Chère Advy,
Mon lieu de travail prĂ©tend mettre la santĂ© mentale au premier plan, mais, dans l’ensemble, il semble que ce ne soit que de belles paroles ou qu’il s’agisse purement d’une tactique de recrutement. Avez-vous des suggestions sur la meilleure façon de faire comprendre aux hauts dirigeants Ă quel point il est important de prendre la santĂ© mentale de leurs employĂ©s au sĂ©rieux?
Sincèrement,
PrĂŞcher-par-l’exemple
Bonjour PrĂŞcher-par-l’exemple,
Il y a quelques choses que je dois dire avant de rĂ©pondre Ă votre question. La première est que votre question constitue essentiellement LA question qui sera traitĂ©e Ă la ConfĂ©rence de l’ABC sur le bien-ĂŞtre, qui aura lieu le 7 novembre 2023. Envisagez d’y assister ou peut-ĂŞtre de visionner certains enregistrements après la tenue de l’Ă©vĂ©nement pour obtenir plus d’informations.
Le point suivant est que la comprĂ©hension du problème par autrui est hors de votre contrĂ´le. Je comprends. Nous sommes tous des juristes ici. Est-ce que le fait d’amener des gens Ă changer d’avis n’est pas un peu ce que nous faisons? Bien sĂ»r! D’ailleurs, les compĂ©tences de reprĂ©sentation que vous utilisez tous les jours vont vous ĂŞtre utiles. Cependant, Ă l’instar de ce que vous faites lorsque vous vous prĂ©sentez devant un tribunal, vous ne pouvez pas mesurer votre succès ou votre Ă©chec en fonction de ce que quelqu’un d’autre dĂ©cide. Vous gagnez certains arguments, mais vous en perdez aussi. Un juge peut parfois se tromper, quelle que soit la gravitĂ© de l’affaire que vous dĂ©fendez. Tout ce que vous pouvez vraiment contrĂ´ler, c’est ce que vous faites. Ainsi, si vous tentez de persuader ces supĂ©rieurs de prendre cette question au sĂ©rieux, assurez-vous d’accomplir du bon travail pour les convaincre. Si vous abordez cette question avec l’impression que, s’ils ne changent pas, vous avez Ă©chouĂ©, vous ouvrez la voie Ă une dĂ©ception et peut-ĂŞtre mĂŞme Ă l’Ă©puisement professionnel.
Continuons avec cette analogie du travail de reprĂ©sentation dans un procès, car cela s’applique assez bien au cas prĂ©sent. Voici dix façons de mettre cette analogie en application dans la situation actuelle :
- Établissez clairement vos objectifs dès le dĂ©part – Pourriez-vous organiser votre cause, rechercher des preuves ou effectuer des recherches en droit de la mĂŞme façon, que vous cherchiez Ă obtenir un acquittement sur une accusation de voies de fait ou que vous travailliez sur une injonction interlocutoire? J’espère que votre rĂ©ponse est non. L’objectif d’une affaire dĂ©termine tout ce que vous faites. L’objectif de votre prĂ©sentation au cabinet pour qu’il amĂ©liore sa culture orientera aussi tout ce que vous faites. La charge de travail est-elle trop Ă©levĂ©e et doit-elle ĂŞtre ajustĂ©e Ă la baisse? Les stagiaires et les jeunes juristes sont-ils jetĂ©s aux lions lorsque des clients sont mĂ©contents du service reçu, alors qu’ils ont plutĂ´t besoin de soutien? Les rĂ©sultats prĂ©cis que vous cherchez Ă changer peuvent ĂŞtre très variĂ©s. RĂ©flĂ©chissez au rĂ©sultat que vous souhaitez obtenir et prenez-le en note. Planifiez tout ce que vous faites pour y parvenir et consultez cette note de temps Ă autre pour vous rappeler les domaines sur lesquels vous devez vous concentrer.
- Rassemblez des faits et des preuves – Vous devez vous prĂ©parer en ayant les faits et preuves qui soutiennent la cause que vous dĂ©fendez. Vous dites que, dans l’ensemble, le cabinet semble manifester un intĂ©rĂŞt de pure forme par rapport au fait qu’il affirme mettre la santĂ© mentale au premier plan. Rassemblez les courriels, notes de service ou autres communications qui vous amènent Ă tirer cette conclusion. Si la preuve prend la forme de conversations verbales auxquelles vous avez participĂ©, notez les dates et les personnes qui ont fait des dĂ©clarations le plus prĂ©cisĂ©ment possible. Évidemment, faites preuve de respect envers la vie privĂ©e d’autrui. Comme vous le feriez lors de la prĂ©paration d’une cause, recueillez les Ă©lĂ©ments de preuve et demandez-vous si vous devez les censurer ou simplement ne pas les partager. Comme dans le cas de certaines causes, le tableau de la situation que vous brossez ne repose peut-ĂŞtre pas sur des preuves irrĂ©futables, mais plutĂ´t sur la somme de plusieurs Ă©lĂ©ments plus petits qui, individuellement, semblent triviaux, mais qui, combinĂ©s, reprĂ©sentent une menace sĂ©rieuse au bien-ĂŞtre. Rassemblez tout cela de la façon la plus cohĂ©rente qui soit.
