Mauvaise herbe croît toujours : consultation sur la légalisation de la marijuana

Il n’est pas aisé de repenser le rôle joué par la marijuana dans la vie de la population du Canada dans le contexte, notamment, de près d’un siècle d’ostracisme social et juridique et de la dualité de la nature de sa consommation qui est à peine acceptée pour ses vertus médicales et encore proscrite par le droit pénal dans les autres cas. Il est difficile pour toute personne hors du cercle de la consommation de ce produit de l’envisager en toute quiétude.

Et cela inclut le gouvernement fédéral. Les Libéraux au pouvoir ont fait les manchettes avec leur promesse électorale de légalisation de la consommation de la marijuana. Cependant, publiée cet été, la réponse de l’ABC (disponible uniquement en anglais) à un document de discussion souligne que la légalisation ne signifie pas nécessairement la décriminalisation, et que la première sans la seconde posera problème.

Le mémoire de l’ABC contient un examen réfléchi de diverses options de production, distribution, sécurité et protection. Toutefois, l’une des recommandations les plus essentielles est sans doute celle aux termes de laquelle « le gouvernement fédéral (devrait) classer par ordre de priorité les objectifs qu’il souhaite atteindre et les problèmes qu’il souhaite régler au moyen de la légalisation de la marijuana ».

Le mémoire, rédigé par les sections du droit pénal, du droit municipal et du droit de la santé commence par rappeler au lecteur que, depuis longtemps, l’ABC prône la décriminalisation de la simple possession et culture de marijuana, et appuie une approche d’atténuation des dangers liés à toutes les drogues afin que les consommateurs ne fassent pas nécessairement l’objet de sanctions pénales.

Alors que la légalisation [TRADUCTION] « représente un tournant fondamental dans l’approche du gouvernement fédéral envers la marijuana; changement intégralement appuyé par l’ABC », le document de discussion ne fait aucune allusion au retrait de la marijuana de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, laissant penser que des sanctions pénales pourraient toujours être imposées.

[TRADUCTION] « Cette approche adoptée dans le Document de discussion pourrait être taxée de pas vers la “décriminalisation”. Cependant, à notre avis, elle ne peut être correctement décrite comme une “légalisation”; vocable sous lequel elle a été présentée à la population », affirment les sections de l’ABC. « La mise en place d’un nouveau régime qui conserve la structure actuelle prévue dans la Loi réglementant certaines drogues et autres substances tout en permettant la poursuite des activités connexes à la marijuana par voie d’exceptions reconnues par la législation est problématique. »

Les sections de l’ABC renvoient à une étude effectuée par le Sénat sur la base de recherches qui suggèrent que la marijuana est moins nocive que l’alcool ou le tabac et qui concluent qu’elle devrait être réglementée par l’État « tout comme la bière et le vin ».

Selon les sections, il existe d’importantes distinctions entre la marijuana, l’alcool et le tabac, la moindre n’étant pas le juteux marché noir de la marijuana qui en augmente l’attrait pour certains des consommateurs de cette substance. Ceci étant dit, [TRADUCTION] « à l’avenir, un mécanisme de réglementation devrait couvrir la consommation, la distribution et la production de marijuana. Tout comme c’est le cas de la Loi sur la taxe d’accise applicable au tabac, un mécanisme pourrait prévoir des délits assortis d’amendes et de sanctions appropriées ou d’autres sanctions applicables aux personnes qui choisissent de ne pas s’y conformer. […] L’ABC est convaincue que le droit pénal ne devrait pas viser la production, la consommation et la distribution de marijuana dans le contexte d’une approche de réglementation hors droit pénal adéquate et appropriée ».

Les sections encouragent le gouvernement à « dissocier » la consommation de marijuana pour des raisons médicales de la consommation dite « récréative », reconnaissant que cette dernière [TRADUCTION] « aura les répercussions les plus importantes sur l’éventail de produits disponibles, des avantages économiques pour les consommateurs, réduira le marché illicite et ses énormes coûts, ainsi que les risques ».

Il ne faudra pas oublier de tenir compte de l’élimination de la structure de marché noir, y compris la reconversion des effectifs qui perdront leur emploi avec le déclin des opérations illicites, dans le contexte de l’élaboration d’un nouveau cadre de réglementation, ni d’envisager la capacité des instances provinciales, territoriales et municipales à appliquer toute nouvelle réglementation. Les sections recommandent l’élargissement de l’utilisation du pardon ou même une amnistie générale des personnes condamnées en vertu de la législation antérieure.

Elles ajoutent que  [TRADUCTION] « il faut éviter que toute restriction soit si sévère qu’elle encouragera la création d’un autre marché noir de la marijuana. En tant que l’un des principaux avantages de la légalisation, ceci devrait être l’élément essentiel qui régit toute restriction ».