Chère Advy,
En tant que jeune juriste, j’ai du mal Ă Ă©tablir des limites saines. La pression de toujours dire « oui » lorsque des juristes d’expĂ©rience me demandent de prendre une plus grande charge de travail que ce que je pense pouvoir gĂ©rer est Ă©norme. Ma plus grande prĂ©occupation est que si je dis « non », ces gens cesseront de me confier du travail ou je serai perçue comme une personne qui n’est pas capable de maintenir un rythme soutenu. Des suggestions sur la façon de gĂ©rer cette question?
Sincèrement,
Meilleure-façon-de-dire-non
Chère Meilleure-façon-de-dire-non,
Avant de formuler des suggestions pour la gestion de limites saines, il peut ĂŞtre utile d’Ă©valuer Ă quel point vos prĂ©occupations sont objectivement rĂ©alistes. Avez-vous tenu compte des attentes liĂ©es Ă votre rĂ´le, y compris des objectifs de rendement et du travail en dehors des heures normales de bureau? Aussi, avez-vous des preuves Ă l’appui de votre prĂ©occupation selon laquelle le fait de dire « non » aura des consĂ©quences nĂ©gatives? De nombreux juristes Ă©prouvent les mĂŞmes prĂ©occupations que vous, et bien que ces prĂ©occupations dĂ©coulent parfois d’attentes Ă©levĂ©es connues en milieu de travail et de la culture de la profession, d’autres fois, cela est davantage liĂ© Ă des traits de personnalitĂ© individuels. Parfois, c’est un peu des deux. Savoir d’oĂą provient la pression peut vous aider Ă dĂ©terminer les limites ou mesures qui pourraient vous ĂŞtre utiles en dehors des conseils que je prodigue ci-dessous; vous pourriez trouver de la valeur Ă explorer cela avec une personne de confiance agissant comme mentor ou comme conseiller.
Quelle que soit l’origine de vos prĂ©occupations, vous avez raison d’envisager d’Ă©tablir des limites saines au dĂ©but de votre carrière. La pression prolongĂ©e et le stress chronique associĂ©s Ă l’acceptation d’une charge de travail supĂ©rieure Ă ce que vous pouvez gĂ©rer mènent plusieurs juristes Ă l’Ă©puisement professionnel. L’Étude nationale des dĂ©terminants de la santĂ© psychologique des professionnels du droit au Canada, publiĂ©e en 2022, a confirmĂ© que la fatigue physique et psychologique, tout comme l’extĂ©nuation dĂ©coulant de l’Ă©puisement professionnel, peut conduire « Ă un certain cynisme, Ă un dĂ©tachement et Ă une sous-Ă©valuation » des accomplissements personnels. Ironiquement, cela mène souvent Ă une baisse du rendement au travail qui a une incidence directe sur ce qui vous prĂ©occupe.
En envoyant le prĂ©sent message, vous avez peut-ĂŞtre dĂ©jĂ reconnu qu’il est malsain de dire « oui » tout le temps. Il est pratiquement impossible de tout faire, tout le temps, pour tout le monde. Nous avons tous et toutes des exigences et des besoins diffĂ©rents tout au long de notre vie, et il est acceptable, et peut-ĂŞtre mĂŞme essentiel, d’exprimer nos besoins selon nos propres conditions, indĂ©pendamment de l’expĂ©rience de nos collègues et de juristes comptant plus d’expĂ©rience que nous.
Pour bien des gens, l’apprentissage de la dĂ©fense des intĂ©rĂŞts personnels est quelque chose qui ne vient pas naturellement. Cela peut prendre du temps et exiger de la pratique. Il pourrait ĂŞtre utile de rĂ©flĂ©chir au fait que, lorsque des juristes chevronnĂ©s vous abordent, ils peuvent ne pas savoir Ă quel point vous ĂŞtes occupĂ©e et tenir pour acquis que vous vous sentirez Ă l’aise de dire si votre charge de travail est trop Ă©levĂ©e. En dĂ©fendant vos intĂ©rĂŞts, vous gĂ©rez non seulement vos propres limites, mais vous aidez vos collègues Ă gĂ©rer le risque que le travail qu’ils vous confient ne se fasse pas Ă temps et dans le respect attendu des normes.
