Les organismes de bienfaisance canadiens qui souhaitent intervenir en Afghanistan doivent ĂŞtre en mesure de s’y retrouver dans les dispositions interdisant le financement du terrorisme. Ce n’est pas toujours une tâche facile, et cette difficultĂ© peut empĂŞcher les organismes de bienfaisance de mener des activitĂ©s urgentes, nĂ©cessaires et mĂŞme cruciales. Dans une lettre au ministre de la Justice David Lametti et au ministre de la SĂ©curitĂ© publique Marco Mendicino (lettre disponible uniquement en anglais; les citations qui en sont tirĂ©es sont des traductions), la Section du droit des organismes de bienfaisance et Ă but non lucratif de l’Association du Barreau canadien exprime son appui sans rĂ©serve Ă trois recommandations contenues dans le rapport du ComitĂ© spĂ©cial de la Chambre des communes sur l’Afghanistan concernant les lois antiterroristes canadiennes.
Le rapport, intitulĂ© Honorer l’hĂ©ritage du Canada en Afghanistan : RĂ©pondre Ă la crise humanitaire et amener les gens en lieu sĂ»r, cherche Ă donner aux organismes de bienfaisance les moyens d’offrir une aide humanitaire rapide « dans le cadre d’un rĂ©gime lĂ©gislatif raisonnable », rappelle la lettre de l’ABC. Les trois recommandations approuvĂ©es par la section sont les suivantes :
9. Que le gouvernement du Canada agisse sans délai afin de mettre en œuvre la résolution 2615 du Conseil de sécurité des Nations Unies.
10. Que le gouvernement du Canada donne sans tarder aux organisations canadiennes enregistrĂ©es les prĂ©cisions et les assurances indispensables, telles que des exceptions ou des dĂ©rogations, Ă l’acheminement de l’aide humanitaire et Ă la satisfaction des besoins fondamentaux de la population afghane, afin que ces organisations ne craignent plus d’enfreindre les lois antiterroristes canadiennes.
11. Que le gouvernement du Canada revoie les dispositions du Code criminel interdisant le financement du terrorisme et prenne de toute urgence les mesures lĂ©gislatives requises afin de les modifier de manière Ă ne pas restreindre indĂ»ment l’action humanitaire lĂ©gitime menĂ©e dans le respect des principes et du droit humanitaires internationaux.
De nombreuses organisations humanitaires canadiennes ont attesté devant le Comité spécial que les lois et règlements du pays visant le financement du terrorisme rendaient presque impossible toute activité en Afghanistan.
Ces organismes ont besoin de clartĂ© et de l’assurance qu’ils ne seront pas poursuivis pour avoir involontairement violĂ© les lois antiterroristes, par exemple dans des situations oĂą ils ignoraient « qu’une activitĂ© terroriste Ă©tait facilitĂ©e, oĂą une activitĂ© terroriste n’Ă©tait pas prĂ©vue ou planifiĂ©e au moment de la facilitation, ou mĂŞme oĂą aucune activitĂ© terroriste n’a Ă©tĂ© rĂ©ellement menĂ©e », insiste la lettre.
Des organismes de bienfaisance ont Ă©galement attestĂ© que l’interdiction de payer des impĂ´ts ou des taxes en Afghanistan – sur les salaires, les loyers et les importations, en particulier – rendait leur travail beaucoup plus dangereux et entravait leur capacitĂ© Ă travailler dans ce pays.
« Les organismes de bienfaisance qui tentent de se conformer aux lois antiterroristes du Canada ont le choix difficile de continuer Ă Ĺ“uvrer dans le pays sans payer d’impĂ´t et d’exposer ainsi leur personnel Ă de grands risques ou de cesser complètement leurs activitĂ©s en Afghanistan », explique la section.
En décalage avec les pratiques internationales
La section est d’avis que le rĂ©gime canadien de lutte au financement du terrorisme ne concorde pas avec les pratiques internationales, et notamment avec la rĂ©solution 2615 du Conseil de sĂ©curitĂ© des Nations Unies, qui stipule que « l’aide humanitaire et les autres activitĂ©s qui visent Ă rĂ©pondre aux besoins essentiels des personnes en Afghanistan » ne violent pas le rĂ©gime de sanctions de l’ONU contre les talibans.
Le Canada n’a pas encore accordĂ© d’exemption pour l’Afghanistan qui permettrait aux organisations humanitaires d’agir avec la rapiditĂ© requise par l’urgence de la situation sans craindre de violer les dispositions interdisant le financement du terrorisme.
Adoption des recommandations antĂ©rieures de l’ABC
La section soutient Ă©galement que l’adoption rapide des recommandations antĂ©rieures de l’ABC amĂ©liorerait les lois sur le financement du terrorisme et permettrait ainsi au gouvernement fĂ©dĂ©ral et aux organismes canadiens de mieux soutenir les efforts humanitaires en Afghanistan et ailleurs.
L’une de ces recommandations, formulĂ©e lorsque le gouvernement a prĂ©sentĂ© pour la première fois une loi antiterroriste en 2001, prĂ©conise que la Couronne « prouv[e] l’intention criminelle avant de dĂ©clarer quiconque coupable d’une infraction de terrorisme ». Un moyen de dĂ©fense de diligence raisonnable devrait Ă©galement ĂŞtre reconnu aux organismes de bienfaisance canadiens « lorsqu’ils ont, Ă leur insu et en toute bonne foi, allouĂ© des fonds Ă une entitĂ© Ă©trangère ». Le gouvernement devrait, enfin, « Ă©laborer des lignes directrices afin que les organismes de bienfaisance canadiens opĂ©rant Ă l’Ă©tranger ou au pays puissent faire preuve de diligence raisonnable dans leur observation des lois contre le terrorisme ».