil exécutif (chapitre M-30), ou à celle d’un sous-ministre ou d’un autre titulaire d’un emploi visé à l’article 55 de la Loi sur la fonction publique (chapitre F-3.1.1) ou d’un emploi visé à l’article 57 de cette loi.

Le fait, pour un lobbyiste, de convenir pour un tiers d’une entrevue avec le titulaire d’une charge publique est assimilé à une activité de lobbyisme.

Qu’est-ce qu’un lobbyiste?

Les registres font généralement la distinction entre différents types de lobbyistes pour rendre compte des activités de lobbyisme menées par différentes personnes. Voici les plus courants types de lobbyistes inscrits sur les registres municipaux au Canada :

  • Lobbyiste-conseil – personne qui exerce des activités de lobbyisme pour le compte d’un client (une autre personne, une entreprise, une société ou une organisation);
  • Lobbyiste salarié – personnes employée, associée ou propriétaire unique qui exerce des activités de lobbyisme pour le compte de son propre employeur ou de sa propre entreprise ou organisation;
  • Lobbyiste non rémunéré, bénévole – personne exerçant des activités de lobbyisme pour le compte d’une personne, d’une entreprise ou d’une organisation dans l’intérêt de celle-ci, sans être rémunérée.

En outre, une municipalité doit décider si les professionnels, comme les juristes, les comptables ou les ingénieurs, devraient être visés par un registre. Si ce n’est pas le cas, une définition trop large du lobbyisme risque de les englober sans le vouloir, puisqu’ils donnent des avis et font valoir des arguments dans le but de conseiller et, implicitement, d’influencer les décideurs. Certains professionnels devraient être exclus afin de leur permettre de s’acquitter de leur rôle indépendant consistant à conseiller les décideurs dans le but de les éclairer. Plus précisément, le secret professionnel de l’avocat doit être respecté de façon à permettre aux parties, y compris aux municipalités, d’exercer leur droit de communiquer avec leurs conseillers juridiques en toute confidentialité.

Pour concilier des objectifs contradictoires, le registre des lobbyistes de Brampton précise qu’il ne s’applique pas seulement aux lobbyistes professionnels, mais à quiconque représente les intérêts commerciaux ou financiers d’une entreprise et cherche à influencer une décision municipale (voir la partie IV – Exemptions).

Au bureau du maire d’Edmonton, on ratisse plus large encore : toute personne qui rencontre le maire ou un membre du personnel du bureau du maire en dehors d’une réunion publique officielle avec l’intention d’influencer ou de faire modifier un programme de la ville, une politique, ou une décision à venir d’un comité ou du conseil municipal, est considérée comme une personne exerçant des activités de lobbyisme.

La loi du Québec inclut les lobbyistes-conseils, les lobbyistes d’entreprise et les lobbyistes d’organisation (voir l’article 3), mais elle ne permet pas aux représentants d’autres entités et organismes publics de s’inscrire comme lobbyistes (voir l’article 7). Malgré cette exception, les professionnels, notamment les juristes, sont visés par la loi provinciale s’ils ont pour mandat d’exercer des activités de lobbyisme pour le compte d’une autre personne contre rémunération.

Qu’est-ce qu’un titulaire de charge publique?

Une municipalité qui élabore un règlement prévoyant la mise en place d’un registre des lobbyistes devrait y inclure une définition des personnes susceptibles d’être influencées dans le spectre décisionnel. Selon le registre de Brampton, un [TRADUCTION] « titulaire de charge publique » est :

  • un membre du conseil ou un membre de son personnel;
  • un fonctionnaire ou un employé municipal;
  • le membre d’un conseil ou d’un comité local établi par le conseil et un membre de leur personnel;
  • un fonctionnaire chargé de la responsabilisation nommé en vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités y compris les personnes suivantes, sans toutefois s’y limiter : un vérificateur général, un commissaire à l’intégrité, un conservateur du registre des lobbyistes, un ombudsman et un enquêteur chargé d’examiner les plaintes sur les réunions à huis clos.

Autres éléments à considérer

Lorsqu’une loi provinciale fournit des orientations, c’est ce cadre légal qui devrait être le point de départ pour la mise en œuvre des exigences relatives au lobbyisme. Si la loi ne comporte pas de libellé précis, on devrait élaborer le règlement ou la politique en employant un libellé accordant de vastes pouvoirs ou renvoyant à la paix, l’ordre et la bonne gouvernance. Dans un cas comme dans l’autre, il convient de considérer aussi les éléments suivants :

L’inscription sera-t-elle volontaire ou obligatoire?

