Ce qui est personnel est politique, et il en va de même, semble-t-il, pour ce qui est caritatif. La règlementation fédérale limitant les activités de nature politique a créé une situation inextricable pour les organismes de bienfaisance qui consacrent de précieuses ressources à essayer de décider si une activité ou une déclaration donnée est de nature politique ou si, chose encore plus importante peut-être, elle pourrait être perçue comme telle.
Nombreuses sont les activitĂ©s d’un organisme de bienfaisance qui peuvent ĂŞtre considĂ©rĂ©es sous l’angle politique, ce qui envenime gravement la situation. Les organismes de bienfaisance jouent un rĂ´le unique en son genre dans le cadre des dĂ©bats d’intĂ©rĂŞt public, comme le reconnaĂ®t le gouvernement dans son Ă©noncĂ© sur les activitĂ©s politiques reproduit en partie ci-dessous.
Dans la prestation spécialisée de services essentiels, les organismes de bienfaisance en ont appris beaucoup sur la façon dont les politiques gouvernementales peuvent se répercuter sur la vie des gens et sont donc bien placés pour les étudier, les évaluer et les commenter. Tous les Canadiens bénéficient des efforts déployés par les organismes de bienfaisance ainsi que des moyens pratiques et novateurs qu'ils emploient pour régler des questions liées à la prestation de services sociaux. Outre cette prestation, ils constituent, en raison de leurs compétences spécialisées, une source vitale de renseignements pour le gouvernement, renseignements qui le guident au moment de prendre des décisions stratégiques. Il est donc fondamental que dans les débats sur les politiques publiques les organismes de bienfaisance continuent de mettre à contribution leur connaissance implicite des enjeux sociaux.
Cependant, les restrictions imposées aux activités politiques amènent maints acteurs du secteur du bénévolat à penser que le jeu ne vaut pas la chandelle.
Il y a un [TRADUCTION] « manque de confiance et une hĂ©sitation Ă s’engager dans des activitĂ©s politiques autorisĂ©es mĂŞme dans la limite consentie », affirme la Section du droit des organismes de bienfaisance et Ă but non lucratif de l’ABC dans un mĂ©moire adressĂ© Ă l’Agence du revenu du Canada. « La crainte de reprĂ©sailles (pĂ©nalitĂ©s, audits) et l’incertitude quant aux règles ont eu un effet paralysant sur les organismes de bienfaisance. »
En tout, l’Agence du revenu du Canada a effectuĂ© un audit des activitĂ©s politiques de 54 organismes de bienfaisance; audits dont il a Ă©tĂ© affirmĂ© qu’ils visaient des organismes de bienfaisance qui critiquaient le gouvernement conservateur de Stephen Harper. Selon les informations, cinq d’entre elles avaient Ă©tĂ© informĂ©es qu’elles allaient perdre leur statut. Les libĂ©raux ont promis, pendant leur campagne, de cesser de faire des audits, tout en menant Ă terme (lien disponible uniquement en anglais) ceux dĂ©jĂ en cours lors de leur prise du pouvoir.
Ă€ la fin 2016, l’ARC a entamĂ© des consultations visant Ă clarifier les règles applicables Ă la participation, par les organismes de bienfaisance, Ă des activitĂ©s politiques. La portĂ©e du mĂ©moire (disponible uniquement en anglais) de l’ABC Ă©tait limitĂ©e Ă l’article 149.1 de la Loi de l’impĂ´t sur le revenu et aux questions posĂ©es dans la consultation en ligne. Il prĂ©sente les difficultĂ©s auxquelles sont confrontĂ©s les organismes de bienfaisance et les amĂ©liorations qui pourraient ĂŞtre apportĂ©es Ă l’Ă©noncĂ© de politique.
Cependant, aborder la question sous un autre angle pourrait ĂŞtre la solution pour Ă©liminer la confusion quant aux activitĂ©s politiques que les organismes de bienfaisance devraient poursuivre. Il suffirait de souligner que les activitĂ©s de bienfaisance consenties sont celles qui appuient l’objectif caritatif de l’organisme de bienfaisance. Ainsi, sans Ă©gard aux « objectifs politiques accessoires passĂ©s sous silence », un organisme de bienfaisance agit de façon Ă poursuivre son objectif caritatif ou non. Un point c’est tout.
Les activitĂ©s partisanes devraient ĂŞtre les seules activitĂ©s politiques interdites, affirme la section, qui recommande en outre que l’ARC cesse de se fonder sur la doctrine des objectifs politiques et abandonne la règle des dix pour cent.