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Est-il possible de contribuer à l’accès à la justice tout en réalisant un profit?
Noël Semple pense que oui. Ce professeur adjoint à l’Université de Windsor est convaincu que les petits cabinets et les juristes exerçant seuls spécialisés en droit des particuliers ne sont pas obligés de choisir entre leur engagement envers la justice sociale et la nécessité de « joindre les deux bouts ». Selon lui, il existe un point d’équilibre entre la qualité, le professionnalisme et l’accessibilité qui, lorsqu’il est trouvé, permet aux juristes de ne pas avoir à sacrifier un objectif au profit de l’autre.
L’ouvrage de Me Semple, intitulé Accessibilité, qualité et rentabilité pour les cabinets spécialisés en droit des particuliers : Trouver le juste équilibre, publié cet été par l’ABC (en anglais, sommaire disponible en français) et à la disposition des membres et du public sur le site Web de l’Association, décrit les difficultés professionnelles auxquelles se heurtent les juristes spécialisés en droit des particuliers. Il est fondé sur des entrevues menées par l’auteur avec plus de 30 juristes spécialisés en droit des particuliers et souligne les solutions novatrices qu’ils ont mises en œuvre pour améliorer l’accessibilité de leurs services tout en maintenant la qualité et la rentabilité.
Le livre est issu de ses réflexions sur le fait que la « réponse altruiste » au problème de l’accès à la justice, soit le travail à titre bénévole ou à honoraires réduits effectué par les juristes, ne s’est pas traduite par des progrès suffisants du système judiciaire en ce sens, et de l’observation de ce que sa conjointe a vécu alors qu’elle ouvrait son propre cabinet spécialisé en contentieux des successions.
Il a commencé à penser que « la façon dont les cabinets à but lucratif du secteur privé peuvent améliorer l’accès à la justice sans nuire aux autres éléments fondamentaux de leur exploitation comme les aspects économiques, la survie à long terme, et naturellement la haute qualité et le professionnalisme du travail lui-même, devait être examinée ».
Il souligne que personne ne s’attendait à ce que les concepteurs de l’iPhone travaillent sans être payés.
« Dans le contexte de l’exercice du droit, je pense que l’éthique de professionnalisme nous a peut-être conduits à considérer que le service à la clientèle et l’accès à la justice s’opposent, de par leur nature, à la rentabilité. Il s’agit là, à mon avis, d’une erreur. »
Il s’empresse de préciser que loin de dénigrer l’altruisme ou de suggérer que le travail à titre bénévole est inutile, il existe une multitude de besoins juridiques qui ne tiendront jamais dans le moule du travail juridique à but lucratif.
« Cependant, une vaste catégorie de personnes qui ont des besoins juridiques relevant d’un revenu moyen peuvent payer, dans une certaine mesure. Nous présumons que l’économie de marché libre pourra satisfaire à la plupart des besoins de la population de la classe moyenne sans avoir à s’attendre à ce que les professionnels fournissent leurs services gratuitement ou à ce que le gouvernement acquitte la facture. Je pense que cela peut et devrait également s’appliquer aux services juridiques. »
Il a décidé d’axer ses recherches sur le droit des particuliers car c’est « celui dans lequel on observe les pires problèmes d’accès à la justice » tout en étant celui qui est le moins apte à s’adapter aux genres d’innovations prônées dans les débats sur l’avenir de la profession juridique. Des cabinets comme Axess Law révolutionnent le secteur du droit des affaires des particuliers en se fondant sur des innovations telles que les services banalisés, la facturation au forfait et les services en ligne. « Il n’a jamais été aussi peu onéreux de faire rédiger un testament, il est plus facile que jamais de transférer un immeuble résidentiel », affirme Me Semple. Toutefois, les services connexes au droit des particuliers qui sont litigieux sont, par définition, plus spécifiques car ils doivent être plus personnalisés compte tenu des besoins du client.
Comme partout, l’innovation dans le domaine du droit des particuliers est partiellement motivée par la volonté de réduire les coûts, et cela n’a rien de nouveau. Ainsi, des professionnels qui exercent depuis des années ont modifié leurs systèmes afin d’y intégrer des honoraires fixes ou la délégation de certains travaux à du personnel moins rémunéré. « Il serait téméraire de nier que l’innovation qui permet de réduire le coût de l’exploitation d’un cabinet peut s’avérer être le juste équilibre », dit-il.
Cependant, selon Me Semple, l’innovation ne se limite pas à une amélioration du rendement, il s’agit aussi d’améliorer la qualité. Et c’est un point particulièrement intéressant pour les juristes spécialisés en droit des particuliers. Il suffit de regarder la différence entre le transfert d’un immeuble résidentiel et le divorce. Pour le premier, « vous voulez éviter toute erreur et vous ne voulez pas prendre de risque en tant que propriétaire. Votre seul autre objectif est d’obtenir un service aussi bon marché que possible », affirme-t-il. Dans le cas d’un divorce en revanche, ce qui est exigé du juriste excède fréquemment la compétence technique.
« Du point de vue économique, les services juridiques dans le domaine du droit des particuliers sont décrits comme des services panachés et non comme des marchandises. On pourrait dire que la rédaction d’un testament est une marchandise et que dans le contexte d’un marché fondé sur les marchandises, la concurrence fondée sur les prix est rude et l’innovation fait baisser les coûts. Lorsque les services ne sont pas identiques, ce qui est le cas dans le domaine du droit des particuliers, les consommateurs ont alors tendance à accorder une moins grande importance au prix qu’aux différences de qualité entre divers professionnels présents sur le marché, ce qui accroît la rentabilité de ceux qui peuvent innover au niveau de la qualité au lieu de s’arrêter aux coûts. »
Selon Me Semple, il existe effectivement une disparité des degrés de recours à l’innovation entre les juristes exerçant depuis longtemps dans des cabinets florissants et ceux qui se lancent dans la profession et ne reculent devant rien pour trouver du travail et qui innovent pour ce faire. Cependant, ceux qui sont les mieux placés pour innover sont fréquemment les moins bien outillés pour concrétiser leurs idées, et une fois que leur cabinet a pris son essor, leurs besoins et motivations pour innover diminuent, créant ainsi un cercle vicieux.
« Plus l’évolution sera durable et transformatrice, plus accessibles seront les services, plus grande sera leur qualité, et plus rentable sera la pratique », écrit Me Semple dans le livre. « Les principales innovations visent la structure de tarification, la variété des services, et la division du travail. C’est une occasion sans pareil qui se présente aux cabinets, et à la profession en général, pour atteindre l’équilibre idéal dans le domaine du droit des particuliers. »
Kim Covert est rédactrice, Publications, à l’ABC.