Alors, comment dĂ©cidez Ă quels mandats dire « oui » ou « non »? La clĂ© est de poser les bonnes questions au moment oĂą quelqu’un vous aborde avec une demande. Cela peut inclure des questions sur les rĂ©sultats attendus du travail, sur le calendrier des travaux Ă effectuer, sur l’importance de la date limite et sur l’existence d’obstacles connus Ă la rĂ©alisation du travail. Poser ces questions sert Ă plusieurs fins. Cela vous donne le temps de tempĂ©rer votre rĂ©action instinctive, qui est de dire « oui », et d’Ă©valuer rationnellement si vous pouvez aider. Cela montre aussi Ă la personne qui vous aborde que vous voulez aider, mais que vous souhaitez d’abord savoir si l’Ă©chĂ©ance est flexible et prendre conscience des consĂ©quences si le travail n’est pas fait Ă temps. Enfin, cela vous donne suffisamment d’informations pour formuler une rĂ©ponse rĂ©flĂ©chie et honnĂŞte de l’une des manières suivantes :
« Merci de penser Ă moi pour ce travail, je serais ravie de vous aider. »
« Merci d’avoir pensĂ© Ă moi pour cette tâche. Ma charge de travail actuelle ne me permettrait pas de respecter la date limite indiquĂ©e, mais je pourrais vous aider (1) si l’Ă©chĂ©ance est flexible, (2) si je peux travailler avec d’autres personnes, (3) autre solution. »
« Merci d’avoir pensĂ© Ă moi pour cette tâche. Malheureusement, compte tenu de ma charge de travail actuelle, je ne pourrais pas terminer ce travail au moment oĂą vous en avez besoin. J’aimerais vraiment vous aider avec d’autres tâches une fois que ma charge de travail s’allègera dans (indiquer un moment). »
Les formulations ci-dessus visent Ă vous fournir des exemples de ce que vous pouvez dire quand la rĂ©ponse est « oui », « peut-ĂŞtre » ou « non, pas maintenant », mais ce que vous direz relève entièrement de vous. Écrire de possibles questions et rĂ©ponses, et les pratiquer Ă haute voix, seule ou avec un ami de confiance, peut faciliter la transmission de votre rĂ©ponse selon votre intention lorsque des juristes vous abordent pour vous proposer du travail. Vous pourriez trouver utile d’explorer cette question avec un mentor ou un conseiller de confiance, et un soutien par les pairs et des conseillers sont disponibles par l’intermĂ©diaire de votre programme d’aide aux juristes de votre rĂ©gion.
Au dĂ©but de la chronique, je vous invitais Ă vous demander si la pression que vous ressentez provient des attentes de votre milieu de travail ou de quelque chose d’autre. Je ferais preuve de nĂ©gligence si je ne reconnaissais pas qu’il est possible que, mĂŞme si vous utilisez l’approche ci-dessus, certains juristes cessent de vous confier du travail ou tirent une conclusion nĂ©gative si votre rĂ©ponse est « non ». Vous remarquez aussi peut-ĂŞtre que certains juristes s’adressent Ă vous, car ils aiment votre prĂ©venance et votre honnĂŞtetĂ©, et savent que lorsque vous dites « oui », ils peuvent compter sur vous pour obtenir d’excellents rĂ©sultats. Au fil du temps, vous dĂ©terminerez si vos valeurs et vos besoins correspondent gĂ©nĂ©ralement Ă votre environnement de travail ou si des changements sont nĂ©cessaires pour les harmoniser. Sachez que les milieux de travail juridiques se prĂ©sentent sous toutes les formes et toutes les tailles, et si votre lieu de travail particulier ne peut pas respecter les limites saines que vous Ă©tablissez, il y en a beaucoup qui le feront.
Prenez bien soin de vous,
Advy