Examen des condamnations injustifiées

  • 21 septembre 2021

Les condamnations au criminel peuvent ĂŞtre lourdes de consĂ©quences Ă  long terme sur l’emploi, le logement et les procĂ©dures de droit de la famille, sans compter le stigmate social qui y est associĂ©. C’est pourquoi il est important d’instaurer un processus indĂ©pendant pour la rĂ©vision de ces condamnations.

Le projet de crĂ©er une commission indĂ©pendante d’examen des affaires pĂ©nales constitue une occasion sans prĂ©cĂ©dent pour le Canada de se doter d’un nouveau système de protection contre la condamnation de personnes innocentes, affirment la Section sur le droit des enfants, la Section du droit pĂ©nal et la Section de la communautĂ© sur l’orientation et l’identitĂ© sexuelles de l’Association du Barreau canadien dans une rĂ©cente lettre (disponible uniquement en anglais, les citations qui en sont tirĂ©es sont des traductions) adressĂ©e Ă  l’honorable Harry LaForme et Ă  l’honorable Juanita Westmoreland-TraorĂ©. Les juges LaForme et Westmorland-TraorĂ© entament maintenant des consultations sur la structure et le mandat potentiels de la nouvelle commission.

« VoilĂ  plus de 20 ans que l’ABC rĂ©clame la crĂ©ation d’une commission indĂ©pendante d’examen des affaires pĂ©nales qui soit fiable et indĂ©pendante comme organe additionnel dans la lutte contre les erreurs judiciaires, Ă©crivent les sections. » Aux prochaines lignes se trouve un rĂ©sumĂ© de leurs recommandations.

Indépendance

Premier critère Ă  respecter : la commission d’examen des affaires pĂ©nales doit ĂŞtre absolument indĂ©pendante du gouvernement et rĂ©gie par une loi autonome. Elle doit ĂŞtre dĂ©signĂ©e organisme indĂ©pendant, dotĂ©e d’un fonds distinct « et non soumise aux alĂ©as des budgets des autres ministères », prĂ©cise-t-on dans la lettre.

Composition

Les membres de la commission doivent avoir des mandats fixes, mais renouvelables. Ils doivent possĂ©der une solide expĂ©rience du droit, mais pas nĂ©cessairement du droit criminel. En fait, expliquent les sections, il serait bon de privilĂ©gier les commissaires gĂ©nĂ©ralistes, qui connaissent « le système de justice dans son ensemble, notamment les questions de discrimination systĂ©mique, d’allocation inadĂ©quate des ressources, de pratiques d’enquĂŞte policière, de politiques de la Couronne, d’interaction entre la santĂ© mentale et le droit et de recours en droit civil, pour nommer ces exemples parmi bien d’autres ».

Il faudra aussi le soutien des spĂ©cialistes non juristes, notamment dans les domaines de la psychiatrie lĂ©gale et du système de justice pour les jeunes. Toutefois, les sections mettent en garde contre la participation officielle des dĂ©fenseurs de victimes d’un acte criminel. La rĂ©vision des erreurs judiciaires, expliquent-elles, « est un travail difficile qui exige un milieu impartial et objectif, axĂ© sur les preuves scientifiques, sur les preuves admises au procès et sur notre meilleure connaissance des problèmes pouvant causer une condamnation injustifiĂ©e ». Cela dit, les reprĂ©sentants des victimes d’actes criminels auront un rĂ´le Ă  jouer dans le rĂ©examen des peines si cet aspect est inclus dans le mandat de la nouvelle commission.

Accessibilité

Les sections ne s’opposent pas au choix d’Ottawa comme lieu du bureau central, mais elles sont d’avis que la prĂ©sence de bureaux partout dans le pays pourrait aider Ă  dĂ©terminer les rĂ©percussions des conditions ou cultures locales sur une affaire en particulier, surtout dans le Nord. « L’administration de la justice doit en favoriser l’accès, et il est plus facile d’y arriver si chaque Canadienne ou Canadien dispose d’un bureau de la commission visible dans sa rĂ©gion. »

De plus, la commission doit s’efforcer d’entrer en contact avec les demandeurs potentiels, en particulier les jeunes contrevenants, et user d’un langage simple dans ses communications multilingues. « Les groupes marginalisĂ©s et vulnĂ©rables seront les grands gagnants de tels efforts proactifs, poursuivent les sections. Les membres de ces groupes risquent davantage de mal comprendre la commission et son rĂ´le, et pour cette raison, il existe un risque accru qu’ils ne se prĂ©valent pas de son recours ultime, et ce, mĂŞme quand on sait que ces groupes sont surreprĂ©sentĂ©s parmi les victimes d’erreurs judiciaires. »

Étant donnĂ© que la plupart des condamnations injustifiĂ©es au Canada ont Ă©tĂ© constatĂ©es au moyen d’information dĂ©jĂ  prĂ©sente dans les dossiers de la police ou de la Couronne, les sections rĂ©clament « un rĂ©gime d’enquĂŞte robuste et accessible » pour que la nouvelle commission puisse bien remplir ses fonctions.

Normes et procédure

Quant aux documents pouvant ĂŞtre confidentiels, les sections estiment que la commission doit ĂŞtre rĂ©gie par les règles de procĂ©dure et de la preuve en vigueur, et avoir des dispositifs de sĂ©curitĂ© adĂ©quats pour l’accès Ă  l’information protĂ©gĂ©e par le secret d’intĂ©rĂŞt public ou le secret de police. « Cet accès devrait ĂŞtre permis, Ă©crivent-elles, de sorte que la commission puisse consulter l’information pertinente au sujet de la validitĂ© d’une condamnation sans risquer de compromettre ce secret, sauf circonstances exceptionnelles. »

Pour qu’un dossier fasse l’objet d’un rĂ©examen, la commission doit avoir des raisons de croire qu’« une erreur judiciaire a pu se produire ». Cette condition concorde avec les fonctions officielles de la commission et des tribunaux : elle permet de signaler la possibilitĂ© rĂ©elle d’une erreur judiciaire, tout en laissant aux tribunaux le soin d’Ă©valuer cette question sans que la commission se prononce sur la probabilitĂ© d’une condamnation injustifiĂ©e ».

Les pouvoirs actuels confĂ©rĂ©s dans le Code criminel crĂ©ent un cadre assez flexible dans lequel traiter les cas relevant de la commission, exception faite du renvoi des condamnations. Pour ces cas prĂ©cis, les cours d’appel ont besoin de directives plus explicites pour pouvoir exercer leur pouvoir discrĂ©tionnaire d’ordonner un acquittement ou un sursis de l’instance. Nous nous devons de modifier le Code criminel selon les critères Ă©numĂ©rĂ©s.

Les sections de l’ABC prĂ´nent un modèle hybride de rĂ©examen, par lequel la commission donnerait aux requĂ©rants les motifs possibles d’un rejet, qui devraient ĂŞtre rendus publics. « Cela amĂ©liorera l’efficacitĂ© et l’Ă©quitĂ© du processus et Ă©vitera les lourdeurs du processus d’appel formel. » Dans les cas oĂą la condamnation est maintenue, il faut veiller Ă  protĂ©ger la vie privĂ©e des personnes concernĂ©es pour rĂ©duire au minimum leur risque de redevenir victimes.