Le 12 novembre 2020, David Roberge a comparu devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre en appui du mémoire (disponible uniquement en anglais) portant sur le projet de loi C-7 rédigé par le Groupe de travail de l’ABC sur la fin de vie. Le projet de loi avait été présenté de nouveau après la prorogation de la session de la Chambre à la fin de l’été. Ce qui suit est la déclaration préliminaire faite par David Roberge devant le Comité. (La version prononcée fait foi.)
Déclaration préliminaire - Association du Barreau canadien (David E. Roberge)
Comité permanent de la justice et des droits de la personne
Projet de loi C-7, Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir)
Le 12 novembre 2020
Introduction
Bonjour. Madame la présidente, mesdames et messieurs, honorables membres du Comité. Je m’appelle David Roberge et je suis membre du Groupe de travail sur la fin de vie de l’Association du Barreau canadien.
Merci d’avoir invité l’ABC à discuter le projet de loi C-7 aujourd’hui.
L’ABC est une association nationale qui regroupe plus de 36 000 juristes à travers le pays. Les principaux objectifs de l’ABC sont l’amélioration du droit et de l’administration de la justice.
Notre mémoire a été préparé par le groupe de travail sur la fin de vie de l’ABC. Ce groupe de travail est composé de représentants et de représentantes d’un grand nombre de domaines d’expertise, notamment le droit constitutionnel et les droits de la personne, le droit de la santé, le droit criminel, le droit des testaments, des successions et des fiducies, le droit des aînés, le droit des enfants, le droit de la vie privée et de l’accès à l’information.
Discussion
Alors que nous louons les efforts faits par le gouvernement pour harmoniser et clarifier le droit au sujet de l’aide médicale à mourir, à la suite de la publication de l’arrêt Truchon rendu par la Cour supérieure du Québec, nous nourrissons des inquiétudes à l’égard du projet de loi C-7. Je souhaite présenter certaines de nos principales préoccupations dans ma déclaration préliminaire.
L’admissibilité à l’aide médicale à mourir devrait correspondre aux critères retenus par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Carter, qui tiennent compte de la protection des personnes vulnérables.
Le Groupe de travail de l’ABC appuie le jugement québécois rendu dans l’affaire Truchon et souligne son interprétation de l’arrêt Carter, à savoir que l’essence de l’arrêt de la Cour suprême n’est pas la proximité de la mort, mais plutôt la prévention de souffrances intolérables ainsi que le maintien de la dignité et de l’autonomie de la personne pour ceux et celles qui ont la capacité de consentir à ce qu’un terme soit mis à leur vie.
Nous appuyons également une approche axée sur le patient quant à la capacité et au consentement, comme celle adoptée par la Cour supérieure du Québec dans l’arrêt Truchon.
Exclusion de la maladie mentale [projet de paragraphe 241.2(2.1)]
Pour en revenir au projet de loi C-7, nous sommes d’avis que la maladie mentale ne devrait pas être exclue de la portée de la loi, particulièrement à la lumière d’un examen exhaustif de l’aide médicale à mourir, prévu pour juin 2020 mais désormais en attente. Cette exclusion empêche un examen approfondi de la question et prône une conclusion qui n’a été ni discutée ni recommandée.
Dans l’arrêt Truchon, la Cour a déclaré que la vulnérabilité doit être évaluée d’un point de vue individuel au moyen du consentement éclairé. À notre avis, une exclusion générale de toutes les personnes atteintes d’une maladie mentale fera l’objet de contestations fondées sur la Constitution.
Orientation relative à « la mort naturelle (qui n’est pas) raisonnablement prévisible »
Le projet de loi C-7 propose deux séries de mesures de sauvegarde pour l’aide médicale à mourir, dont l’application dépend de la question de savoir si la mort naturelle de la personne est raisonnablement prévisible ou non. Le critère de « mort raisonnablement prévisible » qui a été déclaré inconstitutionnel dans l’arrêt Truchon a soulevé une considérable incertitude dans la pratique, et le projet de loi C-7 ne fournit aucune orientation quant à ses modalités d’application.
Nous recommandons qu’une telle orientation soit donnée afin de dissiper toute confusion quant aux mesures de sauvegarde qui s’appliquent et de garantir un accès approprié à l’aide médicale à mourir.
Obstacles à l’aide médicale à mourir [projet d’alinéa 241.2(3.1)e)]
Nous avons des réserves quant à l’exigence que l’un des deux évaluateurs soit tenu de posséder une expertise en ce qui concerne la condition à l’origine des souffrances de la personne. L’obtention d’un rendez-vous avec un spécialiste peut prendre plusieurs mois, voire ne pas être une option dans certaines communautés. Il n’existe en ce moment aucune exigence que les personnes cherchent à obtenir l’avis de spécialistes lorsqu’elles demandent l’aide médicale à mourir. Il incombe au praticien de déterminer son propre degré de compétence lors de l’évaluation du consentement éclairé, et de faire un renvoi approprié le cas échéant.
Alors que certaines situations pourraient justifier d’avoir recours à d’un médecin spécialisé dans un domaine précis, une exigence générale pourrait avoir des répercussions disproportionnées sur certaines personnes et créer un obstacle important à l’accès à l’aide médicale à mourir.
Renonciation au consentement final [projet de paragraphe 241.2(3.2)]
Le projet de loi C-7 prévoit que la renonciation au consentement final à l’aide médicale à mourir ne s’applique que si la mort est raisonnablement prévisible.
Nous sommes d’avis que la renonciation au consentement final devrait s’appliquer tant si la mort est raisonnablement prévisible ou non, puisqu’il est possible de perdre la capacité de consentir dans les deux situations.
Conclusion
Au nom de l’ABC, je vous remercie de nouveau de cette invitation à nous exprimer aujourd’hui. J’ai hâte de répondre à toute question que vous pourriez souhaiter poser pendant la séance d’aujourd’hui.
David Roberge est associé au sein du cabinet McCarthy Tétrault à Montréal.