Chère Advy,
J’essaie de me recentrer dans mon domaine de pratique et je rencontre beaucoup de rĂ©sistance. Ce domaine est celui dans lequel je travaillais avant, mais j’ai dĂ» me retirer pendant quelques annĂ©es tout en m’adaptant Ă mon nouveau rĂ´le de mère. Mon lieu de travail est au courant et m’a soutenu Ă l’Ă©poque. On me fait maintenant part d’inquiĂ©tudes par rapport au retard dans ma courbe d’apprentissage et au fait que je ne rĂ©ponde pas Ă la « norme d’excellence ». Cependant, mon rendement est remarquable dans mon rĂ´le actuel, j’ai toujours reçu d’excellents commentaires avant d’avoir un enfant, et j’ai attirĂ© beaucoup de clients au fil des ans. J’ai affirmĂ© vouloir faire tout mon possible pour dĂ©montrer que j’Ă©tais Ă la hauteur de la tâche et j’ai sollicitĂ© des commentaires Ă plusieurs reprises, mais personne ne m’explique ce que je dois faire pour mettre en Ă©vidence les compĂ©tences transfĂ©rables pertinentes que je possède ou ne me prodigue des conseils sur la façon de dĂ©velopper ces compĂ©tences ou de chercher des occasions de combler les lacunes dans ma pratique. Je ne demande Ă personne de me tenir par la main; je veux simplement refaire ce que j’aime, mais je crains que la seule façon d’y parvenir soit de tout abandonner ce que j’ai bâti ici. Pouvez-vous me conseiller?
Sincères salutations,
Recentrer-ma-pratique (RMP)
Bonjour RMP,
J’ai des conseils pour vous sur deux fronts. Vous Ă©prouvez de la peur et de la dĂ©tresse concernant des choses qui semblent vous empĂŞcher d’effectuer le type de travail que vous aimez faire et il faut que vous soyez en mesure de gĂ©rer ces sentiments. Vous ĂŞtes aussi confrontĂ©e Ă un changement dans le comportement des personnes avec qui vous travaillez, en ce sens que vous voulez qu’elles vous laissent continuer Ă travailler dans votre cabinet actuel, mais vous souhaitez retourner au domaine oĂą vous pratiquiez jadis. Il est Ă©vident qu’il y a un chevauchement considĂ©rable entre ces deux choses. Lorsque vous ressentez de la rĂ©sistance en discutant de ce changement avec votre cabinet, vous Ă©prouvez des sentiments de peur et de dĂ©tresse. Toutefois, il est prĂ©fĂ©rable de traiter ces deux questions connexes comme des problèmes distincts.
En premier lieu, avant d’aborder ces deux aspects de la prĂ©sente chronique, nous devons commencer par dĂ©finir le terme passe-partout de « norme d’excellence ». Je suis dĂ©solĂ©e de crever la bulle de votre cabinet, mais il n’existe aucune « norme d’excellence » statique. Ce qui Ă©tait qualifiĂ© d’excellent travail juridique il y a cent ans, cinquante ans ou vingt ans ne correspond pas Ă ce que cette norme signifie Ă l’heure actuelle. Le droit change, les besoins des clients changent, et ce qui est attendu le plus des juristes qui sont « excellents » est leur capacitĂ© d’apprendre et de grandir avec le changement. Je soupçonne que quiconque vous met au dĂ©fi de revenir Ă la « norme d’excellence » du cabinet dans votre domaine ne sait pas vraiment ce que ce terme signifie non plus. Si quelqu’un le savait, alors il serait simple de vous l’expliquer. Vous ĂŞtes prĂŞte Ă vous remettre Ă niveau dans ce domaine de pratique et, par le passĂ©, vos clients semblaient croire que vous pouviez accomplir du bon travail. Si vous n’obtenez aucune explication, envisagez la possibilitĂ© que cette soi-disant norme que vous ne respectez pas ou que le cabinet craint que vous ne respectiez pas soit peut-ĂŞtre un moyen d’Ă©viter de vous dire la vraie raison de leur opposition. Pour clarifier la situation, une conversation inconfortable, mais nĂ©cessaire, s’impose sur la vraie raison pour laquelle ils s’opposent Ă votre retour Ă ce domaine de pratique. Nous en parlerons davantage un peu plus tard.
Vous dites craindre que la seule façon de refaire ce que vous aimez soit de tout abandonner ce que vous avez bâti à votre cabinet. Je vous propose un petit exercice mental. Examinons deux versions différentes de vous, dans cinq ans.