- Clarifiez le « droit » – Dans ce contexte, les dĂ©clarations publiques que le cabinet fait au sujet de ses prioritĂ©s et de sa culture constituent le « droit ». Je suppose ici que le comportement qui vous prĂ©occupe au sein du cabinet ne va pas Ă l’encontre de l’Ă©thique en soi ou n’est pas illĂ©gal. Si votre cabinet enfreint des lois sur la santĂ© et la sĂ©curitĂ© au travail ou des obligations Ă©thiques, alors, oui, prenez-les Ă©galement en compte. Cependant, si des questions d’Ă©thique ou de sĂ©curitĂ© sont en jeu, alors il n’est peut-ĂŞtre pas suffisant de persuader vos supĂ©rieurs de faire la bonne chose. Montrez clairement ce que sont exactement ces dĂ©clarations, reconnaissant qu’elles peuvent se trouver sur le site Web du cabinet. Certaines peuvent aussi ĂŞtre prĂ©sentes dans le matĂ©riel de recrutement que vous avez reçu, d’autres peuvent ĂŞtre des promesses verbales faites au moment de votre embauche. Vous dites que le cabinet ne respecte pas les normes qu’elle prĂ©tend Ă©tablir. Montrez des façons prĂ©cises dont son comportement contrevient Ă ces normes.
- Connaissez votre tribune et votre dĂ©cisionnaire – Cela ne vous aidera pas Ă faire une excellente prĂ©sentation Ă quelqu’un qui ne peut rien faire pour rĂ©soudre le problème. Soyez au courant de la personne au sein de votre cabinet que vous devez persuader pour changer la culture de l’entreprise. Vous devriez Ă©galement en apprendre le plus possible sur la façon de penser de cette personne ou de ce groupe de personnes pour pouvoir adapter votre message le mieux possible. Le dĂ©cisionnaire sera-t-il motivĂ© par les coĂ»ts Ă©conomiques que le manque d’attention au bien-ĂŞtre pourrait supposer pour le cabinet? Il existe de nombreuses ressources qui peuvent vous aider. Sera-t-il motivĂ© par des histoires personnelles? Faire la bonne chose sera-t-il un bon facteur de motivation? RĂ©flĂ©chissez aux points qui trouveront le plus Ă©cho auprès de votre public.
- Demandez de l’aide lĂ oĂą vous le pouvez – Une compĂ©tence clĂ© que les juristes peuvent acquĂ©rir est la connaissance de leurs propres limites. Vous ne pouvez probablement pas faire tout sans aide. MĂŞme si vous le pouvez, votre « cause » pourrait ĂŞtre plus solide si vous avez la contribution d’autres juristes partenaires qui peuvent examiner le problème sous divers angles auxquels vous ne pensez peut-ĂŞtre pas.
Au fait, le changement de la culture d’entreprise est vraiment un travail difficile et il peut s’agir d’une tâche ardue pour vous. Parmi les personnes aptes Ă vous apporter de l’aide dès le dĂ©but figure un conseiller ou une conseillère, qui peut vous aider Ă aborder certains points difficiles. Vous pouvez trouver une liste des services de counseling gratuits offerts dans votre territoire de compĂ©tence sur le site Web ABC Bien-ĂŞtre de. N’attendez pas qu’une crise se produise. Votre conseiller ou conseillère est un membre essentiel de l’Ă©quipe dont vous avez besoin pour prĂ©senter cette affaire.
- Ayez conscience des faiblesses de votre cause – Comme vous le savez grâce au travail que vous accomplissez tous les jours, vous devez avoir une bonne comprĂ©hension des points faibles de votre dossier. Avec ou sans l’aide d’autres personnes, Ă©valuez les types de contre-arguments que quelqu’un pourrait invoquer par rapport au point que vous tentez de soulever, et planifiez ce que vous ferez en rĂ©ponse Ă ces contre-arguments. Par exemple, si le dirigeant de votre cabinet souligne la gĂ©nĂ©reuse indemnitĂ© de congĂ© annuel du manuel des avantages sociaux, soyez prĂŞt Ă dĂ©montrer les raisons pour lesquelles le cabinet a pratiquement rendu impossible l’utilisation de cette indemnitĂ©.
