En dĂ©cembre, la Cour suprĂŞme du Canada portĂ© un coup dĂ©cisif aux suramendes compensatoires, statuant, dans l’affaire R. c Boudreault, que le rĂ©gime actuel de suramendes est inconstitutionnel et constitue une « peine cruelle et inusitĂ©e » imposĂ©e aux contrevenants impĂ©cunieux.
Les modifications apportĂ©es au Code criminel il y a plusieurs annĂ©es ont portĂ© les suramendes compensatoires Ă 30 % de toute amende infligĂ©e ou Ă 100 $ pour toute dĂ©claration de culpabilitĂ© par procĂ©dure sommaire et 200 $ pour chaque infraction punissable sur dĂ©claration de culpabilitĂ© par mise en accusation. Les juges pouvaient augmenter, mais ne pouvaient pas diminuer le montant de la suramende ou l’annuler, et la suramende ne pouvait faire l’objet d’un appel interjetĂ© par le contrevenant auquel elle Ă©tait infligĂ©e.
La majorité des juges (les juges Côté et Rowe étant dissidents) a eu recours à un langage inhabituellement véhément pour condamner les suramendes.
La suramende constitue une peine cruelle et inusitĂ©e et viole donc l’art. 12 de la Charte, car les effets de la suramende crĂ©ent des circonstances exagĂ©rĂ©ment disproportionnĂ©es Ă la peine qui serait par ailleurs juste, sont incompatibles avec la dignitĂ© humaine et sont Ă la fois odieux et intolĂ©rables. Dans les circonstances de l’espèce, la peine juste pour les contrevenants ne comprendrait pas la suramende, puisqu’elle leur aurait causĂ© un fardeau injustifiĂ© en raison de leur impĂ©cuniositĂ©. La dĂ©termination de la peine est d’abord et avant tout un processus individualisĂ© qui met en balance divers objectifs, tout en tenant compte des circonstances particulières du contrevenant ainsi que de la nature et du nombre des actes criminels qu’il ou elle a commis. La question fondamentale est celle de savoir si les contrevenants sont en mesure de payer, et dans les cas qui nous occupent, ils ne le sont pas.
L’arrĂŞt souligne qu’en l’espèce, les contrevenants qui ont interjetĂ© appel Ă l’encontre de la suramende « vivent tous dans une grande pauvretĂ© et sont aux prises avec divers problèmes de dĂ©pendance, de maladie mentale et d’incapacitĂ© ».
Dans un mĂ©moire de 2012 portant sur les augmentations des suramendes compensatoires proposĂ©es dans le projet de loi C-37, la Section du droit pĂ©nal de l’ABC a dĂ©clarĂ© que bien qu’elle appuie la thĂ©orie sur laquelle les suramendes reposent, Ă savoir que les fonds recueillis dans le cadre de la dĂ©termination de la peine servent Ă financer des programmes d’aide aux victimes de la criminalitĂ©, l’augmentation prĂ©conisĂ©e dans le projet de loi « reprĂ©sentera un prĂ©judice grave pour de nombreux contrevenants et leur famille ».
On y soulignait en outre que le projet de loi allait Ă©liminer le pouvoir discrĂ©tionnaire des juges. Avant ces modifications, les juges pouvaient renoncer Ă la suramende lorsqu’ils estimaient qu’elle allait causer des difficultĂ©s injustifiĂ©es aux contrevenants ou aux personnes Ă leur charge.
« Les modifications proposĂ©es engendreraient des rĂ©sultats contraires aux principes fondamentaux de la dĂ©termination de la peine sur le plan de la possibilitĂ© par les juges d'adapter les sanctions aux contrevenants et aux infractions », a affirmĂ© la section.
L’arrĂŞt de la Cour suprĂŞme a indiquĂ© que la suramende aura « un effet prĂ©judiciable disproportionnĂ© sur les contrevenants dĂ©munis, toxicomanes et sans domicile fixe », faisant Ă©cho aux remarques de la section dans son mĂ©moire de 2012 qui affirmait : « Le projet de loi C-37 aurait un effet inĂ©quitable sur les personnes dĂ©jĂ pauvres, marginalisĂ©es et vulnĂ©rables. De nombreuses personnes ont des dĂ©mĂŞlĂ©s avec la justice pĂ©nale en raison de la pauvretĂ©, de la maladie mentale et/ou de dĂ©ficiences cognitives, et elles seront incapables de verser mĂŞme une somme modique ».