- Première version : vous avez quitté votre cabinet et vous travaillez à votre compte. Vous avez dû vous réinventer dans une certaine mesure à la suite de votre départ. Cette reconstruction était-elle impossible ou était-ce quelque chose dont vous étiez capable? Avez-vous apporté quelque chose que vous aviez bâti dans votre ancien cabinet? Toutes les relations que vous aviez développées dans votre ancien cabinet ont-elles été rompues lors de votre départ?
- Deuxième version : vous ĂŞtes restĂ©e dans votre cabinet. Vous avez acceptĂ© la prĂ©misse que vous ne seriez jamais en mesure de rĂ©pondre Ă la norme d’excellence du cabinet si vous retourniez Ă votre ancien domaine de pratique et vous avez continuĂ© de faire ce que vous faites en ce moment. ĂŠtes-vous raisonnablement heureuse de l’emploi que vous occupez? Je ne parle pas d’en ĂŞtre enchantĂ©e, mais plutĂ´t d’avoir un niveau assez normal de satisfaction par rapport Ă votre travail. Quel est l’Ă©tat des relations que vous entretenez avec les gens du cabinet dans ce scĂ©nario? Dans quelle mesure vos relations avec les membres du cabinet sont-elles prĂ©cieuses et satisfaisantes?
Notez vos rĂ©ponses lorsque vous comparez ces deux scĂ©narios. Vous souhaitez peut-ĂŞtre vous poser des questions auxquelles je n’ai pas pensĂ©, alors posez-les-vous et notez aussi vos rĂ©ponses. J’ai dĂ©libĂ©rĂ©ment prĂ©sentĂ© les deux scĂ©narios de la manière la plus neutre possible parce que j’ignore l’ampleur de la pression et du stress que peuvent subir ces deux versions de vous-mĂŞme. Vous seule pouvez jauger cela. Une fois que vous avez notĂ© les rĂ©ponses, comparez-les. Tout compte fait, Ă quel point les deux versions futures de vous-mĂŞme sont-elles heureuses et connaissent-elles du succès? Vous pourriez faire le mĂŞme exercice avec des versions de vous dans un an, dans dix ans ou dans tout autre nombre d’annĂ©es, mais restons avec le scĂ©nario des cinq annĂ©es.
Cet exercice sera beaucoup plus facile Ă faire si vous avez l’aide d’un thĂ©rapeute ou d’un accompagnateur formĂ©. Communiquez avec votre programme local d’aide aux juristes pour obtenir de l’aide. N’oubliez pas que vous n’avez pas Ă attendre d’ĂŞtre en crise pour consulter un thĂ©rapeute ou un accompagnateur. Vous avez un choix difficile Ă faire en ce moment, et c’est stressant. C’est une raison suffisante pour en parler avec quelqu’un qui peut vous aider Ă vous y retrouver. De nombreux programmes d’aide aux juristes proposent aussi du soutien par les pairs, et un pair aidant est quelqu’un qui peut vous aider Ă faire des choix. De nombreux barreaux et divisions de l’ABC ont des programmes de mentorat auxquels vous pourriez aussi ĂŞtre admissible. Ce sont des ressources gratuites qui vous aideraient dès maintenant, alors pourquoi ne pas vous en prĂ©valoir?
Quelle que soit la façon, trouvez un moyen de rĂ©aliser cet exercice avec quelqu’un qui vous soutient. Autre suggestion : rĂ©flĂ©chissez Ă ces deux scĂ©narios en faisant une promenade, dans la mesure du possible Ă l’extĂ©rieur. Vous ĂŞtes beaucoup plus susceptibles d’Ă©valuer ces deux versions possibles de votre vie sans tomber dans l’anxiĂ©tĂ© si votre corps bouge et encore plus si vous ĂŞtes dehors (en anglais seulement). Si votre thĂ©rapeute, pair ou mentor accepte de faire cette marche avec vous, tant mieux! Avoir une conversation avec quelqu’un qui marche Ă vos cĂ´tĂ©s (en anglais seulement) et ne pas se regarder intensĂ©ment de l’autre cĂ´tĂ© d’une table rime gĂ©nĂ©ralement avec un plus grand calme et une plus grande crĂ©ativitĂ©. Si vous n’avez pas l’occasion d’en parler dans le cadre d’une promenade, essayez de prendre une tasse de thĂ© ou quelque chose de semblable, qui a un parfum distinctif. Le simple fait de humer quelque chose de nouveau peut aider Ă rĂ©initialiser votre humeur lorsque vous ressentez de l’anxiĂ©tĂ©.
