Les demandeuses et demandeurs d’asile qui craignent d’ĂŞtre persĂ©cutĂ©s pour leur genre ont du mal Ă obtenir le statut de rĂ©fugiĂ© au sens de la Convention parce que la Loi sur l’immigration ne nomme pas le genre comme motif distinct de crainte bien fondĂ©e de persĂ©cution. Dans une actualisation proposĂ©e de ses directives cependant, la CISR reconnaĂ®t ce type de persĂ©cution parmi ceux devant ĂŞtre pris en compte dans l’Ă©tude des revendications.
Les directives ne sont pas exĂ©cutoires, mais les dĂ©cideurs sont tout de mĂŞme censĂ©s les appliquer lorsqu’ils tranchent ou administrent un dossier. C’est pourquoi il est important d’utiliser la bonne terminologie. Dans une lettre au prĂ©sident de la CISR, M. Richard Wex (uniquement en anglais, toutes les citations qui en sont tirĂ©es sont des traductions), la Section du droit de l’immigration de l’Association du Barreau canadien prĂ©sente des commentaires et suggestions pour amĂ©liorer la dernière version des directives en ce qui touche la persĂ©cution fondĂ©e sur le genre.
Inclusion universelle
La section trouve louable que l’on ait revu les directives en fonction des revendications fondĂ©es sur le genre plutĂ´t que de se concentrer sur les femmes victimes de violence fondĂ©e sur le genre, mais elle propose d’inclure aussi les personnes non genrĂ©es. « Les directives devraient reconnaĂ®tre explicitement les injustices, la violence et la discrimination Ă l’endroit des personnes non binaires », dit la lettre.
Dans les passages qui semblent faire une distinction entre les femmes et les filles et les personnes qui s’identifient comme telles, il faudrait aussi supprimer la parenthèse « (et des personnes qui s’identifient comme telles) », car elles laissent croire Ă un ajout secondaire.
De même, dit la section, les passages sur la violence faite aux hommes qui sont relégués aux notes en bas de page devraient être intégrés au corps du texte pour que les utilisateurs des directives comprennent mieux le concept.
Confiance, langage corporel et expressions faciales
Les victimes de violence fondĂ©e sur le genre peuvent ĂŞtre rĂ©ticentes Ă se confier Ă un Ă©tranger, surtout si l’entrevue a lieu Ă la fin d’un long et fatiguant voyage vers le Canada. Les directives mentionnent dĂ©jĂ que le processus dĂ©cisionnel devrait se faire en tenant compte des traumatismes, mais la section recommande de « prĂ©ciser qu’il faut entre autres prĂŞter attention au langage corporel et aux expressions faciales et emprunter le mĂŞme vocabulaire que la personne. En effet, le vocabulaire, les expressions faciales et le langage corporel peuvent influer sur le sentiment de sĂ©curitĂ© de la demandeuse ou du demandeur et sa disposition Ă parler de choses personnelles avec un Ă©tranger ».
Les victimes de violence fondĂ©e sur le genre ne rĂ©agissent pas toutes de la mĂŞme façon. C’est pourquoi le langage des directives devrait ĂŞtre prĂ©cis Ă cet Ă©gard. « La CISR devrait savoir que ce ne sont pas toutes les victimes de traumatismes qui sont conscientes de leur Ă©tat. D’autres pourraient l’ĂŞtre, mais ne pas savoir comment ce traumatisme les a affectĂ©es, notamment en ce qui concerne leur mĂ©moire, leurs souvenirs et leur expression de soi. »
Il va peut-ĂŞtre sans dire que la patience est de mise lors de ces audiences, mais la section de l’ABC recommande de le prĂ©ciser quand mĂŞme. PlutĂ´t que de se contenter d’encourager les agents Ă ĂŞtre patients et comprĂ©hensifs, il faudrait les encourager Ă « rĂ©pondre aux indices verbaux et au langage corporel de la personne de façon Ă gagner sa confiance et Ă crĂ©er un espace sĂ©curitaire propice au tĂ©moignage ».
Co-parties Ă l’audience
La section souligne que dans certains cas de violence fondĂ©e sur le genre, la famille de la victime n’est pas toujours au courant de la situation. Elle recommande d’inclure dans les directives que lorsqu’une victime demande qu’une co-partie se retire de la salle, sa demande lui soit accordĂ©e. « Quand la justice de cette mesure est en doute, une audience peut avoir lieu avec la partie demanderesse pour dĂ©terminer la raison et le bien-fondĂ© de sa demande », explique la lettre.
Les membres de l’ABC ont dĂ©jĂ vu des cas oĂą l’ex-partenaire d’une victime lui ayant infligĂ© de la violence conjugale avait Ă©tĂ© appelĂ© Ă tĂ©moigner et avait fini par traumatiser davantage la victime. Il y a aussi des cas oĂą les allĂ©gations de violence ou de torts sont fausses. La section propose de modifier les directives de sorte qu’on fasse vĂ©rifier la nature de la relation entre la victime et le tĂ©moin, « que le tĂ©moin ait Ă©tĂ© retenu par l’agent de l’audience ou qu’il se soit adressĂ© directement aux autoritĂ©s de l’immigration, et de ce que le tĂ©moin a Ă gagner en tĂ©moignant ». Une foule de facteurs, comme le divorce, les conflits concernant la garde des enfants et les allĂ©gations d’infidĂ©litĂ©, peuvent avoir un effet sur la crĂ©dibilitĂ© d’un tĂ©moignage, dit la section.