Le gouvernement fédéral a annoncé dans le budget 2019 son intention de modifier les règles qui régissent la déduction pour options d’achat d’actions de manière à imposer un plafond annuel de 200 000 $ au traitement fiscal préférentiel pour les employés de grandes entreprises matures et bien établies. Pour les employés d’entreprises en démarrage ou en croissance rapide, il n’y aurait pas de plafond.
Puisque le budget ne fait qu’annoncer une orientation générale sans entrer dans les détails ni proposer de mesures législatives, le Comité mixte sur la fiscalité de l’Association du Barreau canadien et de Comptables professionnels agréés du Canada se voit dans l’impossibilité de fournir des commentaires exhaustifs. Cela dit, il n’est pas sans avoir son mot à dire.
Le Comité fait remarquer que le processus de détermination de la rémunération peut être assez long, et qu’il faut aussi compter un délai considérable entre le moment où une décision est prise et celui où les options d’achat sont accordées. L’employeur et l’employé devant tous deux tenir compte des implications fiscales lorsqu’ils négocient ou établissent le niveau et la composition de la rémunération, toute modification de la réglementation devrait se faire dans le respect de leurs attentes.
Le Comité recommande qu’avant d’entamer la rédaction de tout projet de loi, le ministère des Finances fasse état de ses plans dans le détail puis consulte les parties prenantes. Viendrait ensuite idéalement la publication en version provisoire d’un projet de loi de mise en œuvre fondé sur la consultation menée, qui serait ensuite déposé au Parlement. Cette dernière étape constituerait, comme l’indique le Comité dans une lettre adressée au ministère des Finances, « le point de départ de la période de transition (en supposant que la loi de mise en œuvre reçoive sanction). Cette manière de procéder écourterait la période d’incertitude pour les employeurs et employés ».
Le Comité soulève également les problèmes techniques que pose la distinction entre une « grande entreprise mature et bien établie » et une « entreprise en démarrage ou entreprise canadienne en croissance rapide ».
Il indique à ce propos : « Les qualificatifs “en démarrage” et “mature et bien établie” suggèrent des critères temporels portant sur l’âge de l’entreprise, alors que l’emploi d’“entreprise canadienne en croissance rapide” laisse entrevoir une détermination qui se veut plus fonctionnelle, non limitée par l’âge ».
Pour compliquer le tout, une entreprise mature et bien établie peut opérer des changements dans son orientation et ses visées, ou élaborer de nouveaux produits présentant un potentiel de croissance énorme, ou encore, regrouper sous son giron une entreprise en démarrage avec d’autres sociétés bien établies : difficile de prédire comment chacun de ces cas serait traité. Le critère du secteur industriel est possiblement aussi d’une certaine pertinence, car comme le fait remarquer le Comité, une société évoluant dans un domaine qui demande d’importants investissements en recherche et développement « risque bien, quel que soit son âge, de devoir composer avec des profits assez modestes et des difficultés de trésorerie ».
« Le moindre flou dans l’interprétation des notions introduites dans les modifications proposées aura pour effet de multiplier les différends entre les contribuables et l’ARC, et du coup, de dissuader le recours aux options d’achat d’actions comme forme de rémunération, même chez les entreprises qui seraient théoriquement exemptées des restrictions réglementaires. »
Il reste aussi plusieurs points à éclaircir, dont :
- La marche à suivre pour le traitement des entreprises qui sont dans un état transitoire entre « en croissance rapide » et « grandes, matures et bien établies ».
- La méthode à employer pour faire la distinction entre les options d’achat comprises dans le plafond de 200 000 $ et celles qui le dépassent, lorsque seules certaines sont levées.
- La codification, dans le projet de loi, de la déduction sur l’avantage des options d’achat, déduction qui devrait aussi s’appliquer indépendamment des autres dispositions de la loi.
Enfin, le Comité fait remarquer qu’il a écrit par le passé au ministère pour lui recommander d’apporter des modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu en ce qui concerne les actions visées par règlement, et que le moment serait bien choisi pour procéder à ces modifications. « Il serait regrettable de se lancer dans une importante refonte des règles encadrant les options d’achat d’actions des employés sans s’attaquer aux autres problèmes soulevés, car ce serait justement l’occasion parfaite de revenir se pencher sur les diverses questions techniques dans le cadre d’un examen étendu. »