La plupart des gens appuient l’objectif de protĂ©ger les enfants contre les mĂ©faits associĂ©s Ă une exposition accrue Ă la pornographie sur le Web. La Section du droit pĂ©nal de l’Association du Barreau canadien, dans une lettre adressĂ©e au ComitĂ© sĂ©natorial permanent des Affaires juridiques et constitutionnelles, exprime son soutien gĂ©nĂ©ral au projet de loi S-210, Loi limitant l’accès en ligne des jeunes au matĂ©riel sexuellement explicite, mais partage quelques-unes de ses craintes en ce qui a trait Ă la façon dont le projet de loi est rĂ©digĂ©. Ces prĂ©occupations et suggestions d’amĂ©lioration sont rĂ©sumĂ©es ci-dessous.
Limite d’âge
Au Canada, l’âge du consentement sexuel est de seize ans. Le Code criminel autorise mĂŞme les jeunes, dans certaines circonstances, Ă se livrer Ă des activitĂ©s sexuelles dès l’âge de 12 ans. Le projet de loi S-210 veut interdire aux personnes de moins de dix-huit ans d’avoir accès Ă la pornographie en ligne. La section est d’avis que le fait d’autoriser une jeune personne Ă se livrer Ă des activitĂ©s sexuelles tout en criminalisant la distribution de documents prĂ©sentant des activitĂ©s sexuelles Ă cette mĂŞme personne est incompatible avec le rĂ©gime lĂ©gislatif du Code criminel dans son ensemble et que le projet de loi S-210 devrait plutĂ´t empĂŞcher des organisations de distribuer de la pornographie en ligne aux jeunes de moins de seize ans.
Le moyen de dĂ©fense de « but lĂ©gitime » a une portĂ©e excessive et porte Ă confusion
Le projet de loi S-210 prĂ©voit des exceptions pour le matĂ©riel qui a un « but lĂ©gitime » liĂ© Ă la science, Ă la mĂ©decine, Ă l’Ă©ducation ou aux arts. Ce libellĂ© prĂ©occupe la section de l’ABC, qui croit qu’il a une portĂ©e excessive et qu’il porte Ă confusion.
« Par exemple, il arrive souvent qu’un document revĂŞte une valeur Ă la fois artistique et pornographique. Si c’est le cas, les critères qui permettront de dĂ©terminer s’il est aussi “lĂ©gitime” seront vraisemblablement de nature purement subjective. Cette interaction laisse le public sans rĂ©elles indications sur les comportements pour lesquels le moyen de dĂ©fense peut ĂŞtre invoquĂ© Ă juste titre selon la loi », soutient la section.
Le paragraphe 6 (2) du projet de loi devrait ĂŞtre amendĂ© pour prĂ©ciser, sans Ă©quivoque, que « la dĂ©fense de but lĂ©gitime ne pourra jamais s’appliquer Ă la transmission, Ă des fins de divertissement ou de gratification sexuelle du spectateur, de matĂ©riel pornographique prĂ©sentant un comportement sexuellement violent ».
Protection de la vie privée
Le projet de loi vise Ă forcer les distributeurs de pornographie Ă adopter de meilleures mĂ©thodes de vĂ©rification de l’âge sur leurs sites Web. Toutefois, comme le souligne la section de l’ABC, le projet de loi ne renferme aucune prĂ©cision sur la façon dont ces mĂ©thodes peuvent assurer l’Ă©quilibre entre la protection et le respect des droits Ă la vie privĂ©e des personnes qui accèdent lĂ©galement Ă ces sites.
« Les exigences en matière de vĂ©rification de l’âge sont susceptibles de permettre au gouvernement canadien d’effectuer ou de superviser la collecte de renseignements privĂ©s de nature sensible, Ă©crit-elle. Ces mesures de vĂ©rification de l’âge entraĂ®neront inĂ©vitablement la crĂ©ation d’un ensemble de donnĂ©es associant des donnĂ©es d’identification Ă caractère personnel Ă d’autres donnĂ©es rĂ©vĂ©lant qu’une personne a consultĂ© de la pornographie en ligne, et rĂ©vĂ©lant ses penchants et intĂ©rĂŞts sexuels. »
Pour Ă©viter cet usage abusif des donnĂ©es, la section recommande fortement l’amendement du projet de loi S-210 afin d’y inclure des mesures adĂ©quates de protection de la vie privĂ©e.