L’énergie. Vous pouviez la voir dans les salles combles où même les places supplémentaires à l’arrière étaient occupées. Vous pouviez l’entendre dans les bruyantes conversations au moment des pauses alors que des inconnus devenaient frères d’armes. Vous pouviez la ressentir dans l’air tel un courant électrique qui grésillait dans la pièce lors de l’ouverture du tout premier camp de formation en leadership pour les juristes racialisés qui a eu lieu à Toronto.
Organisée par la vice-présidente de l’ABC, Vivene Salmon, et son comité formé par John P. Brown et Charlene Theodore de l’Ontario, Kang Lee du Québec et Kamaljit Lehal de la Colombie-Britannique, l’activité qui a eu lieu à guichets fermés a rassemblé des juristes appartenant à divers groupes en quête d’équité qui ont discuté de ce dont ils ont besoin de faire pour prospérer dans la profession.
La conférence a également suscité l’intérêt de nombreuses entreprises, Cassels Brock, Mcmillan, Stockwoods Smart Litigation, LawPay, Koskie Minsky, Gowlings, Lenczner Slaght, Blakes, Paliare Roland Barristers, BLG, The Counsel Network, Simplex Legal, Fasken, McCarthy Tetrault , Zsa, WierFoulds et le Guide des donateurs canadiens, figurant au rang des commanditaires.
Les séances portaient sur des sujets tels que le comportement de cadre supérieur, la découverte de vos forces, l’adaptation au changement, la résilience et le leadership : récits portant sur le leadership, le véritable leadership et le leadership intergénérationnel et interculturel.
« Vous êtes dans un endroit sûr », a dit Me Salmon dans son allocution d’ouverture. Les membres des groupes de discussion s’en sont souvenus lorsqu’ils ont relaté des expériences intimes de situations dans lesquelles ils ont dû surmonter des obstacles pour parvenir là où ils sont aujourd’hui. Des cas de racisme, de sexisme, de dépendances ont été évoqués. C’était le genre d’atmosphère favorisant les confidences d’une personne présente qui a admis qu’être la seule personne autochtone ou la seule personne de couleur du cabinet était tout bonnement « exténuant » car l’on s’attendait à ce qu’elle éduque les autres au sujet de la race ou du groupe ethnique qu’elle représente. La rémunération ne reflète pas ce travail supplémentaire, a fait remarquer le membre du public.
Scènes de la conférence
- « La première erreur » que commettent les gens, a dit Isfahan Merali, avocate principale, Commission du consentement et de la capacité, Toronto, « est de penser que cela ne va jamais leur arriver. Et puis, c’est leur tour. » Elle a souligné que les femmes se privent fréquemment de déposer des candidatures pour des postes ou de rechercher des choses dont elles pensent qu’elles ne pourront les obtenir car elles ne possèdent pas toutes les qualités requises. « Qui ne tente rien n’a rien », affirme-t-elle devant le public qui assistait à la discussion de groupe à laquelle elle participait au sujet de récits de leadership. Julia Shin Doi, chef du contentieux et professeure auxiliaire à l’Université Ryerson, était d’accord. « “Aucune chance que cela n’arrive” est une conviction profonde d’un grand nombre de juristes racialisés », a-t-elle dit.
- Lors du déjeuner de réseautage, Scott Joliffe, du cabinet Gowlings, a été reconnu pour l’appui qu’il apporte aux juristes racialisés au sein du cabinet. Il a affirmé avoir développé une passion pour trois choses concernant le leadership. Tout d’abord, les bons juristes savent prendre leurs distances, c’est leur capacité à inspirer et les effets qu’ils ont sur leur équipe et sur les gens qu’ils servent qui comptent. Ensuite, un bon chef de file amène les membres de son équipe à donner le meilleur d’eux-mêmes et les aide à prospérer. Enfin, un bon chef de file peut se faire une idée claire de ce qui doit être accompli et du visage du succès, et il trouve un moyen d’amener les autres à souscrire à cette vision et à l’appuyer.
- Pendant une séance en après-midi au cours de laquelle les membres d’un groupe de discussion se sont penchés sur les thèmes du véritable leadership, l’experte en diversité et en inclusion, Ritu Bhasin, a déclaré : « soyez vous-même » est un conseil privé de tous sens lorsque vous baignez dans une culture vous obligeant à vous fondre dans le moule. Votre véritable personnalité, a-t-elle dit, c’est ce que vous seriez en l’absence de toute conséquence négative attachée à la reconnaissance de votre personnalité propre. Cependant, « parce que nous vivons en société, personne ne peut intégralement et en tout temps donner libre cours à son “moi” profond » a-t-elle dit, nous devons conserver notre emploi et notre famille et nous assurer de ne pas finir derrière les barreaux.
- Bindu Cudjoe, chef du contentieux, Canadian Western Bank, a dit qu’au fil des années et de l’accroissement de sa confiance en elle, elle a constaté que moins lui importe ce que les autres disent du « moi » qu’elle présente. « Je n’ai pas l’énergie suffisante pour vivre tant de vies distinctes », a-t-elle dit au public. « Une vie pour la maison, une vie pour le travail... Quand j’étais jeune, c’était bien différent. Je pense que mes craintes des conséquences du non-conformisme se sont émoussées. »
- Fernando Garcia, vice-président, affaires juridiques et conformité, et chef du contentieux, Cargojet, a affirmé que « les gens aiment cela quand vous avez quelque chose de différent à ajouter ».
- Katherine Hensel, du cabinet Hensel Barristers, a parlé de la formation dès le plus jeune âge pour reconnaître le racisme. Elle a relaté son expérience juste avant une audience en vue d’obtenir une injonction alors qu’elle discutait avec l’avocat de la partie opposée et lui expliquait la position de son client qui appartenait aux Premières Nations. Son interlocuteur lui a répondu : « Ouah, vous avez bu le filtre jusqu’à la lie, n’est-ce pas? ». Il présumait, a-t-elle dit, que « soit vous êtes juriste et vous pensez que la position des Premières Nations est absurde, soit vous n’êtes pas juriste ». Elle dit qu’il a consacré le reste de la journée à tenter de faire amende honorable à ses yeux. « Et, comme tout fin stratège l’aurait fait, j’en ai tiré le meilleur parti! »