Si le rĂ©sultat est que la deuxième version de vous-mĂŞme est dans une meilleure situation que la première, alors votre dĂ©cision est assez simple : vous restez oĂą vous ĂŞtes. Si vous choisissez cette voie après cette rĂ©flexion, vous aurez au moins la certitude d’avoir fait le meilleur choix.
Supposons que vous en venez à la conclusion que vous préférez la première version à la deuxième en ce qui a trait à votre bonheur et à votre succès.
Non, je ne vous suggère pas d’entrer dans le bureau de votre patron et lui lancer un ultimatum. Cependant, si vous croyez qu’il vaut mieux quitter le cabinet pour poursuivre ce que vous aimez faire plutĂ´t que de rester et de renoncer au genre de travail que vous souhaitez accomplir, je vous conseille d’aborder votre cabinet avec un Ă©tat d’esprit très diffĂ©rent de ce que vous feriez si vous y demeuriez, peu importe le coĂ»t de ce qui serait votre meilleure option. Vous envisageriez alors une troisième version de vous-mĂŞme en parlant de votre avenir Ă la direction de votre cabinet. La troisième version de vous-mĂŞme reprĂ©sente un scĂ©nario oĂą vous restez Ă votre cabinet et vous retournez Ă votre domaine de pratique prĂ©fĂ©rĂ©.
Vous pouvez vous opposer Ă cette possibilitĂ© en affirmant que c’est ce que vous demandiez depuis le dĂ©but. Oui, bien sĂ»r. Toutefois, après avoir effectuĂ© cet exercice mental d’Ă©valuation des deux scĂ©narios dans lesquels vous pourriez vous retrouver si le cabinet continue de vous dire non, vous ĂŞtes beaucoup mieux prĂ©parĂ©e pour nĂ©gocier avec votre cabinet afin d’avoir le meilleur rĂ©sultat que vous avez cherchĂ© Ă obtenir jusqu’ici, soit la troisième version de vous-mĂŞme. Si la prĂ©diction Ă laquelle vous avez rĂ©flĂ©chi est que la première version de vous-mĂŞme est mieux que la deuxième version, alors vous avez moins Ă perdre si le cabinet vous refuse toujours ce que vous voulez. Vous pouvez partir. Non seulement ĂŞtes-vous mieux prĂ©parĂ©e Ă cette nĂ©gociation, mais vous ĂŞtes aussi moins susceptible d’avoir peur qu’avant. Pour citer le sage philosophe qu’est Kenny Rogers :
You’ve got to know when to hold ’em
Know when to fold ’em
Know when to walk away
And know when to run
Si vous avez examinĂ© les deux scĂ©narios Ă fond et que vous avez pesĂ© le pour et le contre, vous saurez exactement la situation Ă privilĂ©gier, c’est-Ă -dire nĂ©gocier avec votre patron. Vous connaĂ®trez aussi le scĂ©nario oĂą il vaut mieux tout laisser tomber et partir. Si ces nĂ©gociations semblent vous rapprocher de la troisième version de vous-mĂŞmes, restez. Si ce n’est pas le cas, alors partez et vivez avec votre choix entre les deux premières versions de vous-mĂŞmes.
Une autre chose Ă retenir : votre cabinet devrait envisager ses propres versions futures de lui-mĂŞme – une avec vous et une sans vous. Est-il mieux avec la première version de vous-mĂŞme, qui part avec ses compĂ©tences et contacts? Est-il prĂ©fĂ©rable d’opter pour la troisième version de vous-mĂŞme, qui pourrait ne pas rĂ©pondre Ă la « norme d’excellence » du cabinet, peu importe ce que cela signifie? Dans presque toutes les nĂ©gociations avec votre cabinet, vous avez beaucoup plus d’influence que vous ne le pensez. Votre cabinet pense-t-il rĂ©ellement de cette façon? Impossible Ă savoir. Les gens ne parviennent pas Ă faire tout le temps ce qu’ils devraient, ce qui est en quelque sorte la raison pour laquelle les juristes existent en premier lieu, n’est-ce pas?
L’essentiel est que votre futur bonheur vaut cette conversation avec votre cabinet. Quel que soit le rĂ©sultat, vous vous sentirez beaucoup mieux et moins effrayĂ©e si vous essayez.
Prenez bien soin de vous.
Advy