Pratiques exemplaires
Ă€ mesure que le paysage juridique et non juridique de l’EDP continue d’Ă©voluer, les entreprises et les avocats en droit des affaires devraient aborder et gĂ©rer les risques de l’EDP comme ils le font pour tout autre risque juridique, rĂ©glementaire et opĂ©rationnel.
Cette section met l’accent sur les pratiques exemplaires qui permettront aux juristes et Ă leurs clients de dĂ©cider quand les activitĂ©s ou les relations commerciales posent un risque trop Ă©levĂ© pour les droits de la personne ou quand les situations nĂ©cessitent des mesures d’attĂ©nuation.
L’objectif n’est pas de fournir des exemples de situations qui franchissent un seuil quelconque. De telles situations deviendront Ă©videntes si les bons processus sont en place et respectĂ©s dans l’ensemble de l’organisation. Ultimement, les entreprises devront dĂ©cider par elles-mĂŞmes quand accepter ou refuser une occasion ou une relation, et quand imposer ou accroĂ®tre des mesures de protection des droits de la personne.
Les principes fondamentaux de la conformitĂ© Ă l’EDP dĂ©coulent des pratiques de gouvernance d’entreprise et de gestion des risques que connaissent dĂ©jĂ les avocats en droit des affaires. Voici les principaux Ă©lĂ©ments d’une gestion efficace des risques liĂ©s Ă l’EDP.
Structure de gouvernance. Un système de conformitĂ© Ă l’EDP exige une surveillance efficace au niveau du conseil d’administration de tous les risques liĂ©s Ă l’EDP, en tant qu’impĂ©ratif juridique et stratĂ©gique. Des mĂ©canismes devraient ĂŞtre en place pour signaler, le cas Ă©chĂ©ant, les problèmes liĂ©s Ă l’EDP et attĂ©nuer de telles prĂ©occupations.
Politiques et procĂ©dures. Les entreprises devraient Ă©tablir et communiquer publiquement un engagement corporatif de haut niveau Ă respecter les droits de la personne. Les entreprises devraient adopter et mettre en Ĺ“uvre des politiques et procĂ©dures de soutien Ă l’Ă©chelle opĂ©rationnelle qui s’appliquent Ă l’ensemble de leurs activitĂ©s, de leurs chaĂ®nes d’approvisionnement et d’autres tiers, conformĂ©ment aux attentes des PDNU.
Les engagements politiques ne doivent pas ĂŞtre gĂ©nĂ©riques, vagues ou tirĂ©s directement de ce que d’autres entreprises ont adoptĂ©. Les responsabilitĂ©s qu’assume l’entreprise doivent ĂŞtre clairement Ă©noncĂ©es dans des politiques Ă©crites, concorder avec ce que l’entreprise fait tout dans l’ensemble de ses activitĂ©s et correspondre Ă ce qui peut ĂŞtre accompli de façon rĂ©aliste. Ces responsabilitĂ©s doivent ĂŞtre conformes aux principes opĂ©rationnels des PDNU.
Les Ă©noncĂ©s de politique peuvent donner lieu Ă une prise en charge de l’obligation en droit avec risque de litige connexe. Les entreprises doivent donc s’assurer que les responsabilitĂ©s qu’elles assument peuvent ĂŞtre pleinement et efficacement remplies en mettant l’accent sur des processus et systèmes qui visent Ă cerner, Ă attĂ©nuer et Ă prĂ©venir les incidences nĂ©gatives sur les droits de la personne, plutĂ´t que de garantir des rĂ©sultats internes.
Évaluations des incidences sur les droits de la personne et diligence raisonnable. La diligence raisonnable est l’outil opĂ©rationnel permettant aux entreprises « d’identifier leurs incidences sur les droits de l’homme, prĂ©venir ces incidences et en attĂ©nuer les effets, et rendre compte de la manière dont elles y remĂ©dient ». La diligence raisonnable ne doit pas ĂŞtre abordĂ©e de manière transactionnelle. Les PDNU prescrivent d’exercer une diligence raisonnable « en permanence », qui exige qu’une entreprise Ă©value rĂ©gulièrement l’efficacitĂ© de ses politiques et procĂ©dures pour attĂ©nuer les incidences nĂ©gatives sur les droits de la personne.
