Si le gouvernement promulgue le projet de loi S-3, sous sa forme actuelle ou une autre, d’ici la date limite du 3 fĂ©vrier 2017 fixĂ©e par la Cour supĂ©rieure du QuĂ©bec, entre 28 000 et 35 000 personnes pourraient devenir admissibles au statut d’Indien.
L’absence de disposition dans la lĂ©gislation prĂ©voyant cette Ă©ventualitĂ© n’est que l’une des prĂ©occupations abordĂ©es par la Section du droit des autochtones de l’ABC dans son mĂ©moire prĂ©sentĂ© lors de ses comparutions devant le ComitĂ© sĂ©natorial des peuples autochtones le 29 novembre et devant le ComitĂ© permanent des affaires autochtones et du Nord le 5 dĂ©cembre.
Le mĂ©moire dresse la longue liste des Ă©tapes menant au projet de loi S-3, y compris les modifications apportĂ©es Ă la Loi sur les Indiens en 1985 qui n’ont pas atteint leur objectif d’Ă©liminer toute discrimination Ă l’encontre des femmes dans le cadre du rĂ©gime d’inscription pour obtenir le statut d’Indien. De fait, une iniquitĂ© fondĂ©e sur le sexe pour les gĂ©nĂ©rations Ă venir est maintenue : les descendants des femmes possĂ©dant le statut qui sont mariĂ©es avec des hommes ne l’ayant pas perdent le leur après la deuxième gĂ©nĂ©ration, alors que les hommes ayant le statut qui ont Ă©pousĂ© des femmes ne l’ayant pas le conservent jusqu’Ă la troisième gĂ©nĂ©ration.
L’arrĂŞt rendu en 2009 par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans l’affaire McIvor v. Canada (Registrar, Indian and Northern Affairs) a conclu que certains articles de la Loi sur les Indiens contrevenaient Ă la Charte. En 2010, le gouvernement fĂ©dĂ©ral a dĂ©posĂ© le projet de loi C-3 qui ne portait que sur les questions soulevĂ©es par la Cour d’appel, et n’Ă©liminait toujours pas toutes les iniquitĂ©s fondĂ©es sur le sexe prĂ©sentes dans la Loi. En fait, il crĂ©ait des problèmes supplĂ©mentaires, par exemple en autorisant, en vertu de l’alinĂ©a 6(1)c.1) de la Loi, seules les personnes ayant un enfant Ă accĂ©der au statut d’Indien.
Puis, est rendu l’arrĂŞt Descheneaux c. Canada. En 2015, la Cour d’appel du QuĂ©bec a affirmĂ© que certains articles de la Loi sur les Indiens contrevenaient Ă la Charte, les a dĂ©clarĂ©s inconstitutionnels et a accordĂ© 18 mois au gouvernement pour remĂ©dier Ă cette situation.
L’automne 2016 est arrivĂ© et le gouvernement n’avait plus qu’une pĂ©riode très courte pour honorer son obligation de consulter les Premières Nations sur les modifications de la Loi qui les rĂ©git. La section fait remarquer dans son mĂ©moire qu’entre le dĂ©pĂ´t du projet de loi S-3, le 25 octobre 2016, et la date limite du 3 fĂ©vrier 2017 fixĂ©e par la Cour, la Chambre des communes ne siègera mĂŞme pas 40 jours; pĂ©riode rĂ©duite Ă moins de 30 jours pour le SĂ©nat. Le gouvernement poursuit toujours ses consultations extĂ©rieures au processus parlementaire.
La section ajoute qu’une fois encore la lĂ©gislation devant Ă©liminer les iniquitĂ©s fondĂ©es sur le sexe prĂ©sentes dans la Loi sur les Indiens ne va toujours pas assez loin.
« [L’]arrĂŞt Descheneaux n’exempte pas le lĂ©gislateur “de prendre les mesures appropriĂ©es afin d’identifier et de rĂ©gler toutes les autres situations discriminatoires pouvant dĂ©couler de la problĂ©matique identifiĂ©e” », affirme le mĂ©moire avant d’ajouter que le juge de première instance avait manifestement « invitĂ© le lĂ©gislateur Ă tenir compte des iniquitĂ©s potentielles dĂ©coulant de la Loi sur les Indiens de façon plus large, nonobstant les difficultĂ©s que cette tâche peut reprĂ©senter ».
Le mémoire offre les cinq recommandations suivantes :
- que le comitĂ© de la Chambre des communes ne fasse pas son rapport sur le projet de loi S-3 Ă la Chambre des communes avant que toutes les consultations actuellement prĂ©vues n’aient pris fin et que la ministre d’Affaires autochtones et du Nord confirme qu’aucune autre modification n’est requise au projet de loi;
- que le lĂ©gislateur prenne des mesures concrètes pour que le projet de loi S-3 soit examinĂ© afin qu’il Ă©limine efficacement les iniquitĂ©s contenues dans la Loi sur les Indiens pour minimiser les futures contestations devant les tribunaux;
- que soit retirĂ© l’article 8 qui empĂŞche toute personne Ă laquelle le statut d’Indien a Ă©tĂ© antĂ©rieurement refusĂ© en raison de la discrimination corrigĂ©e par le projet de loi S-3 de se pourvoir en justice Ă l’encontre du gouvernement fĂ©dĂ©ral;
- que le gouvernement fĂ©dĂ©ral fournisse un financement adĂ©quat pour appuyer les Premières Nations dont le nombre de membres augmentera Ă la suite de l’entrĂ©e en vigueur du projet de loi S-3;
- que le gouvernement fĂ©dĂ©ral fournisse des ressources adĂ©quates pour appuyer l’inscription rapide des personnes qui se verront confĂ©rer le statut d’Indien Ă la suite de l’adoption du projet de loi.