- Lors de la prĂ©sentation de votre cause, collaborez pleinement avec le dĂ©cisionnaire – Un outil de persuasion sous-Ă©valuĂ©, mais très puissant, nous vient du monde de la philosophie : « le principe de charitĂ© ». Il se peut que vous connaissiez davantage son image miroir, « Le sophisme de l’homme de paille ». Quand quelqu’un fait une dĂ©claration, vous devriez interprĂ©ter cette dĂ©claration de la manière la plus rationnelle possible, Ă moins qu’en interrogeant la personne qui fait la dĂ©claration, vous Ă©tablissiez qu’elle voulait dire quelque chose de plus irrationnel.
Laissez-moi vous donner un exemple. Un associĂ© principal vous assigne une tâche Ă accomplir d’ici la fin de la semaine prochaine. Vous partez pour deux semaines de vacances demain. Vous pourriez interprĂ©ter ses directives comme suit :
« Je ne me soucie pas de vos vacances. Annulez vos plans et occupez-vous de cette tâche. »
« Je ne savais pas que vous aviez des vacances de prĂ©vues. Veuillez vous occuper de cette tâche Ă votre retour. »
Si vous tentiez de faire valoir le caractère raisonnable de la demande de l’associĂ© principal, vous feriez mieux de commencer par la prĂ©misse selon laquelle l’associĂ© ne savait pas que vous partiez en vacances ou qu’il avait oubliĂ©, et qu’il n’avait pas l’intention de perturber vos vacances. Si, après avoir posĂ© des questions Ă l’associĂ© sur ce qu’il voulait dire et lui avoir dit que vous partiez bientĂ´t en vacances, vous vous rendez compte que la première hypothèse est la rĂ©alitĂ©, soit l’interprĂ©tation la plus mal pensante de sa demande, alors vous devrez peut-ĂŞtre vous adresser Ă d’autres dirigeants. Tant que vous n’avez pas Ă©tabli cela, votre argument pourrait tomber Ă plat parce que votre interprĂ©tation de sa demande Ă©tait tout simplement erronĂ©e.
- Commencez par votre meilleur argument et terminez en force – Il est possible que vous trouviez beaucoup de choses Ă changer dans la culture de l’entreprise, et les raisons pour lesquelles des changements s’imposent. Les dĂ©cisionnaires accordent invariablement la plus grande importance Ă la première et Ă la dernière chose que vous dites. Assurez-vous que votre public puisse facilement remarquer vos meilleurs arguments.
- Rappelez-vous que la persuasion est un jeu de patience – Vous prĂ©sentez de nouvelles idĂ©es Ă quelqu’un et vous remettez en question les hypothèses de ce dĂ©cisionnaire. Dans le monde rĂ©el, les gens ne fondent pas en larmes Ă la barre des tĂ©moins en admettant qu’ils mentent depuis le dĂ©but. De la mĂŞme manière, vos dĂ©cisionnaires au sein du cabinet ne vont pas tomber Ă genoux et vous implorer votre pardon après votre brillant discours. Attendez-vous Ă du scepticisme, Ă des doutes et peut-ĂŞtre mĂŞme Ă de l’hostilitĂ©, mais ne vous attendez surtout pas Ă des rĂ©sultats instantanĂ©s. Il est possible qu’ils disent tout ce que vous considĂ©rez comme de mauvais arguments. Ce qu’ils disent Ă ce moment-lĂ n’est pas particulièrement important si ce que vous tentez d’accomplir est d’obtenir un changement Ă long terme. Rappelez-vous Ă©galement que, parfois, une bonne affaire doit ĂŞtre portĂ©e en appel si elle n’obtient pas une audience Ă©quitable en première instance.
- Concentrez-vous sur l’obtention de rĂ©sultats concrets – Vous ne cherchez pas Ă obtenir des mots de rĂ©confort. Ne perdez pas trop de temps Ă chercher des excuses. Vous recherchez un changement de comportement Ă long terme. Les dirigeants du cabinet peuvent commettre des erreurs ou ne pas tenir leurs promesses. Il y a de très bonnes chances qu’ils disent des choses qu’ils regretteront plus tard parce qu’ils ont Ă©tĂ© surpris. Ils sont humains après tout. Vous pouvez rĂ©agir Ă ces lacunes, mais si la tendance gĂ©nĂ©rale Ă©volue dans la direction voulue, alors faites preuve de patience.
Il est très tentant pour les organisations de rĂ©duire le bien-ĂŞtre Ă une liste de contrĂ´le et Ă quelques webinaires Ă l’intention du personnel. Il est bien que vous ayez remarquĂ© les domaines oĂą cela n’est pas suffisant pour que s’opère un vrai changement.
Prenez bien soin de vous,
Advy