Dans sa lettre au ministre de la Justice David Lametti et dans une lettre analogue au ComitĂ© sĂ©natorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles au sujet du projet de loi C‑9, le Sous-comitĂ© des questions judiciaires de l’ABC rappelle l’importance de garantir l’indĂ©pendance judiciaire et la confiance du public dans la magistrature. Ces arguments ont Ă©tĂ© rĂ©affirmĂ©s devant le SĂ©nat le 29 mars par Steeves Bujold, prĂ©sident de l’ABC, et Benjamin Piper, du Sous-comitĂ© des questions judiciaires (le Sous-comitĂ©).
Le projet de loi C‑9, Loi modifiant la Loi sur les juges, modifie de façon importante le processus d’examen de la conduite des juges par l’Ă©tablissement d’une nouvelle procĂ©dure d’Ă©valuation des allĂ©gations d’inconduite.
Le Sous-comitĂ© est d’avis que ce projet Ă©tablit un juste Ă©quilibre entre le droit Ă l’Ă©quitĂ© procĂ©durale et la confiance du public dans l’intĂ©gritĂ© du système. Toutefois, le processus devrait prĂ©voir une instance intermĂ©diaire pour l’appel d’une dĂ©cision dĂ©finitive du Conseil canadien de la magistrature (CCM), Ă savoir la Cour d’appel fĂ©dĂ©rale. Dans la version actuelle de la Loi, le seul recours pour l’appel d’une dĂ©cision du CCM est la Cour suprĂŞme du Canada (CSC), sous rĂ©serve d’une autorisation de cette instance. Les lettres font valoir deux raisons convaincantes d’instaurer un appel de plein droit Ă la Cour d’appel fĂ©dĂ©rale.
« Premièrement, c’est une question de justice naturelle que d’assurer un droit de contrĂ´le judiciaire externe au processus disciplinaire », peut-on lire dans les mĂ©moires. Solliciter une autorisation d’interjeter appel Ă la CSC n’est pas une avenue facile, cette dernière n’entendant que les affaires soulevant des questions d’importance nationale. La question de savoir si le CCM a errĂ© ou non dans tel ou tel dossier concernant une allĂ©gation d’inconduite d’un juge risque de ne pas remplir ce critère.
« Deuxièmement, la magistrature est un Ă©lĂ©ment essentiel de l’appareil de gouvernance du Canada, Ă tel point que le public doit ĂŞtre assurĂ© que la discipline judiciaire est appliquĂ©e de façon transparente et responsable, avec des avenues d’appel et des recours clairs », lit-on dans les lettres. Les procĂ©dures du CCM se font, naturellement, Ă huis clos, ce qui peut parfois amener le public Ă y voir un manque de transparence. Le droit d’appel Ă une instance infĂ©rieure Ă la CSC rendrait le processus plus transparent et renforcerait la confiance du public dans le système.
Le Sous-comitĂ© respecte le travail du CCM, mais fait l’observation suivante : « Aucune instance n’est parfaite, ni aucun système disciplinaire ou arbitre non plus. » Il est essentiel que les juges passibles d’une mesure disciplinaire pour leur conduite puissent interjeter appel lorsque le CCM pourrait avoir errĂ©. « Dans notre sociĂ©tĂ©, explique-t-on dans la lettre, les personnes reconnues coupables, les plaignants et les dĂ©fendeurs, et tous ceux dont le gagne-pain, les biens ou l’avenir sont en jeu, doivent disposer d’un recours en rĂ©vision judiciaire pour une dĂ©cision ayant de si grandes rĂ©percussions sur leur vie. »
Étendre le droit d’appel comporte un autre avantage : contrairement Ă la CSC, qui ne donne pas ses motifs de refus ou d’accueil des demandes d’autorisation d’appel, la Cour d’appel fĂ©dĂ©rale rĂ©pond gĂ©nĂ©ralement Ă ces demandes en communiquant le dĂ©tail de ses motifs et conclusions, « ce qui renforcerait la crĂ©dibilitĂ© du CCM par la rĂ©vision transparente de ses procĂ©dures et dĂ©cisions », estime le Sous-comitĂ©, qui poursuit en ces termes : « ConnaĂ®tre le pourquoi d’une dĂ©cision, surtout quand il est question d’une mesure disciplinaire contre un juge, est essentiel au maintien de la crĂ©dibilitĂ© du tribunal concernĂ© et du respect du public Ă l’Ă©gard de l’indĂ©pendance de la magistrature ».