Bon nombre d’entreprises traitent dĂ©jĂ d’autres enjeux, comme la lutte contre la corruption, et font dĂ©jĂ preuve de diligence raisonnable Ă cet Ă©gard. L’un des Ă©lĂ©ments clĂ©s de la diligence raisonnable en matière de droits de la personne est qu’elle est tournĂ©e vers l’extĂ©rieur, c’est-Ă -dire qu’elle cherche Ă dĂ©terminer comment une activitĂ© ou une transaction particulière aura des incidences sur les autres, et non pas sur l’entreprise.
Le paragraphe 23 c) des PDNU traite spĂ©cifiquement de la gestion du risque de causer des atteintes caractĂ©risĂ©es aux droits de la personne ou d’y contribuer, y compris l’esclavage, en exigeant que les entreprises traitent ces risques sous l’angle du respect de la lĂ©galitĂ©. Une entreprise doit tenir pour acquis que l’organisation et ses administrateurs, dirigeants et employĂ©s peuvent ĂŞtre tenus lĂ©galement responsables des violations des droits de la personne ou de leur contribution Ă de telles violations.
PDNU 17
Afin d’identifier leurs incidences sur les droits de l’homme, prĂ©venir ces incidences et en attĂ©nuer les effets, et rendre compte de la manière dont elles y remĂ©dient, les entreprises doivent faire preuve de diligence raisonnable en matière de droits de l’homme. Ce processus devrait consister Ă Ă©valuer les incidences effectives et potentielles sur les droits de l’homme, Ă regrouper les constatations et Ă leur donner une suite, Ă suivre les mesures prises et Ă faire savoir comment il est remĂ©diĂ© Ă ces incidences.
PDNU 23 c)
Dans tous les contextes, les entreprises devraient :
…
c) Parer au risque de commettre des atteintes caractĂ©risĂ©es aux droits de l’homme ou d’y contribuer sous l’angle du respect de la lĂ©galitĂ© oĂą qu’elles opèrent.
Formation. Les organisations doivent offrir des formations, notamment des formations spĂ©cialisĂ©es adaptĂ©es aux responsabilitĂ©s et fonctions des employĂ©s, administrateurs et dirigeants et partenaires d’affaires.
Tiers — Conduite des partenaires d’affaires. Comme indiquĂ© Ă la section Conduite des partenaires d’affaires, les entreprises ont des obligations directes et indirectes en matière de droits de la personne. Il faut faire preuve de prudence dans les rapports avec les partenaires d’affaires actuels et potentiels afin d’assurer une diligence raisonnable et une surveillance appropriĂ©es. Les entreprises doivent Ă©galement s’assurer de comprendre leurs engagements contractuels. Les Ă©metteurs assujettis, en particulier ceux actifs Ă l’Ă©chelle mondiale, intègrent de plus en plus des clauses contractuelles de transmission dans les ententes d’approvisionnement. Les entreprises engagĂ©es dans des processus d’approvisionnement public au Canada et ailleurs sont de plus en plus tenues par les gouvernements de certifier que leurs chaĂ®nes d’approvisionnement sont exemptes de travail forcĂ© et de travail des enfants.
Divulgations et rapports. En raison d’une combinaison d’exigences de production de rapports obligatoires obligatoires axĂ©es sur les intervenants (y compris les investisseurs) Ă l’Ă©chelle mondiale, les entreprises doivent gĂ©rer leurs divulgations liĂ©es Ă l’EDP (et plus gĂ©nĂ©ralement, Ă l’ESG). Il existe des cadres et des normes de production de rapports sur le rendement en matière de durabilitĂ© qui intègrent les PDNU.
