Remarques préliminaires
La société devrait :
- déterminer si la loi l’oblige à mener une enquête interne;
- entreprendre une évaluation préliminaire des risques et des conséquences néfastes de l’inconduite alléguée. Par exemple, si les allégations sont jugées fondées, quelles seraient les obligations de la société en matière de communication d’information (p. ex., divulgation sur le marché, autodéclaration aux organismes de réglementation, mesures correctives prévues par la loi) et de quoi devrait-on tenir compte en matière de responsabilité civile et d’assurance?;
- tenir compte de l’existence (ou de la probabilité) d’une enquête réglementaire parallèle ou d’une poursuite intentée par des actionnaires, puisque celles-ci peuvent permettre de déterminer s’il convient de mener une enquête interne et la manière dont celle-ci devrait être menée;
- envisager dès que possible de coopérer avec les enquêteurs du gouvernement et des organismes de réglementation. Une déclaration rapide et exacte aidera la société à minimiser les mesures réglementaires et à éviter les allégations de « dissimulation » et certaines conséquences découlant des poursuites civiles (p. ex., des dommages-intérêts punitifs);
- prendre des mesures pour établir et maintenir le secret professionnel de l’avocat et le privilège relatif au litige et soupeser les avantages et inconvénients de renoncer au privilège;
- soupeser les avantages et les inconvénients des accords sur le privilège d’intérêt commun et des accords de défense conjointe.
La tenue d’une enquête interne
- Le conseil d’administration devrait nommer un comité, composé de membres indépendants (souvent les membres du comité d’audit), pour retenir les services de conseillers juridiques externes afin de mener l’enquête interne et leur faire rapport directement.
- Ces conseillers juridiques externes doivent être impartiaux et indépendants à l’égard des intérêts du conseil d’administration, de la haute direction, des employés et des mandataires de la société.
- Le comité indépendant devrait faire savoir que la coopération avec les conseillers juridiques responsables de l’enquête comprend la transmission de tous les documents pertinents, l’accès à tous les appareils numériques personnels et autorisés par l’employeur, ainsi que la participation aux entrevues auprès de témoins.
- Le comité indépendant et les conseillers juridiques responsables de l’enquête devraient convenir de procédures de présentation de rapports claires et précises.
- Les experts et consultants tiers devraient signer une convention de mandat et des accords de confidentialité avec les conseillers juridiques responsables de l’enquête qui confirment que leur mandat comporte des questions protégées par le secret professionnel de l’avocat.
- Les sociétés devraient adopter de façon proactive des politiques et des procédures encadrant la conservation et la collecte d’éléments de preuve par anticipation d’enquêtes.
- Les sociétés devraient envisager de publier un avis de conservation des documents pour informer les responsables de la gestion des documents de conserver les dossiers susceptibles d’être utiles à l’enquête.
- Les juristes devraient contrôler la collecte de documents afin de veiller au respect des politiques de conservation/rétention, des protocoles d’examen et des mandats de l’enquête. Les documents électroniques requièrent une attention particulière.
- Vaut mieux réaliser la plupart des entrevues une fois l’examen des documents terminé. Cependant, des entrevues initiales peuvent avoir lieu avant d’effectuer l’examen des documents afin de mieux comprendre les questions en litige et d’aider à trouver des documents pertinents.
- On privilégie généralement les entrevues en personne par rapport aux entrevues à distance, car les entrevues en personne permettent à la personne menant l’entrevue de mieux apprécier la crédibilité du témoin.
- Au début de chaque entrevue, un aperçu des fins de l’enquête devrait être présenté aux témoins et l’on devrait les informer de leurs droits et obligations.
- Les témoins employés devraient recevoir une mise en garde de type Upjohn (aussi appelée mise en garde de type « corporate Miranda ») pour garantir qu’il n’y a aucune confusion au sujet de l’entrevue et du privilège qui s’y rattache.
- Les sociétés ne devraient généralement pas congédier un employé avant que la personne responsable de l’enquête ait recueilli son témoignage. Dans certaines circonstances, il pourrait toutefois être nécessaire de placer un employé en congé payé durant une enquête.
- L’entrevue devrait être consignée dans un dossier. La prudence est toutefois de mise si on décide d’enregistrer une entrevue sous forme numérique. On privilégie souvent un résumé écrit de l’entrevue attirant l’attention sur les points importants.
- Le juriste devrait communiquer toute l’information et toutes ses conclusions, mais il devrait porter une attention particulière au format de son rapport final. Par exemple, d’un côté, le rapport écrit permet de documenter clairement le processus et les conclusions et d’aider les membres du conseil à bien s’acquitter de leur devoir fiducial de tirer leurs propres conclusions en fonction de toute l’information qui a été mise à leur disposition. D’un autre côté, le rapport écrit crée un registre clair des actes répréhensibles, que les parties adverses pourront demander et qui augmente le risque de fuites et de perte de confidentialité et de privilège.
Les enquêtes dans plusieurs territoires de compétence
- La société devrait retenir les services de juristes locaux dans chaque pays visé par l’enquête et obtenir leur avis sur l’étendue du privilège et les meilleures façons de garantir que l’enquête demeure privilégiée.
- La société devrait nommer une personne à la tête de l’équipe juridique internationale qui devrait relever du chef du contentieux, du conseil d’administration ou du comité indépendant de la société, selon le cas (et obtenir ses instructions auprès de lui).
- La personne à la tête de l’enquête devrait obtenir l’opinion de juristes locaux sur l’organisme étranger chargé d’appliquer la loi, notamment les sanctions qu’il peut prononcer, les programmes d’immunité, d’amnistie ou de clémence qu’il peut offrir, les outils d’enquête à sa disposition et les droits du client dans ses rapports avec cet organisme.
- Adapter les techniques d’entrevue et d’enquête de façon à tenir compte des différences culturelles.