L’Association du Barreau canadien appuie la volontĂ© du gouvernement fĂ©dĂ©ral de rendre le système fiscal plus Ă©quitable, Ă©crit le prĂ©sident Stephen Rotstein dans une lettre adressĂ©e Ă la vice-première ministre et ministre des Finances Chrystia Freeland – Ă condition que les juristes puissent s’acquitter de leurs fonctions auprès de leur clientèle avec une loyautĂ© sans faille.
La lettre de Me Rotstein est une rĂ©ponse au projet de loi de fĂ©vrier 2022 concernant les opĂ©rations Ă dĂ©clarer et les opĂ©rations Ă signaler. Si ces dispositions sont adoptĂ©es telles quelles, affirme le prĂ©sident de l’ABC, elles « compromettront le privilège des communications entre client et avocat ». Or, ce principe est crucial pour l’ensemble de la profession juridique, comme l’a reconnu la Cour suprĂŞme du Canada dans l’affaire R. c. McClure, prĂ©cise-t-il.
Ă€ l’heure actuelle, le paragraphe 237.3(2) de la Loi de l’impĂ´t sur le revenu impose Ă chaque « conseiller » ayant droit Ă certains honoraires relativement Ă une opĂ©ration Ă dĂ©clarer l’obligation de prĂ©senter une dĂ©claration de renseignements. Il peut s’agir ici d’avocats. Le non-respect de cette disposition est passible de sanction. Entre autres mesures, l’avant-projet de loi de fĂ©vrier propose d’Ă©largir la dĂ©finition d’opĂ©ration Ă dĂ©clarer, de durcir les sanctions en cas de non-conformitĂ© et de raccourcir le dĂ©lai de dĂ©claration Ă l’ARC.
La loi actuelle prĂ©voit, au paragraphe 237.3(17), qu’un avocat (ou un notaire, au QuĂ©bec) « qui est un conseiller relativement Ă une opĂ©ration Ă dĂ©clarer n’a pas Ă indiquer dans une dĂ©claration de renseignements concernant l’opĂ©ration des renseignements Ă l’Ă©gard desquels il a des motifs raisonnables de croire que son client peut invoquer le privilège des communications entre client et avocat ».
Le projet de loi impose des obligations de dĂ©claration aux conseillers, y compris les avocats, qui conseillent ou assistent des clients dans le cadre d’opĂ©rations Ă signaler.
Comme l’explique la lettre de l’ABC, il est courant que des comptables ou d’autres conseillers tiers travaillent avec des avocats pour conseiller des clients sur des opĂ©rations et se retrouvent ainsi en possession de renseignements protĂ©gĂ©s par le privilège des communications entre client et avocat. « [E]n ce qui concerne les renseignements protĂ©gĂ©s par ce privilège, l’exception actuellement prescrite au paragraphe 237.3(17) et celle qui le serait une fois le paragraphe 237.4(15) adoptĂ© ne semblent s’appliquer qu’Ă l’obligation de dĂ©claration des avocats, rien n’Ă©tant prescrit au sujet des autres conseillers ou des contribuables », souligne le mĂ©moire.
Exclure les renseignements protĂ©gĂ©s par ce privilège des mesures de dĂ©claration obligatoire n’empĂŞcherait pas l’Agence du revenu du Canada de recueillir les renseignements dont elle a besoin. Le Canada pourrait, par exemple, adopter l’approche utilisĂ©e au Royaume-Uni et en Irlande selon laquelle, en prĂ©sence d’un privilège des communications entre client et avocat, l’obligation de dĂ©claration est transfĂ©rĂ©e au client. « En revanche, le fait d’obliger, sous peine d’une pĂ©nalitĂ©, la divulgation de renseignements visĂ©s par ce privilège par des personnes qui les ont en leur possession lĂ©gitime serait probablement anticonstitutionnel, car cela constituerait une atteinte Ă l’un des Ă©lĂ©ments les plus fondamentaux de notre système juridique et, au bout du compte, Ă©roderait la confiance des membres du public quant Ă leur capacitĂ© d’obtenir un avis juridique complet en lien avec leurs affaires fiscales », prĂ©vient le mĂ©moire de l’ABC.
L’ABC croit en l’Ă©tablissement d’un rĂ©gime fiscal Ă©quitable qui profite Ă tous les Canadiens, mais pas au prix de compromettre le privilège des communications entre client et avocat ou d’empĂŞcher les avocats de s’acquitter de leurs fonctions auprès de leur clientèle avec une loyautĂ© sans faille.