Exercer le droit en entreprise

01 janvier 2015 | Julie Sobowale

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Kelly Brown avait une carrière juridique typique. Diplômée de la Schulich School of Law de l’Université Dalhousie en 1996, elle a commencé à travailler comme avocate salariée au cabinet Torys en droit des affaires et des sociétés. Trois ans plus tard, elle s’est toutefois mise à songer à une carrière de conseillère juridique d’entreprise. Elle a fait le saut en 2000, quand Molson Coors Canada l’a recrutée. Aujourd’hui, elle est directrice générale juridique de Molson Coors Canada, supervisant à la fois les affaires juridiques, les affaires générales et les ressources humaines de la compagnie.

«  À la faculté de droit, on ne m’avait jamais parlé d’avocats travaillant en entreprise », déclare Kelly Brown. « L’une de mes amies était conseillère juridique d’entreprise. Elle m’a décrit ce qu’elle faisait au quotidien, et m’a dit qu’à son avis j’aimerais ce travail. J’ai commencé à regarder ce qu’il y avait autour, et ensuite j’ai reçu l’appel de Molson. Je voyais des amis et des collègues faire le passage et on m’encourageait à apporter un changement dans ma carrière. »

Le travail dans un service juridique est une option intéressante. Les conseillers juridiques d’entreprises apprécient le fait de pouvoir se concentrer sur un même client à long terme, travailler en dehors des limites de la pratique privée et bénéficier d’un meilleur équilibre entre leur vie personnelle et leur vie professionnelle. Plus important encore, ils ont le sentiment d’avoir un plus grand impact sur leurs clients.

« Certains croient que le travail de conseiller d’entreprise est plus facile », remarque Kelly Brown. « Ce n’est pas moins d’heures, mais vous avez plus de contrôle sur votre horaire et une plus grande prévisibilité. Vous travaillez aux côtés de vos clients, ce qui fait qu’ils sont moins susceptibles de nourrir des attentes déraisonnables. Vous bénéficiez également du fait d’être membre d’une équipe à long terme. Dans la pratique privée, les relations peuvent être relativement courtes. Autre avantage : plus vous gagnez en expérience, plus vous endossez un rôle de direction. J’ai la possibilité de faire valoir mes qualités de leader, et le potentiel d’influencer les décisions. J’aime vraiment ce travail. »

Le moment est bon pour chercher un poste en entreprise. Selon l’Association canadienne des conseillers et conseillères juridiques d’entreprises, 34 % des services juridiques recruteront au cours des trois prochaines années. Les nouveaux enjeux touchant la technologie, la protection de la vie privée et la gestion des données créent de nouvelles opportunités pour les juristes. Les choix de carrière en droit ont également évolué au cours de la dernière décennie. Le stéréotype selon lequel les conseillers juridiques sont des avocats de second rang ne tient plus.

« Autrefois, les gens avaient peu d’estime pour les juristes d’entreprises », reconnaît Kelly Brown. « Mais les entreprises ne les utilisaient pas de la façon dont ils les utilisent maintenant. Certains services juridiques sont si grands qu’ils fonctionnent comme un cabinet d’avocats à l’intérieur duquel les avocats peuvent se spécialiser. Il existe des services juridiques de taille moyenne, comme le mien, où l’on peut se spécialiser dans une certaine mesure. Nous traitons de marketing autant que de concurrence et de réglementation. »

Il existe deux grandes catégories de conseillers juridiques d’entreprises : les généralistes et les spécialistes. Les généralistes exercent dans des services juridiques traitant une multitude de questions, souvent de petits services comptant un ou deux avocats. Les spécialistes sont embauchés pour travailler sur des dossiers ou des projets précis au sein de l’organisation.

« Pour les postes de généralistes, il vous faut un peu d’expérience dans plusieurs domaines, surtout le droit des sociétés et des affaires, et peut-être aussi le droit du travail », explique Kimberly MacMillian, associée chez R. Johnson, une compagnie de recrutement spécialisée dans le secteur juridique. « Ou alors, on recherche quelqu’un avec des compétences très spécialisées. Par exemple, nous avons eu une entreprise de construction qui cherchait une personne d’expérience spécialisée en droit de l’immobilier. »

Une expérience dans certains domaines clés est essentielle. Les jeunes avocats qui désirent travailler en entreprise devraient aller chercher de l’expérience en droit des sociétés, en droit commercial, en litige et en droit de l’emploi et du travail.

« L’expérience acquise dans un grand cabinet est généralement plus attrayante, mais il s’agit d’un environnement qui vous amène à vous spécialiser, alors il y a des pour et des contre », explique Kimberly MacMillan. « Selon le type et la qualité du travail effectué, l’expérience en petit cabinet peut tout aussi bien faire l’affaire. »

Lorsque vous examinez les offres d’emploi, réfléchissez au type de poste que vous recherchez. Kelly Brown recommande notamment d’étudier la culture des différentes entreprises et de se demander si le travail en entreprise est le bon choix.

« Apprenez à vous connaître et à savoir ce que vous aimez », conseille-t-elle. « Sachez dans quel type d’environnement vous souhaitez travailler. Le travail de conseiller juridique d’entreprise peut différer énormément d’une compagnie à l’autre. Ce n’est pas du tout la même chose de travailler dans une banque, dans une société technologique ou dans une entreprise d’emballage. Étudiez l’industrie et la culture de l’entreprise. À quoi ressemble telle ou telle culture? PepsiCo et Coca-Cola, par exemple, ont des cultures et des styles de direction très différents. »

Il vous faudra peut-être attendre votre heure pour faire la transition. Vous pourriez devoir accumuler quelques années d’expérience avant de devenir un candidat intéressant. « Il faut avoir sept ou huit ans à son actif », estime Kimberly MacMillan.

Bien sûr, il y a des exceptions à la règle. Kelly Brown n’avait que quatre ans d’expérience quand Molson lui a proposé un poste d’avocate junior dans son service juridique. Certains avocats vont directement en entreprise grâce à leurs stages. D’autres dénichent des postes en entreprise par l’intermédiaire de collègues qui ont fait le saut.

« Je connais des gens qui ont eu leur poste en entreprise en allant travailler pour un client », raconte Kelly Brown. « Le client est si impressionné par l’avocat que lorsqu’un poste s’ouvre, il l’embauche. C’est une excellente porte d’entrée. »

Dans l’ensemble, une carrière en entreprise peut être enrichissante. Kelly Brown croit que le choix des avocats devrait être fait sur la base de ce qui les motive dans leur travail.

« J’ai adoré travailler en entreprise et je n’ai jamais regretté mon choix », affirme-t-elle. « Ça a été une expérience très positive. J’ai eu une carrière très gratifiante. »

Julie Sobowale est avocate et journaliste. Elle vit à Halifax.