On pourrait dire que s’agissant de la Loi sur le système correctionnel et la mise en libertĂ© sous condition (LSCMLC), ce n’est pas ce qu’elle contient qui pose problème, mais bien ce qui lui manque, soit un principe directeur.
Le libellĂ© qui exigeait que « les mesures [employĂ©es par le Service] nĂ©cessaires Ă la protection du public, des agents et des dĂ©linquants doivent ĂŞtre le moins restrictives possible » a Ă©tĂ© Ă©liminĂ© au cours des dernières annĂ©es. La Section du droit pĂ©nal de l’ABC (la Section) recommande que ce « principe directeur » soit rĂ©tabli et qu’il comprenne des dispositions garantissant que les dĂ©tenus soient Ă l’extĂ©rieur de leur cellule et qu’ils soient autorisĂ©s Ă interagir avec d’autres personnes autant que faire se peut pendant la journĂ©e.
Le projet de loi C-83 est prĂ©sentĂ© comme de la lĂ©gislation indicative d’une nouvelle orientation en droit correctionnel qui met fin Ă la pratique de l’isolement cellulaire et met l’accent sur la rĂ©insertion sociale et les contacts humains rĂ©els, une autonomie plus grande des fournisseurs de soins de santĂ© et un examen rehaussĂ© des traumatismes intergĂ©nĂ©rationnels des dĂ©tenus autochtones. Il s’agit lĂ de très nobles objectifs, affirme la Section.
Cependant, lorsqu’on s’en remet Ă la lĂ©gislation pour modifier un comportement pernicieux considĂ©rĂ© par un grand nombre de personnes comme ayant un avantage utile, ce sont les brèches qui importent.
« Nous sommes cependant prĂ©occupĂ©s par l’ampleur du pouvoir discrĂ©tionnaire, confĂ©rĂ© par le projet de loi C-83 aux administrateurs correctionnels, de priver les dĂ©tenus de droits fondamentaux et par l’absence de supervision indĂ©pendante pour garantir l’usage appropriĂ© de ce pouvoir discrĂ©tionnaire », Ă©crit la Section dans son mĂ©moire adressĂ© au ComitĂ© permanent de la sĂ©curitĂ© publique et nationale de la Chambre des communes.
« Des dispositions lĂ©gislatives s’imposent Ă©galement pour protĂ©ger les droits des dĂ©tenus lors des confinements cellulaires et pour limiter le recours Ă ces confinements », ajoute la Section. « Sans ces mesures importantes de protection, nous avertissons que les mesures visant Ă mettre fin au recours Ă l’isolement prĂ©ventif et disciplinaire seraient inefficaces et vides de sens. »
La Section dĂ©clare appuyer l’objet dĂ©clarĂ© des nouvelles « unitĂ©s d’intervention structurĂ©e » prĂ©vues par la lĂ©gislation proposĂ©e, mais nourrir des prĂ©occupations quant au manque de prĂ©cision des articles qui portent sur ces nouvelles unitĂ©s qui « ne prĂ©voient pas les mesures de protection procĂ©durales nĂ©cessaires pour remĂ©dier Ă tout abus de cette rĂ©forme des conditions d’isolement ».
Alors que le projet de loi C-83 « renferme plusieurs obligations positives en matière de soins de santĂ© », les articles pertinents lĂ aussi sont flous et ne prĂ©voient aucune norme applicable. La Section appuie l’exigence lĂ©gislative selon laquelle le Service correctionnel doit reconnaĂ®tre l’autonomie et l’indĂ©pendance professionnelles des professionnels de la santĂ©, affirmant que l’indĂ©pendance des professionnels de la santĂ© devrait ĂŞtre inscrite dans la Loi. « Des dispositions lĂ©gislatives sont aussi nĂ©cessaires pour garantir le respect de la confidentialitĂ© entre les fournisseurs de soins de santĂ© et les patients dĂ©tenus pour que les dĂ©tenus puissent leur faire confiance », dĂ©clare la Section.
La Section de l’ABC appuie l’inclusion, dans la LSCMLC, des facteurs de l’arrĂŞt Gladue devant ĂŞtre pris en considĂ©ration, afin de codifier la jurisprudence actuelle, mais prĂ©vient que le projet de loi ne devrait envisager les traumatismes intergĂ©nĂ©rationnels subis par les Autochtones qu’Ă titre de facteur attĂ©nuant dans les dĂ©cisions concernant le droit Ă la libertĂ©.
« Trop souvent, les facteurs de l’arrĂŞt Gladue sont utilisĂ©s contre les dĂ©tenus autochtones dans la prise des dĂ©cisions correctionnelles », affirme la Section. « Des dispositions plus fermes seront nĂ©cessaires pour rĂ©duire le nombre d’Autochtones dĂ©tenus et de dĂ©tenus autochtones ayant une cote de sĂ©curitĂ© Ă©levĂ©e, conformĂ©ment aux recommandations de la Commission de vĂ©ritĂ© et rĂ©conciliation. »
Surtout, la Section exhorte le gouvernement Ă s’assurer qu’il accorde un dĂ©lai suffisant pour consulter les spĂ©cialistes en la matière et Ă©tudier minutieusement avec eux les mesures contenues dans le projet de loi.