La ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, a prĂ©sentĂ© mardi le projet de loi C-16 qui, s’il est adoptĂ©, modifiera la Loi canadienne sur les droits de la personne pour ajouter l’identitĂ© de genre (ou identitĂ© sexuelle) et l’expression de genre (ou expression sexuelle) Ă la liste des motifs de distinction illicite, et le Code criminel afin « d’Ă©tendre la protection contre la propagande haineuse prĂ©vue par cette loi Ă toute section du public qui se diffĂ©rencie des autres par l’identitĂ© ou l’expression de genre et de clairement prĂ©voir que les Ă©lĂ©ments de preuve Ă©tablissant qu’une infraction est motivĂ©e par des prĂ©jugĂ©s ou de la haine fondĂ©s sur l’identitĂ© ou l’expression de genre constituent une circonstance aggravante que le tribunal doit prendre en compte lorsqu’il dĂ©termine la peine Ă infliger ».
Ce n’est pas le premier projet de loi du genre Ă ĂŞtre dĂ©posĂ© devant le Parlement – c’est mĂŞme le septième en dix ans –, mais comme il est le premier Ă Ă©maner du gouvernement en place, il a de bonnes chances de mener Ă quelque chose de concret cette fois-ci.
Le premier ministre Justin Trudeau a Ă©tĂ© bien clair l’automne dernier sur les intentions de son gouvernement dans sa lettre de mandat pour la ministre de la Justice, oĂą il intimait cette dernière de « mettre en Ĺ“uvre des dispositions lĂ©gislatives gouvernementales pour ajouter l’identitĂ© de genre au nombre des motifs de distinction illicites en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, ainsi que pour intĂ©grer cet Ă©lĂ©ment Ă la liste des traits distinctifs des “groupes identifiables” protĂ©gĂ©s en vertu des dispositions du Code criminel portant sur la propagande haineuse ».
L’ABC se bat depuis des annĂ©es pour l’inclusion de l’identitĂ© et de l’expression de genre comme motifs de distinction illicite. En 2010, le Conseil de l’ABC a adoptĂ© une rĂ©solution exhortant les gouvernements fĂ©dĂ©ral, provinciaux et territoriaux Ă protĂ©ger expressĂ©ment les personnes transgenres contre la discrimination et les crimes motivĂ©s par la haine. L’Association a aussi, Ă de multiples reprises, invitĂ© le gouvernement prĂ©cĂ©dent Ă adopter le projet de loi C-279, un projet prĂ©cĂ©dent Ă©manant d’un dĂ©putĂ© (Randall Garrison du NPD) et qui avait les mĂŞmes visĂ©es que le projet de loi C-16. Celui-ci avait Ă©tĂ© affublĂ© du sobriquet « projet de loi des toilettes » (bathroom bill) lorsque c’Ă©tait jouĂ©e au Canada la mĂŞme scène qu’en Caroline du Nord : en effet, un comitĂ© du SĂ©nat avait amendĂ© le projet de façon Ă restreindre l’accès aux salles de bains et aux vestiaires.
Le Forum sur l’orientation et l’identitĂ© sexuelles et le ComitĂ© sur l’Ă©galitĂ© ont Ă©crit, dans une lettre envoyĂ©e Ă plusieurs dĂ©putĂ©s :
L’opposition au projet de loi C- 279 semble reposer principalement sur un malentendu concernant la lĂ©gislation en matière de droits de la personne et les dispositions criminelles en vigueur. Les arguments selon lesquels la protection juridique des personnes transgenres permettrait aux prĂ©dateurs sexuels masculins d’envahir les vestiaires et les toilettes des femmes nĂ©gligent dĂ©libĂ©rĂ©ment le fait que rien dans le projet de loi ne diminuerait les interdictions criminelles actuelles contre le voyeurisme et les agressions sexuelles. Ces dĂ©formations discriminatoires courantes du projet de loi ne font que fournir une preuve supplĂ©mentaire de la nĂ©cessitĂ© de son adoption.
Mardi dernier, la coprĂ©sidente du Forum, Nicole Nussbaum, et le prĂ©sident du ComitĂ© sur l’Ă©galitĂ©, Mark Berlin, se sont joints aux activistes de partout au pays qui s’Ă©taient dĂ©placĂ©s Ă l’occasion de la première lecture Ă la Chambre du projet de loi C-16. Le dĂ©putĂ© Garrison a pressĂ© le gouvernement de « garantir » que le projet sera ratifiĂ© par le SĂ©nat cette fois-ci.
Dans une lettre envoyĂ©e en 2013 Ă Marjory LeBreton, qui Ă©tait alors leader du gouvernement au SĂ©nat, le prĂ©sident de l’ABC de l’Ă©poque, Robert Brun, Ă©crivait :
« Des donnĂ©es rĂ©centes montrent […] que les personnes transgenres et transsexuelles sont quotidiennement victimes de violations des droits de la personne et d’actes de violence, allant de la violence verbale au meurtre.
[…]
Bien que l’interprĂ©tation large de la lĂ©gislation existante sur les droits de la personne englobe actuellement l’identitĂ© sexuelle, il demeure une certaine incertitude dans la lĂ©gislation, ce qui entraĂ®ne une augmentation du nombre de violations ainsi que des litiges inutiles et coĂ»teux. Des garanties implicites ne fournissent pas une base juridique forte pour rĂ©primander et condamner la violence motivĂ©e par la haine, sensibiliser le public et prĂ©venir les atteintes aux droits de la personne. »
L’ABC fĂ©licite le gouvernement d’avoir dĂ©posĂ© le projet de loi C-16 qui, Ă son adoption, explicitera ces garanties implicites.
(De droite à gauche) Mark Berlin, Président du Comité sur l'égalité, Nicole Nussbaum, 1ere coprésidente du Forum sur l'orientation et l'identité sexuelles, et Tina Head, personne ressource de la réforme du droit de l'ABC.