Les Canadiens attendent de voir ce que le gouvernement fédéral proposera comme législation sur le droit à mourir depuis la publication de l’arrêt Carter rendu par la Cour suprême en février de l’année dernière, et l’octroi au gouvernement d’alors d’un an pour modifier le Code criminel afin qu’il s’y conforme.
Le gouvernement actuel est parti sur les chapeaux de roue après les élections du mois d’octobre. La Cour suprême lui a accordé un délai de quatre mois et la Chambre des communes a examiné le projet de loi C-14 en première lecture le 14 avril. Les comités de la Chambre des communes et du Sénat entendent maintenant les exposés sur la législation proposée.
Kimberly Jakeman, du cabinet Harper Grey à Vancouver, présidente du Groupe de travail sur la fin de vie de l’ABC, comparaîtra devant le Comité sénatorial des Affaires juridiques et constitutionnelles le 10 mai pour présenter le mémoire préparé par l’ABC au sujet du projet de loi.
La politique de l’ABC à cet égard, reflétée dans deux résolutions adoptées par le Conseil, est d’exhorter le gouvernement à promulguer une législation afin de se conformer à l’arrêt Carter. Cependant, selon le groupe, constitué de représentants des divers domaines du droit dans lesquels exercent les membres de l’ABC, la législation proposée reste en deçà de l’intention de la Cour suprême.
L’admissibilité à l’aide médicale à mourir est établie dans la version proposée du paragraphe 241.2(2) du Code criminel », écrit Me Jakeman dans des lettres adressées au Comité sénatorial et au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes.
« [l]e point central est une définition des « problèmes de santé graves et irrémédiables ». Le groupe de travail de l’ABC est d’avis que cette définition ne respecte pas les critères fixés par la CSC dans l’arrêt Carter. »
En fait, soutient le Groupe, en ajoutant l’exigence que la situation d’une personne soit caractérisée par « un déclin avancé et irréversible de ses capacités » et que « sa mort naturelle [soit] devenue raisonnablement prévisible », la législation a pour effet de « limiter l’admissibilité à l’aide médicale à mourir pour les individus en phase terminale ». Il suggère que la Cour suprême a également souhaité que la capacité de choisir d’avoir recours à l’aide médicale à mourir soit étendue aux personnes dont la maladie n’est pas en phase terminale. Selon les membres du Groupe, la Cour a eu la possibilité de rendre une décision comportant des critères plus restrictifs, mais a choisi de ne pas le faire.
Il recommande que la définition soit retirée du projet de loi et que la définition d’une personne admissible inclue une personne lorsqu’« elle est affectée par un problème de santé grave et irrémédiable (affection, maladie ou handicap) lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables ».
Le fait que le projet de loi ne tienne pas compte des réalités du « continuum de soins » préoccupe également le Groupe de travail qui affirme que lorsqu’une personne est atteinte d’un problème de santé grave et irrémédiable, ses fournisseurs de soins de santé et ses proches doivent pouvoir discuter franchement et ouvertement de la planification de ses soins et des possibles scénarios « sans craindre de répercussions judiciaires » même si la personne en cause ne soulève pas la première la question de l’aide médicale à mourir. Par conséquent, il recommande la mise en place de protections supplémentaires pour ces personnes.
Alors que le Groupe de travail est favorable à l’idée d’exiger un document signé devant témoin demandant l’aide médicale à mourir, ses membres déclarent qu’en exigeant que le témoin comprenne la nature de la demande, le projet de loi impose une « exigence contraignante et peu pratique [et] pourrait entraîner un non-respect de la vie privée ».
Il recommande, en outre, que le paragraphe 241.2(7) proposé soit retiré, car il inclut, par renvoi, des lois provinciales qui n’ont pas encore été rédigées et pourraient différer selon la région.
Le projet de loi proposé ne prévoit pas de directives préalables, et exige que la personne qui demande l’aide médicale à mourir demeure pleinement consciente jusqu’au moment où l’aide leur est fournie; idée que le Groupe de travail qualifie d’« incompatible avec le fait que les personnes admissibles ont droit à une gamme de soins, y compris la sédation, puisqu’elles souffrent de manière intolérable ». Il recommande par conséquent le retrait de l’alinéa 241.2(3)h) proposé.
Le gouvernement a déclaré qu’il prendra le temps de traiter les questions des mineurs ayant un comportement mûr et des personnes ayant des troubles mentaux qui demandent l’aide médicale à mourir. Le Groupe de travail de l’ABC lui recommande de le faire largement avant la période de cinq ans prévue pour un nouvel examen de la loi.
L’ABC doute que le projet de loi puisse résister à une contestation constitutionnelle, et ne peut l’appuyer sans qu’il soit modifié pour s’aligner plus directement sur l’arrêt Carter.