Si elle est volontaire, la municipalité devrait en faire la promotion et l’inclure dans le processus de prise de décisions du conseil. Si elle est obligatoire, le conseil doit déterminer comment obliger les gens à s’y conformer, surtout si la loi provinciale ne prévoit rien à cet égard.

Qu’est-ce qui doit être signalé?

Il ne faut pas perdre de vue l’aspect pratique de la gestion et du signalement. Plus les mesures sont agressives, plus elles nécessiteront des ressources pour effectuer le suivi, pour documenter et pour signaler les activités de lobbyisme.

Quand l’inscription est-elle requise?

À Toronto, les personnes exerçant des activités de lobbyisme doivent s’inscrire à l’avance et fournir des détails sur leur réunion. À Ottawa, le paragraphe 6(1) du Règlement sur le registre des lobbyistes dispose que l’inscription est obligatoire après coup, dans les 15 jours ouvrables suivant la communication.

Qui doit signaler les activités de lobbyisme?

Selon les règles fédérales encadrant les activités de lobbyisme, c’est le chef de la direction d’une entreprise qui doit déposer un rapport pour l’ensemble de ses employés. À Ottawa, cependant, chaque employé doit déposer un rapport distinct.

Pourra-t-on consulter le registre en ligne?

La réponse à cette question dépendra des ressources disponibles. La municipalité doit déterminer non seulement qui gérera le registre, mais également la façon dont les personnes pourront y accéder. Par exemple, le Québec s’est doté d’une base de données provinciale facile d’accès et facile à consulter.

Imposera-t-on aux anciens titulaires de charge publique une période de restriction avant de pouvoir eux-mêmes exercer des activités de lobbyisme auprès de la municipalité où ils exerçaient leur charge?

Le règlement de Brampton interdit à un ancien titulaire de charge publique d’exercer des activités de lobbyisme dans les 12 mois suivant la fin de son emploi auprès de la ville. Les lois provinciales et fédérale comprennent des dispositions semblables. Les conseils doivent déterminer ce qui est raisonnable pour leur municipalité.

Infractions et application 

Un défi de taille en ce qui concerne les registres de lobbyistes municipaux est de déterminer comment assurer l’application du registre et répondre en cas de violations. Les administrations municipales qui se trouvent sur des territoires n’exigeant pas la mise en place d’un registre de lobbyistes obligatoire – selon leur réglementation municipale – auront bien du mal à imposer des sanctions.

L’article VII du règlement torontois prévoit des sanctions importantes en cas de violations. Si une personne est reconnue coupable, elle est passible d’une amende allant jusqu’à 25 000 $ la première fois et jusqu’à 100 000 $ pour les condamnations subséquentes. Brampton et Collingwood s’en remettent à la suspension en cas de non-respect. Le registre volontaire de Winnipeg ne prévoit aucune sanction et préconise les inscriptions pour améliorer la transparence et l’intégrité dans la conduite des affaires.

Si le règlement d’une municipalité prévoit des infractions, la municipalité devra aussi déterminer la portée des infractions et tenir compte de ses ressources et de sa capacité à en effectuer la surveillance et à en assurer l’application. Toronto possède bon nombre de ressources et de pouvoirs pour mener des enquêtes et confier des dossiers à la police. La capacité de mener des enquêtes peut être plus limitée pour les plus petites municipalités qui possèdent des ressources limitées. Compte tenu de leur compétence incertaine, il pourrait être avisé pour les municipalités qui ne sont pas visées par une loi provinciale ou territoriale d’éviter de prévoir des sanctions.

Considérations en matière de coûts et de ressources

Un registre des lobbyistes municipal nécessite d’y consacrer des ressources importantes; il existe toutefois différentes façons d’en réduire les coûts. Par exemple, même si le registre de Toronto nécessite un registraire et des employés à temps plein, ce n’est pas le cas pour tous les registres : Ottawa a opté pour une base de données informatisée qui sert à suivre les activités de lobbyisme et a recours au personnel existant lorsque cela est possible plutôt qu’un registraire et des employés de soutien dédiés exclusivement au lobbyisme.