MĂ©canismes de rĂ©clamation. Le PDNU 29 exige que les entreprises mettent en place des mĂ©canismes de rĂ©clamation au niveau opĂ©rationnel afin d’offrir un recours lorsque leurs activitĂ©s ont causĂ© des violations des droits de la personne ou y ont contribuĂ©. S’il existe un risque de litige dĂ©coulant d’une demande de recours, des mĂ©canismes devraient ĂŞtre en place pour assurer l’examen et la surveillance juridiques. Les mĂ©canismes de rĂ©clamation doivent ĂŞtre connus et accessibles aux intervenants visĂ©s. Un bouton « Contactez-nous » cachĂ© sur un site Web dans une langue inconnue des travailleurs ne rĂ©pondra pas Ă cette exigence. Le PDNU 31 Ă©tablit les critères d’un mĂ©canisme efficace de rĂ©clamation, relevant ou non de l’État. Les mĂ©canismes de rĂ©clamation doivent ĂŞtre lĂ©gitimes, accessibles, prĂ©visibles, Ă©quitables, transparents, compatibles avec les droits et constituer une source d’apprentissage continu.
Accès Ă des voies de recours — Principe gĂ©nĂ©ral 3 des PDNU
Les personnes ou les groupes dont les droits de la personne ont Ă©tĂ© violĂ©s dans le cadre d’activitĂ©s d’affaires doivent avoir accès Ă un recours. Les recours Ă©tatiques des PDNU peuvent ĂŞtre invoquĂ©s au moyen de processus Ă©tatiques judiciaires ou non judiciaires ou de processus opĂ©rationnels qui n’ont pas Ă faire intervenir l’État. La « Partie V : Entreprises et droits de la personne au Canada » traite des efforts dĂ©ployĂ©s par le Canada pour fournir des mĂ©canismes d’accès Ă des recours Ă©tatiques.
Les mĂ©canismes de rĂ©clamation au niveau opĂ©rationnel ont un rĂ´le particulièrement important Ă jouer pour assurer l’accès Ă un recours. En effet, de nombreux processus Ă©tatiques peuvent ĂŞtre coĂ»teux, longs et lourds sur le plan procĂ©dural. Chacun de ces facteurs crĂ©e un obstacle potentiel et un effet dissuasif pour les victimes.
En revanche, les mécanismes de réclamation au niveau opérationnel peuvent être souples, donner suite à des incidents particuliers et être disponibles localement sans avoir à engager des procédures transnationales coûteuses.
Ce qui importe le plus, c’est que des personnes ou des groupes aient accès Ă un recours et que le recours soit efficace. Les PDNU prĂ©cisent que les recours peuvent prendre diverses formes, comme des excuses, une restitution, une indemnisation, une sanction punitive ou des injonctions.
La nĂ©cessitĂ© qu’un recours soit efficace devrait dicter la structure, le processus et le rĂ©sultat de tout mĂ©canisme de rĂ©clamation qu’une entreprise Ă©tablit ou auquel elle participe. L’objectif est de remĂ©dier Ă une erreur et non de faire disparaĂ®tre un problème. Pour remĂ©dier Ă une erreur, les entreprises doivent ĂŞtre conscientes du dĂ©sĂ©quilibre de pouvoir frĂ©quent entre elles et les communautĂ©s locales, qui peuvent manquer de ressources ou d’une structure organisationnelle singulière, et en tenir compte. Cela signifie que les entreprises ne doivent pas imposer leur volontĂ© Ă la structure ou au fonctionnement du mĂ©canisme de rĂ©clamation. Des mĂ©canismes efficaces de rĂ©clamation exigent la participation des victimes ou de leurs reprĂ©sentants Ă toutes les Ă©tapes. Pour les mĂ©canismes de rĂ©clamation au niveau opĂ©rationnel, le PDNU 31 exige qu’ils soient fondĂ©s sur la participation et le dialogue avec les groupes d’intervenants Ă qui ils sont destinĂ©s. Ainsi, un mĂ©canisme de rĂ©clamation peut rĂ©gler adĂ©quatement la violation des droits de la personne et fournir aux victimes un recours efficace, ce qui laisse Ă toutes les parties concernĂ©es un sentiment d’aboutissement.