La Section du droit pĂ©nal de l’Association du Barreau canadien et son ComitĂ© sur l’emprisonnement et la libĂ©ration ont Ă©crit une lettre (disponible uniquement en anglais; les citations qui en sont tirĂ©es sont des traductions) avertissant que la politique proposĂ©e par Service correctionnel Canada ne respecte pas les normes internationales relatives Ă l’isolement cellulaire et viole la Charte des droits et libertĂ©s.
Selon les règles Nelson Mandela des Nations Unies, l’isolement cellulaire est dĂ©fini comme 22 heures ou plus par jour en isolement sans contact rĂ©el. La lĂ©gislation actuelle au Canada dit que les unitĂ©s d’intervention structurĂ©e, ou UES, exigent quatre heures par jour hors de la cellule, dont au moins deux avec un contact humain rĂ©el.
Les dĂ©tenus dans des UES ont souvent subi un traumatisme et peuvent souffrir des effets de l’isolement. Cette rĂ©alitĂ© est importante, car si la politique vise Ă rĂ©pondre aux besoins de ces dĂ©tenus plutĂ´t que de simplement ĂŞtre punitive, elle devrait favoriser plus de deux heures de contacts humains rĂ©els par jour. Elle devrait Ă©galement veiller Ă ce que les personnes dĂ©tenues dans des UES aient accès Ă des journĂ©es complètes de contacts humains rĂ©els, y compris Ă des services indĂ©pendants, comme du counseling, leur permettant de composer avec les consĂ©quences d’un isolement prolongĂ© et d’un traumatisme, indique la section dans le mĂ©moire.
Les règles Nelson Mandela stipulent aussi qu’une pĂ©riode de plus de 15 jours consĂ©cutifs d’isolement constitue de la torture. Dans l’affaire Canadian Civil Liberties Association v Canada, la Cour d’appel de l’Ontario a conclu que cette pratique contrevenait Ă l’article 12 de la Charte des droits et libertĂ©s, et Ă©quivalait Ă une peine cruelle et inusitĂ©e.
Selon le rapport annuel 2021-2022 du ComitĂ© consultatif sur la mise en Ĺ“uvre des unitĂ©s d’intervention structurĂ©e, plus de la moitiĂ© des sĂ©jours dans des UES Ă©taient de plus de 15 jours. La Section du droit pĂ©nal de l’ABC est prĂ©occupĂ©e par cette situation et recommande que la politique interdise clairement l’utilisation d’UES pendant plus de 15 jours pour quiconque.
Elle recommande Ă©galement dans son mĂ©moire que les politiques du SCC utilisent la dĂ©finition de « contact humain rĂ©el » reconnue Ă l’Ă©chelle internationale plutĂ´t que des « possibilitĂ©s d’interagir avec les autres ». Les politiques devraient exiger que les possibilitĂ©s d’interagir soient souhaitĂ©es par la personne dĂ©tenue dans l’UES et que le contact soit rĂ©el pour elle.
Les Autochtones dans les UES
Le rapport susmentionné indique également que, bien que les Autochtones représentent 4,2 % de la population du Canada, ils constituent 32 % de la population carcérale des prisons fédérales et 40 % des détenus dans les UES. Les proportions sont encore pires pour les femmes autochtones, qui représentent 76 % des détenues dans les UES.
L’Ă©bauche de la politique traite de l’obligation de documenter la façon dont des facteurs liĂ©s Ă l’histoire sociale autochtone d’une personne ont influencĂ© le comportement ayant menĂ© au recours Ă une UES. La section croit que, pour se conformer Ă la Loi sur le système correctionnel et la mise en libertĂ© sous condition, l’Ă©bauche de la politique doit ĂŞtre modifiĂ©e et faire rĂ©fĂ©rence Ă l’histoire sociale autochtone uniquement dans le but de rĂ©pondre aux besoins de ces personnes en offrant des solutions de rechange aux UES, de dĂ©cider de ne pas avoir recours Ă un transfert Ă une UES ou de sortir quelqu’un d’une UES.
Problèmes de santé mentale
Afin de se conformer aux règles Nelson Mandela, les personnes ayant des problèmes de santé mentale ne devraient pas être placées dans des UES. Aussi, les décisions sur la question de savoir si un détenu devrait être considéré comme apte à un séjour dans une UES doivent être prises par des professionnels de la santé, et que ces décisions ne doivent pas être contremandées par du personnel non médical.
Dans son mĂ©moire, la section souligne que le rapport du SCC indique que 29 % des hommes et 64 % des femmes se trouvant dans des UES ont des problèmes de santĂ© mentale. La section est prĂ©occupĂ©e par le fait que « l’Ă©bauche de la politique permet la dĂ©tention de personnes dans des conditions que les Nations Unies considèrent comme de la torture ou comme un traitement cruel, et que les professionnels de la santĂ© ne sont pas enjoints de respecter leurs obligations Ă©thiques en vertu du Code d’Ă©thique et de professionnalisme de l’Association mĂ©dicale canadienne (AMC), de la jurisprudence canadienne et des règles Nelson Mandela, qui les obligent Ă signaler les signes de torture ou de traitement cruel et Ă formuler des recommandations visant Ă Ă©viter de telles pratiques ».
La section croit Ă©galement que le SCC doit modifier sa politique de rĂ©action Ă l’automutilation qui permet aux agents correctionnels de recourir Ă la force, et que les personnes susceptibles d’automutilation ou de suicide ne devraient pas ĂŞtre placĂ©es en isolement. De plus, s’il veut faire sortir des gens des UES, le SCC doit s’attaquer Ă la culture prĂ©occupante du personnel des UnitĂ©s Ă sĂ©curitĂ© maximale et des UES.
Droit Ă l’assistance d’un avocat
Enfin, la section est d’avis que la politique relative au droit Ă l’assistance d’un avocat doit ĂŞtre renforcĂ©e afin que les gens aient le droit de retenir les services d’un avocat et de leur donner des instructions lorsqu’ils font l’objet d’une autorisation de transfert Ă une UES, une norme plus Ă©levĂ©e que « l’accès raisonnable » ou « le droit de communiquer avec un avocat ou de rencontrer un avocat ».
« Le droit Ă l’assistance d’un avocat exige que LE SCC communique directement avec le conseiller juridique de la personne dĂ©tenue, indique la section dans le mĂ©moire. La personne visĂ©e par la mesure ne devrait pas ĂŞtre contrainte Ă remplir des formulaires de consentement Ă la divulgation ou Ă prĂ©ciser les documents Ă transmettre Ă son avocat. »