Le 1er juin, la Cour suprĂŞme a rendu une dĂ©cision partagĂ©e dans l’affaire Groia. Selon la majoritĂ©, la norme de contrĂ´le d’une dĂ©cision d’un comitĂ© d’appel d’un barreau est celle de savoir si celle-ci Ă©tait raisonnable. La majoritĂ© a conclu qu’il Ă©tait dĂ©raisonnable, pour le comitĂ© d’appel, de conclure que le comportement de Joseph Groia constituait un manquement professionnel.
L’ABC est intervenue dans l’appel pour soutenir qu’un critère visant Ă qualifier une incivilitĂ© de manquement professionnel devrait rĂ©sulter d’un Ă©quilibre entre trois valeurs fondamentales de notre système judiciaire, soit la civilitĂ© dans le prĂ©toire, l’indĂ©pendance de la magistrature et le droit des parties au litige Ă une reprĂ©sentation vigoureuse et zĂ©lĂ©e. Pierre Bienvenu, Andres Garin et Jean-Christophe Martel, du cabinet Norton Rose Fulbright Canada LLP / S.E.N.C.R.L., s.r.l. ont comparu devant la Cour suprĂŞme au nom de l’ABC.
La majoritĂ© a fondĂ© sa dĂ©cision sur le critère du « caractère raisonnable » comme norme de contrĂ´le. Huit des neuf juges ont convenu qu’il s’agissait de la norme de contrĂ´le appropriĂ©e.
[2] Pour remplir leur fonction, les procès doivent absolument ĂŞtre menĂ©s d’une manière civilisĂ©e. Lorsqu’ils sont empreints de querelles, de comportements belliqueux, d’attaques personnelles injustifiĂ©es et de toute autre forme de conduite perturbatrice et disgracieuse, ils sont Ă l’antithèse du règlement pacifique et ordonnĂ© des diffĂ©rends que nous nous efforçons d’atteindre.
[3] Du mĂŞme coup, les procès ne sont pas une partie de plaisir, et lĂ n’est pas non plus leur objectif. Le devoir de l’avocat d’agir avec civilitĂ© ne s’inscrit pas dans l’abstrait. Il existe plutĂ´t de concert avec une sĂ©rie d’obligations professionnelles qui Ă la fois restreignent et dictent le comportement de l’avocat. Il faut faire attention de ne pas sacrifier, au nom de la civilitĂ©, la libertĂ© d’expression, l’obligation de l’avocat de reprĂ©senter son client avec vigueur et le droit de l’accusĂ© Ă une dĂ©fense pleine et entière.
[69] […] Ă mon sens, exiger que le Barreau Ă©value l’Ă©quitĂ© du procès ferait passer en second plan le comportement de l’avocat et confĂ©rerait indĂ»ment au Barreau une fonction judiciaire.
[71] Bien que son importance soit certaine, le devoir de pratiquer avec civilitĂ© n’est pas le seul mandat dĂ©ontologique de l’avocat. En fait, il existe de concert avec une sĂ©rie d’obligations professionnelles qui Ă la fois restreignent et dictent le comportement de l’avocat. Le devoir d’agir avec civilitĂ© doit ĂŞtre interprĂ©tĂ© Ă la lumière de ces autres obligations. Plus particulièrement, les normes de civilitĂ© ne peuvent compromettre l’obligation de l’avocat de reprĂ©senter son client avec vigueur.
[72] L’importance de l’obligation de l’avocat de reprĂ©senter son client avec vigueur ne peut ĂŞtre sous‑estimĂ©e. Il s’agit d’un Ă©lĂ©ment fondamental de notre système de justice contradictoire — un système qui repose sur le principe qu’une dĂ©fense vigoureuse des intĂ©rĂŞts du client facilite la recherche de la vĂ©ritĂ© : voir, p. ex., Phillips c. Ford Motor Co. (1971), 18 D.L.R. (3d) 641, p. 661. De plus, cette obligation de l’avocat est une composante essentielle du devoir de ce dernier de se dĂ©vouer Ă la cause de son client, un principe de justice fondamentale garanti par l’art. 7 de la Charte canadienne des droits et libertĂ©s : Canada (Procureur gĂ©nĂ©ral) c. FĂ©dĂ©ration des ordres professionnels de juristes du Canada, 2015 CSC 7, [2015] 1 R.C.S. 401, par. 83‑84.