Le projet de loi omnibus C-75 suscite des réponses très diverses

25 septembre 2018

Comme il sied sans doute à de la législation omnibus, les réponses de la Section du droit pénal de l’ABC vont de « Parfait! » à « Pas question! », en passant un certain nombre de fois par « oui », « non » et « peut-être à condition que… ».

Le projet de loi, qui constitue la réponse du gouvernement fédéral à l’arrêt R. c. Jordan, porte sur les retards des tribunaux (ainsi que sur des réformes sans aucun lien avec ces retards, telles que la violence entre partenaires intimes) et comporte des propositions qui « auraient pour effet d’empirer, plutôt que d’atténuer, les délais judiciaires, tout en sacrifiant d’importantes protections procédurales ».

Le 19 septembre, Tony Paisana et Kathryn Pentz ont comparu devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne pour appuyer le mémoire de l’ABC (mémoire en anglais; sommaire en français).

Les propositions approuvées avec enthousiasme portent sur les modifications du régime de mise en liberté sous caution, y compris la codification des principes qui obligent l’agent, le juge de paix ou le juge à envisager en premier lieu de libérer un détenu dès que possible. Parmi les autres propositions ayant reçu un accueil favorable figurent celles qui exigent qu’il soit tenu compte de la surreprésentation des Autochtones et autres « populations vulnérables » dans le système judiciaire, que soit découragé le recours aux dépôts en argent et aux cautions, et que soit encouragé un processus de mise en liberté sous caution plus rationalisé.

En revanche, la section s’oppose à la modification qui autoriserait la présentation par la police d’un « élément de preuve de routine » fourni au moyen d’un affidavit ou d’une déclaration solennelle, affirmant que cela est « incompatible avec la jurisprudence actuelle, semble détaché de toute étude empirique et exacerberait vraisemblablement les problèmes de délai ». Cette modification, qui porterait atteinte du droit de contre-interrogation, serait en outre ouverte à des contestations fondées sur la Charte.

La section n’est en outre pas d’accord avec les limites qu’imposerait le projet de loi C-75 aux enquêtes préliminaires, les limitant aux infractions passibles d’une peine maximum d’emprisonnement à perpétuité. « Restreindre les enquêtes préliminaires aux infractions rendant leur auteur passible d’emprisonnement à perpétuité est arbitraire, et la justification de cette distinction n’est pas manifeste. »

La section souligne que seulement un quart des affaires admissibles donnent lieu à une enquête préliminaire, et que seulement deux pour cent de toutes les comparutions devant les tribunaux servent à des enquêtes préliminaires et que la vaste majorité de ces dernières nécessitent au plus deux jours. « Est, au mieux, hypothétique tout lien entre les délais judiciaires et l’enquête préliminaire », affirme la section, qui souligne que ces enquêtes ont une valeur pratique au sein du système de justice pénale. La section fait en outre remarquer l’absence manifeste d’une modification dans le projet de loi C-75 : celle qui prévoirait une « réforme significative des dispositions législatives […] sur la détermination de la peine, particulièrement en ce qui a trait aux peines minimales obligatoires et à la possibilité d’ordonnances d’emprisonnement avec sursis ». Elle ajoute que toute analyse utile de la réduction des délais judiciaires devrait comporter ces sujets importants compte tenu de leur effet considérable sur l’efficacité du système de justice pénale.