Éradiquer le crime organisé et les activités des gangs au Canada est un objectif noble et louable, mais cela ne peut se faire au détriment de l’équité procédurale en matière d’immigration, déclare la Section du droit de l’immigration de l’Association du Barreau canadien dans une lettre adressée à l’Agence des services frontaliers du Canada (lettre disponible uniquement en anglais; toutes les citations qui en sont tirées sont des traductions).
La section est préoccupée par le projet de modification d’un règlement de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) qui « [lierait] les décideurs en matière d’immigration aux conclusions de fait établies durant la poursuite de certaines infractions liées au crime organisé du système de justice pénale canadien ». Un tel changement compromettrait selon elle l’équité procédurale et les droits individuels.
La contestation d’éléments de preuve est fondamentale dans le système d’immigration du Canada, notamment pour l’application de la LIPR, écrit la section. Le problème avec la proposition est que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié n’est pas liée par les mêmes règles de procédure et de preuve qu’un tribunal pénal.
« Les faits établis en vertu du Code criminel ne peuvent être automatiquement appliqués aux dossiers d’immigration relevant de la LIPR ni utilisés pour porter atteinte aux droits d’une personne faisant face à des allégations d’interdiction de territoire, explique la lettre. Les enquêtes en matière d’immigration sont davantage axées sur les faits que de nombreux autres processus décisionnels. Écarter la présentation d’éléments de preuve pertinents, notamment des preuves disculpatoires, est contraire aux règles d’équité procédurale et de justice naturelle. »
Le problème est aggravé par le fait que les personnes confrontées à des allégations criminelles susceptibles de mener à une interdiction de territoire se représentent souvent elles-mêmes. Manquant de ressources, de nombreuses personnes acceptent de transiger et de ne pas contester toutes les allégations. « La proposition de l’ASFC priverait une personne de la possibilité de contester la preuve dans le contexte de l’immigration, ce qui compromettrait son droit à une procédure équitable, affirme la section. Elle pourrait également porter atteinte au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne, garanti par l’article 7 de la Charte. »
Une autre préoccupation de la section concerne la source des renseignements qui seraient utilisés dans le cadre de cette proposition. Les éléments de preuve obtenus auprès des agents d’application de la loi d’un pays où la torture est une pratique acceptable, par exemple, pourraient être difficiles à contester.
La section s’inquiète, enfin, du fait qu’une preuve disculpatoire révélée après une décision en matière criminelle et susceptible de constituer le fondement d’un appel pourrait ne pas être admissible dans le contexte de l’immigration en vertu de la proposition. « Il s’agit d’une violation intrinsèque des règles d’équité procédurale et de justice naturelle. »
La section appuie la lutte au crime organisé et aux activités des gangs au Canada. « Toutefois, le “Résumé de l’étude d’impact de la réglementation” ne montre pas comment les modifications proposées permettraient d’atteindre ces objectifs, conclut-elle, en ajoutant que ces modifications compromettraient l’équité procédurale dans le système d’immigration du Canada. »